ENQUÊTE. Retour sur l’affaire Aristophil, ou comment une extraordinaire collection de 130 000 manuscrits, de Sade à Proust en passant par Hugo, Mozart, ou Einstein, a englouti les économies de 18 000 petits épargnants, grâce à un système bien huilé. https://www.lejdd.fr/societe/enquete-affaire-aristophil-gerard-lheritier-la-naissance-dun-geant-de-papier-135071
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00:00 Gérard L'Irritier, c'est un homme d'affaires qui a créé une société appelée Aristophile,
00:05 qui proposait à des épargnants d'investir non pas dans de l'or ou des produits financiers,
00:10 mais dans des manuscrits d'auteurs célèbres comme Victor Hugo ou Saint-Exupéry,
00:14 ou de grands personnages historiques comme Napoléon.
00:16 Et il faisait miroiter à ses épargnants un taux d'intérêt d'environ 8% par an,
00:21 donc c'était colossal.
00:23 Et 18 000 épargnants ont ainsi souvent investi toutes leurs économies dans ces manuscrits proposés par M. Gérard L'Irritier.
00:31 Gérard L'Irritier, c'est un très bon communicant.
00:40 Et donc, pour donner de l'honorabilité à toute son entreprise,
00:44 il a par exemple créé un musée des manuscrits Boulevard Saint-Germain à Paris.
00:48 On avait l'impression que c'était une sorte de musée officiel.
00:50 Il y a reçu trois présidents de la République.
00:53 Il organisait beaucoup de rencontres avec des écrivains célèbres,
00:57 des journalistes célèbres, notamment Patrick Poivre-Darvore.
01:00 Il remettait des prix à des personnalités importantes,
01:03 comme au secrétaire perpétuel de l'Académie française.
01:06 Il faisait des dons à la Bibliothèque nationale de France.
01:08 Il y avait donc une espèce de halo d'honorabilité autour de toute cette entreprise aristophile.
01:14 Gérard L'Irritier, c'était un homme très chaleureux
01:21 et qui, avec l'argent de ses épargnants, n'hésitait pas à faire des cadeaux.
01:27 Par exemple, il offrait des manuscrits à son ami Patrick Poivre-Darvore.
01:31 Lorsqu'il organisait des rencontres avec des écrivains ou des journalistes,
01:34 il les payait quatre ou cinq fois plus que ce qu'on est payé d'habitude pour ce type de rencontre.
01:39 Il n'hésitait pas à sauter dans un jet privé pour aller acheter un manuscrit à Londres, à New York.
01:45 Donc, il y avait comme ça toute une espèce d'image d'homme
01:49 qui baignait dans ce milieu de la culture, dans le milieu des ventes aux enchères,
01:52 qui était très connu, très apprécié et qui faisait, c'est vrai,
01:57 beaucoup marcher son carnet de chèques pour se créer, on va dire, des amis.
02:02 Le système aristophile, qui promettait donc 40 % de rendement tous les cinq ans,
02:11 n'était pas tenable puisque les manuscrits, évidemment,
02:14 n'augmentaient pas de cette valeur tous les cinq ans.
02:17 Et donc, on était dans une sorte de système où les nouveaux investisseurs
02:20 servaient en réalité à payer les intérêts des premiers investisseurs.
02:24 Mais dans ces systèmes-là, dès que les investisseurs se font plus rares,
02:28 il devient de plus en plus compliqué et bientôt impossible de rembourser les anciens investisseurs.
02:32 Et vous avez une sorte de pyramide inversée qui, un beau jour, s'effondre.
02:36 Et puis, en novembre 2014, les pouvoirs publics, voyant que le système commençait vraiment à imploser,
02:42 on était quand même à un milliard d'investissements,
02:45 a décidé de mener des perquisitions, d'arrêter un peu tout le monde
02:48 et puis de stopper un peu la folle course en avant d'Aristophile.
02:52 L'affaire Aristophile a donc éclaté judiciairement en 2014
03:01 et il aura fallu attendre dix ans pour espérer avoir enfin un procès,
03:06 sans doute l'an prochain, en 2024.
03:08 Un procès où Gérard Léritier et neuf ou dix autres personnes liées à Aristophile
03:13 vont comparaître pour escroquerie en bande organisée,
03:17 une qualification assez lourde qui peut valoir jusqu'à dix ans de prison.
03:20 Près de 4000 petits épargnants sont partis civils,
03:24 se considèrent donc comme des victimes et vont donc réclamer
03:27 le remboursement de leurs investissements à l'occasion de ce procès.
03:30 [Rire]