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00:00 L'invité éco, Isabelle Raymond.
00:04 Bonsoir à toutes et à tous, une nouvelle journée de mobilisation, la douzième est donc prévue demain,
00:10 contre la réforme des retraites, à la veille de la décision du Conseil constitutionnel.
00:14 Bonsoir Pierre Piracchi.
00:15 Bonsoir.
00:16 Vous êtes expert en dialogue social, fondateur et président du groupe Alpha.
00:20 Pensez-vous, comme le leader de la CFDT Laurent Berger, que le pays vit aujourd'hui une crise démocratique ?
00:26 Oui, une crise démocratique et je pense que la décision du Conseil constitutionnel de vendredi ne changera rien, quelle qu'elle soit.
00:36 Le Conseil va dire le droit, à sa façon, on voit dans les propos des différents constitutionnalistes que les différentes thèses s'affrontent.
00:46 Est-ce qu'il va censurer totalement ? Est-ce qu'il va censurer partiellement ?
00:49 Est-ce qu'il va accepter le référendum d'initiative partagée ?
00:53 Quelle que soit la réponse, je pense que le président de la République a intérêt à reprendre les choses en main,
00:58 à mettre cette réforme de côté, pour l'instant.
01:02 On a des défis extrêmement importants, réindustrialiser le pays.
01:06 Plusieurs dizaines de milliers d'emplois dans l'industrie sont aujourd'hui directement menacés par la crise énergétique, la hausse du prix de l'énergie.
01:12 On a les enjeux de la transition environnementale, on a les enjeux de partage de la valeur,
01:17 même s'il y a eu un accord entre partenaires sociaux, il y a encore beaucoup de questions à traiter.
01:21 Il y a la question du travail, qui est au cœur des préoccupations,
01:24 et puis les enjeux d'éducation, de santé, de services publics, qui doivent être traités avec beaucoup de vigueur.
01:29 Et donc, selon vous, quelle que soit la décision du Conseil constitutionnel,
01:33 l'exécutif a intérêt à mettre la réforme des retraites sur pause, sinon quoi ?
01:38 Oui, et à traiter les sujets que je viens d'évoquer avec beaucoup de dynamisme, en rassemblant le pays.
01:43 Et aujourd'hui, le pays est fracturé, divisé.
01:46 Et donc, je pense qu'Emmanuel Macron...
01:48 Que se passe-t-il s'il ne met pas cette réforme sur pause ?
01:50 D'abord, je crois que ce sera un désordre social pendant quelques temps,
01:53 et puis sans doute des échéances politiques en 2027 que tout le monde voit venir.
01:58 Donc, reprendre la situation en main, ça veut dire quoi ?
02:01 Ça veut dire traiter ces défis avec tous les moyens possibles, rassembler d'abord le pays.
02:07 Moi, je pense qu'il faut refonder un pacte social aujourd'hui.
02:10 Le président de la République a eu une bonne idée en parlant du Conseil national de la refondation,
02:13 mais qu'est-ce qu'il en a fait depuis des mois ? Pas grand-chose.
02:16 Il y a des assises du travail qui ont démarré, qui ont fait un travail intéressant,
02:19 mais qui, pour l'instant, sont inaudibles.
02:21 Mais refonder un pacte social, c'est poser toutes les questions que je viens d'évoquer,
02:25 remettre les partenaires sociaux, patronats et syndicats autour de la table.
02:29 Ils travaillent ensemble en ce moment, d'ailleurs, ils se mettent d'accord, ils se mettent pas d'accord.
02:32 Remettre l'ensemble des partis politiques sur les enjeux de cette refondation,
02:36 et refonder ce pacte social, et peut-être à l'arrivée faire un référendum.
02:40 Pas seulement sur les 64 ans ou sur les 62 ans,
02:43 mais sur la nature de ce pacte social pour affronter les défis de demain.
02:47 Vous pensez, comme la Première Ministre Elisabeth Borne,
02:50 qu'aujourd'hui le pays est en convalescence, qu'il faut retrouver justement le chemin du dialogue
02:55 avec les partenaires sociaux, à commencer par la CFDT.
02:58 On voit un face-à-face qui se durcit depuis plusieurs mois,
03:01 entre d'un côté le Président de la République et de l'autre, le leader de la CFDT, Laurent Berger,
03:05 qui en quelque sorte a pris la tête de cet intéressant égard.
03:08 Moi je dirais qu'il n'est pas seulement en convalescence le pays, il est très meurtri, il est malade,
03:12 et il faut lui redonner du sang neuf.
03:14 Et je pense que le rôle du Président de la République, c'est ça.
03:16 Alors pourquoi je dis qu'au final, peut-être qu'il faut qu'il y ait un référendum ?
03:19 Et je reviens à la crise démocratique évoquée par Laurent Berger.
03:22 Depuis 2005, il n'y a plus le moindre référendum en France, depuis 18 ans.
03:26 Sur les 10 premières années du général de Gaulle, il y en avait eu 5, tous les 2 ans.
03:30 Le référendum faisait partie des institutions, pas comme chez les Suisses à n'importe quelle occasion,
03:35 c'est pas notre culture.
03:36 Mais sur des grands défis, et le grand défi c'est pas une réforme qui est aujourd'hui une réformette,
03:41 celle des retraites, qui ne va pas là où d'ailleurs le Président de la République voulait aller.
03:46 Et en tout cas pas là où l'opinion publique, les salariés, les actifs, les organisations syndicales veulent aller.
03:51 Donc il faut un chantier beaucoup plus profond, beaucoup plus lourd, beaucoup plus large.
03:56 Et à partir de là, après un débat approfondi avec les organisations syndicales,
04:00 les organisations patronales et l'ensemble des partis politiques,
04:03 peut-être mettre ce pacte social comme un enjeu de référendum.
04:06 Là, oui, ça serait une façon d'aller de l'avant et de pas mobiliser le pays sur des choses qui n'ont pas l'importance qu'on veut bien leur donner.
04:15 - Vous avez vu que le gouvernement a renoncé cette semaine à présenter les grandes lignes de son projet de loi France Travail.
04:20 Est-ce que vous avez ça comme un premier signe d'une volonté d'apaisement ?
04:24 - Peut-être, mais vous savez, dans tous les défis qu'on a à relever, la question du travail est essentielle et il faudra la traiter.
04:29 Mais dans toutes ses dimensions, pas simplement en termes de plein emploi,
04:33 mais en termes de rapport au travail, en termes de valeur du travail,
04:36 de la même façon qu'il faudra aussi traiter la question de l'immigration.
04:39 Pas pour aller au devant de certaines thèses extrémistes qui désignent l'immigré comme le responsable de tout,
04:44 mais en sachant que l'immigration est nécessaire pour la croissance économique,
04:47 mais qu'il faut en même temps la réguler, qu'il faut en même temps éviter qu'elle s'accompagne de développements de valeurs qui ne sont pas des valeurs de la République.
04:54 Donc tous ces sujets-là, ça nécessite une pause, plus qu'une pause,
04:58 et surtout tourner la société vers les enjeux qui sont les siens.
05:01 Et aujourd'hui, depuis des mois, on a mobilisé la société, il y aura demain une manifestation encore importante,
05:07 il ne faudra pas s'attacher aux chiffres, vous savez avec l'inflation et le pouvoir d'achat qui est aujourd'hui très amenuisé par la hausse des prix,
05:14 qu'il y ait un peu moins de monde demain, ça n'étonnera personne, mais c'est la douzième manifestation importante.
05:20 Donc au-delà de cette mobilisation de la société sur les questions de retraite,
05:24 il faut mobiliser la société sur tous ces enjeux qui sont extrêmement lourds,
05:28 qui vont nécessiter des choix extrêmement délicats pour l'exécutif et aussi pour le Parlement.
05:32 - Et donc quelle serait, selon vous, la bonne question à poser dans le cadre d'un référendum qui a fait ration ?
05:37 - Refonder un pacte social dans toutes ses dimensions, puisqu'on fait référence à la résistance et à l'après-guerre,
05:42 regarder un petit peu ce qu'il faut bouger dans notre modèle social,
05:46 le faire bouger, ça ne veut pas dire revenir sur ses acquis,
05:51 mais l'adapter à la transition environnementale,
05:54 à la nécessité de réindustrialiser le pays, de développer aussi des énergies alternatives à côté de l'énergie nucléaire,
06:00 et à partir de là, il y a peut-être un ensemble de mesures qui peuvent faire l'objet d'une demande de quittus de la part du gouvernement.
06:07 Ça sera autre chose que solliciter le pays, ou plutôt ne pas le solliciter, ne pas l'écouter,
06:12 ne pas écouter le Parlement, ne pas écouter les syndicats sur la réforme des retraites.
06:15 - Et le président de la République, Emmanuel Macron, que vous connaissez bien, vous pensez qu'il est prêt à faire son référendum ?
06:20 - Jean-Louis Debré, qui est l'ancien président du Conseil constitutionnel, a dit "le Conseil va juger en droit,
06:25 mais après ce qui est important, c'est l'utilisation qu'il en sera fait".
06:29 Et là, je crois que le président de la République, comme l'y incite Jean-Louis Debré,
06:32 peut reprendre la main, remettre tout le monde autour de la table,
06:35 et rediscuter de toutes ces questions importantes, et pas seulement de cette histoire d'âge légal pour le départ à la retraite.
06:41 - Merci beaucoup Pierre Ferracci, expert en dialogue social, fondateur et président du groupe Alpha,
06:47 invité Echo de France Info ce soir.
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