Effondrements rue Tivoli à Marseille : "On connaissait bien Jacky, le boucher"

  • l’année dernière
Retraités ancrés de longue date dans le quartier ou plus jeunes venus récemment s’y inventer un futur plein de promesses : les habitants du n°17, rue de Tivoli (5e) sont à l’image du Camas d’aujourd’hui. Un mélange encore harmonieux entre les générations, heureuses d’arpenter ces rues où il fait bon se promener à pied ou à vélo, faire ses emplettes dans les excellents petits commerces des boulevards Chave et Eugène-Pierre, se croiser pour un café ou un apéro à la vaste terrasse du Dernier Métro, comme un point de jonction du Camas d’autrefois et de celui, plus branché et aisé, dynamique, se réinventant depuis quelques années, sociologiquement comme politiquement.

Au rez-de-chaussée du n°17, côté rue, des "figures" aimées de ce pâté de maisons : Anna, 86 ans, ancienne clerc de notaire et son compagnon Jacky, 82 ans, qui fut jadis salarié de L’Artisan du Charolais, la meilleure boucherie du quartier, située tout près, sur le boulevard Eugène-Pierre. "Des gens charmants, adorables", rapporte, bouleversé, Jean-Pierre Dolla, un maçon de 66 ans qui fut jusqu’à il y a quelques années leur voisin, propriétaire du n°11 et du 15, rue de Tivoli : c’est sur la terrasse qu’il avait fait construire, au 4e étage, que Roland, un ingénieur du nucléaire de 41 ans, son épouse Samia, 38 ans, salariée d’une association et leurs deux enfants ont pu trouver refuge dimanche quand les étages inférieurs de leur bâtiment s’écroulaient eux aussi... "Je suis heureux que cette terrasse les ait sauvés", soufflait-il ce lundi.

À cheval sur les 15 et 17, le magnifique rez-de-jardin avec piscine de Nicole, 66 ans, arrivée voici quelques années de Bordeaux, et "tombée amoureuse de Marseille". Cette retraitée de l'entreprise Hertz l’avait acheté, ainsi qu’un plus petit appartement au rez-de-chaussée qu’elle mettait parfois à disposition de sa fille. "Il lui arrivait aussi de louer des chambres, de faire du Airbnb, rapporte Roland. Une femme d’une exceptionnelle gentillesse, très active, elle gardait parfois nos enfants", livre-t-il encore, très choqué. On ignore encore à ce jour, et c’est depuis le début l’une des inquiétudes des autorités, si l’appartement mis ponctuellement en location saisonnière était occupé ce week-end.

Au premier étage, vivait Antionietta, 89 ans. D’après sa nièce, "c’était quelqu’un de très joyeux, de coquet, elle vivait seule mais était très autonome malgré son âge, elle sortait, allait au marché de la Plaine, elle était très connue des commerçants. Et elle apportait des fruits et des légumes au curé". Jean-Pierre Dolla lui portait parfois ses courses. "C’était quelqu’un de discret", se souvient-il. Pour autant, Diane, une voisine qui a vécu deux ans juste en face, se souvient avec tendresse qu’elle s’asseyait souvent sur son fauteuil à côté de la fenêtre et "écoutait la télé très fort".

Au deuxième étage, elle avait depuis un an de charmants voisins : Marion, une jeune aixoise de 31 ans, salariée de la CMA CGM (propriétaire de La Provence), voyageuse et polyglotte, avait acheté et rénové un appartement il y a un peu plus d’un an. Elle vivait avec Michael, web designer, ancien de Kedge business school. Le groupe CMA CGM nous a indiqué "témoigner sa solidarité avec l’ensemble des victimes et de leurs proches" et a confirmé "qu’une des personnes disparues travaille bien" dans son équipe à Marseille. "Nous adressons notre soutien à sa famille, ses amis et ses collègues", ajoute-t-il. Une cellule d’assistance psychologique sera ce matin mise en place pour les collaborateurs du groupe.

Au 3e étage, enfin, deux niveaux étaient réunis en un seul vaste duplex, où habitaient Jacques, 73 ans et son épouse Anne-Marie, 74 ans. Encore des personnes très connues dans le quartier : lui était architecte, son cabinet était d’ailleurs installé à deux pas, au 22 de la même rue de Tivoli. "On le voyait souvent bricoler dans son garage situé au 24 de la rue", témoigne Diane, l’ancienne voisine.