L’armée chinoise a annoncé de nouveaux exercices militaires les 17 et 20 avril à proximité d’une partie des côtes du Fujian, la province chinoise située face à Taïwan. D'importantes manoeuvres militaires simulant des attaques et un blocus de l'île ont déjà été réalisées cette semaine par Pékin. Une réponse chinoise à la visite aux États-Unis début avril de la présidente taïwanaise Tsai Ing-wen qui a notamment rencontré le président de la Chambre des représentants Kevin McCarthy.
Une émission préparée par Aziza Nait Sibaha, Mohamed Chenteur, Hugo Fourc, Jessica Fahed et Siham Mdiji.
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NewsTranscription
00:00 Bonjour et bienvenue à tous dans ce nouveau numéro de Demain à la Une.
00:06 Voici les titres de cette édition.
00:08 La visite de la présidente de Taïwan aux Etats-Unis ne passe pas auprès de Pékin.
00:13 L'armée chinoise poursuit d'importantes manœuvres militaires dans le détroit de
00:16 Taïwan la semaine prochaine avec pour objectif la simulation d'un encerclement de l'île.
00:21 Les commémorations du 80e anniversaire de l'insurrection du ghetto de Varsovie commencent
00:27 la semaine prochaine en Pologne et le 19 avril plus précisément ce soulèvement considéré
00:32 aujourd'hui comme étant l'acte de résistance juive pendant la Shoah le plus connu et le
00:36 plus commémoré.
00:37 Bienvenue à tous.
00:40 L'armée chinoise a annoncé cette semaine de nouveaux exercices militaires entre autres
00:44 les 17 et 20 avril à proximité d'une partie des côtes du Fusion, d'importantes manœuvres
00:49 militaires qui vont durer plus longtemps que les trois jours annoncés au début.
00:52 Une réponse militaire chinoise à la visite début avril de la présidente de Taïwan
00:57 aux Etats-Unis où elle a rencontré une délégation de parlementaires américains menés par le
01:01 président de la Chambre des représentants, le républicain Kevin McCarthy.
01:06 Pour débattre de cette première partie, de ce premier sujet, j'ai le plaisir d'avoir
01:11 avec moi ici dans les studios Bruno Daron, notre spécialiste de politique internationale.
01:15 Bonjour Bruno.
01:16 Bonjour Elisa.
01:17 Merci d'être avec nous et depuis Washington, notre correspondant Mathieu Mabin.
01:21 Bonjour et bienvenue à vous Mathieu Mabin.
01:24 Je vais commencer tout d'abord avec vous Bruno, peut-être avec un mot pour commencer
01:29 sur ces manœuvres militaires de grande envergure qui visent donc selon les autorités chinoises
01:33 comme je le disais tout à l'heure à simuler un encerclement de Taïwan, voire sans bombardement
01:39 quand on regarde les images qui ont circulé.
01:41 Oui alors on peut dire qu'on est à la fois dans du classique si je puis dire parce qu'à
01:45 chaque fois que la Chine est irritée par le comportement de tel ou tel pays et en
01:51 particulier bien sûr par le comportement des États-Unis vis-à-vis de Taïwan, c'est
01:56 un peu la riposte classique, c'est-à-dire on fait des exercices militaires.
02:01 Mais on est un peu dans du classique inédit si je puis dire parce que là c'est l'ampleur
02:06 en fait de ces exercices militaires qui surprend et qui indique que Pékin a décidé de monter
02:13 d'un cran puisqu'effectivement ces exercices d'abord durent plus longtemps que prévu,
02:18 sont massifs et surtout effectivement simulent un encerclement total de l'île nationaliste,
02:24 voire donc y compris des bombardements pour vraiment faire passer le message que Pékin,
02:30 s'il le désirait, si certains comme Washington continuent à aller trop loin, eh bien Pékin
02:35 pourrait à les moyens dès aujourd'hui de procéder au fait que l'île nationaliste
02:41 rejoigne le giron de la Chine puisqu'il faut rappeler que pour la Chine il n'y a qu'une
02:47 seule Chine et que Taipei, cette île nationaliste, n'est en fait qu'une des 23 provinces,
02:54 la 23e province de la Chine qui tôt ou tard devra rejoindre la grande Chine communiste.
03:01 Alors après selon les experts, il est assez peu probable qu'aujourd'hui Pékin ait
03:06 vraiment les moyens d'une opération militaire.
03:08 On parle beaucoup en revanche du fait que la Chine ne cesse d'augmenter son armement,
03:13 sa marine, notamment dans la zone du détroit de Taïwan et aussi en mer de Chine méridionale
03:19 et qu'elle pourrait pour le coup être vraiment prête à envahir en quelque sorte Taïwan
03:25 à l'horizon 2027.
03:26 Alors Mathieu, justement on le disait, c'est une réaction qui fait suite à cette visite
03:31 de la présidente de Taïwan aux Etats-Unis qui a été reçue par Kevin McCarthy.
03:34 Quel était le but de cette visite qui a eu lieu début avril ?
03:37 Alors oui, effectivement, Tsai Ing-wen, pardon pour la prononciation, la présidente taïwanaise
03:45 a effectivement fait escale le 5 avril dernier en Californie où elle a rencontré, vous
03:50 l'avez dit, Kevin McCarthy qui on le rappelle en tant que chef de la chambre des représentants
03:55 se trouve être le troisième personnage de l'État après la vice-présidente et bien
04:01 entendu le président lui-même.
04:02 La présidente taïwanaise donc était officiellement en escale après une tournée en Amérique
04:07 latine où elle se rendait pour échanger avec les partenaires économiques de Taïwan
04:11 tout simplement.
04:12 Mais concrètement, il faut distinguer deux grands messages portés par ce déplacement
04:17 et cette rencontre qui évidemment n'a pas laissé les Chinois indifférents comme on
04:21 l'imagine.
04:22 La présidente taïwanaise rappelle les liens économiques et commerciaux qui unissent Taïwan
04:26 et les Etats-Unis, ça c'est clair.
04:28 Taïwan est un partenaire économique important pour Washington et tout particulièrement
04:32 pour l'État de Californie où a eu lieu la rencontre puisque c'est en Californie
04:37 que se trouvent les sièges sociaux des grandes entreprises de la tech, le domaine de prédilection
04:42 du dialogue américano-taïwanais en tout cas sur le plan économique.
04:46 Mais bien entendu, on va continuer à en parler plus tard, cette rencontre avec le
04:50 speaker de la chambre revêt également un caractère diplomatique extrêmement fort
04:54 et le fait que ce soit un parlementaire qui échange avec la présidente taïwanaise n'est
04:59 pas non plus un hasard.
05:00 Kevin McCarthy ne porte pas concrètement la parole diplomatique américaine, ce n'est
05:05 pas dans ses attributions.
05:06 Le fait qu'il soit un élu du congrès lui confère une liberté de parole qui engage
05:12 un petit peu moins l'administration américaine et beaucoup moins la diplomatie.
05:16 En clair, c'est une manière pour les Etats-Unis de dire à Taïwan "nous sommes avec vous"
05:20 mais malgré tout de se maintenir dans cette ambiguïté aussi diplomatique que stratégique
05:26 qui vise tout simplement à ne pas susciter de réactions trop vives de la part de Pékin.
05:30 Mais bon, on se rend compte que cette ambiguïté ne pourra pas durer éternellement puisqu'on
05:34 l'a vu, il y a bien eu des réactions de Pékin.
05:37 Oui absolument, alors j'allais justement vous demander quelle est la position clairement
05:40 aujourd'hui de l'administration Biden parce que ce n'est pas la première fois de toutes
05:44 les manières que les Etats-Unis, comme le disait tout à l'heure Bruno, héritent Pékin
05:47 avec des visites ou des rencontres.
05:49 On se rappelle très bien de cette visite de Nancy Pelosi qui était aussi la speaker
05:52 à l'époque, c'était l'été dernier, et qui était partie à Taïwan et on se rappelle
05:56 des manœuvres militaires qu'il y avait déjà suivies à l'époque.
05:58 Oui c'est une excellente question puisqu'on a commencé à l'aborder et le cadre qui réagit
06:06 la relation entre Pékin et Taipé aujourd'hui est tout à fait unique dans le paysage diplomatique
06:12 mondial.
06:13 On parle d'ambiguïté stratégique, une sorte de machin dirait le général De Gaulle qui
06:17 a permis pendant des décennies à Washington de maintenir un dialogue avec Pékin et notamment
06:22 un dialogue économique, tout en saluant l'entrée de Taïwan dans le concert des nations démocratiques.
06:29 Même si les diplomates américains évitent soigneusement le terme de "nation" justement
06:34 pour ne pas vexer les Chinois.
06:35 Et donc pour répondre directement à votre question, la relation entre Washington et
06:39 Taipé ne peut pas être autre chose qu'ambiguë.
06:42 Et d'ailleurs on le voit bien dans les déclarations de Joe Biden qui a plusieurs reprises a affirmé
06:46 que l'Amérique interviendrait militairement pour défendre Taïwan en cas d'agression.
06:51 Mais des propos qui ont systématiquement été sinon démentis, au moins tempérés
06:55 par le département d'Etat à chaque fois.
06:57 Bruno, de l'autre côté il y a le président français Emmanuel Macron qui a aussi visité
07:02 la Chine début du mois, les 6 et 7 avril.
07:05 A l'issue de la visite Emmanuel Macron a fait une déclaration qui a fait écouler beaucoup
07:08 d'encre.
07:09 Il a dit qu'il ne fallait pas que l'Union européenne soit suiviste des Etats-Unis, en
07:13 tout cas sur la question de Taïwan.
07:15 Plaidons pour ce qu'il a appelé une autonomie stratégique de l'Union européenne.
07:19 Des propos qui ne passent pas auprès de l'allié américain ?
07:21 Alors des propos effectivement qui n'ont pas plu à l'allié américain, même si
07:28 la position officielle, mais ça je laisserai plutôt Mathieu développer cet aspect, la
07:32 position officielle américaine a été assez soft si on peut dire.
07:36 Il y a eu beaucoup d'autres parlementaires, notamment chez les Républicains évidemment,
07:42 ou des chaînes comme Fox News etc. qui se sont un peu lâchés sur la France, qui trahissent
07:48 les Américains.
07:49 Les remarques d'Emmanuel Macron en fait, sur le fond peuvent se comprendre parce qu'en
07:53 fait c'est la position assez classique de la France de rester une nation indépendante,
07:59 de dire "oui nous sommes l'allié des Etats-Unis mais nous ne sommes pas le vassal des Etats-Unis".
08:04 On retrouve là la grande tradition française et en particulier gaullienne depuis les années
08:10 60.
08:11 Pas d'alignement systématique, c'est pas parce qu'on fait des choses ensemble et qu'on
08:15 est d'accord sur l'essentiel qu'on est obligé de s'aligner systématiquement sur la position
08:19 américaine.
08:20 Mais c'est la manière dont il a formulé ces remarques qui ont choqué parce qu'il
08:24 semblait mettre sur un pied d'égalité en termes de responsabilité concernant ce qui
08:28 se passe à Taïwan, les Etats-Unis et la Chine.
08:31 Donc déjà ça s'est mal passé et ensuite le timing n'était pas très bien choisi
08:36 puisqu'il a prononcé ces phrases au moment même où débutaient les exercices militaires
08:42 chinois.
08:43 Donc en gros, si vous me passez l'expression, on a eu l'impression qu'il servait la soupe
08:47 à Pékin.
08:48 Et alors ça a créé aussi des ennuis avec certains pays de l'Union Européenne parce
08:55 que ça énerve un peu certains pays, notamment à l'Est et au centre de l'Europe, que Emmanuel
09:00 Macron tout seul s'autoproclame comme le héros de l'autonomie stratégique de l'Europe
09:07 sans consulter ses propres alliés, ne leur demandant pas leur avis et en gros élaborant
09:13 cette autonomie stratégique qui pour le moment relève quand même du fantasme.
09:17 Ce n'est pas une réalité.
09:18 Même si sur le fond on peut juger que la position française est assez cohérente d'une
09:24 certaine manière.
09:25 C'est la manière qui ne passe pas.
09:26 Voilà, c'est la manière qui ne passe pas.
09:27 Parce que si l'Europe veut continuer à exister et ne pas être simplement un grand
09:30 marché économique entre la Chine et les Etats-Unis, il faut qu'elle maintienne sa
09:35 souveraineté.
09:36 Sauf que l'Europe rappelle à Emmanuel Macron que personne ne lui a signé un blanc-seing
09:39 puisqu'on lui a aussi reproché la fois où il avait fait cette tentative de dialogue
09:42 avec la Russie.
09:43 Il a fait des actions quand il avait critiqué l'OTAN aussi.
09:45 A faire des actions en parlant un peu au nom des Européens mais sans avoir été mandaté
09:49 par les Européens.
09:50 Oui, oui, c'est ce qui énerve un peu les pays de l'Union Européenne concernant
09:55 une position française qui officiellement est très pro-européenne, notamment avec
09:59 Emmanuel Macron, est très volontariste en termes de construction européenne.
10:04 Mais le soupçon qui pèse en permanence sur Paris, c'est que la France fait tout ça,
10:08 certes pour le bien de l'Union Européenne, mais surtout pour le bien, la gloire et la
10:12 grandeur de la France.
10:14 Et encore une fois, de manière un peu solitaire et sans consulter des alliés, des pays importants
10:19 comme la Pologne par exemple, qui eux n'ont aucun état d'âme, c'est-à-dire l'autonomie
10:24 stratégique de l'Europe, si ça existe un jour, c'est bien, mais en attendant, dans
10:28 la vraie vie, ce dont on a besoin, c'est du parapluie sécuritaire américain.
10:32 Une petite minute Mathieu, juste aussi pour commenter du côté, justement, américain,
10:37 cette sortie du président Emmanuel Macron.
10:39 Écoutez, ces propos ne passent pas, je dirais que c'est tout relatif.
10:46 Avant de se rendre en Chine, on l'a oublié, mais Emmanuel Macron a eu un entretien téléphonique
10:50 assez long avec Joe Biden.
10:52 Alors, on ne connaît pas l'intégralité du contenu des échanges, mais il est permis
10:55 de croire que Joe Biden n'a pas découvert la position française portée par le président
11:01 de la République dans les journaux.
11:02 Et ce n'est d'ailleurs pas la première fois qu'Emmanuel Macron rappelle au président
11:06 américain que la France reste la France.
11:08 C'est en substance ce que disait Bruno à l'instant.
11:09 C'est-à-dire que cette troisième voie, héritée d'une posture gaullienne bien
11:14 connue et qui dit pour le coup qu'il n'y a pas d'ambiguïté et encore moins d'équidistance
11:19 de Paris entre Pékin et Washington, mais que cette absence d'équidistance ne signifie
11:24 pas que la France deviendrait brutalement le Royaume-Uni en adoptant une politique de
11:28 suivisme bien gentille.
11:30 Et j'ai envie de dire que ça, les diplomates américains l'ont parfaitement compris et
11:35 intégré et n'ont rien découvert.
11:37 Je dirais au contraire, les propos du président français passent ici.
11:41 Visiblement bien mieux que chez quelques éditorialistes français d'ailleurs.
11:44 Et les réactions un peu vives ici viennent d'élus conservateurs républicains.
11:50 Ce sont des réactions attendues comme Marco Rubio par exemple, qui dans le fond, en critiquant
11:55 la position française, ne fait que la consolider.
11:58 Merci beaucoup Mathieu Mabin pour ces explications.
12:01 Merci Bruno Darro d'avoir été avec nous.
12:03 Merci à vous tous de nous avoir suivis pour cette première partie.
12:06 On revient juste après la deuxième partie, juste après les infos.
12:09 A tout de suite.
12:10 (Générique)