Jusqu'à 10.000 personnes sont attendues autour de Sainte-Soline dans les Deux-Sèvres, où l'un de ces réservoirs dédiés à l'irrigation agricole est en construction, cinq mois après un précédent rassemblement émaillé d'affrontements.
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00:00 - Votre invité, c'est le ministre de l'Agriculture et de la Souveraineté Alimentaire.
00:03 Bonjour Marc Fesneau.
00:04 - Bonjour.
00:05 - On commence avec la situation dans les Deux-Sèvres, près de Sainte-Sauline.
00:08 C'est un week-end de manifestation pourtant interdite contre les réserves de substitution.
00:15 C'est retenu dos au profit des agriculteurs.
00:18 Les opposants appellent ça des bassines.
00:20 Ce matin, 8h21, quel message voulez-vous adresser à ces manifestants au moment où ils s'apprêtent
00:27 à se réunir ?
00:28 - Oh, un message de responsabilité et d'apaisement, mais qui est dans leurs mains la vérité.
00:33 C'est des manifestations qui ont été interdites, non pas pour le plaisir d'interdire des manifestations,
00:38 mais les éléments qu'on en a sont des éléments qui laissent à penser.
00:41 D'ailleurs, on a vu les saisies qui ont été faites hier de gens qui avaient qui des machettes,
00:44 qui des haches, qui des fusées de détresse.
00:46 On a vu ce qui s'était passé aussi au mois de novembre, qui manifestent pour un certain
00:50 nombre d'entre eux.
00:51 Jamais je fais d'amalgame, mais pour un certain nombre d'entre eux.
00:52 - Oui, parce que pour un peu, vous allez nous dire que la foule n'est pas légitime là-bas
00:56 aussi.
00:57 - Non, non, non, je n'ai pas dit ça.
00:58 Je ne fais pas d'amalgame, mais je dis que quand vous saisissiez des gens qui ont des
01:00 machettes et des haches, je ne crois pas que ce soit des manifestants.
01:04 Et quand vous pensez que vous en avez mille, dans une foule qui est estimée à 7 ou 10
01:07 mille, vous avez des risques à l'ordre public qui justifient l'interdiction de manifester.
01:11 - Vous avez mis 3 000 gendarmes en face.
01:12 - Il y a 3 000 gendarmes, ce qui est beaucoup, mais ce qui est aussi face à des gens très
01:15 déterminés et qui ne pensent pas la vie humaine comme un bien précieux.
01:18 C'est quand même une grande mobilisation pour les gendarmes.
01:22 Il faut saluer l'action de la préfète de ce département et des forces de l'ordre,
01:26 des forces de sécurité, pour essayer de faire en sorte que ces choses se passent sans qu'il
01:30 y ait trop de violence.
01:31 Et donc c'est un appel à la fois à ça, difficile de parler à ceux qui se promènent
01:34 avec des haches et des machettes, parce que vous voyez bien que je ne suis pas sûr que
01:37 ma parole performerait, si on peut dire.
01:40 Mais pour les autres, ceux qui ne sont pas dans ce registre-là et qui essayent de dire
01:44 des choses, leur dire que d'abord c'est une manifestation interdite et donc, y compris
01:47 pour eux, vis-à-vis de gens qui sont très violents, il y a des risques.
01:50 Et ça n'empêche pas qu'on puisse ne pas être d'accord avec tel ou tel projet.
01:54 Et puis deuxième élément, leur dire que quand même c'est un projet, on peut discuter
01:58 aussi du fond d'ailleurs, mais qui barre bien des aspects, y compris dans le processus
02:01 qui a amené à la construction de ces réserves, et plutôt exemplaire en termes de discussion,
02:06 de débat, ça a amené à un protocole qui a été signé par des associations environnementales,
02:09 par des élus, au premier rang desquels Madame Bateau, qui ont retiré ensuite leur signature.
02:13 Mais moi quand j'impose une signature quelque part, j'essaye de le faire avec recul.
02:17 Et donc le process lui-même a été un process où rien n'était imposé du haut.
02:21 Les choses se sont faites sur le terrain, avec les associations locales, avec les agriculteurs
02:25 locaux, avec les services de l'État, les services scientifiques sur les questions d'eau.
02:29 Et donc il faut aussi regarder ce projet comme exemplaire dans sa démarche.
02:32 - Mais là, vous calmez le jeu, mais il y a des ministres au sein du même gouvernement
02:37 que vous, qui ont mis un peu d'huile sur le feu.
02:40 Je pense à Gérald Darmanin qui assure qu'il s'agira d'une grande mobilisation de l'extrême
02:45 gauche venue s'en prendre aux gendarmes pour peut-être les tuer, ou tuer les institutions.
02:49 Vous partagez ce genre de propos ?
02:50 - Dans les milles que je viens, qui sont identifiées ou comme telles, il y a manifestement des
02:54 gens qui sont dans ce registre-là.
02:56 Je ne sais pas en quoi ça serait orthogonal tout à fait de dire ça et de dire en même
02:59 temps.
03:00 Pour les autres, pour ceux qui pensent des choses sur ces sujets-là et qui, de bonne
03:03 foi, pensent différemment de ce que les uns et les autres peuvent penser, ceux-là, ce
03:07 n'est pas les mêmes.
03:08 - L'ennemi du gouvernement, c'est l'extrême gauche en ce moment ?
03:10 - Les milles qu'on a, c'est des éléments qui viennent qui de Suisse, qui d'Italie,
03:14 qui d'Allemagne, qui de Belgique et qui manifestement ne sont pas autre chose que des gens rompus
03:18 à ces exercices de manifestation, plutôt classés à l'extrême gauche et effectivement
03:22 qui font acte de violence.
03:23 Ce n'est pas une insulte et ce n'est pas une provocation que de décrire simplement
03:26 une réalité en l'occurrence.
03:27 - Yannick Jadot disait-il hier qu'il y a en ce moment une criminalisation, finalement
03:32 permanente, criminalisation des militants écologistes.
03:35 - Non, c'est tout à fait inexact.
03:37 Monsieur Jadot devrait le savoir d'ailleurs.
03:39 On essaie d'exister comme on peut parfois, mais inutile de chercher des choses compliquées.
03:43 La criminalisation, ce n'est pas ça.
03:44 La criminalisation, c'est quand vous faites des actes qui sont répréhensibles.
03:48 Ce ne sont pas les choses.
03:49 Personne ici n'est embastillé dans ce pays sans que la justice ne soit passée, sans
03:54 qu'il y ait des actes de procédure.
03:55 Parfois, d'ailleurs, j'entends même dans le monde agricole des gens qui trouvent que
03:57 nous n'allons pas assez loin.
03:58 Et moi, je tiens la position que la justice doit passer, mais la justice dans les formes
04:02 de droit et l'état de droit dans lequel nous sommes.
04:03 Donc, je trouve que c'est une caricature.
04:06 En revanche, quand vous allez détruire le bien d'autrui, oui, ça relève de… oui,
04:09 c'est un délit.
04:10 - Alors, dans le fond du dossier, pour le gouvernement et pour vous en particulier, Marc Fesneau,
04:14 pas de moratoire autour de ces projets de réserve qui pourraient continuer ?
04:19 - Est-ce que je peux essayer d'écrire juste en deux minutes les choses sur ces projets ?
04:23 - Bien sûr.
04:24 - Saint-Sauline, c'est quoi ? C'est à date, en 2018, avant que ne soit signé le
04:28 protocole, 21 millions de mètres cubes prélevés sur ce périmètre-là.
04:32 Le protocole, il prévoit de ne plus en prélever qu'environ 12 millions.
04:36 12,5 millions.
04:37 Dans ces 12 millions, de ne plus en prélever que 6 millions l'été.
04:40 Les 21 millions étaient prélevus l'été.
04:41 Donc, 21, 6 millions de mètres cubes prélevés.
04:43 Donc, on a une réduction drastique des prélèvements en été, qui est la période la plus cruciale.
04:47 Et on fait des réserves, environ 6 millions de mètres cubes, pour pouvoir les remplir,
04:50 pour qu'elles puissent être utilisées l'été, mais remplies par des eaux d'hiver,
04:54 quand il y a de l'eau hiver.
04:55 D'ailleurs, à ceux qui disent "cette année, elles sont moins remplies", d'abord,
04:57 elles sont plutôt remplies dans ce secteur-là, mais si elles sont moins remplies, il n'y
05:00 aura pas de prélèvements parce que la nappe ne permettra pas de prélever.
05:03 Deuxième élément, on a des agriculteurs qui se sont engagés sur des diagnostics pour
05:07 toutes les exploitations collectives et individuelles, des engagements individuels.
05:10 Donc, il y a des agriculteurs qui signent en bas d'un papier des engagements sur réduction
05:13 des indices de traitement.
05:14 - Il y a un suivi de ça ? Il y a un contrôle ?
05:15 - Bien sûr, il y a un suivi, et dans quelques jours, on donnera le suivi.
05:18 Mais je peux vous dire, par exemple, que les surfaces en bio se sont très largement développées.
05:22 Je peux vous dire que l'indice de fréquence de traitement, c'est-à-dire le nombre de
05:26 fois où on traite les parcelles, s'est réduit de façon très importante.
05:29 Il y a des gens qui plantent des haies.
05:31 Donc, il y a des engagements précis et suivis qui sont mis en place.
05:34 Alors, j'entends certains dire "oui, mais on ne sait pas s'ils vont tenir les engagements".
05:36 Mais on vit dans un État, et à la fois de droit, ce que je rappelais tout à l'heure,
05:39 mais aussi un État de responsabilité où on doit se faire confiance.
05:41 Moi, j'estime que quand quelqu'un a signé en bas d'un papier, il est engagé, non seulement
05:45 vis-à-vis de l'État, mais il est engagé vis-à-vis de la collectivité.
05:48 Et là, vous avez des agriculteurs qui se sont engagés.
05:50 Et on est dans un cycle qui est plutôt vertueux, puisqu'au final, il n'y aura plus...
05:54 D'ailleurs, le Bureau de Recherche Géologique et Minière qui s'occupe...
05:57 - BRGM - BRGM, je ne dis plus BRGM, parce que...
05:59 - Mais vous avez raison, il faut le dire.
06:00 - Je l'ai dit, et quelqu'un m'a dit "qu'est-ce que ça veut dire, ce machin ?"
06:04 - Le Bureau de Recherche Géologique et Minière, qui travaille sur les nappes, comme vous le savez,
06:06 lui, il dit que c'est vertueux parce qu'il y aura plus d'eau en été dans les cours d'eau.
06:09 - Sauf que le BRGM dit aussi que ces nappes, enfin pardon, ces retenus d'eau,
06:13 pourraient très bien ne plus être remplis par manque d'eau dans les prochaines années.
06:16 Vous êtes peut-être en train de construire des piscines qui ne serviront plus à rien.
06:19 - Non, c'est inexact.
06:20 Ils disent que dans certaines années, elles pourront être à pleine, pas être remplies.
06:23 Oui, mais je vais vous expliquer un truc.
06:25 Je prends une comparaison. Vous mettez des dispositifs antigels dans les vignes.
06:30 Ça couvre le riz jusqu'à -2, -3 ou -4.
06:33 Quand ça fait -8 ou -10, ça ne couvre pas le riz.
06:35 Sauf que ça couvre le riz dans les périodes les plus communes.
06:38 Et dans les périodes les plus intenses, oui, elles ne peuvent pas être remplies.
06:42 Mais c'est bien l'objectif des ouvrages que d'avoir cette fonction-là plutôt d'assurance, si je peux dire.
06:46 - Là, on parle de scintes solides, mais ouvrons un peu le dossier.
06:48 Il y a combien de bassines, enfin de grandes réserves d'eau aujourd'hui en France ?
06:51 - Je ne peux pas vous dire. Il y a des centaines et des milliers de réserves d'eau sous des formes diverses, des étangs...
06:58 - Non, mais là, je parle de réserves d'eau, de méga-bassines.
07:01 - Je ne sais pas ce que c'est. J'ai du mal à vous dire ce que c'est qu'une méga-bassine.
07:04 C'est combien d'hectares une méga-bassine ?
07:05 J'ai des étangs en Solonne, chez moi, ils font 10 hectares.
07:08 C'est un méga-étang. Et c'est un serponçon, c'est quoi ?
07:11 C'est une méga, méga, méga, méga, méga, méga, méga...
07:14 Vous voyez ce que je veux dire ? Je trouve que dans la terminologie...
07:16 Je ne fais pas de reproches à la terminologie, mais des projets de cette nature-là, je ne peux pas vous les quantifier.
07:22 Donc, je ne vais pas vous dire... - Mais la question, c'est, il en faut plus ou pas ?
07:24 - Ça dépend des territoires. Il y a des endroits où il en faudra plus. Il faut assumer cette...
07:28 Mais parfois, c'est des bassines... - Donc, en fait, vous dites que face à la sécheresse, la solution, ce sont ces...
07:32 - Non, je vais essayer de vous expliquer après.
07:34 Parfois, c'est des retenues collinaires. Parfois, c'est des ouvrages plus grands, type ceux qui sont dans le Verdon.
07:40 Donc, il n'y a pas de... C'est pour ça que la question n'est pas la quantité de tel ou tel type d'ouvrage.
07:45 Alors, qu'est-ce que je dis ? Et qu'est-ce que nous disons ? Et qu'est-ce que nous allons dire ?
07:48 Je vous donne des chiffres. 500 milliards de mètres cubes qui tombent d'eau chaque année.
07:52 300 milliards sont utilisés naturellement par la plante. Il en reste 200 milliards.
07:55 Dans les 200 milliards, il en est prélevé 33.
07:59 900 sont réellement prélevés. Et là-dessus, il y en a 3 qui sont prélevés par l'agriculture.
08:03 3 milliards. - Donc, vous ne dites presque rien.
08:04 - 3 milliards. Alors, je ne fais pas 3 à 500, puisque le reste est utilisé. 3 à 200.
08:08 On a besoin de quoi ? On a besoin de combiner à la fois des réserves de substitution, des réserves, des retenues collinaires...
08:13 Enfin, toutes les formes de retenues qu'on peut avoir, pour pallier à la période où on a besoin de plus d'eau.
08:19 Et on a besoin, par ailleurs, de faire en sorte qu'à l'hectare, on appelle moins d'eau.
08:23 On ait besoin de moins d'eau. Changement de culture, variété plus résistante à l'eau, système d'irrégation plus économique...
08:29 - Oui, parce que pour l'instant, les opposants disent que c'est beaucoup d'eau qui va servir à une minorité d'exploitants agricoles en maïs.
08:35 - Mais ça ne veut rien... Pardon, excusez-moi, ça ne veut rien dire, ça.
08:38 - Mais vous êtes là pour ça, pour nous expliquer. - Il n'y a pas une minorité.
08:40 C'est des exploitations qui font entre 100 et 150 hectares, ce n'est pas des méga-exploitations.
08:44 Enfin, tous ces termes-là ne veulent plus rien dire.
08:46 - Non, mais au moment où les nappes phréatiques se vident, vous entendez le discours général tout de même.
08:50 - Est-ce que vous m'avez entendu dire autre chose que...
08:53 On a besoin d'eau en agriculture, donc il faut qu'on prévoie les périodes où on a moins d'eau dans la rétromie climatique,
08:58 et on a besoin de sobriété en agriculture, c'est-à-dire d'avoir des pratiques agricoles qui fassent
09:02 qu'à l'hectare, qu'à la tonne de matière organique produite, on ait besoin de moins d'eau.
09:06 Et je dis, les pratiques agricoles, les variétés... - Doivent changer.
09:10 - Doivent évoluer. Et donc c'est les deux.
09:12 - Mais le ministre de l'Agriculture ne parle pas beaucoup des nappes phréatiques.
09:16 - Si, si. - Or ce matin, ce qui est choquant, c'est ça.
09:19 - Mais je... Et encore les nappes phréatiques, pardon de faire dans la nuance.
09:23 La nappe phréatique de Beauce, celle que je connais le mieux, elle est une nappe profonde qui se remplit l'hiver et qui se remplit très lentement.
09:28 Donc il faut beaucoup d'eau pendant longtemps. Les nappes phréatiques dont on parla se remplissent très vite.
09:32 Et se vident très vite. Donc c'est pas du tout... Et donc, elles se vident très vite, ça veut dire qu'elles vont très vite à la mer.
09:37 On n'est pas sur les mêmes types de nappes. - Donc tout va bien.
09:39 - Vous m'avez pas entendu dire ça. Je dis juste que si on pouvait, dans ce sujet-là, essayer d'abord de se mettre d'accord sur une forme de compromis sur les besoins d'eau en agriculture.
09:47 Deux, sur la nécessité de sobriété en agriculture. Parce que les agriculteurs qui m'écoutent, et ceux qui m'écoutent globalement,
09:53 ils savent qu'il faut de la sobriété. Et que ici, c'est moins de maïs. Ici, c'est des cultures qui vont évoluer.
09:58 Ici, c'est des variétés qui seront plus résistantes. Ici, c'est des pratiques qui permettent d'avoir de la matière organique et de tenir l'eau dans le sol.
10:04 C'est tout ça qui conviendra. Dans le protocole de Saint-Saëns, il y a de la plantation de haies. La plantation de haies, ça a plusieurs vertus.
10:09 Au-delà de la biodiversité, qui est une grande vertu, une deuxième vertu, c'est de maintenir l'eau. - Ça contient l'eau.
10:12 - Ça contient l'eau. Vous voyez bien qu'il y a un plan qui a été pensé. Et donc c'est pas parce qu'on dit...
10:16 - Mais ça remplit pas les nappes phréatiques en plein hiver comme en ce moment où elles sont encore très très secs.
10:20 - C'est comme ça, mais personne ne sait si... Moi, je me souviens de 2016. Hiver très sec, et après j'avais 80 centimètres d'eau dans la commune dont j'étais le maire.
10:28 Donc attention à ne pas... Il faut raisonner sur le temps long. Les surfaces en irrigation en France, je le rappelle, c'est 7% des surfaces de France.
10:37 Personne ne dit qu'on va passer à 90%. Et certainement pas moi. On a sans doute besoin, dans certains territoires, d'un peu plus d'eau.
10:44 Mais globalement, il faut que ça soit sobre, tout ça.
10:45 - Allez, on change de dossier, monsieur le ministre de l'Agriculture et de la Souveraineté Alimentaire.
10:50 Il y a l'eau, il y a aussi les pesticides. L'Inrae vient de publier cette semaine une étude qui envisage des pistes pour se passer complètement de pesticides d'ici 2050.
11:00 Avez-vous pris connaissance de cette étude ? Et quelle conclusion en tirez-vous ?
11:06 - J'ai pris connaissance de cette étude dans laquelle l'Inrae, qui fait, moi, je trouve, toujours un bon travail, au fond, à moyen et long terme.
11:12 Et là, on est plutôt sur le long terme. Elle pose des hypothèses dont on voit bien qu'elle-même posée pose une difficulté majeure pour y arriver.
11:18 Et c'est pas parce que je dis ça qu'il ne faut pas se mettre sur un chemin de réduction des produits phytosanitaires.
11:24 Mais vous voyez bien que 2025, en 2023, ça ne m'a pas échappé, mais 2025, disons 2050, en 25 ans, ce mouvement-là, il est long.
11:32 Mais ce qu'on dit sur l'agriculture, pardon de le dire, c'est valable sur le logement, c'est valable sur la construction, c'est valable sur...
11:38 On a besoin de transitions qui sont longues, et moi, ce que j'en lis, c'est qu'il y a des choses qu'on peut faire, il y a des choses qui sont plus difficiles à faire, il y a des choses qui sont à date...
11:45 - L'Inrae dit "il faut diversifier les cultures, il faut pourquoi pas apporter de la robotique" - C'est ce qu'on a mis dans la PAC.
11:49 - Très bien. - C'est ce qu'on a financé dans "France relance la robotique". - Il faudra changer les codes de la politique agricole commune.
11:54 - Oui, mais on a une politique agricole commune qui sera révisée en 2027, puis revisée ensuite. Donc, il donne des clés et des éléments, mais pour faire une transition comme ça, il faut du temps.
12:04 Et ils disent aussi que c'est un objectif qui n'est pas atteignable comme ça d'un revers de main. Et c'est bien qu'on se dise que les objectifs, il suffit pas de claquer des doigts.
12:12 Parce que j'entendais des gens qui me disaient "il faut interdire les néonicotinoïdes, c'est simple". Résultat, cette année, je me retrouve avec une filière...
12:17 On m'avait dit "il y a des alternatives". - Une filière sucre qui ferme les portes. - Bah oui, et donc, si on pouvait se dire qu'on a besoin de transitions, qu'il y a des choses possibles,
12:23 et que parfois, il y a encore les produits phytosanitaires, parce que c'est utile, et que de la chimie, il y en a partout. Il y en a dans ce bureau, dans ce studio, il y en a chez vous, il y en a chez moi,
12:32 et il y en a donc aussi en agriculture. Et qu'on peut essayer d'en sortir, on peut essayer de la réduire, mais qu'aussi, on peut en avoir besoin.
12:38 - Marc Rénaud, parlons aussi du contexte actuel dans lequel on est. La visite du roi Charles III a donc été repoussée, on l'a appris hier, reportée probablement l'été prochain.
12:48 Est-ce que c'est le signe, peut-être, d'un président qui commence à reconnaître qu'il y a peut-être un problème avec sa réforme des retraites ?
12:55 - C'est le signe d'un président qui est à l'écoute, en tout cas. - Il est à l'écoute ? - Enfin, qui est à l'écoute de ce qu'est l'opinion et de ce qu'est...
13:03 D'abord, on a des forces de sécurité qui sont beaucoup mobilisées, et donc les mobiliser pour un événement supplémentaire reconnaissant, qu'il peut y avoir quelque chose que peu de gens pourraient...
13:11 Il faut saluer les forces de l'ordre qui sont extrêmement mobilisées. - On en reparlera. - Et qui sont très sollicitées.
13:15 Et donc, que dans ce contexte-là, on puisse reporter une visite qui est une visite d'Etat, qui est celle du roi Charles, moi, ça me paraît logique, ça me paraît normal,
13:26 et ça me paraît une décision qui est celle qui est emprunte de bon sens et en adéquation avec le moment qu'on traverse.
13:31 - C'est normal, mais ça montre aussi que la stratégie du pourrissement sur laquelle parie l'Elysée montre ses limites.
13:37 - Mais j'ai du mal à entendre ce mot de pourrissement. Le pourrissement, c'est l'idée, la stratégie, se dire "à l'usure, on les aura", mais c'est pas ça, y compris dans cette affaire de réformes.
13:50 - Pardon, mais c'est un peu ce qu'il a dit lors de l'interview qu'il a accordée il y a trois jours, mercredi, en disant "cette réforme, on l'a enjambée maintenant, on est passé au coup d'après". Eh bien non.
13:58 - Moi, je ne l'ai pas lu comme ça, mais peu importe, je vais vous dire ce que je pense, moi, j'ai pas dit qu'on l'a enjambée.
14:03 Faut pas nier ce qui s'est passé, ce qui se passe dans la rue. Faut pas nier la colère que ça a pu susciter. Faut pas nier les inquiétudes, les interrogations, les incompréhensions.
14:10 Et faut pas dire que c'est pas les gens qui ont... les gens comprennent mal, c'est nous qui avons sans doute mal expliqué un certain nombre de choses.
14:14 Notamment que cette réforme n'était pas une réforme populaire par nature et pas agréable par nature, puisque il s'agit d'allonger la durée.
14:21 - Mais ça, les Français l'ont bien compris. - Au travail. Et ça, les gens... Non, oui, mais dans les mots, il faut le dire, il vaut mieux poser les choses.
14:26 Mais on l'a fait. Pourquoi ? Parce qu'on considère... Je peux débattre avec tout le monde du sujet, mais on considère que l'intérêt du pays, y compris en termes de souveraineté financière,
14:35 c'est qu'on ait des comptes qui soient mieux équilibrés. Et donc, c'est pas la question du pourrissement, c'est la question que cette réforme, elle est nécessaire.
14:41 - Non, mais pourrissement, on a le sentiment que c'est la violence vers laquelle on est en train de tendre qui va peut-être faire bouger le président.
14:47 - Non, je crois pas. Vous avez entendu aussi ce qu'il a dit hier en sortie du Conseil européen, en disant qu'il considérait que la violence était inacceptable.
14:56 Parce que si vous accréditez la thèse, c'est pas une question de pourrissement, là. Si vous accréditez la thèse que c'est par la violence que vous obtenez droit à un certain nombre de demandes,
15:04 qu'elles soient légitimes ou pas. Enfin, légitimes au sens démocratique. Alors, à ce moment-là, vous êtes dans une société qui n'est plus une société démocratique.
15:11 Donc la violence ne peut pas avoir le pas sur le reste. C'est aussi simple que ça à Saint-Sauline comme dans d'autres registres.
15:17 Mais là non plus, les gens qui manifestent, le million de gens qui ont manifesté la semaine dernière, c'est majoritairement des gens qui sont contre la réforme.
15:25 C'est pas des gens qui sont violents. Donc essayons de distinguer.
15:27 - Alors, il y a de la violence de la part d'un certain nombre de manifestants. Il y a de la violence aussi du côté des forces de l'ordre.
15:34 On a entendu ce matin, à plusieurs reprises dans les journaux de France Inter, ces policiers de la brave M qui insultent, qui humilient certaines personnes interpellées.
15:42 Elles sont fatiguées, comme dit Gérald Darmanin, ces forces de l'ordre, quand elles commettent ces bavures policières ?
15:48 - Alors, d'abord, moi j'ai été, et s'il s'avérait que c'était bien ce qu'on nous décrit, moi je suis toujours par nature, pour tout le monde d'ailleurs,
15:54 on attend les faits, il y a une enquête qui est en cours, mais s'il s'avérait que c'est vrai, c'est extrêmement choquant, et c'est même plus que choquant.
16:01 Parce que la police et la gendarmerie, les forces de l'ordre, elles détiennent ce qu'on appelle le monopole de la violence légitime.
16:06 Parce qu'elles procèdent de ce que doit être un intérêt général. - Enfin là c'est un enregistrement audio, donc c'est quand même...
16:10 - Oui, mais qui sait où c'est ? Enfin c'est pas... Voilà. Il faut identifier les chances, il faut les interroger. Enfin pardon.
16:16 Demandons à faire pour la police ce qu'on fait pour vous et moi. - Le IGPN a été... - Il y aura une enquête, donc...
16:23 C'est pour ça que j'ai pas de prudence verbale en tant que tel, je dis juste "il faut que laissez se dérouler une enquête", c'était il y a deux ou trois jours si j'ai bien compris.
16:29 Mais c'est effectivement très choquant, et je comprends tout à fait l'état de fatigue de policiers et de gendarmes qui sont chargés de main-d'oeuvre dans des conditions qui sont très difficiles,
16:38 parce que vous avez au milieu d'une foule qui est complètement pacifique, des gens qui viennent mettre la pagaille, c'est d'ailleurs pour ça qu'ils peuvent s'en tirer,
16:43 parce que comme ils sont au milieu d'une foule pacifique, et que c'est plus compliqué d'aller les chercher dans une foule pacifique, évidemment c'est plus compliqué.
16:49 Mais ça ne justifiera jamais des comportements individuels qui ne sont pas conformes ni à l'éthique, ni à la loi d'ailleurs, ni à l'esprit de la loi, en termes de maintien de l'ordre.
17:00 Et reconnaissons qu'il y a eu beaucoup de manifestations depuis le mois de janvier, ou même le mois de décembre, et que dans la plupart des cas les choses se sont passées dans de bonnes conditions.
17:06 Faut aussi saluer d'ailleurs les services d'ordre des syndicats. - Quelles sont les solutions maintenant ? On en se recommande tout ça ?
17:12 - Écoutez, le président de la République a demandé à ce que nous réfléchissions, nous, ministres, autour de la première ministre,
17:16 à ce que pourraient être et des messages, et des dossiers que nous pourrions mettre sur la table.
17:22 Il me semble qu'on a besoin de rendre visible ce qu'on fait, je pense qu'on a besoin de rendre visible aussi ce dont les gens ont besoin d'un point de vue concret.
17:30 Je vous donne un seul exemple, je pense que le sujet maintes fois itéré médical, le sujet de santé, est un sujet qui saisit l'ensemble des Français,
17:37 nous avons tous autour de nous des gens qui n'ont pas de médecin référent, n'arrivent pas à trouver un spécialiste dans des délais qui sont résolus.
17:43 - Donc on enjambe en fait cette réforme des retraites ? - Non, non, c'est pas la question d'enjamber.
17:46 On a une réforme des retraites. J'ai essayé de vous dire en quelques mots ce que je pensais de la nécessité de la faire, et de la nécessité pour les pays en termes de souveraineté.
17:55 Ceci étant posé, ça n'empêche pas que j'ai des sujets, moi j'ai beaucoup de gens qui m'ont dit "j'ai des sujets de pouvoir d'achat, j'ai des sujets d'accès à la santé",
18:02 c'est aussi des sujets concrets pour les gens.
18:03 - Le gouvernement veut, j'allais dire, faire diversion, mais c'est pourtant bien le chef de l'État qui cristallise en ce moment la contestation.
18:10 - Mais nous sommes dans un pays, moi je suis toujours très frappé quand il y a un problème dans un pays, c'est "et qu'est-ce que fait le chef de l'État ? Et qu'est-ce que fait le président ?"
18:17 C'est d'ailleurs pas nouveau, j'ai toujours entendu ça, ça fait 25 ans que je suis dans la politique, et c'est toujours "on est un pays qui rêve de décentralisation,
18:23 et dès qu'il y a un problème, c'est "que fait le gouvernement ?" et "gouvernement = chef de l'État".
18:27 - Non mais il avait laissé Élisabeth Borne en première ligne pendant les débats à l'Assemblée, ça a été adopté dans les conditions qu'on le sait,
18:32 maintenant c'est le chef de l'État qui cristallise la contestation.
18:35 - Mais ça se termine toujours comme ça, et je trouve d'ailleurs plutôt, on va pas lui reprocher à la fois de se cacher, certains font dire ça,
18:42 et d'autres d'être en première ligne, vous êtes au milieu de la contestation, c'est le chef de l'État, il assume sa responsabilité.
18:46 Il est élu par le peuple français, ce qui est différent de ce que nous sommes au gouvernement,
18:50 et donc par construction, il vient polariser dans un pays qui se rêve encore un peu centralisé, ou qui est un peu encore centralisé.
18:56 - Marc Fesneau, le ministre de l'Agriculture et de la Souveraineté Alimentaire était ce matin notre invité sur France Inter, merci beaucoup.
19:01 - Merci à vous. - Et bonne journée, 9h moins 20.