• l’année dernière
Véronique Bédague, présidente-directrice générale de Nexity, est l'invitée de 7h50. Elle revient sur la tribune qu'elle a signée dimanche dans le JDD sur la crise du logement. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50/l-invite-de-7h50-du-lundi-24-avril-2023-4652200

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00:00 7h49, Léa Salamé, votre invitée ce matin est la PDG du groupe Nexity.
00:04 Bonjour Véronique Bédag.
00:06 Bonjour Léa Salamé.
00:07 Merci d'être avec nous ce matin.
00:08 Je rappelle que Nexity est le premier groupe immobilier français avec plus de 8000 salariés
00:12 et près de 5 milliards d'euros de chiffre d'affaires et que vous co-animez par ailleurs
00:16 avec Christophe Robert de la fondation Abbé Pierre le Conseil National de la Refondation
00:19 consacré au logement.
00:20 Ce matin dans le Figaro, Geoffroy Roudbézieux est lapidaire.
00:23 On va vers une catastrophe sur le logement.
00:26 Hier, vous-même lanciez un avertissement dans le journal du dimanche.
00:30 Le logement subit un choc d'une violence folle.
00:32 Dites-vous, qu'est-ce qui se passe ?
00:34 Et bien, il y a historiquement dans le secteur du logement, et ça fait des années que ça
00:38 dure, pas assez d'offres, on ne construit pas assez.
00:41 Alors ça a été renforcé depuis les dernières élections municipales.
00:44 Et puis tout à coup est arrivée au fond la guerre en Ukraine, la hausse des taux.
00:47 Et cette hausse des taux d'intérêt a diminué d'à peu près 25%.
00:51 Un quart de cette énorme, le pouvoir d'achat immobilier des Français.
00:55 Mais concrètement, quels sont les indicateurs que vous avez et qui vous inquiètent ?
00:58 Alors il y a des indicateurs avancés.
01:00 Christophe Robert le dirait mieux que moi.
01:02 Mais 100 000 personnes mal logées de plus, 10% de plus de personnes à la rue, 100 000
01:07 demandeurs de logements sociaux en plus l'année dernière.
01:10 Et puis nous, ce que l'on voit dans le métier de Nexity, c'est d'une part évidemment
01:15 l'effondrement des ventes de logements neufs, puisque les Français n'ont plus les crédits
01:20 pour les acheter.
01:21 Et puis dans nos activités de service, et c'est là au fond que la crise se concentre,
01:27 un blocage complet du marché de l'allocation.
01:30 Alors pourquoi le marché locatif est à ce point bloqué ? Pourquoi ça devient encore
01:35 plus difficile de louer un appartement ? Et j'ai envie de vous dire, surtout pour les
01:39 jeunes, ça devient, ça l'a toujours été, mais ça devient encore plus catastrophique.
01:42 Il y a deux éléments.
01:43 Il y a d'abord le fait que le logement neuf est un marché de respiration du stock.
01:48 C'est-à-dire que quand on construit des logements neufs, il y a du mouvement, il
01:51 y a moins de logements neufs sur le marché et donc il y a moins de mouvement dans le
01:54 stock.
01:55 Et puis évidemment, les jeunes, et les plus modestes de nos concitoyens, ont vraiment
02:01 beaucoup plus de mal qu'autrefois d'avoir accès à la propriété.
02:04 Vous racontez que beaucoup de jeunes ne rendent plus leur chambre d'étudiant à la fin
02:07 de l'année par peur de ne pas en retrouver une autre.
02:09 Oui, l'année dernière, on a eu un taux d'occupation de nos résidences étudiantes
02:12 UDA de 97%.
02:13 Chiffre que pour tout vous dire, je n'ai pas compris.
02:16 Ça n'existe pas.
02:18 Et bien si.
02:19 Parce qu'en général, tu rends ta chambre à la fin de l'année.
02:21 Et l'année dernière, ça n'a pas été le cas.
02:22 Ils ne la rentrent pas.
02:23 Ils n'ont pas rendu leur clé.
02:24 Ils ont payé au fond leur location pendant l'été parce qu'ils n'avaient peur de
02:27 ne pas retrouver un logement à la rentrée étudiante.
02:30 Alors au cœur de la crise, vous l'avez dit, il y a cette remontée des taux d'intérêt,
02:33 cette décision des banques centrales pour contrer l'inflation avec la guerre en Ukraine.
02:37 Mais du coup, les banques font désormais des crédits immobiliers avec des taux d'emprunt
02:41 de plus de 3%.
02:42 C'est du jamais vu depuis 10 ans.
02:43 Alors évidemment, les particuliers hésitent à acheter et les promoteurs à investir.
02:48 Ce qui est surtout, c'est que moins qu'ils hésitent, parce que je pense que le désir
02:53 de logement et le désir d'être propriétaire de son logement, d'investir dans le logement
02:57 reste là.
02:58 Mais simplement, les banques offrent beaucoup moins de crédits immobiliers.
03:03 Pourquoi ? Parce que le taux au fond de leurs ressources augmente et elles ont du mal à
03:08 le répercuter sur les crédits immobiliers.
03:10 Il y a aussi l'élément des règles dont je parle souvent du Haut conseil à la stabilité
03:16 financière au 1er janvier 2022, qui a vraiment profondément réduit les conditions d'octroi
03:22 des prêts.
03:23 Il y a beaucoup moins de liberté.
03:24 Vous demandez quoi aux banques ? Vous dites "prenez plus de risques, traitez plus".
03:28 Je pense qu'il faut d'abord revisiter ces règles du Haut conseil à la stabilité financière
03:33 prise l'année dernière, qui vraiment bloquent l'initiative des banques.
03:37 Mais vous ne pensez pas que si l'inflation reflue dans quelques mois en 2024, ça ira
03:41 mieux ? Au fond, les taux d'emprunt baisseront et les banques prêteront davantage ? Vous
03:44 ne pensez pas que c'est conjoncturel ?
03:45 Non, je pense que c'est plus durable.
03:48 On voit bien que l'inflation, on nous a dit "l'inflation, ça n'est pas grave, il y a
03:51 un pic, ça va redescendre".
03:52 Et en fait, l'inflation, elle reste quand même à un haut niveau.
03:55 Et donc, cette crise-conclusion touche aussi l'emploi.
03:59 Vous parlez d'une bombe à retardement social et notamment dans le secteur du BTP, le secteur
04:04 du BTP qui annonce 100 000 jobs en moins cette année, c'est ça ?
04:07 2024-2025, moi je pense que cette évaluation est même sous-évaluée.
04:12 Moi, quand j'ai fait mes premiers calculs au mois d'octobre, quand j'ai vu monter les
04:15 taux d'intérêt, j'avais fait une évaluation à peu près 160 000 emplois.
04:19 Bien sûr, si nous, nous ne lançons pas nos chantiers, l'emploi dans le BTP va forcément
04:24 refluer.
04:25 J'alerte depuis un an sur la dégradation de la situation.
04:28 Dites-vous, en vain, vous dites que le gouvernement est dans le déni.
04:30 Vous avez l'impression qu'il ne prenne pas cette crise au sérieux, qu'il vous
04:33 dise que tout va bien, même la marquise.
04:35 Ça y est, ça va.
04:37 Le bâtiment va, quand le bâtiment va, tout va.
04:40 Je pense que, effectivement, d'ailleurs, quand on regarde l'interview du président
04:45 hier dans Le Parisien sur lequel évidemment je me suis jetée, il n'y a pas un mot sur
04:49 le logement.
04:50 D'ailleurs, le mot de logement ne passe pas à l'élève du président.
04:54 Vous avez raison, il ne parle pas du logement.
04:56 Mais en revanche, pour le secteur du BTP, il lance un grand plan de rénovation des
05:00 écoles.
05:01 Et dit-il, ce sont ces mots du boulot BTP.
05:04 Oui, mais enfin, ça ne va pas de nid du logement aux Français, qui est quand même la crise
05:08 sociale sous-jacente extrêmement forte.
05:10 La tension dans la société qui est déjà extrêmement forte, c'est quand même très
05:13 lié au logement.
05:14 Vous râlez contre Emmanuel Macron qui parle de tout, dites-vous, sauf du logement ?
05:17 Absolument.
05:18 Et pourquoi ?
05:19 C'est une bonne question.
05:20 Mais hier aussi, parce que j'ai noté qu'il disait finalement, il faut dans les jours
05:26 qui viennent, dans les mois qui viennent de mon mandat, s'attaquer au grand défi des
05:30 Français et puis ne pas laisser s'installer une culture du déni et du mensonge.
05:35 J'ai envie de dire banco.
05:36 Le gouvernement, l'État vous répond qu'ils font déjà beaucoup pour soutenir le logement,
05:41 que la France est d'ailleurs un des pays qui compte le plus de logements vacants par
05:45 habitant en Europe.
05:46 Vous entendez ces arguments ?
05:48 Moi, ce que je vois, parce qu'il y a forcément avec mon histoire à moi, mon regard est peut-être
05:55 un petit peu différent.
05:56 Moi, ce que je ressens, c'est un regard, pas évidemment du ministre du logement qui
06:04 lui se bat sur ces sujets-là, mais peut-être de Bercy, une analyse au fond de ce qui se
06:09 passe avec des tableaux Excel.
06:10 C'est-à-dire qu'on regarde la situation avec trois chiffres, sans jamais regarder
06:14 ce que vivent vraiment les Français.
06:16 Donc vous demandez à Bruno Le Maire de sortir du tableau Excel, c'est ça ?
06:19 Exactement.
06:20 Très bien.
06:21 Qu'est-ce qu'il faudrait faire là tout de suite ?
06:23 Construire davantage ? Tout simplement, vous dites qu'il faut construire 500 000 logements
06:29 chaque année, on est loin du compte.
06:30 Oui, on est loin du compte.
06:32 On était en 2022 à 375 000.
06:34 Là, je pense qu'il va y avoir un réel effondrement de la maison individuelle.
06:38 On voit bien que si les prêts sont réduits d'à peu près 40 %, on aura un reflux de
06:43 même ampleur à peu près sur le logement neuf.
06:45 Donc oui, la crise du logement, c'est un poison lent, mais c'est un poison extrêmement
06:49 sûr.
06:50 Et vous vous en prenez aussi au passeport thermique, à l'interdiction des passeports
06:52 thermiques, cette décision pour lutter contre le climat, tout simplement, de mieux isoler
06:59 les appartements.
07:00 Vous dites que c'est trop de normes écologiques, c'est ça ?
07:03 Ce n'est pas tout à fait ce que je dis, parce que pour le coup, je porte au sein
07:06 de mon entreprise, au sein de Nexity, cette volonté de construire une ville plus durable.
07:11 Ce que je dis simplement, c'est que cette loi "climat et résilience", je ne suis pas
07:16 sûre qu'elle était parfaitement au clair au début sur ce que ça allait entraîner.
07:20 Par exemple, on s'est rendu compte qu'en Ile-de-France, 46% des logements qui sont
07:27 aujourd'hui loués dans le secteur privé sont des passeports thermiques.
07:32 Donc potentiellement, ces logements risquent de sortir du marché de l'allocation.
07:37 Vous imaginez l'effet que ça peut avoir en Ile-de-France ?
07:39 Véronique Bédague, aujourd'hui, vous êtes une grande patronne, vous gérez une grande
07:43 entreprise.
07:44 Vous n'avez pas toujours été dans le privé, vous avez une longue carrière de haut fonctionnaire,
07:48 vous avez travaillé dans des cabinets ministériels, vous avez été directrice de cabinet à
07:50 Matignon notamment.
07:51 Emmanuel Macron vous a vraiment proposé de devenir Premier ministre il y a un an ?
07:56 À l'époque, j'ai fait le choix, mais c'était une décision compliquée à prendre,
08:01 vous l'imaginez tous.
08:02 J'ai fait le choix de rester là où j'étais, dans une entreprise dont je suis devenue PDG
08:07 quelques mois plus tard.
08:08 C'est une entreprise Nexity extrêmement engagée.
08:10 On se bat pour la ville durable, une ville qui respecte ce qui est déjà là.
08:14 Pourquoi vous l'avez refusé ?
08:15 Mais c'est très important, parce que je suis une femme engagée et je suis parfaitement
08:20 alignée avec les valeurs de mon entreprise et ça c'est très pression pour moi et pour
08:24 mon entreprise.
08:25 Quand vous voyez la crise politique actuelle, pas de regret ?
08:27 Non.
08:28 Vous ne voulez pas être à Matignon ?
08:29 Non.
08:30 Comment vous trouvez le pays aujourd'hui après trois mois de crise politique et sociale ?
08:33 Je trouve le pays tendu, mais au fond sur la réforme des retraites, quand on prend
08:40 quelques pas en arrière, à la fois j'ai la conviction qu'il fallait réformer, mais
08:45 je pense simplement que porter une réforme qu'on voulait juste en commençant par une
08:50 mesure d'âge, c'était quand même choisir d'escalader la montagne par la face nord.
08:55 Véronique Bédag, PDG de Nexity, était avec nous ce matin.
08:59 Merci et belle journée.

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