Danielle Simonnet, députée "La France insoumise" de Paris.
Elle fait de la politique en chantant, en dansant, et même parfois... en criant dans le métro. Danielle Simonnet aime faire le show, sans jamais perdre de vue ses objectifs politiques.
Pourquoi s'engage-t-on en politique ? Comment tombe-t-on dans le grand chaudron de l'Assemblée ?
Chaque jour, Clément Méric, dans un entretien en tête à tête de 13 minutes, interroge un parlementaire sur les personnalités, les évènements - historiques ou personnels - qui l'ont conduit à choisir la vie publique.
Car on ne naît pas politique, on le devient !
Elle fait de la politique en chantant, en dansant, et même parfois... en criant dans le métro. Danielle Simonnet aime faire le show, sans jamais perdre de vue ses objectifs politiques.
Pourquoi s'engage-t-on en politique ? Comment tombe-t-on dans le grand chaudron de l'Assemblée ?
Chaque jour, Clément Méric, dans un entretien en tête à tête de 13 minutes, interroge un parlementaire sur les personnalités, les évènements - historiques ou personnels - qui l'ont conduit à choisir la vie publique.
Car on ne naît pas politique, on le devient !
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NewsTranscription
00:00 -Elle aime faire de la politique en chantant, en dansant
00:03 et parfois même en criant dans le métro.
00:06 Mon invitée a le sens du spectacle
00:08 et elle le met au service de l'action collective.
00:11 Musique intrigante
00:13 ...
00:26 Bonjour, Daniel Simonet. -Bonjour.
00:28 -Dans votre famille politique, il y a le style Mélenchon,
00:31 qui est fait d'éloquence, d'érudition, de grand discours,
00:34 et puis, quelque part, le style Daniel Simonet,
00:37 qui est un peu plus terre-à-terre,
00:39 avec un petit côté saltimbanque de la politique,
00:42 comme on va le voir ici.
00:44 -Bonjour, c'est le Front de gauche.
00:47 -Jusque dans le métro parisien,
00:48 le Front de gauche mène campagne sans relâche
00:51 contre la loi sur l'emploi.
00:53 -Est-ce qu'il y en a beaucoup qui vont au travail ce matin ?
00:56 -Oh, ben, ça fait pas lourd, forcément, c'est la crise.
01:01 On peut s'opposer à cette loi,
01:02 refuser que les députés l'adoptent.
01:05 -Alors, ça, c'est une criée dans le métro,
01:07 c'est bien ça, c'est vous qui avez inventé le concept.
01:10 Ca représente assez bien votre façon de faire de la politique.
01:14 J'avais envie de commencer l'entretien
01:16 en vous demandant de définir votre façon de faire de la politique.
01:19 -C'est de vouloir impliquer le plus grand nombre
01:22 pour que, si on souhaite changer nos conditions de vie,
01:25 et si on veut radicalement changer la société,
01:28 il faut que le plus grand nombre s'en mêle,
01:30 puisque, aujourd'hui, les politiques,
01:33 elles sont souvent faites par une petite poignée.
01:35 Nous, nous critiquons beaucoup la Ve République,
01:38 sa logique oligarchique, et on souhaite vraiment
01:41 que le peuple s'approprie son destin,
01:43 puisse écrire la Constitution,
01:45 et que les lois cèdent à être faites
01:47 sans le peuple et contre le peuple.
01:50 -C'est déclencher une implication collective.
01:52 -Exactement.
01:54 -Vous avez dit dans un article que votre conception de l'engagement,
01:57 c'était de mettre vos tripes sur la table.
02:00 On le sent, on le voit dans cette archive-là,
02:02 mais cette façon de faire, ça peut aussi déranger,
02:05 ça peut aussi agacer.
02:06 Dans le métro, vous rentrez de force dans la vie de ces passagers
02:10 en criant, en essayant de les faire réagir.
02:13 Vous comprenez que ça puisse aussi agacer ?
02:15 -Eh bien, en fait, à chaque fois,
02:17 j'ai vraiment des réactions des citoyens, des citoyennes,
02:21 majoritairement contents,
02:23 parce que, justement, on se prend pas au sérieux
02:25 et en même temps, on fait passer un message sérieux.
02:28 Et cette façon de casser un peu les codes,
02:31 non, c'est pas parce qu'on est élu, qu'on a un mandat,
02:34 qu'on est au-dessus des autres.
02:36 On est en République très attachée,
02:38 liberté, égalité, fraternité.
02:39 Il faut, je pense, assumer de casser les codes
02:42 pour permettre à tout le monde de se sentir légitime
02:45 pour s'engager dans la bataille politique.
02:48 -On va pas faire toute la liste de vos happenings politiques,
02:51 mais quand même, vous avez fait défiler
02:54 un faux chameau à Paris-Plage.
02:55 C'était pour dénoncer la fermeture de lits
02:58 à l'hôpital de l'Hôtel-Dieu.
03:00 Et vous avez aussi mis en scène des poulets géants
03:03 plongeant dans une piscine.
03:04 C'était pour dénoncer l'importation de poulets
03:07 au chlore américain. -Le grand marché transatlantique.
03:10 -Un accord de libre-échange avec les Etats-Unis.
03:13 -Aucun média n'en parlait.
03:14 On fait cette action, cet happening.
03:17 On se marre beaucoup, à ce moment-là.
03:20 On fait un vrai buzz et on obtient ce qu'on voulait,
03:22 c'est-à-dire un article pleine page du Monde
03:25 qui va, par cette entrée-là, aborder très sérieusement,
03:28 comme nous le souhaitions,
03:30 les conséquences terribles des accords de libre-échange.
03:33 -Vous avez répondu à la question.
03:35 Ma question, c'est...
03:37 Il y a un côté drôle, amusant, ça fait sourire,
03:39 mais est-ce que c'est vraiment efficace ?
03:42 -C'est Mathilde Panot. -On l'a reconnue toute jeune.
03:45 Mais est-ce que c'est efficace ?
03:47 Est-ce que c'est pas de la politique spectacle ?
03:49 -On est dans une société du spectacle
03:52 où on veut nous divertir,
03:53 c'est-à-dire ne pas faire en sorte que les citoyens
03:56 ne se préoccupent pas de la politique
03:58 en les divertissant.
04:00 Nous, au contraire, on torse ça,
04:02 et je fais l'inverse.
04:03 Par la mise en spectacle,
04:05 j'intéresse tout le monde à un sujet extrêmement important,
04:09 par une image, par l'humour, par le décalage.
04:12 -Alors, dans un registre très différent,
04:15 vous avez aussi monté votre propre spectacle,
04:18 un seul en scène, très personnel, très politique.
04:21 Le titre, c'était "Uber, les salauds et mes auvers".
04:25 Ca répondait à quel besoin, chez vous ?
04:27 -Alors, le besoin, d'abord,
04:29 de raconter ce que j'avais découvert
04:32 en soutenant de manière un peu accidentelle
04:35 la lutte des taxis,
04:36 et je prenais conscience de l'uberisation
04:39 et à quel point c'était un suicide social collectif
04:42 contre notre code du travail, notre système de protection sociale
04:46 et nos services publics, aussi, par le biais de l'évasion fiscale.
04:49 J'avais aussi envie de parler de la bataille féministe
04:52 et à quel point c'était important,
04:55 aussi, quand on est une femme en politique,
04:58 d'assumer, de mener ce combat-là.
05:00 -Pourquoi ce mode d'expression, la scène ?
05:02 -Eh bien parce qu'en fait, la scène, elle libère complètement
05:06 et elle permet aussi de casser les codes.
05:09 Et puis, vous savez, c'est pas tout le monde
05:11 qui va ouvrir la porte pour aller dans une salle
05:14 pour faire un meeting politique.
05:16 Par contre, vous invitez vos amis, vos voisins, vos proches,
05:19 et donc, le spectacle, la narration,
05:21 peut permettre d'aborder la question politique.
05:24 J'aime beaucoup cette démarche d'éducation populaire.
05:27 -Quand on voit votre façon de faire de la politique,
05:30 je peux pas m'empêcher de faire le lien
05:32 avec votre environnement familial, vos parents,
05:35 qui sont artistes, sculpteurs,
05:37 on les voit sur ces images.
05:39 Vous assumez une forme d'héritage familial ?
05:42 -Ah bah bien sûr !
05:44 -Cette dimension artiste, elle est présente ?
05:46 -De manière totalement différente.
05:48 Je suis très fière de mes parents.
05:50 -Et vous, enfant, devant une de leurs oeuvres.
05:53 -En train de sautiller devant une grande chaise de mes parents,
05:56 qui a été exposée, d'ailleurs, au Grand Palais.
05:59 C'est vrai que mes parents ont une vie professionnelle d'engagement
06:03 à travers l'engagement artistique,
06:07 d'assumer, de créer un langage, de créer des formes,
06:11 de créer de l'art, et de l'art dans la rue.
06:13 De l'art pour que tout le monde puisse l'approprier
06:16 et vivre avec. Ils ont fait à la fois du jeu
06:19 et de la sculpture monumentale.
06:21 Et c'est vrai que le fait d'assumer
06:23 aussi cette transgression esthétique,
06:26 je pense que ça m'a accompagnée.
06:28 Après, ils avaient aussi des engagements militants,
06:31 et on aimait beaucoup débattre,
06:33 et on aime toujours débattre dans la famille,
06:35 et je pense que cette éducation, elle m'a construite.
06:40 -En me penchant sur votre histoire familiale,
06:42 j'ai découvert que vous étiez aussi croyante, catholique,
06:45 pratiquante, jusqu'à l'âge de 18 ans.
06:48 Il paraît que vous vouliez devenir mère Teresa.
06:51 -Oui, quand j'étais toute petite,
06:53 c'était vraiment l'injustice,
06:56 ne pas supporter, ne pas accepter
06:58 qu'il y ait des enfants qui meurent de faim.
07:00 Je me suis rendu compte bien après
07:02 que mes parents étaient bien fauchés au début de leur vie.
07:06 Quand on a une vie d'artiste, ce qui est compliqué,
07:09 c'est les 60 premières années professionnelles.
07:11 Mais c'est vrai que cette figure
07:13 où on s'engage toute sa vie pour les autres
07:16 et contre l'injustice, le fait que des enfants
07:18 puissent mourir de faim, ça m'avait marquée.
07:21 -C'est cette éducation catholique
07:23 qui vous a un peu forgé ou éveillé votre conscience sociale ?
07:26 -Je pense que cette exigence, en fait,
07:29 d'engagement pour autrui m'a marquée,
07:33 même si mes parents avaient toujours plein de contradictions.
07:36 Ils nous emmenaient à la messe tous les dimanches,
07:39 on s'était les offérés avec cette chanson,
07:41 "Ni Dieu, ni maître".
07:42 Il est possible que j'ai gardé le "Ni Dieu, ni maître",
07:45 mais j'ai beaucoup de respect pour toutes les spiritualités.
07:49 Je suis très laïque et attachée à la liberté de conscience,
07:52 mais je garde de cette éducation-là la nécessité
07:55 de la solidarité, de l'altérité,
07:57 de prendre conscience qu'on est tous interdépendants.
08:00 -Au collège, vous vous êtes engagé dans la lutte contre le racisme.
08:04 Au lycée, vous avez mis votre établissement en grève
08:07 et vous dites "J'ai découvert le pouvoir de l'action collective".
08:10 On y revient, à cette idée-là.
08:12 Quand vous avez pris conscience de ça,
08:14 est-ce que c'est pas ce qui a déterminé
08:16 tout le reste de votre engagement ?
08:18 -Si vous participez à la grève, à des manifestations,
08:21 et vous n'êtes pas là, isolé, dans votre lycée,
08:24 vous vous rendez compte que dans les médias,
08:27 ce mouvement auquel vous vous sentez appartenir
08:30 va changer le cours de l'histoire, il va faire tomber un gouvernement.
08:34 Là, je prends confiance de cela et je souhaite aller à l'université
08:37 pour pouvoir m'engager pleinement.
08:39 Je veux faire de ma vie un engagement politique
08:42 et participer avec d'autres à changer le cours de l'histoire.
08:45 -A la fac, vous rejoignez le syndicat de l'Unef
08:49 et vous vous mobilisez notamment contre le CIP,
08:52 le contrat d'insertion professionnel.
08:54 C'était en 1994.
08:56 -Hannomanie, valhalla, enterrée
09:01 Avec vos vues passées, le défunt CIP
09:04 -Depuis le début, ici, à Trétail,
09:06 c'est Daniel qui écrit les chansons.
09:08 -C'est des chansons spécifiques pour la manifestation
09:11 où ça nous permet de dire la victoire,
09:13 on a gagné, on ne voulait pas nous écouter,
09:16 on a fait le rapport de force, on a fait grève, on a gagné.
09:19 -Quelle surprise !
09:20 A l'époque, c'est déjà vous qui écriviez les chansons.
09:23 -Oui ! C'est génial.
09:25 -Vous écriviez les chansons dans les mobilisations syndicales.
09:29 -C'est important de mettre de la joie.
09:31 -De la joie et de l'énergie, d'où votre surnom.
09:33 On comprend bien en revoyant cet archive.
09:36 L'Unef vous a amené au Parti socialiste,
09:38 c'était la pouponnière du PS à l'époque,
09:40 et au PS, au moment de la guerre du Golfe,
09:43 vous êtes rapprochée de Jean-Luc Mélenchon.
09:45 En 2000, vous avez rejoint son cabinet
09:47 au ministère de l'Enseignement professionnel.
09:50 Vous dites que la politique façon techno,
09:52 c'est pas votre truc.
09:53 Vous avez été heureuse ?
09:55 -C'était une expérience extrêmement enrichissante.
09:58 Mais dure, à la fois.
10:00 C'est important de comprendre comment ça se passe de l'intérieur.
10:03 C'est vrai que c'était pas évident.
10:05 -On vous voit très sérieux sur le perron du ministère.
10:08 -J'étais conseillère d'orientation psychologue,
10:11 de l'Education nationale,
10:13 mais j'avais un an d'exercice professionnel
10:15 et je me retrouve dans le cabinet de Jean-Luc Mélenchon,
10:18 délégué à l'enseignement professionnel,
10:20 pour travailler les questions d'orientation.
10:23 C'est très difficile, mais en même temps,
10:25 c'est fondamental,
10:27 parce qu'à un moment donné, il va falloir désacraliser
10:30 ces institutions et se dire que notre objectif,
10:32 c'est la prise du pouvoir pour pouvoir instaurer
10:35 une autre politique. -Par la suite,
10:37 vous avez suivi Jean-Luc Mélenchon au Parti de gauche.
10:40 Vous vous êtes battu pour les plus pauvres,
10:42 les plus précaires, tout en occupant un logement
10:45 de la ville de Paris avec un loyer qui était sous les prix du marché.
10:49 Vous étiez pas dans une situation illégale,
10:51 mais vos adversaires vous ont reproché une forme de manque
10:54 d'exemplarité sur ce sujet-là.
10:56 Pourquoi avoir attendu d'être élu député pour ce logement ?
10:59 -Autour de moi, dans le 20e arrondissement,
11:02 personne me le reprochait. J'y étais avec les droits.
11:05 Avec mes revenus, je ne serais pas élue,
11:07 j'y aurais droit de la même manière.
11:09 -C'était pas un HLM sous condition de ressources.
11:12 -C'était pas un logement social subventionné.
11:15 Le premier jour où j'entre dans ce logement-là,
11:17 il est, par ailleurs, pas en dessous du marché.
11:20 J'y entre en 2003.
11:21 -Pourquoi l'avoir rendu en devenant député ?
11:24 -Parce que je veux pas que ça revienne.
11:26 On sait que les médias cherchent que ça,
11:28 de pouvoir attaquer la France insoumise.
11:31 Les revenus des députés sont différents.
11:33 J'ai déménagé.
11:34 -On va conclure l'émission par notre quiz.
11:37 Je vous explique le principe.
11:38 Je vais commencer une phrase et ce sera à vous de la compléter.
11:42 C'est bon ? -On y va.
11:43 -Avant d'être élu député, je pensais que l'Assemblée...
11:47 -Ce serait très difficile de pouvoir s'exprimer
11:50 dans une plénière aussi intimidante.
11:53 Le meilleur happening à l'Assemblée serait de...
11:56 -Je trouve que le fait qu'on ait chanté la marseillaise
11:59 au moment du 49-3,
12:01 en brandissant nos pancartes "Démocratie",
12:05 "Retrait du texte de loi" est extrêmement important.
12:08 -Vous avez eu l'idée ? -C'est pas moi qui l'ai.
12:11 Je la trouve excellente,
12:12 car il est important de rappeler d'où on vient,
12:15 de la Révolution française.
12:16 Ce mépris démocratique du 49-3
12:19 montre qu'on a au moins 49,3 bonnes raisons
12:23 de vouloir passer à une VIe République.
12:25 -Quand quelqu'un me confond avec Marine Le Pen...
12:27 Je vous dis ça, car j'ai lu dans un portrait
12:30 que ça vous arrivait dans la rue.
12:32 -En même temps, il faut en rire,
12:34 mais il y a eu des fois des quiproquos,
12:36 des gens désagréables avec moi.
12:38 Dans le XXe arrondissement,
12:39 l'extrême droite n'est pas du tout appréciée.
12:43 Et oui, c'est aussi la preuve
12:45 qu'il n'y a pas tant de femmes que cela en politique,
12:48 et donc on va confondre une blonde avec une autre.
12:51 Je n'ai rien à voir avec Marine Le Pen
12:55 et je suis profondément attachée au partage des richesses,
12:58 à la bataille écologique,
13:00 à la VIe République et à l'antiracisme.
13:02 -Ce sera le mot de la fin.
13:04 Merci, Danielle Simonnet, d'être venue dans "La Politique et moi".
13:08 SOUS-TITRAGE : RED BEE MEDIA
13:11 Générique
13:13 ...
13:20 ...
13:24 [SILENCE]