Retraites : "Nous allons continuer le harcèlement législatif", promet Faure après la promulgation

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Olivier Faure, premier secrétaire du Parti socialiste, était l'invité de la matinale de France Inter ce samedi matin, quelques heures après la promulgation de la loi sur la réforme des retraites par Emmanuel Macron.

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00:00 - Votre invité à présent, Karine Bécart, Olivier Faure, le premier secrétaire du Parti Socialiste.
00:04 - Bonjour Olivier Faure.
00:05 - Bonjour à vous Karine Bécart.
00:06 - Merci d'avoir accepté l'invitation de France Inter ce matin.
00:09 Le président Macron n'a pas traîné.
00:10 La loi sur les retraites a été promulguée cette nuit à 3h30 du matin précisément,
00:16 autrement dit quelques heures seulement après la validation de cette réforme par le Conseil
00:21 constitutionnel.
00:22 Est-ce que vous vous attendiez à une promulgation aussi rapide Olivier Faure ?
00:25 - Oui, ça dit d'abord quelque chose de sa fébrilité.
00:28 3h28 du matin pour promulguer, c'est pas banal.
00:31 Et je crois tout simplement qu'il a cherché à nous assommer.
00:35 Vous connaissez le proverbe mexicain "ils ont essayé de nous enterrer, ils ne savaient
00:40 pas que nous étions des graines".
00:41 Et bien c'est exactement ce qu'il va se passer et nous avons devant nous maintenant un immense
00:47 espoir à lever pour éviter que ce soit le chaos qui l'emporte.
00:50 Et donc cet espoir c'est à la gauche, aux écologistes, de le créer parce que quelque
00:55 chose s'est exprimé de manière très puissante dans ce mouvement.
00:58 Depuis 3 mois les français disent quel est le pays dans lequel ils veulent vivre.
01:02 Au-delà de la question des retraites, leur rapport au travail, leur rapport à la vie
01:05 tout simplement.
01:06 Et bien ce mouvement-là, il ne peut pas s'arrêter, il ne s'interrompera pas.
01:09 Et là où le président pense passer à la suite, la réalité c'est qu'il lui-même
01:13 est dans une fuite en avant mais que les français ne le laisseront pas faire.
01:16 - Vous avez parlé de fébrilité, est-ce qu'il y a aussi de la provocation, notamment à
01:19 l'égard des syndicats ?
01:20 Laurent Berger qui disait hier "ne promulguez pas cette loi".
01:23 - Il y a un mépris.
01:24 Un mépris autant que de la provocation.
01:27 Depuis le départ, on comprend bien que ce président pense qu'il est Jupiter et qu'il
01:31 n'a de compte à rendre à personne, ni aux français, ni au parlement, ni au monde syndical.
01:37 Et donc il avance seul et malheureusement il crée une situation où les français se
01:44 demandent quel est le rapport qu'il entretient lui-même à la démocratie.
01:48 Comment est-il possible qu'un homme seul puisse avancer ?
01:52 Je rappelle qu'à d'autres époques, François Mitterrand en 1984, Jacques Chirac pour le
01:57 CPE avait accepté de reculer.
01:58 Parce que la sagesse à un moment c'est aussi de se dire qu'on ne peut pas vouloir contre
02:03 son propre peuple.
02:04 On ne peut pas gouverner durablement contre son propre peuple.
02:07 - Alors là on a une loi qui est validée par le Conseil Constitutionnel, on a une loi
02:09 qui est promulguée, est-ce que ça vaut encore la peine de se mobiliser ?
02:13 - Je parlais du CPE à l'instant, la loi avait été validée, elle avait été promulguée
02:18 et Jacques Chirac dans sa grande sagesse avait décidé que cette loi ne serait jamais appliquée.
02:23 - Mais on continue la lutte comment ? On fait quoi ?
02:25 - On va continuer.
02:26 D'abord le 1er mai, avec l'état syndical nous défilerons et donc nous ferons en sorte
02:31 que ce mouvement soit un mouvement historique.
02:33 - C'est dans 15 jours ?
02:34 - Dans 15 jours, nous avons le temps de préparer et de mobiliser donc à chacune et à chacun
02:38 de faire le tour de ses amis, de ses voisins, de sa famille et de faire en sorte que nous
02:42 soyons toutes et tous présents le 1er mai dans la rue.
02:44 Et puis il y a aussi...
02:47 - En attendant on fait quoi ?
02:48 - En attendant nous allons déposer une proposition de loi, une proposition de loi qui permettra
02:53 de revenir sur le fameux article 7, sur cet article qui permet de passer de 62 à 64 ans.
02:58 Donc nous allons déposer cette proposition pour que le débat ait lieu à nouveau et
03:01 qu'on puisse dans l'hémicycle avoir ce débat que le président a souhaité interrompre
03:07 avec le 49-3.
03:08 Et nous allons continuer le harcèlement législatif par d'abord les questions d'actualité, nous
03:15 allons continuer sur tous les textes où nous pourrons déposer des amendements qui permettent
03:20 de revenir sur cette loi, nous le ferons.
03:21 Et donc là où le président pense qu'il peut changer de séquence, en Jean B, nous
03:26 allons lui montrer que nous allons le fixer à l'endroit où nous sommes et que nous n'allons
03:30 pas lâcher, nous allons continuer le combat.
03:32 - Mais appeler à ce que la lutte continue comme vous le faites ce matin sur France Inter,
03:36 Olivier Faure, est-ce que ce n'est pas aussi encourager à plus de violence ?
03:39 - Non, ce qui encourage à la violence ce serait au contraire de baisser les bras sur
03:43 le plan démocratique et de dire que rien n'est plus possible et que nous devons nous
03:47 soumettre.
03:48 - Mais c'est ce qui a commencé à se passer hier soir, on a commencé à sentir la tension.
03:52 Est-ce que vous dites Olivier Faure que tout ça finalement est inévitable et qu'il faut
03:55 y aller ?
03:56 - Non, je ne dis pas que c'est inévitable et je ne souhaite pas que la violence s'installe
03:59 même si je vois bien que c'est le chemin dans lequel le président entraîne une partie
04:04 des français.
04:05 Parce que beaucoup nous disent, puisque tout ce qui a été entrepris de manière pacifique
04:10 ne fonctionne pas et que le président, après l'épisode des gilets jaunes, avait montré
04:14 que la seule chose qu'il comprend c'est la violence, eh bien peut-être faut-il en passer
04:18 par là.
04:19 Je le dis ce matin, la réponse est non.
04:20 Nous sommes dans un pays démocratique, nous avons la possibilité d'engager d'autres moyens,
04:25 d'autres voies et puis aussi, je le dis, préparer l'alternance.
04:29 Faire en sorte que cette loi qui de toute façon ne pourra pas se déployer complètement
04:33 avant la fin du quinquennat, eh bien soit complètement balayée avec la prochaine élection
04:37 présidentielle.
04:38 Nous devons donner un débouché politique aussi à ce mouvement.
04:41 Je le dis à l'instant, ce qui s'est exprimé n'est pas simplement une question qui serait
04:47 la volonté de préserver des acquis, etc.
04:52 C'est aussi une vision du monde qui s'est exprimée.
04:54 Et c'est cette vision-là qui doit maintenant s'épanouir et qui doit permettre d'aller
04:59 chercher une victoire en 2027 et de faire en sorte que les françaises et les français
05:03 puissent avoir un exécutif qui corresponde à leur vœu.
05:07 - Alors, on l'entend clairement ce matin, vous continuez à contester cette loi sur
05:11 les retraites.
05:12 Est-ce que vous contestez la décision qui a été rendue hier par le Conseil constitutionnel ?
05:16 Vous en prenez acte ?
05:18 - J'en prends acte, bien sûr.
05:19 Maintenant, je pense que c'est une jurisprudence qu'ils ont ouverte qui est une jurisprudence
05:23 très dangereuse.
05:24 Ça veut dire tout simplement imaginer que demain ce soit un pouvoir encore plus autoritaire
05:30 qui vienne.
05:31 Imaginez la victoire par exemple de l'extrême droite.
05:34 Vous imaginez dans ses mains ce que pourrait donner en fait cette jurisprudence avec la
05:38 possibilité de pouvoir aller contre son propre peuple, de pouvoir utiliser des procédures
05:43 qui sont des procédures qui n'étaient pas faites pour un projet de loi de cette nature.
05:47 - On a validé des procédures accélérées, c'est ça le problème ?
05:50 - C'est pas seulement des procédures accélérées, c'est que le 47-1 n'était pas fait.
05:54 En fait, c'est une procédure qui est une procédure budgétaire qui est faite pour
05:58 arriver dans l'année, enfin avant la fin de l'année normalement, à avoir un projet
06:02 de budget qui soit validé.
06:03 C'est normal, il faut que tous les ans on ait un budget pour faire tourner les hôpitaux,
06:07 etc.
06:08 Et là en l'occurrence, il a été utilisé pour une réforme qui va avoir des implications
06:12 très faibles dans l'année et qui va avoir des implications au contraire très larges
06:15 pour les décennies qui viennent.
06:16 - Donc vous dites que le gouvernement va continuer à utiliser ça et que possiblement d'autres
06:21 personnes qui succéderont et dangereusement pourraient effectivement les utiliser aussi,
06:25 cette jurisprudence ?
06:26 - C'est un risque et donc ça suppose aussi que nous réfléchissions, et là je pense
06:32 justement à cette alternative qu'il faut créer, qu'on réfléchisse aussi à la façon
06:36 de modifier nos institutions.
06:38 On ne peut pas laisser...
06:39 Vous vous rendez compte que nous avons en France le président dans les grandes démocraties
06:45 du monde qui a le plus de pouvoir au sens où il peut tout, tout seul.
06:49 Et cette façon-là de délégitimer, y compris le travail parlementaire et tout ça, est
06:55 un problème.
06:56 Parce que si on a une abstention qui est aussi forte aujourd'hui, c'est aussi parce que
06:59 les gens ont le sentiment que le seul scrutin qui vaille, c'est le scrutin présidentiel.
07:03 A partir de là, plus rien ne peut se passer, plus rien ne peut se produire, plus rien ne
07:06 peut arrêter le président.
07:07 C'est évidemment, c'est consternant parce que la réalité c'est que la démocratie
07:12 c'est quotidien et elle ne s'exprime pas uniquement tous les cinq ans, elle s'exprime tous les
07:16 jours et la démocratie sociale elle est justement là pour rappeler qu'on ne donne pas une carte
07:21 blanche à qui que ce soit pendant cinq ans pour faire ce qu'il veut.
07:24 - Alors le Conseil constitutionnel a aussi retoqué votre demande de RIP, de référendum
07:29 d'une initiative partagée.
07:30 Je dis votre demande parce qu'elle a été déposée par toute la NUP.
07:33 Vous en avez déjà déposé une deuxième.
07:35 Vous lui donnez quel change de succès cette fois ? Ça peut marcher ou pas ?
07:38 - En tout cas, elle tient compte des observations qui avaient été faites par les membres du
07:43 Conseil quand nous avions été auditionnés par le Conseil.
07:47 Et donc j'espère que cette fois-ci, il entendra et qu'il permettra un référendum parce que
07:53 dans l'impasse dans laquelle nous sommes, la seule façon de parvenir à en sortir,
07:58 c'est de retourner vers le peuple, que ce soit par le référendum ou par la dissolution.
08:02 Le Président a écarté la dissolution, il reste le référendum.
08:05 Et moi je souhaite que nous puissions aller vers un référendum parce qu'il faut redonner
08:08 la parole aux Français, vérifier ce que le Président nous dit.
08:11 Le Président nous dit "j'ai été élu pour transformer, pour faire cette réforme des
08:14 retraites".
08:15 La réalité, chacun la connaît, il a été réélu parce que nous avons toutes et tous,
08:19 y compris ceux qui n'étaient absolument pas d'accord avec son projet, nous l'avons réélu
08:24 pour pouvoir faire face à Marine Le Pen, ce qui est très différent.
08:27 Donc si il était conséquent, il appellerait de lui-même un référendum.
08:31 Comme il n'est pas conséquent, il faut lui imposer et donc il faut lui imposer par la
08:34 voie du RIP.
08:35 - Mais sincèrement, est-ce que le Conseil constitutionnel peut vous accorder un RIP,
08:39 dont le but est de détricoter une loi qu'il vient de valider ? Ça me paraît un peu compliqué
08:43 quand même, non ?
08:44 - Ah mais il n'a pas jugé sur le fond, il a jugé en droit le Conseil constitutionnel.
08:47 Il a considéré que la façon...
08:49 - Il a jugé sur la forme et sur le droit, juridiquement.
08:52 - Oui, juridiquement, mais juridiquement il peut aussi dire que nous avons le droit à
08:56 un référendum.
08:57 Ce n'est pas incompatible.
08:58 Et donc j'espère qu'il entendra ce message.
09:01 - Comment le président Macron, enfin, peut-il réussir à renouer avec les syndicats, avec
09:06 les français ? Ça va prendre combien de temps selon vous, Olivier Faure ?
09:09 - Mais je ne sais pas si c'est possible.
09:10 Je ne sais même pas s'il peut encore vraiment gouverner.
09:13 Vous voyez bien qu'il a invité les syndicats à venir mardi, que les syndicats lui ont
09:16 dit "nous ne viendrons pas".
09:18 C'est une grande première quand même.
09:19 Des syndicats qui refusent de se rendre à un rendez-vous avec le président de la République
09:23 à l'Elysée.
09:24 - Ça fait trois mois que c'est comme ça ?
09:25 - Non, ça fait trois mois qu'ils demandent à le rencontrer.
09:28 Ça fait trois mois que le président leur refuse.
09:31 Et désormais, alors que ce serait à nous que le président leur dit "maintenant je
09:35 vais vous recevoir", mais en promulguant préalablement et encore en leur disant en
09:38 gros "vous pouvez venir me voir, mais de toute façon je ferai ce que je veux", les syndicats
09:42 lui ont répondu "bah non, en fait, tu ne feras pas ce que tu veux".
09:45 Et donc nous ne viendrons pas et nous ne sommes pas participants à un storytelling que vous
09:51 installeriez et qui permettrait de dire que nous avons changé de séquence.
09:55 Nous n'avons pas changé de séquence et nous allons continuer un harcèlement démocratique
09:59 pour permettre de faire reculer le président de la République, son gouvernement.
10:03 Et je vois bien qu'aujourd'hui il est dans une impasse totale.
10:06 Il n'a personne pour discuter sur le plan social.
10:09 Les syndicats ne veulent pas, mais il n'a personne non plus au Parlement avec qui discuter.
10:13 Il a une partie des Républicains, mais une partie seulement.
10:15 - C'est un homme seul, c'est ça que vous nous dites.
10:16 - C'est un homme qui est en sans majorité, nulle part.
10:18 - Merci beaucoup Olivier Fauche, je vous souhaite une belle journée.

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