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Le docteur en psychologie du développement Didier Pleux et Franck Ramus, directeur de recherches au CNRS en sciences cognitives débattent sur l'éducation des enfants. Selon Didier Pleux, "l'éduction positive est un leurre".

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Transcription
00:00 On va donc poursuivre un débat entamé la semaine dernière sur France Inter quand Léa
00:04 Salamé a reçu la psychologue pour enfants Caroline Goldman.
00:07 Débat autour de l'éducation des enfants, des jeunes enfants, car vous avez été nombreux
00:13 les auditeurs à réagir.
00:15 D'un côté l'éducation dite positive ou bienveillante et de l'autre l'éducation
00:20 dite du time-out qui serait peut-être plus sévère en imposant à l'enfant puni une
00:25 mise à l'écart temporaire hors de l'espace commun sur le modèle du fil dans ta chambre.
00:31 On va donc en reparler ce matin avec deux spécialistes.
00:34 Didier Pleu bonjour.
00:35 Bonjour.
00:36 Vous êtes docteur en psychologie du développement, psychologue clinicien, psychothérapeute.
00:40 Votre dernier livre sorti le mois dernier a pour titre "L'éducation bienveillante,
00:45 ça suffit, on ne peut pas être plus clair".
00:48 Invité également Franck Ramu bonjour.
00:50 Bonjour.
00:51 Franck Ramu, directeur de recherche au CNRS en sciences cognitives, rattaché à l'école
00:56 normale supérieure de Paris et vous avez un avis probablement moins tranché sur la
01:00 question.
01:01 On va voir ce matin justement où sont les nuances.
01:04 Didier Pleu, pourquoi l'éducation dite positive ou bienveillante ne serait qu'un leurre ?
01:09 C'est surtout un leurre dans notre culture parce que moi j'ai participé à deux programmes
01:15 d'éducation positive qui s'appelaient "You can do it" aux Etats-Unis et un programme
01:20 australien qui s'appelle "Triple P", programme de parenté positive.
01:24 Ce que je reproche à la France, à l'interprétation française, c'est que ça n'a rien de l'éducation
01:29 positive, c'est de l'éducation, je disais, du "New Dolto", du "Dolto New Age" parce
01:34 que quand on reprend les écrits des grandes prêtresses de l'éducation positive à la
01:39 française, ce sont les mêmes thèmes que "Dolto", le déterminisme de la petite enfance,
01:45 il n'y a jamais de caprice chez un enfant, que des interprétations, l'inconscient
01:49 domine, alors que dans les techniques d'éducation positive, ce n'était que des techniques
01:53 d'apprentissage validées par les recherches.
01:55 On mettait l'enfant dans une zone d'inconfort et on renforçait positivement ce qu'il
02:00 faisait.
02:01 Donc l'éducation positive à la française, ce que je critique, n'a rien à voir avec
02:05 ce que c'était au départ.
02:06 Il faudrait même imposer des limites à l'enfant, ce serait indispensable à son développement
02:11 donc ?
02:12 Oui, imposer des limites, mais des limites en amont, c'est pareil.
02:15 Le fil dans ta chambre, j'ai bien connu ça quand j'étais enfant, c'est mieux que
02:20 de tergiverser, de continuer de communiquer inlassablement sur les règles, etc.
02:25 Mais c'est vrai que ça ne règle pas le problème.
02:27 L'origine du mal, c'est que beaucoup d'enfants et d'adolescents ont un souci avec ce qu'on
02:32 appelle la tolérance aux frustrations.
02:34 Ils ont bien du mal à accepter les aléas de la réalité.
02:39 Qu'on ne se méprenne pas, Didier Pleu, l'éducation dite punitive non violente, ça n'exclut
02:45 pas l'explication, ça n'exclut pas de rester en contact, bien sûr.
02:48 Bien sûr que non.
02:49 Moi ce que je propose dans mon éducation rationnelle, c'est de garder les bons côtés
02:52 de l'éducation positive, c'est-à-dire le respect inconditionnel de l'enfant, l'accueil
02:57 des émotions, l'empathie bien sûr, mais avec des limites, mais surtout en amont, est-ce
03:02 qu'on peut inclure des choses un peu plus difficiles, des plaisantes, pour que l'enfant
03:06 soit moins vulnérable ?
03:07 Franck Ramu, quel serait le danger pour l'enfant de l'envoyer temporairement dans sa chambre
03:11 après une bêtise ou une crise ?
03:14 Il n'y a pas de danger particulier.
03:17 C'est vrai que des fois on voit des messages du type "si jamais vous dites non à l'enfant,
03:21 ça va endommager son cerveau".
03:22 Non, bien sûr que non.
03:24 Et donc le temps mort, on va dire que c'est la punition la moins sévère, la moins violente,
03:30 et donc elle est tout à fait acceptable.
03:32 Simplement, d'abord, il ne faut pas en abuser, c'est-à-dire normalement ça ne doit pas
03:38 durer plus de quelques minutes.
03:40 Deux, trois minutes de temps mort, ça suffit, et cinq minutes, c'est vraiment le grand maximum.
03:44 Et par ailleurs, ça n'est qu'un ingrédient de parentalité efficace.
03:49 Et ça n'est efficace que si c'est pratiqué dans le cadre d'une technique de parentalité
03:56 qui inclut aussi bien autre chose, et notamment du renforcement du comportement positif.
04:00 Parce que quand l'enfant cherche à nous défier, et là je ne parle plus du très jeune bambin,
04:05 quand l'enfant veut nous défier, n'est-ce pas aussi parce qu'il veut justement qu'on
04:09 lui montre les limites ?
04:10 Oui, je ne suis pas tellement en phase avec cette interprétation, l'idée que l'enfant
04:15 aurait un besoin fondamental de limites.
04:17 Non, je pense que d'un point de vue plus pragmatique, c'est nécessaire de lui imposer
04:20 des limites, d'abord pour sa propre sécurité, évidemment, on ne peut pas le laisser faire
04:23 n'importe quoi, et puis parce qu'on vit en société, donc il faut bien respecter
04:27 les limites des autres, et donc ça, l'enfant doit l'apprendre, et donc les parents doivent
04:31 l'enseigner.
04:32 Franck Ramus, je vous lis les questions sur franceinter.fr, question basique, comment
04:36 démontrer à l'enfant que les limites ont été franchies ?
04:38 Déjà, il faut commencer par lui dire, éventuellement l'empêcher de continuer un comportement
04:46 qui serait éventuellement dangereux, et puis après, disons, on peut punir l'enfant qui
04:53 enfreint les règles, si les règles ont déjà été explicitées, etc., punir notamment
04:58 par le temps mort, mais le plus important, c'est d'enseigner à l'enfant les comportements
05:03 positifs qu'on veut qu'il adopte à la place de ses infractions, et donc ça, le
05:09 plus important, c'est d'enseigner explicitement les bons comportements, et de les renforcer,
05:14 c'est-à-dire de les récompenser, et quand je dis récompenser, je ne dis pas donner
05:18 des cadeaux ou des bonbons à chaque fois qu'il se comporte bien, mais simplement faire
05:22 un sourire, un câlin, un bisou, un compliment, tout ça, ce sont des récompenses pour l'enfant,
05:27 et à chaque fois que son comportement est renforcé de cette manière, sa fréquence
05:32 va augmenter jusqu'à finalement remplacer les comportements indésirables.
05:36 - Didier Pleu, vous êtes donc circonspect sur ce "time out" à la française, on va
05:42 parler de temps mort ou de pause en français, c'est un concept anglo-saxon donc, mais d'où
05:46 vient cet outil au départ ? - Au départ, ça venait aussi de tout ce qui
05:52 était éducation positive, dans le sens où si les renforcements positifs ne marchaient
05:56 pas dans le comportement des enfants, eh bien il y avait effectivement cette extrême réaction
06:00 qui était l'exclusion, comme on fait en sport, "time out", c'est-à-dire c'est un moment
06:05 de réflexion où tout le monde se met à distance, mais je ne suis pas du tout à fait contre,
06:09 j'ai dit que c'était quelque chose pour moi de l'autorité en aval, c'est-à-dire qu'il
06:13 faut surtout se poser la question, comment ça se fait qu'on en arrive à vouloir exclure
06:16 un enfant de la relation, parce qu'il pique une colère, parce qu'il ne veut pas goûter
06:19 les légumes, parce qu'il ne veut pas se coucher, ou l'ado qui ne veut pas rendre son smartphone,
06:24 etc. C'est ça mon affaire au départ qui est très très importante, s'il pique des
06:28 colères, si on en arrive effectivement à en avoir ras-le-bol et de dire "écoute, file
06:33 dans ta chambre", c'est que quelque part on a franchi allègrement des tas de marches
06:37 au niveau, non seulement des règles qu'on a données dans le quotidien, mais ça veut
06:40 dire que notre enfant est très fragile, et moi j'en prends toujours l'hypothèse du
06:45 neuroscientifique Sébastien Boller quand il disait "vous savez, le problème, le bug
06:48 humain, c'est le fameux striatum, le noyau acubens, c'est-à-dire qu'on est tous branchés
06:52 pour le principe de plaisir". Donc un enfant il est 10 000 fois plus branché que nous
06:56 sur le principe de plaisir, donc il va falloir lui apprendre que la réalité c'est sympathique,
07:01 il peut avoir de l'amour, de l'empathie, de l'accompagnement, mais il va falloir aussi
07:05 le rendre beaucoup plus fort sur son côté vulnérable, c'est-à-dire tu voudras toujours
07:10 jouer, tu voudras toujours des câlins, tu voudras toujours t'alimenter, tu voudras
07:13 toujours dominer, tu voudras toujours faire des choses immédiatement. Et c'est ça qu'il
07:17 faut inclure dans l'éducation, c'est-à-dire oui, de l'amour, mais est-ce qu'on peut apprendre
07:22 gentiment à l'enfant à ne pas pouvoir tout le temps répondre à ses demandes ? Et c'est
07:27 ce que j'appelle simplement la frustration.
07:29 - La frustration. On va rappeler d'ailleurs peut-être Didier Pleu que ce time-out, ce
07:34 temps mort, on aurait tort de le limiter à une punition. C'est donc aussi le rapport
07:39 à l'autorité ou bien, vous venez de le dire, la gestion des frustrations ?
07:42 - Oui, oui, mais le time-out c'est quand effectivement l'enfant est en pleine crise et qu'on n'a
07:48 plus autre chose à faire que de lui dire "écoute, on met une sanction un petit peu plus sévère".
07:53 Mais la frustration c'est autre chose, c'est la notion de déséquilibre. Vous savez, moi
07:57 j'étais très séduit par les hypothèses de Renaud Tamasio, c'est un scientifique,
08:02 de Piaget aussi qui disait toujours "attention, pour qu'un enfant s'accomode, s'adapte, il
08:07 va falloir qu'il soit déséquilibré". Et on parlait d'équilibration majeurante. Et
08:11 c'est par la frustration, le déséquilibre, ce que nous on appelle les cognitivistes,
08:16 le conflit cognitif, c'est-à-dire quand par exemple un enfant apprend, quand je fais
08:20 passer des tests à un adolescent qui apprend, je lui demande "qu'est-ce qui se passe dans
08:23 ta tête pendant la passation du test ?" et c'est là que je vois qu'il est en conflit,
08:27 s'il n'y arrive pas. Et le conflit ça peut être un enfant anxieux, qui se sent très
08:31 dévalorisé, qui se sent pas capable d'eux, mais c'est aussi, et de plus en plus malheureusement
08:35 je vois en consultation, des adolescents, des pré-adolescents qui me disent "j'y
08:39 arrive pas, mais ça me gave, j'ai pas envie de le faire". Donc là ça donne des indices
08:43 sur leur intelligence émotionnelle et c'est ça qu'on va travailler si ça manque. Donc
08:47 c'est pas toujours une affaire de dévalorisation, c'est une affaire d'intolérance aux frustrations.
08:51 - Franck Ramut, gérer les frustrations, quel sens ça prend aujourd'hui depuis l'univers
08:56 des téléphones, des écrans, des réseaux sociaux ?
08:58 - C'est sûr que le plaisir il est partout, les tentations sont partout. Et c'est très
09:05 bien. C'est très bien, simplement il faut arriver à gérer son temps, gérer ses priorités,
09:10 avoir une diversité d'activités. Donc effectivement c'est important que les enfants puissent apprendre
09:16 à stopper une activité, passer à une autre et décider eux-mêmes ce qu'ils veulent faire
09:22 plutôt que se laisser guider par la voie de la plus grande facilité, bien entendu.
09:28 - Franck Ramut, Didier Pleu l'a évoqué, quand les frustrations n'ont pas été bien
09:31 gérées dans l'enfance, ça peut avoir, vous l'avez vérifié comment, quel impact
09:35 chez les pré-adolescents, puis les adolescents ?
09:37 - Je ne saurais pas dire si vraiment il y a un tel déterminisme entre le défaut de
09:47 gestion des frustrations dans l'enfance et des problèmes à l'âge adulte. Bon, c'est
09:51 quelque chose qu'il faut acquérir de toute façon, donc il faut que les parents s'en
09:54 soucient, c'est nécessaire dans la vie, c'est tout.
09:57 - Didier Pleu, quand la coupure avec les parents n'est pas réussie, il va falloir subir quel
10:01 type de conséquences psychiques alors ?
10:03 - Je n'ai pas entendu, quand la quoi ?
10:06 - Quand la coupure avec les parents n'est pas bien réussie, puisqu'il faut prendre
10:10 une autonomie, c'est toute la gestion de la frustration, là encore, quand ça ne se
10:14 passe pas bien, ça génère quel type de conséquences psychiques chez l'enfant plus tard ? L'enfant
10:20 qui devient adolescent.
10:21 - Oui, mais là je prends aussi ça avec des hypothèses. L'autonomie, c'est un résultat,
10:24 c'est l'objectif bien sûr de la parentalité, mais moi je ne parle pas d'autonomie quand
10:27 on fait de l'éducation. Quand on fait de l'éducation, c'est un objectif, mais c'est
10:31 un apprentissage. Donc moi, quand on me dit "mon enfant est très autonome, il est capable
10:36 de manger tout seul avec ce qu'il y a dans le frigidaire", ce n'est pas de l'autonomie,
10:39 ça c'est du principe du plaisir. Quand on me dit "il est capable de s'habiller, de
10:43 choisir ses vêtements tout seul", non, ce n'est pas de l'autonomie, il se fait plaisir.
10:46 L'autonomie, c'est justement, est-ce qu'un enfant, un adolescent, est capable d'affronter
10:51 le réel quand ce n'est pas drôle ? C'est-à-dire quand il n'y a personne pour mettre des filets
10:55 de secours partout. Donc ça rejoint toujours mon hypothèse, l'autonomie, elle sera vraiment
10:59 acquise quand le parent fera autorité, parce que ça ne vient pas tout seul. L'adolescent
11:05 ne va pas décider tout seul de mettre son smartphone ailleurs que dans sa chambre. L'enfant
11:11 ne va pas décider tout seul de répéter les mots qu'il a appris à l'école primaire
11:14 le soir, ou le pré-adolescent de faire son solfège qu'il en kikine pour jouer à l'instrument
11:19 de musique, ou le sportif de s'entraîner des choses pas drôles avant de jouer au match
11:24 de foot. Donc c'est l'adulte qui fait autorité, qui fait ce qu'on appelle une médiation au
11:28 départ. Je vais t'apprendre que pour obtenir un hedonisme à moyen et long terme, il faut
11:33 malheureusement aussi acquérir des choses pas faciles, mais avec l'objectif bien sûr
11:37 d'avoir du fun. - Et vous estimez Didier Pleu que les parents réussissent aujourd'hui à
11:43 bien gérer les smartphones des adolescents ou c'est bataille perdue ? - Non, non, c'est
11:48 pas bataille perdue, mais à partir du moment où ils entendent le chant des sirènes du
11:52 style "mais si l'enfant est autonome et bien dans sa tête, si l'attachement est sécure,
11:56 s'il a été bien aimé, etc.", il va de lui-même accepter toutes ces contraintes-là. Non, il
12:01 faut que les parents gardent du bon sens, c'est-à-dire, non, un adolescent ne va jamais
12:05 se dire "je vais faire ça parce que Pleu a dit que c'était bon pour le psychisme ou
12:08 la frustration est formidable". Non, non, ils n'ont pas envie. Donc l'éducation, il faut
12:13 aider les parents à avoir du bon sens et puis surtout qu'ils regardent "mais qu'est-ce
12:16 qui marche ?" non pas "est-ce que j'ai raison, est-ce que Goldman a raison ou est-ce que
12:20 Filhoza a tout ça en raison ?" "Est-ce que ça marche ?" Quand j'entends dans les dernières
12:24 œuvres de Caroline Goldman qu'effectivement il ne faut pas que l'enfant pleure du tout
12:28 quand il est petit, ben voilà, on retrouve du dolto, quoi. Il n'y a jamais de caprices.
12:33 Je ne dis pas qu'ils sont capricieux, mais c'est idiot de dire qu'il n'y a que des caprices
12:36 chez l'enfant comme c'est stupide de dire "il ne faut jamais qu'il pleure". Le bon sens,
12:40 le parent verra. Est-ce qu'en allaitant à la demande, mon enfant, il est rassasié ou
12:44 au contraire il en demande plus ? Il faut rester dans le réel. C'est pour ça que j'appelle
12:47 ça, moi, une éducation rationnelle. Parents, regardez ce qui marche et ce qui ne marche
12:51 pas, mais attention aux sirènes de tout ce qui est théorie et c'est ce que j'ai contesté
12:55 dans mes livres. Il y a eu une psychanalysation de l'éducation en France et Caroline Goldman
13:00 était psychanalyste, si je ne comprends pas, la guerre intestine avec l'éducation positive
13:04 à la française, philosophie de psychanalyste. Ils sont tous dans la psychanalyse.
13:08 - Sur le rôle des parents, Franck Rameau, est-ce que vous estimez que les parents, aujourd'hui
13:12 plus qu'hier, sont peut-être un peu trop sur le dos de leurs enfants ?
13:16 - Sans doute pas plus qu'hier, non. Disons, la parentalité évolue. Le mode de parentalité
13:25 autoritaire à l'ancienne, c'est quand même ce qui vient le plus naturellement et le plus
13:29 spontanément aux parents. Après, ça vient à certains plus qu'à d'autres et puis ça
13:33 dépend aussi de l'enfant qu'on a. Tous les enfants ne sont pas pareils. Il y en a qui
13:37 sont très faciles et on va pouvoir les élever avec n'importe quelle méthode. Et puis, il
13:42 y en a qui sont plus difficiles. Les parents peuvent se trouver très démunis selon qu'ils
13:49 ont été conseillés par la psychanalyse ou par une version un peu édulcorée de l'éducation
13:53 positive. Là, ils vont avoir besoin de conseils beaucoup plus affûtés pour être efficaces.
13:58 - Didier Pleu, je vous pose la même question. Est-ce qu'aujourd'hui, l'enfant fait l'objet
14:01 d'une attention peut-être un peu extrême de la part des parents ?
14:03 - Oui, je pense. Parce qu'avec tout ce qu'ils lisent et tout ce qu'ils entendent, c'est
14:08 là qu'on a les parents, comme on dit, hélicoptères, qui font attention à tout. Parce qu'on leur
14:12 dit que si vous ratez les premières étapes de l'enfance, c'est fichu. Il en a pour toute
14:17 sa vie. Donc non, il n'y a pas de déterminisme. Il faut répéter ça inlassablement. C'est
14:21 l'hypothèse psychanalytique, que tout est foutu à cause des traumatismes de la petite
14:25 enfance. Non, l'enfant peut se reconstruire, etc. Mais à force de dire ça depuis 50 ans,
14:30 les parents, ils sont comme s'ils étaient sur une marche sur des oeufs avec les enfants.
14:33 Ils se disent "mais si je fais ça", inconsciemment, il est en train de rater son complexe d'Oedipe.
14:36 "Si je fais ça, attention, la crise d'adolescence, il faut que je l'accepte, sinon, s'il n'est
14:41 pas rebelle, ça sera insoumis ou je ne sais quoi". Non, non, il n'y a pas de crise d'adolescence.
14:45 Il y a des adolescents en crise. Il faut arrêter avec les hypothèses classiques de la psychologie
14:49 qui ont fragilisé la parentalité. Je répète, un peu de théorie, mais surtout beaucoup
14:53 de bon sens. - Avec des parents, Didier Pleu, qui sont
14:56 parfois encouragés par les scientifiques, qui expliquent parfois qu'il faut garder le
15:00 bébé la nuit dans la chambre parentale, les 6 premiers mois, pour prévenir de la
15:04 mort subite du nourrisson. Vous en pensez quoi de ça ?
15:07 - Oh ben non, là, ça me fait sourire, parce que vous avez qu'à lire Jérôme Cagan, qui
15:11 est un grand neuropsychologue-chercheur aux Etats-Unis, qui avait fait un bouquin formidable
15:16 sur la psychologie, il était en train de prouver par exemple que la théorie de l'attachement
15:21 de John Bolby, c'était avec 38 enfants. 38 enfants, vous imaginez, les grands échantillons.
15:26 Et il parlait en même temps d'autres enquêtes qui avaient été faites en Allemagne, quand
15:30 les mamans allemandes allaient faire les courses en laissant leur enfant dans leur chambre
15:33 pendant deux heures. Vous voyez, donc, on peut faire dire n'importe quoi aux recherches.
15:37 Comme disait mon directeur de thèse, on trouve toujours ce qu'on cherche.
15:40 - Franck Rameau, qu'est-ce qu'on fait de cette phrase, que l'enfant serait devenu
15:44 la huitième merveille du monde ? On met ça à distance ?
15:46 - Non, non, mais disons, c'est très bien que quand même le respect de l'enfant ait
15:52 progressé et que la plupart des parents aient compris que c'est important d'être bienveillant
15:57 avec son enfant et qu'on essaye d'être moins punitif que dans le passé.
16:02 - Mais on sent des parents qui peinent à punir tout de même, qui entendent peut-être
16:06 trop dans les médias partout, et peut-être même chez nous, je nous mets dans la liste,
16:11 d'être trop prudent ? - Oui, oui, de ce point de vue-là, je suis
16:15 assez d'accord avec Didier Pleu, mais le but n'est pas de dire aux parents, il faut revenir
16:19 à l'éducation autoritaire d'antan. Ce qui est important, c'est de leur donner des clés
16:24 d'efficacité, en fait, leur dire, c'est très bien, restez bienveillant, mais si votre enfant
16:28 a un comportement difficile, vous avez besoin d'autre chose que de la bienveillance. Il
16:32 va falloir renforcer le comportement positif, enseigner explicitement les comportements
16:37 que vous voulez obtenir, parce que c'est ça finalement qui n'est véhiculé ni par la
16:42 psychanalyse, ni par la version édulcorée de l'éducation positive qu'on voit en France.
16:47 Et donc là, on a vraiment besoin de faire entendre la voix de la psychologie scientifique,
16:52 parce qu'il y a quand même eu des centaines d'études qui ont testé expérimentalement
16:56 différentes pratiques parentales, et qui ont quand même pas mal montré ce qui marche
17:01 et ce qui marche moins bien. - Alors je sais bien qu'il n'y a pas de recette
17:03 miracle, je vous pose quand même la question à tous les deux, question récurrente de
17:06 certains et certaines de mes collègues de bureau, jeunes parents, quand ils ont su que
17:09 vous seriez invité ce matin. Comment faire quand la crise de pleurs de l'enfant s'éternise,
17:14 y compris après de l'avoir envoyé seul dans sa chambre ? On fait comment ?
17:17 - Eh bien, on fait... - Allez-y Didier Pleu.
17:22 - Oui, mais c'est toujours pareil, le mettre dans sa chambre... Oui, un enfant en bas âge,
17:27 si vous voyez qu'un enfant a été rassasié au niveau alimentaire, un tout petit, au
17:31 niveau des câlins, etc., et qu'il y a des tas de pleurs incessants, là on peut tenter
17:35 de le mettre tout seul dans sa chambre et puis ça va s'atténuer, il suffit de chanter
17:38 une petite chanson, un petit truc et ça va arriver. Si au contraire on voit qu'un enfant,
17:44 c'est un signe, il nous fait un signe comme quoi il y a peut-être une mouche, mais il
17:47 y a peut-être une autre chose, etc., bon dans ce cas-là on reprend l'hypothèse traditionnelle
17:50 qui veut nous parler, nous dire quelque chose. Mais c'est pareil, c'est du bon sens, c'est
17:54 des parents qui savent bien faire ça. - Franck Ramu, il reste 30 secondes, dernière
17:58 question, ce serait donc toujours l'anxiété des parents que l'enfant reproduirait dans
18:01 les crises de pleurs ? - Non, non, pas du tout. Il peut avoir des
18:04 très bonnes raisons de pleurer, bien entendu. - Très bien, merci et j'espère qu'on a bien
18:09 éclairé les auditeurs et auditrices de France Inter qui avaient beaucoup de questions à
18:14 nous poser sur ce débat de l'éducation des enfants. Merci à tous les deux d'être venus
18:18 en parler ce matin sur France Inter. Didier Pleu, Franck Ramu, merci à vous deux et bonne

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