AVENIR : Un verre avec Jean-Claude Defossé, interview de l'ancien trublion de la RTBF.
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00:00 Dites-moi, avant de commencer, est-ce que c'est M. Dubier, M. Defossé, Jean-Claude...
00:04 Les deux ou les trois ?
00:06 Bonjour !
00:16 Bonjour !
00:17 Soyez bienvenus dans mon lieu.
00:19 Merci.
00:19 Vous vous prendez le chemin ?
00:20 Allez, je vous suis.
00:21 Allez alors.
00:22 Merci de me recevoir dans cette chouette maison à la campagne.
00:25 Oui.
00:26 C'est bien ?
00:27 Vous trouvez ?
00:28 Ah ben oui, c'est sympa, il y a de la lumière...
00:30 C'est le but, puisque je me suis retranché ici après ma carrière de journaliste
00:36 pour reprendre mes pinceaux comme c'était le cas dans la première partie de ma vie.
00:40 Il paraît que vous êtes un indécrottable emmerdeur.
00:50 Oui, je pense, mais c'est ce qu'on me dit encore souvent.
00:54 Encore maintenant.
00:54 Je fais une carrière d'emmerdeur, disons comme ça, oui.
00:57 Et donc j'ai toujours été un peu provocateur.
01:00 J'ai du mal à être sérieux tout le temps.
01:03 Et donc je m'en sors en faisant un peu la bessine.
01:09 Vous vous décrivez, et là je vais prendre mes notes parce que ce n'est pas simple,
01:18 vous vous décrivez comme anti-clérical, anti-flaminguant, anti-monarchie,
01:23 anti-militariste, anti-SNCB, anti-autorité...
01:25 Anti-SNCB, ça je ne sais pas.
01:27 Anti-Luc Beyer ?
01:28 Non, pas anti-Luc, le pauvre, Dieu est son dame si je puis dire.
01:33 Anti-médecin, anti-politique, anti-tout quoi.
01:36 Non, pas anti-tout, non, non.
01:38 À travers toutes ces choses que vous avez citées, j'ai un esprit critique.
01:43 Je les analyse et je trouve qu'il y a des choses à redire
01:46 dans cette panoplie de situations.
01:49 On peut les reprendre l'une après l'autre, mais ce sera un peu trop long.
01:52 Pour prendre l'exemple des religions et du cléricalisme,
01:56 c'est un truisme de constater que les religions sont le ferment
02:00 de toutes les guerres depuis qu'elles existent, et encore aujourd'hui.
02:04 Durant toute l'histoire, les religions ont été des causes de guerres.
02:08 La hiérarchie religieuse, je ne dis pas des gens qui croient,
02:11 chacun a le droit de croire, mais en tout cas les structures religieuses
02:15 dans le monde et depuis toujours, ont toujours été des ferments de guerres.
02:19 C'est une évidence et donc je me permets de critiquer ça.
02:23 Je ne vois pas pourquoi je ne gênerais d'ailleurs.
02:26 Ce qui se passe en Israël et en Palestine,
02:29 qui normalement c'est l'endroit des trois religions du livre,
02:32 ça devrait être les chrétiens, les musulmans et les juifs,
02:36 tout le monde se fout sur la gueule à longueur de journée.
02:39 On pourrait bien un petit café, non ?
02:42 On pourrait être dans le thème de la réplique.
02:44 Allez, allez.
02:45 Bon, Jean-Claude, Skol alors.
02:54 Santé.
02:55 Et on passe au tutoiement, c'est plus simple, c'est plus facile.
02:57 Oui, notre collègue, ou ex-collègue, je ne sais pas, comme on veut.
03:00 Confrère.
03:01 Dans les premiers chapitres, tu retraces ton enfance
03:11 et on ne peut pas dire que c'était Alice au Pays des Merveilles.
03:14 Non, non.
03:16 Mais peut-être que j'aurais dû ajouter
03:18 que même si ce n'était pas Alice au Pays des Merveilles,
03:23 quand on vit ce genre de situation, on la trouve normale.
03:27 Ce n'est qu'en se comparant à un moment donné aux autres
03:30 qu'on découvre qu'on est, comment dirais-je, déclassé.
03:33 D'une certaine manière, je n'étais pas malheureux
03:36 parce que c'était normal.
03:38 Je n'ai jamais crevé de faim,
03:39 ça il faut le dire, peut-être pendant la guerre,
03:41 mais ça j'étais trop petit, je ne m'en souvenais pas.
03:43 Mais donc j'ai vécu une sorte de caramondisation de mon père
03:46 qui au départ gagnait relativement bien sa vie
03:49 et puis il est tombé malade,
03:50 il a été escroqué par un associé
03:53 et puis finalement on a vécu de...
03:56 Petitement.
03:57 Est-ce que ça a forgé ton caractère
04:02 de vouloir dénoncer les injustices,
04:05 dénoncer l'argent gaspillé et ce genre de choses-là ?
04:08 On en doute bien.
04:09 On ne connaît pas les ressorts et les motivations,
04:13 on est tous le fruit d'une série de hasards.
04:16 Normalement, je n'aimerais jamais devenir journaliste.
04:19 Et c'est grâce à un examen que j'ai réussi,
04:22 tout à fait par hasard,
04:23 je me suis retrouvé journaliste,
04:24 j'ai découvert que ça m'allait comme un gant.
04:27 Je peux dire que j'ai plutôt trouvé mon trou à l'RTBF
04:31 et j'ai été le premier surpris bien entendu.
04:33 [Musique]
04:39 Je tiens à dire que moi comme journaliste,
04:40 j'ai fait des choses beaucoup plus intéressantes
04:43 que je considère comme très très intéressantes
04:45 et plus intéressantes que ça,
04:47 notamment des émissions sur l'extrême droite,
04:49 sur le Carmont, sur la misère,
04:51 où on pleurait du début à la fin.
04:53 Je ne suis pas qu'un comique troupier qui fait rigoler.
04:57 Tu faisais rigoler là, mais en dénonçant quand même
05:00 des dysfonctionnements.
05:01 Les gens riaient jaune.
05:03 Pourquoi ils riaient jaune ?
05:04 Il y en avait partout.
05:05 Il y avait un lit aussi bien en flanc qu'en Wallonie et à Bruxelles,
05:08 heureusement d'ailleurs,
05:09 et j'ai découvert que c'était comme une plote de laine
05:12 sur laquelle on tirait
05:13 et ça a duré deux fois pendant neuf mois
05:17 et ça a fait effectivement, entre guillemets, ma gloire.
05:19 Je suis devenu l'emmerdeur de service.
05:24 Les gens riaient, mais ils riaient jaune
05:26 parce que c'était l'époque des gouvernements Martin Skoll
05:30 où on se serrait la ceinture,
05:31 il y avait des sauts d'Aïk-Dex.
05:32 Donc on demandait aux gens de se serrer la ceinture
05:35 et ils voyaient toutes les conneries qu'on avait faites,
05:37 qu'on avait dépensées.
05:38 Donc c'était grinçant
05:40 et j'ai été mal vu par le monde politique, bien entendu.
05:43 Plusieurs fois, il y a des ministres qui m'ont dit
05:45 "Maintenant, on fait gaffe,
05:46 on ne tient pas à ce que l'imbécile nous tombe dans les..."
05:48 Ils ne disaient pas comme ça, hein, "dans les pattes".
05:50 Je précise bien que si moi j'étais journaliste sportif,
06:00 je serais dans la même situation qu'eux.
06:02 Ils sont dans une situation,
06:03 surtout les journalistes sportifs de TV,
06:06 notamment dans le foot,
06:07 dans des situations de chantage.
06:10 Ce n'est jamais les journalistes sportifs,
06:12 quasi jamais, qui ont révélé l'histoire,
06:14 je prends l'exemple de l'affaire Bosman.
06:17 Bosman, aucun journaliste sportif
06:20 ne l'a jamais donné la parole
06:22 avant que moi, avec Bernard Watelet,
06:25 j'ai fait une émission "Les pieds dans le plat"
06:27 pour montrer l'affaire Bosman
06:28 et montrer comment ce type avait été martyrisé.
06:31 Il y avait le grand patron du football belge
06:33 qui s'appelait Doog,
06:34 le...
06:35 Michel Doog, ouais.
06:35 Michel Doog.
06:37 Un jour, la Belgique a organisé,
06:39 je crois, le championnat d'Europe
06:40 en 2000.
06:41 de football,
06:42 et j'ai été interviewé à cette occasion,
06:44 Doog, et puis, incidemment,
06:46 j'ai dit "mais maintenant que le jugement a été fait
06:49 avec Bosman,
06:51 vous allez l'inviter dans la tribune
06:53 pour le championnat du monde ?
06:56 Pas de chance, il me dit.
06:57 Tous les tickets sont justement vendus.
07:01 Donc, ils ne reconnaissaient même pas la justice
07:03 comme ayant donné raison à une évidence,
07:06 c'est que l'esclavagisme dans le football
07:09 qui a existé de manière scandaleuse
07:12 a été rompu grâce à Bosman.
07:15 Les journalistes sportifs
07:16 n'en ont jamais parlé de cette affaire-là.
07:18 L'affaire Festina, même chose.
07:21 Les dopages dans le cyclisme.
07:24 Je ne vais pas faire un dessin, hein.
07:25 Après, Armstrong, après.
07:27 Chaque fois qu'il y a un truc un peu croustillant
07:30 dans les vestiaires,
07:33 on n'en parle pas.
07:34 Et je pense que c'est parce qu'il y a une situation d'otage
07:37 de la part des journalistes,
07:38 et je répète, je crois que si j'avais été journaliste sportif,
07:40 je ne crois pas que j'aurais pu le faire plus
07:41 parce que j'aurais volé de l'or.
07:42 Mais c'est toujours, presque toujours,
07:45 des journalistes non sportifs
07:46 qui doivent pointer ce qui ne va pas dans le sport.
07:49 C'est un fait objectif difficilement niable.
07:57 Et donc, tu te dis non anti-royaliste,
08:01 mais tu es quand même officier de l'ordre de la couronne.
08:03 [Rires]
08:05 C'est vrai quand même.
08:06 On ne m'a pas demandé mon avis,
08:08 mais je raconte ça.
08:09 C'est plutôt officier du désordre, non ?
08:12 Je tiens à préciser que je ne veux pas,
08:15 comme je raconte,
08:16 je veux bien devenir,
08:18 comme le tunnel est devenu le tunnel à Nicordie,
08:21 je veux bien être de l'ordre de la couronne d'Anicordie,
08:24 mais sûrement pas de l'ordre de la couronne de Vachard.
08:27 Donc, je n'ai jamais demandé ça.
08:30 Et en plus, si je veux avoir une breloque,
08:32 je dois même la payer.
08:33 Autant te dire que je n'aurai jamais une breloque
08:35 à ma boutonnière de l'ordre de la couronne.
08:38 Fin de carrière médiatique,
08:46 tu ne trouves rien de mieux à faire
08:47 que de faire de la politique.
08:48 C'est un truc, c'est une erreur de parcours.
08:52 Et puis, j'arrive à la pension.
08:54 Et en même temps, il y a les écolos
08:56 qui me proposent de me mettre
08:58 dernier sur la liste de Bruxelles.
09:00 J'ai réfléchi, j'ai beaucoup hésité.
09:03 Et puis, il y a eu un article,
09:05 je ne sais plus dans quelle journée,
09:06 je crois que c'est ce soir,
09:07 qui s'est infiltré.
09:08 Je ne sais pas qui a filtré,
09:09 que c'était en pourparler.
09:11 De foncer plus vert que jamais !
09:13 Pour l'exclamation, c'est un plaisir.
09:16 Donc, j'ai des grillés.
09:18 Et Philippot m'a téléphoné,
09:21 qu'est-ce que j'apprends ?
09:22 Ne faites pas ça, ce n'est pas pour vous,
09:24 vous allez vous emmerder.
09:25 Il a raison.
09:26 Moi, je me sentais grillé,
09:28 je voulais me garder.
09:29 Et j'ai dit, je dis, je dis,
09:32 il déconnait.
09:33 Et donc, j'ai mis le doigt dedans,
09:34 et j'ai découvert que ce monde
09:35 n'était absolument pas fait pour moi.
09:37 Ce n'est pas mon truc.
09:38 Quelque part, je pense qu'un journaliste,
09:45 quand on le jette par la porte,
09:46 il doit rentrer par la fenêtre.
09:48 [Générique]
09:53 [Musique]