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Court métrageTranscription
00:00 Faire un film, c'est tellement dur, c'est tellement compliqué.
00:02 C'est des années et des années de combat.
00:04 Et c'est un miracle quand on y arrive, quand le truc ne s'effondre pas au dernier moment.
00:06 Je m'appelle Romain Quiraux, je suis réalisateur.
00:12 J'ai fait un premier film qui s'appelle "Le Dernier Voyage".
00:14 Et là, mon deuxième film sort, ça s'appelle "Apache".
00:15 C'est un film de gangster.
00:16 C'est quoi ton nom ?
00:22 Billy.
00:23 Je vais devenir une Apache.
00:26 C'est compliqué de faire du film de genre.
00:28 Essentiellement parce qu'on a peur, en fait.
00:30 Parce que les décisionnaires ont peur d'aborder ce genre de film-là.
00:33 Ça change un petit peu, heureusement.
00:34 Il y a des contre-exemples, heureusement.
00:36 Mais globalement, ce n'est pas des films qui sont faciles.
00:38 C'est-à-dire qu'après "Le Dernier Voyage", alors qu'on avait réussi à prouver quelque chose,
00:42 quand on a dit "Voilà, le deuxième film, ça va être sur les Apaches,
00:44 ça va être un film historique, mais aussi de vengeance, etc."
00:47 Les mecs nous regardaient en mode "Vous ne voulez pas faire un truc un peu moins compliqué ?"
00:51 "Vous voulez pas faire un truc un peu moins compliqué ?"
00:53 Ils nous regardaient en mode "Vous voulez pas faire un truc un peu moins..."
00:56 L'avantage, c'est que c'est un film indépendant.
00:59 C'est un film qui est assez libre.
01:01 Donc du coup, je n'ai pas été brimé.
01:02 Ce n'est pas comme si on avait une très grosse chaîne qui me disait
01:05 "T'enlèves cette scène de violence."
01:06 Parce que sur un film sur les Apaches, la violence est intrinsèque.
01:10 Donc en fait, c'est plus la rage d'arriver à convaincre.
01:12 Et une fois qu'on arrive à avoir suffisamment d'argent pour se dire
01:15 "Bon, en fait, on peut arriver à faire un film-là."
01:17 Nous, on était du coup assez libre.
01:18 C'est le problème de la France.
01:19 C'est que c'est un pays qui est un peu tiraillé entre "On aimerait bien avoir des films comme ça."
01:23 Mais en même temps, dès qu'ils arrivent, on peut aussi tomber sur des armées de haters
01:26 qui disent "Alors les gars, vous vous prenez pour ça."
01:28 Il faut assumer en fait.
01:29 En fait, faire un film, c'est tellement dur.
01:31 C'est tellement compliqué.
01:32 C'est des années et des années de combat.
01:34 Et c'est un miracle quand on y arrive, quand le truc ne s'effondre pas au dernier moment.
01:37 Ce qu'il faut, à mon sens, c'est se laisser de la diversité.
01:40 Ne pas s'enfermer dans un truc où...
01:42 En fait, il y en a marre.
01:43 Puis tout le monde le dit à un moment.
01:44 En France, on fait de la comédie ou du film social.
01:47 Et c'est un peu vrai, en fait.
01:48 Parce que c'est beaucoup plus facile à vendre.
01:50 Je pense qu'il y a une nouvelle génération qui a envie de bouger ça.
01:52 Et je me souviens, pendant le film, à un moment, il y avait une séquence avec un plan séquence
01:56 de 15 minutes dans des conditions qui étaient franchement sous la pluie.
01:59 Le genre de truc, normalement, il nous faudrait des mois de préparation.
02:01 Et nous, on fait ça en deux jours.
02:02 Mais à la fin, on s'est regardé et on s'est dit "Putain, on fait du cinéma."
02:05 Et ça, c'est cool.
02:06 Donc moi, j'ai envie de faire des films libres, d'assumer une pop culture française
02:09 et de ne pas trop écouter ce qu'on voudrait faire ou ce qui paraît plus assumé,
02:15 en tout cas plus facile à monter.
02:17 J'aime bien les projets un peu difficiles.
02:19 Parce qu'il y a un challenge qui est excitant, du coup, en tant que réalisateur.
02:21 "J'ai le bon verre. A vous. A la vermine qui fait honte, qui n'a aucune place dans la société."
02:26 Quand j'ai entendu parler des Apaches, je me suis dit qu'il y a dans ces gangs de la belle époque
02:31 une énergie, une rage et une cinématographie qui...
02:35 Moi, j'y voyais un nouveau terrain de jeu, un nouvel univers à explorer.
02:38 Les Apaches, c'était assez jeune.
02:39 C'était des gangs qui étaient vraiment...
02:41 Il y avait un truc assez punk, on vit jeune, on refuse, on ne travaillera pas,
02:45 on n'ira pas à l'usine mourir comme nos parents.
02:47 Ils sont portés par une énergie, un truc punk,
02:50 mais aussi il y a une forme de jeunesse qui se brûle les ailes en assumant complètement.
02:54 Et du coup, j'avais envie de travailler avec une nouvelle génération,
02:56 enfin la nouvelle génération de comédiens français.
02:59 Je vais parler à Alice, je vais sentir en elle la capacité de lâcher prise
03:03 et de pouvoir aller dans des scènes qui sont quand même des scènes de violence assez poussées,
03:07 où il y a des scènes qui demandaient vraiment d'aller chercher une rage très profondément en elle.
03:11 Et j'ai senti qu'elle avait ça en elle.
03:12 Quand j'ai parlé du rôle de Jésus avec Neil Schneider,
03:15 il y avait cette...
03:16 Comment on ne se casse pas la gueule à faire un méchant qui peut vite être un gangster ?
03:20 Genre, il y a un truc où en France, on ne nous pardonnera pas ça.
03:23 C'est-à-dire que si tu fais un méchant de cinéma, il peut vite être ridicule.
03:26 Donc, c'est comment on arrive à l'aborder ?
03:29 On a beaucoup discuté, quelles étaient nos sources d'inspiration ?
03:32 Aller chercher sur...
03:33 On a parlé de rockstar, de punk, du noirceur qui brûle le comédien...
03:38 Qui brûle le personnage, pardon, de l'intérieur.
03:40 Et c'est ça qu'on est allé creuser.
03:42 L'idée, c'était de trouver une ville qui ait des pavés, des murs sales,
03:49 où on puisse se dire, OK, on a au moins quelques rues
03:51 qui vont nous permettre de recréer l'illusion du Paris de 1900.
03:55 Et après, ça va être les effets spéciaux qui vont prolonger le décor,
03:58 enfin, vraiment apporter l'espèce de petite touche de magie qui va rendre l'univers...
04:02 Il faut toujours, chaque scène, penser comme ça.
04:04 Je me dis, OK, les enfants ont une planque dans une église.
04:07 Mais si dans la planque, il y a un trou dans le mur,
04:09 et qu'on voit au loin Paris avec la tour Eiffel en construction,
04:13 ou ce genre de détails, c'est marrant, parce que c'est un petit détail,
04:16 mais ça permet de créer un univers.
04:17 Et puis, en vrai, moi, enfant, j'aurais kiffé avoir une planque
04:20 avec la ville sur Paris.
04:21 Là, je me dis, j'ai fait ce premier film, ce deuxième film, j'ai réussi.
04:25 Et il était porté par l'énergie des Apaches.
04:27 Un film libre, un film qui se permet de mettre du Johnny Hallyday,
04:30 du soul, du soul jazz et même du hip-hop.
04:33 Et en même temps, je me dis, dans le prochain film, par exemple,
04:36 j'ai pas envie de massager, j'ai pas envie d'un coup de me dire,
04:38 j'ai envie de continuer d'être porté par une énergie comme ça
04:40 et aborder des territoires qu'on n'ose pas trop explorer en France.
04:44 - Ouh ! - Ouh !
04:46 Vous savez ce qu'on dit, non ?
04:47 Plutôt mourir debout que de vivre à genoux.
04:49 Are you ready now ?
04:52 Sous-titrage Société Radio-Canada
04:56 [SILENCE]