Ça vous regarde - Faut-il supprimer le 49.3 ?

  • l’année dernière
- Grand témoin : François Gemenne, chercheur FNRS et auteur principal pour le GIEC

LE GRAND DÉBAT / Faut-il supprimer le 49.3 ?

« Le chrono de Blako » par Stéphane Blakowski

Le jeudi 16 mars 2023, Elisabeth Borne a enclenché l'article 49 alinéa 3 de la Constitution pour faire passer, sans vote des députés, le texte sur la réforme des retraites. Il s'agissait du 11ème de cette mandature et du 100ème de la Vème République. Mis en place pour contrecarrer l'instabilité politique de la IVème République, le 49.3 est aujourd'hui largement remis en question par une partie des Français qui le perçoivent comme un « déni de démocratie ». Le 49.3 tel qu'il a été conçu par Charles de Gaulle est-il un outil indispensable de la Vème République ?
Invités :
- Jérémie Iordanoff, député EELV de l'Isère
- Bruno Questel, ancien député LREM de l'Eure
- Paul Cassia, professeur de droit public à l'université Paris 1 Panthéon Sorbonne
- Christophe Barbier, éditorialiste

LE GRAND ENTRETIEN / François Gemenne : y a-t-il encore des solutions pour le climat ?
Le 20 mars 2023 paraît le 6ème rapport de synthèse du GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur le climat). Pour François Gemenne, l'un des auteurs du rapport, les activités humaines sont les principales responsables du réchauffement climatique. À l'heure où les températures ne cessent de se réchauffer, nos sociétés peuvent-elles encore rectifier le tir et atteindre la neutralité carbone d'ici 2050 ?

- Grand témoin : François Gemenne, chercheur FNRS et auteur principal pour le GIEC

BOURBON EXPRESS :
- Elsa Mondin-Gava, journaliste LCP

LES AFFRANCHIS :
- Bertrand Périer, avocat
- Mariette Darrigrand, sémiologue

Ça vous regarde, votre rendez-vous quotidien qui prend le pouls de la société : un débat, animé par Myriam Encaoua, en prise directe avec l'actualité politique, parlementaire, sociale ou économique.
Un carrefour d'opinions où ministres, députés, élus locaux, experts et personnalités de la société civile font entendre leur voix.

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Transcription
00:00 [Générique]
00:06 Bonsoir et bienvenue dans "Ça vous regarde".
00:08 Notre grand témoin ce soir est l'un des principaux auteurs du dernier rapport du GIEC.
00:13 Bonsoir François Gémer.
00:14 Bonsoir.
00:14 Et merci d'être avec nous.
00:16 C'est le fruit de la synthèse des 8 années de travaux des 93 scientifiques du GIEC.
00:22 On va y revenir dans le détail.
00:24 Le constat, on le connaît, il est implacable sur le dérèglement climatique.
00:27 Mais il y a de l'espoir et même quelques fenêtres de tir.
00:30 On va y venir dans le détail tout à l'heure.
00:33 Mais on commence avec cette question.
00:35 En pleine crise des retraites, faut-il supprimer le 49-3 ?
00:39 Depuis qu'Elisabeth Borne l'a déclenché, le mouvement dans la rue a changé de nature.
00:44 A la colère sociale s'est ajoutée la défiance, la crise démocratique.
00:49 Et on sent bien que les citoyens n'ont plus confiance dans nos institutions.
00:53 Alors comment réparer ?
00:54 La Ve République est-elle à bout de souffle ?
00:57 Grand débat dans un instant avec nos invités sur ce plateau.
01:00 Avant de retrouver nos affranchis pour leur parti pris,
01:03 et puis Bourbon Express, l'histoire du jour à l'Assemblée.
01:06 Voilà pour le menu ce soir.
01:07 Vous me suivez François Gemmell ?
01:08 Je vous suis.
01:09 Et bien c'est parti !
01:21 Et si c'était lui le problème ?
01:23 Le 49-3 dans notre Constitution permet au gouvernement d'engager sa responsabilité
01:27 sur un texte de loi pour l'adopter sans vote, outil légal bien sûr.
01:31 Déjà utilisé cent fois depuis le début de la Ve République,
01:35 mais de plus en plus insupportable aux yeux des Français.
01:39 En témoignent la colère et même les violences que son déclenchement a provoquées.
01:44 Bonsoir Jérémy Yordanoff et bienvenue sur ce plateau.
01:47 Vous êtes député Europe Écologie-Les Verts.
01:49 Vous étiez dans les cortèges contre la réforme des retraites
01:52 et vous avez déposé une proposition de loi pour supprimer le 49-3 de la Constitution.
01:57 C'était quelques jours avant son déclenchement.
01:59 On va y revenir et vous avez aussi lancé une pétition
02:02 qui a recueilli plus de 190 000 signatures à ce jour.
02:06 Bonsoir Bruno Quettel.
02:07 Bonsoir.
02:08 Ravie de vous retrouver sur ce plateau.
02:09 Vous êtes ancien député La République en marche de l'heure
02:12 dans la précédente législature et vous avez retrouvé votre robe d'avocat aujourd'hui.
02:16 Bonsoir Christophe Barbier.
02:17 Bonsoir Meilleur.
02:18 Grand plaisir de vous avoir à nouveau parmi nous.
02:20 Éditorialiste politique à BFM TV et à Front Tireur.
02:24 Enfin, bonsoir Paul Cassiat.
02:25 Bonjour Meilleur.
02:26 Bienvenue, vous êtes professeur de droit public à l'université Paris 1, Panthéon-Sorbonne.
02:30 François Gémen, n'hésitez pas à intervenir quand vous le souhaitez.
02:33 Je sais que cette crise des retraites vous intéresse.
02:36 On a quatre experts et puis on a un nouvel expert
02:40 et c'est évidemment Stéphane, Stéphane Blakowski.
02:42 Dans ce débat, il va nous dire pourquoi, au fond,
02:45 aujourd'hui, il y a un avant et un après 49-3.
02:48 C'est le chrono de Blakow pour démarrer.
02:50 Bonsoir Stéphane.
02:57 Bonsoir Myriam, bonsoir messieurs.
02:59 Alors, l'expert 49-3, que nous dit-il ?
03:02 Alors, le 49-3, faut-il le rappeler ?
03:04 Ça fait référence au troisième alinéa du 49e article de la Constitution.
03:09 Donc si vous voulez le lire, on l'a affiché.
03:11 Mais tout le monde connaît le principe.
03:12 Ça permet donc au gouvernement de faire adopter un projet de loi
03:16 sans faire voter les députés.
03:18 Alors évidemment, ça suscite du débat.
03:19 Il y a ceux qui vous diront que c'est un déni de démocratie
03:22 et d'autres qui répondront, oui, c'est quand même un outil indispensable pour gouverner.
03:27 Cela dit, dans ce genre de débat, il faut reconnaître que le point de vue des uns et des autres
03:31 est très différent selon qu'ils sont dans l'opposition ou au gouvernement.
03:35 On peut prendre l'exemple de Frans Paul Hollande, par exemple,
03:37 qui était dans l'opposition en 2006 et qui critiquait le 49-3
03:41 quand Dominique Villepin l'a utilisé pour faire adopter le CPE.
03:44 On l'écoute.
03:45 Le 49-3 est une brutalité.
03:48 Le 49-3 est un déni de démocratie.
03:51 Le 49-3 est une manière de freiner, d'empêcher le débat parlementaire.
03:56 Alors évidemment, ce qui est savoureux dans cet extrait, c'est que dix ans plus tard,
04:00 une fois élu président, François Hollande a laissé Emmanuel Valls,
04:04 qui était son Premier ministre, l'utiliser à plusieurs reprises, le 49-3.
04:07 Et pour vous dire, comme les revirements sont assez fréquents sur le sujet du 49-3,
04:10 une fois qu'il eut quitté Matignon, Emmanuel Valls avait complètement changé d'avis sur le 49-3
04:16 quand il se présentait à la première de la gauche. On l'écoute.
04:19 Je proposerais que, hors texte budgétaire, parce que la nation a besoin de budget,
04:24 je proposerais de supprimer purement et simplement le 49-3.
04:29 Bref, tout ça nous rappelle que ceux qui aujourd'hui sont en opposition et critiquent le 49-3
04:34 pourraient très bien être amenés à l'utiliser s'ils accédaient au pouvoir.
04:37 En tout cas, ça s'est déjà vu.
04:39 Vous venez de le rappeler, l'usage du 49-3 n'est pas si rare,
04:42 100 fois déjà utilisé depuis le début de la Ve République.
04:46 Et on sait que celui qui l'a le plus utilisé, c'est Michel Rocart.
04:48 Le record est à 28 parce qu'il n'avait pas de majorité absolue, exactement comme Elisabeth Borne.
04:54 Et d'ailleurs, lorsqu'elle a fait adopter sa réforme des retraites au 49-3,
04:58 à la tribune, elle a cité Michel Rocart, les mots de Rocart,
05:01 lorsque lui a fait adopter la CSG au 49-3. On écoute.
05:06 Michel Rocart avait eu ces mots dans un scrutin où chacun voterait selon sa conscience.
05:14 Permettez-moi de dire que je suis sûr que ces dispositions réuniraient une majorité,
05:22 peut-être même une large majorité.
05:25 Donc voilà, effectivement, le meilleur argument sans doute en faveur du 49-3,
05:29 c'est qu'il permet au gouvernement d'échapper aux certains calculs politiciens que peuvent avoir les députés.
05:34 En l'occurrence, Elisabeth Borne, elle parlait des LR qui, après avoir défendu la retraite à 65 ans,
05:40 a refusé de la voter quand elle passait à 64.
05:43 Pourtant, même si la Première Ministre estime avoir remporté une victoire sur la réforme des retraites GAS au 49-3,
05:49 on peut quand même en douter.
05:50 Depuis que la réforme a été adoptée au 49-3, il y a eu les événements de la Concorde,
05:54 puis tous les soirs des débordements de violents, où on a eu le sentiment que la 49-3 a joué un rôle.
05:58 En tout cas, elle a été prévenue, c'est exactement ce que disait Laurent Berger avant qu'il n'utilise le 49-3.
06:04 Moi, je pense qu'on ne peut pas, je vous le redis, avoir une telle mobilisation,
06:09 une telle opinion qui est adverse, qui est contre cette réforme,
06:13 une procédure parlementaire escamotée,
06:16 et avoir un vice démocratique par le vote de cette réforme, par un recours au 49-3.
06:20 Je pense que ce serait extrêmement dangereux, dans le ressentiment que ça pourrait créer.
06:26 Alors, vous savez, là, on est sur celui qui est pour ou contre la réforme,
06:29 mais il n'y a pas de Laurent Berger qui soit critique vis-à-vis du 49-3.
06:33 Je vais vous faire écouter Nicolas Sarkozy, qui est assez bien placé pour en parler,
06:36 puisque c'est lui qui a réduit l'usage du 49-3 en 2008.
06:40 Il a été invité à un congrès sur les institutions au mois d'octobre,
06:43 et il a expliqué pourquoi, en 2010, lorsqu'il a fait adopter cette réforme des retraites,
06:47 alors que François Fillon, Premier ministre et Bernard Acquoyer, président de l'Assemblée,
06:51 lui demandaient de la faire passer, cette réforme, au 49-3, pourquoi il avait dit non en écoute ?
06:55 Malgré tout, le débat à l'Assemblée nationale, au Parlement, au Sénat,
07:01 c'est un peu comme si vous voulez la vapeur dans la cocotte minute.
07:05 Si vous laissez sortir un peu de vapeur, c'est mieux pour ne pas risquer l'explosion.
07:12 Ah voilà, c'était mieux pour éviter l'explosion.
07:15 Il paraît que le président Macron parle souvent avec son prédécesseur Nicolas Sarkozy.
07:19 Peut-être que, sur ce sujet, il aurait pu tenir compte des conseils de son prédécesseur.
07:23 Mais il y a débat.
07:25 Merci pour ce billet très complet ce soir.
07:27 Paul Cassiat, je vais commencer avec vous.
07:29 Un peu d'histoire, peut-être.
07:31 Comment il est né ? Comment il a été pensé par le général de Gaulle et par Michel Debré, ce 49-3,
07:36 par les auteurs de la Constitution ?
07:38 Il s'insère dans un ensemble qu'on appelle le parlementarisme rationalisé.
07:42 L'idée, c'est de ne pas retomber dans les errements de la 4e République
07:44 et de faire en sorte que le gouvernement puisse gouverner.
07:47 Et il y a dans la Constitution un nombre assez impressionnant de mécanismes
07:50 qui permettent précisément à l'exécutif de mener la politique qu'il souhaite
07:55 en dépit de contraintes diverses qui peuvent tenir soit à l'obstruction parlementaire,
07:59 soit au fait de ne pas avoir de majorité absolue.
08:01 Il y a deux types de 49-3.
08:03 Pour débloquer, alors qu'on est majoritaire, un mur d'amendement de l'opposition,
08:07 ou pour passer un texte sans majorité.
08:10 Absolument.
08:11 Et dans l'histoire, il y a plus de déblocage ou de passage en force ?
08:15 Ça doit se tenir entre les deux rives.
08:19 Mais ce qui est tout à fait original dans le contexte actuel,
08:23 et vous l'avez dit en commençant Myriam,
08:25 c'est que le 49-3 est apparu insupportable.
08:28 Pourquoi ? Parce qu'on a un concentré de tous les mécanismes parlementaires
08:31 qui sont favorables à l'exécutif,
08:33 qui ont été utilisés dans une période très courte, de quelques 50 jours à peu près.
08:37 Donc c'est ce 49-3-là qui est plus insupportable
08:40 parce qu'il arrive après déjà des procédures qui ont contraint, voire cadenassé le débat.
08:45 C'est ça ?
08:46 C'est mon sentiment.
08:47 Vous êtes d'accord avec ça, Christophe Barbier ?
08:49 Ce 49-3-là est plus dur à avaler que les autres ?
08:51 Oui, bien sûr. Pour deux raisons.
08:53 D'abord, l'accumulation des procédures.
08:54 C'est vrai que 47-1, 44-3 au Sénat, 49-3, ça faisait beaucoup.
08:58 Et pour une raison aussi plus profonde, à mon avis,
09:01 c'est que le gouvernement, quand même, depuis le 10 janvier,
09:03 n'a cessé de dire "on ne veut pas du 49-3".
09:05 Bon, il est là, bien sûr, on ne peut pas l'exclure, mais on ne veut pas.
09:08 Notre volonté, c'est une majorité politique.
09:10 On discute avec la LR jusqu'au dimanche précédent,
09:13 le patron du parti de la majorité présidentielle, Stéphane Séjourné,
09:16 donne une interview pour dire "nous ne voulons pas du 49-3".
09:19 Et le revirement entre la poirette et le fromage, le jeudi midi,
09:22 avec une première ministre qui arrive en retard
09:24 parce que le 49-3, en catastrophe, dans la panique, est utilisé,
09:27 ça le délégitime aux yeux des parlementaires de la majorité
09:30 qui ont été frustrés, choqués, aux yeux des oppositions
09:33 et aux yeux de l'opinion.
09:34 C'est intéressant que vous dites ça, le délégitime,
09:36 parce qu'on entend la majorité tout le temps dire
09:39 que c'est un déni de démocratie, c'est faux,
09:42 c'est dans la Constitution, c'est légal,
09:45 et donc légitime.
09:46 Est-ce que cette conséquence du légal au légitime est si évidente ?
09:50 Le légal, c'est la légitimité juridique.
09:52 Mais une légitimité dans notre vie moderne, c'est plein d'autres choses.
09:55 C'est la légitimité politique, vos alliés,
09:57 c'est la légitimité aussi parfois d'époque,
09:59 est-ce qu'on va dans le sens de l'histoire ou pas,
10:01 très difficile, très subjectif.
10:02 Après venir dire que parce que 70 % des Français
10:05 sont contre une réforme, elle ne doit pas être votée,
10:07 ça, c'est autre chose.
10:08 Vous basculez dans une démocratie d'opinion,
10:10 c'est une autre forme de régime.
10:11 -Brunon Ketel, en même temps, Nicolas Sarkozy,
10:13 avant la crise des retraites, il avait déjà limité
10:16 la réforme constitutionnelle de 2008,
10:19 c'est 1,493 par session parlementaire.
10:22 -Hors budget.
10:23 Et les retraites, c'est du budget.
10:25 Ce qui est déjà difficile à comprendre.
10:27 -Ca dit déjà que le président Sarkozy
10:29 savait que c'était plus possible de l'utiliser,
10:31 qu'il fallait faire gaffe.
10:33 -Il faut faire attention, effectivement,
10:35 et je crois qu'il y a un écueil supplémentaire
10:37 dans le sujet de la réforme des retraites actuelle,
10:39 c'est que nos compatriotes sont beaucoup plus aguerris
10:42 des questions politiques, on pourrait le croire,
10:44 et tous constatent que les députés ne se sont pas prononcés
10:48 sur ce texte, finalement,
10:50 puisque le débat a été interrompu dans le cadre
10:53 de l'application du 47-1 en première lecture,
10:57 et là, le vote de censure n'est voté
10:59 que par les députés de l'opposition.
11:01 Les députés de la majorité n'ont même pas eu à faire l'acte
11:03 de voter la réforme.
11:04 -Ca, c'est la première fois dans l'histoire de la Ve,
11:06 où un texte est adopté par 49-3,
11:08 sans même qu'il y ait eu un seul vote à l'Assemblée nationale.
11:11 -Il y a eu des votes sur quelques articles,
11:13 on n'est pas allé très loin à l'Assemblée,
11:15 il y a eu un vote au Sénat, quand même.
11:17 Il y avait une base, que la CMP et la Commission mixte paritaire
11:19 ont reprise, donc il n'y avait pas rien non plus
11:21 comme pour le fruit du débat.
11:23 Pour les députés, il y avait une frustration.
11:25 -La souveraineté nationale appartient au peuple
11:27 qui l'exerce par la voix de ses représentants,
11:29 et là, les représentants n'ont pas pu l'exercer.
11:31 Je crois que ça pose aussi un coin
11:33 dans l'appréhension de l'utilisation du 43.
11:35 -Jérémy Hordan.
11:37 -Tout le monde a bien compris qu'il n'y avait pas
11:39 de majorité sur ce texte à l'Assemblée nationale.
11:41 Et quand je vous entends dire
11:43 "démocratie d'opinion", c'est pas possible,
11:45 mais là, c'est que la démocratie
11:47 n'a pas pu s'exprimer.
11:49 -Justement, ça veut dire quoi ?
11:51 Déni ? Parce qu'il y a des députés,
11:53 et non des moindres comme Charles de Courson,
11:55 qui a été député depuis 30 ans ici,
11:57 à l'Assemblée, qui dit "déni de démocratie".
11:59 Il a dit à la tribune.
12:01 Il lui dit "vice-démocratique".
12:03 D'autres disent "c'est démocratique".
12:05 -C'est pas forcément antidémocratique,
12:07 mais en tout cas, c'est une vision
12:09 de la démocratie qui est très particulière,
12:11 qui est très franco-française,
12:13 qui consiste à dire que c'est le président
12:15 qui a la légitimité, et l'Assemblée nationale,
12:17 et le Parlement, de manière générale,
12:19 c'est un peu pénible, ça nous fatigue.
12:21 Et d'ailleurs, Emmanuel Macron l'a dit
12:23 dans son interview, "on va faire moins de lois,
12:25 "on va faire des décrets".
12:27 Je trouve que c'est symptomatique
12:29 parce que la société française a changé,
12:31 et nous avons besoin de plus de délibérations,
12:33 de plus de démocratie.
12:35 Je rejoins l'analyse qui a été faite tout à l'heure
12:37 sur l'accumulation des 47.1,
12:39 qui fait qu'à la fin, c'est pas acceptable.
12:41 Je veux ajouter une autre chose,
12:43 c'est que l'article 49, à son alinéa premier,
12:45 dit "le gouvernement engage sa responsabilité
12:47 "devant l'Assemblée nationale".
12:49 Elisabeth Borne n'a pas engagé sa responsabilité
12:51 devant l'Assemblée nationale.
12:53 -Elle a engagé sa responsabilité ?
12:55 -C'est aussi un objet de ma proposition de loi,
12:57 pour modifier la constitution,
12:59 pour dire que le gouvernement doit engager.
13:01 Dans toutes les démocraties parlementaires,
13:03 c'est comme ça que ça se passe.
13:05 Il faut un vote de confiance.
13:07 -Expliquez-nous, parce que si elle avait été censurée,
13:09 le gouvernement tombait.
13:11 C'est ça, l'équilibre du 49.3 ?
13:13 -C'est le 49.3, mais le 49 alinéa premier,
13:15 c'est le gouvernement.
13:17 Quand il est mis en place...
13:19 -Elle aurait dû le faire en juin.
13:21 -Elle aurait dû s'assurer d'avoir une majorité
13:23 à l'Assemblée nationale.
13:25 Là où c'est problématique, c'est qu'Emmanuel Macron
13:27 n'a pas été élu sur son programme.
13:29 Il a été élu.
13:31 Moi, j'ai appelé à voter pour lui,
13:33 parce que je voulais battre Marine Le Pen
13:35 et le Rassemblement national.
13:37 Son mandat, c'est aussi de battre
13:39 le Rassemblement national.
13:41 C'est pas forcément de faire son programme.
13:43 S'il ne s'assure pas d'avoir une majorité
13:45 à l'Assemblée nationale, ça va poser un problème
13:47 dans le déroulé, si vous voulez,
13:49 de son action politique.
13:51 -Vous, comme député, vous voulez supprimer le 49.3
13:53 contre la réforme des retraites
13:55 ou de la Constitution de façon définitive ?
13:57 -De la Constitution de façon définitive.
13:59 J'ai un problème avec la 5e République,
14:01 parce que je considère qu'elle n'est pas assez parlementaire.
14:03 Elle ne donne pas assez de poids
14:05 à la délibération
14:07 au rôle des députés
14:09 et des sénateurs.
14:11 Il y a plusieurs mécanismes qu'il faudrait changer.
14:13 Celui-ci, il est assez facile
14:15 à changer. Il ne change pas,
14:17 il ne bouleverse pas les équilibres,
14:19 parce qu'il reste le 49.2, la motion censure,
14:21 le pouvoir de dissolution,
14:23 le 49.1, l'engagement de la responsabilité
14:25 du gouvernement, il reste sur les lois budgétaires
14:27 l'article 47 et 47.1
14:29 qui permet, en cas de blocage,
14:31 de passer par ordonnance.
14:33 Ça ne créera pas de blocage.
14:35 Tout le monde a compris que c'était un problème
14:37 et on le voit aujourd'hui, c'est un problème politique
14:39 dans la rue. Je pense que c'est quelque chose d'assez facile
14:41 à changer. -On ne connaît pas tous la Constitution
14:43 par cœur, mais c'est intéressant.
14:45 On pourrait le supprimer tout en restant
14:47 dans la 5e République. Ça obligerait quoi ?
14:49 Ça obligerait,
14:51 en cas de majorité relative,
14:53 la Première ministre a systématiquement
14:55 ou le Premier ministre a trouvé des compromis ?
14:57 -Absolument.
14:59 Ça serait l'arme nucléaire
15:01 du parlementarisme rationalisé
15:03 qui disparaîtrait de l'arsenal de l'exécutif.
15:05 -D'accord.
15:07 Donc on ne changerait pas la République.
15:09 -L'arme nucléaire, il faut tout faire
15:11 pour ne pas s'en servir, mais c'est mieux de la posséder.
15:13 La 5e, son ADN, c'est quand même
15:15 l'efficacité, l'efficience, par rapport
15:17 à la puissance de la 4e. Il faut qu'à un moment donné,
15:19 l'exécutif puisse avancer,
15:21 quelle que soit la situation législative.
15:23 Et donc, autant il faut
15:25 encadrer l'usage,
15:27 c'est déjà fait en grande partie, et surtout
15:29 éduquer les gouvernants à ne pas considérer
15:31 le 49-3 comme une banalité, autant je pense
15:33 qu'il faut le laisser, parce qu'on passerait dans une autre
15:35 République que la 5e, on enlèverait cet ADN
15:37 de l'efficience.
15:39 Le 49-3 doit pouvoir
15:41 rester là. En revanche,
15:43 il faut en avoir une sorte
15:45 d'hygiène du 49-3.
15:47 Si Elisabeth Borne était venue le 10 janvier en disant
15:49 "Ecoutez, cette réforme, c'est une réforme de droite,
15:51 c'est ce que la droite réclame depuis longtemps,
15:53 je demande donc au groupe LR de la voter.
15:55 Attention, si vous me faites défaut,
15:57 si pour du billard à 12 bandes internes
15:59 ou des raisons politiciennes, vous ne me rejoignez pas
16:01 sur ce texte, je prendrai le 49-3."
16:03 Et De Gaulle m'applaudira depuis sa tombe.
16:05 - On dirait le titre d'un roman de Michel Houellebecq.
16:07 "Hygiène du 49-3".
16:09 - Vous y croyez pas ?
16:11 - A ce que vous puissiez avoir une utilisation
16:13 hygiénique du 49-3.
16:15 - Il faudrait le supprimer, à votre avis ?
16:17 - Je pense qu'il y a un gros besoin.
16:19 Je ne suis pas du tout constitutionnaliste,
16:21 mais je pense qu'il y a dans la Ve République
16:23 un poids parfois démesuré qui est donné à l'exécutif
16:25 et je pense qu'il y a une nécessité
16:27 de rééquilibrage du pouvoir.
16:29 On l'a dit d'ailleurs au moment
16:31 des premiers députés en marche,
16:33 on a parlé de députés Godillot, etc.
16:35 Et quelque part, c'était une sorte d'insulte
16:37 au rôle du Parlement.
16:39 Et je pense que c'est l'intérêt
16:41 d'une démocratie moderne et efficace
16:43 d'avoir un Parlement qui joue pleinement son rôle,
16:45 y compris son rôle de contre-pouvoir
16:47 par rapport à l'exécutif.
16:49 - Le 49-3 est souvent brandi par les gouvernements
16:51 en disant "oui, mais c'est pour faire débloquer
16:53 les obstructions". Est-ce que vous seriez d'accord
16:55 pour mettre dans la Constitution que les parlementaires
16:57 n'ont droit qu'à un amendement chacun par texte ?
16:59 Ou dix ?
17:01 - Ou à zéro amendement identique par le parlementaire.
17:03 - Ça pourrait être la contre-partie.
17:05 - Parce que l'arme nucléaire du député, c'est l'obstruction.
17:07 - Je suis d'accord que l'obstruction, ça ne fait pas avancer
17:09 le débat, mais le problème, c'est que quand
17:11 l'Assemblée nationale n'a aucun pouvoir,
17:13 qu'est-ce qu'il nous reste ? Il faut se faire entendre
17:15 d'une manière ou d'une autre.
17:17 Ce n'est pas pour dire que c'est bien l'obstruction.
17:19 Ce n'est pas ma façon de faire.
17:21 Mais je pense qu'il faut
17:23 de manière générale renforcer
17:25 l'Assemblée nationale.
17:27 - On va venir à la question institutionnelle
17:29 et revenir à ce que proposait
17:31 Emmanuel Macron pendant sa campagne.
17:33 Mais je vous laisse terminer, Bruno Ketel.
17:35 - La Ve République, c'est quand même un équilibre
17:37 et une double légitimité qu'on nous apprend
17:39 en première année de droit.
17:41 Le suffrage universel pour le président de la République,
17:43 le suffrage universel pour l'Assemblée nationale,
17:45 et ça doit s'équilibrer avec des mécanismes,
17:47 soit de la censure, soit de la dissolution,
17:49 s'il y a une difficulté.
17:51 Il faut faire attention à pouvoir préserver
17:53 une forme d'équilibre, parce que ce que vous préconisez
17:55 le retour au parlementarisme type
17:57 IVe République, pour être clair,
17:59 je pense que dans votre esprit... - Le début de la Ve République.
18:01 - Je ne vous ai pas interrompu.
18:03 Et la question de la suppression d'élections,
18:05 c'est-à-dire celle qui vient du président de la République,
18:07 ça déstabilise tout.
18:09 Je ne sais pas si notre pays est prêt à faire ça.
18:11 Et je voudrais juste, pour conclure,
18:13 ça fait 30 ans que le système institutionnel se délite.
18:15 2002,
18:17 Jacques Chirac,
18:19 82 %, aucune conséquence.
18:21 2005, le référendum,
18:23 deux ans après le traité de Lisbonne,
18:25 ça fait 20 ans que les Françaises
18:27 et les Français considèrent que les politiques
18:29 ne respectent pas leur voix.
18:31 - Là, on va y venir.
18:33 - De la représentation.
18:35 - Et de la confiance.
18:37 - Vous connaissez bien cette question.
18:39 Vous-même, pendant la crise des GJ,
18:41 vous étiez député à l'Assemblée.
18:43 Ça a été très compliqué.
18:45 Il y a eu des coups de feu devant votre domicile.
18:47 Ça a été un paroxysme de violence.
18:49 Avec le recul,
18:51 qu'est-ce que vous tirez comme enseignement
18:53 de ce point de rupture, en fait,
18:55 entre une partie des Français et leurs élus ?
18:57 - Le mode d'expression de la défiance
18:59 est différent.
19:01 On le voit dans les réseaux sociaux,
19:03 mais la défiance est là depuis 20 ans,
19:05 dès le lendemain d'une élection nationale.
19:07 On prétend contester le résultat d'hésion,
19:09 dès lors, on n'y retrouve pas son propre compte.
19:11 Je crois qu'il faut aussi
19:13 faire un gros travail.
19:15 C'est la question citoyenne
19:17 qu'il faut retravailler.
19:19 Tout un chacun doit reprendre sa place
19:21 dans le débat public.
19:23 - L'association du citoyen à la décision.
19:25 - Il faut y trouver son compte
19:27 en tant que personne électrice-électeur
19:29 et aujourd'hui non respecté.
19:31 - On va voir, justement,
19:33 c'est les institutions
19:35 ou c'est la participation.
19:37 On va revoir un peu avec Thibault Hénoc
19:39 ce que proposait Emmanuel Macron
19:41 en 2017-2022 sur les institutions.
19:43 ...
19:47 - Emmanuel Macron
19:49 et les institutions,
19:51 ou une histoire contrariée.
19:53 - La réforme de notre mode de scrutin
19:55 est une nécessité.
19:57 - Promesse de campagne de 2017,
19:59 la réforme des institutions
20:01 voulue pendant le 1er quinquennat
20:03 prévoyait une réduction
20:05 du nombre de parlementaires,
20:07 une part de proportionnel
20:09 et une limitation du cumul des mandats dans le temps.
20:11 - Un Parlement moins nombreux
20:13 mais renforcé dans ses moyens.
20:15 - Autant d'ambitions qui n'aboutiront pas.
20:17 L'examen du texte est suspendu
20:19 en juillet 2018 en raison de l'affaire Benalla.
20:21 Un nouveau texte plus restreint
20:23 est à nouveau présenté
20:25 et un an plus tard,
20:27 il ne sera jamais discuté, faute d'accords politiques.
20:29 ...
20:31 Emmanuel Macron n'a pourtant pas dit son dernier mot.
20:33 Une réforme des institutions
20:35 reste à son agenda.
20:37 Depuis le début de l'année, le président consulte.
20:39 La présidente de l'Assemblée nationale
20:41 et le président du Sénat
20:43 ont été reçus pour évoquer le sujet,
20:45 tout comme Nicolas Sarkozy et François Hollande.
20:47 Parmi les pistes de cette nouvelle réforme constitutionnelle,
20:49 deux idées de départ.
20:51 La réduction du nombre de parlementaires
20:53 et la part de proportionnels
20:55 sont toujours d'actualité.
20:57 Le chef de l'Etat réfléchirait aussi
20:59 à un passage au septennat non renouvelable,
21:01 couplé peut-être
21:03 à des élections législatives de mi-mandat.
21:05 Enfin, il souhaiterait revoir
21:07 l'organisation et le découpage
21:09 des collectivités territoriales.
21:11 - Voilà, Paul Caccia.
21:13 Autant le dire tout de suite,
21:15 à ce stade de la crise, cette réforme n'a aucune chance
21:17 de voir le jour, parce qu'il faudrait
21:19 3/5 des parlementaires pour l'adopter.
21:21 Mais est-ce qu'il y a de bonnes choses
21:23 dans le diagnostic et les réponses données
21:25 sur la crise démocratique ?
21:27 - Myriam, il ne faudrait pas 3/5 des parlementaires
21:29 pour une des réformes importantes qui viennent d'être évoquées,
21:31 celle de la proportionnelle,
21:33 puisqu'une loi simple suffirait à ce que les députés
21:35 soient élus à la représentation proportionnelle.
21:37 Je rappelle ici
21:39 qu'en février 2017, lorsque
21:41 François Bayrou s'est rallié à Emmanuel Macron,
21:43 l'un des trois engagements qui avaient été pris
21:45 par Emmanuel Macron, c'était d'instaurer la proportionnelle.
21:47 Ce qu'il n'a pas fait, alors même,
21:49 parce qu'il est sous le contrôle de M. le député Ketel,
21:51 il avait tout à fait la majorité suffisante
21:53 pour cela lors du quinquennat précédent.
21:55 Et ce point-là est quand même
21:57 assez grave, et d'entendre
21:59 encore parler de proportionnelle aujourd'hui,
22:01 je dois dire que c'est passablement agaçant.
22:03 - Pourquoi, à votre avis, il ne l'a pas fait ?
22:05 Pourquoi ? Pour quelle raison ça a été enterré,
22:07 la proportionnelle ?
22:09 - Parce que je pense que c'est facile d'avoir...
22:11 Il s'est dit "je vais encore avoir une majorité
22:13 large, tout seul,
22:15 et je n'ai pas besoin de la proportionnelle,
22:17 ça va être pénible".
22:19 - Le droit de vote des étrangers, c'est le genre de monstre du Lockerbie
22:21 qui revient régulièrement.
22:23 - Un paquet global qui a été déporté ?
22:25 - Juste une petite précision sur l'élection
22:27 directe du président de la République.
22:29 Ce n'est pas la constitution de 1958,
22:31 c'est le référendum de 1962.
22:33 Quand on dit "ça va changer les grands éclipses",
22:35 non, la constitution de 1958, elle a été
22:37 rédigée pour qu'un président de la République
22:39 ne vienne pas contester la légitimité des parlementaires
22:41 qui, eux aussi, sont élus au chiffrage universel
22:43 direct.
22:45 - Vous avez 4 ans de pratique dans le schéma.
22:47 - Si je comprends bien, le président de la République
22:49 devrait être responsable devant le Parlement aujourd'hui.
22:51 - Moi, ce que je dis, c'est que...
22:53 - Il est tout puissant, d'une certaine façon,
22:55 et pas responsable devant sa majorité.
22:57 - Il ne peut pas faire abstraction
22:59 dans tous les cas
23:01 de l'Assemblée nationale.
23:03 C'est que l'Assemblée nationale a aussi une légitimité.
23:05 Et quand on l'entend, on a l'impression
23:07 qu'il dit "moi, j'ai été élu, je suis légitime
23:09 et le reste, ça n'existe pas".
23:11 Et ça, c'est problématique.
23:13 Et je pense que la proportionnelle
23:15 réglerait une partie du problème parce que
23:17 l'ensemble des opinions, disons,
23:19 pourraient s'exprimer à l'intérieur de l'Assemblée nationale.
23:21 Moi, je pense que si on veut éviter la confrontation
23:23 dans ce pays, il faut que le débat
23:25 d'opinion, d'idée, la délibération
23:27 se fasse dans les institutions.
23:29 - Vous avez quand même beaucoup plus de représentativité
23:31 avec la nouvelle donne. - C'est une exception.
23:33 - C'est le projet de retraite dont vous avez le plus débattu
23:35 dans l'histoire de la réforme
23:37 du système des retraites depuis une trentaine d'années.
23:39 Donc, ne dites pas qu'on n'a pas débattu.
23:41 On, pourtant, semble avoir été perdus
23:43 en écueils et incidents de séance,
23:45 mais sur le fond, je crois qu'il y a plus de 150 heures
23:47 de débat. Il y a trois ans de débat.
23:49 Le sujet, ça a été rappelé,
23:51 il est sur la table depuis 2017.
23:53 Ne dites pas objectivement
23:55 qu'il n'y a pas eu de débat.
23:57 Maintenant, c'est la manière dont le débat est mené,
23:59 la manière dont les uns et les autres se posent
24:01 qui peuvent interroger. - Christophe Barbier,
24:03 à chaque crise, c'est systématiquement
24:05 la figure du président de la République
24:07 qui est ciblée et qui est visée,
24:09 on le voit bien, dans la manière dont le mouvement
24:11 change de nature.
24:13 Il n'est pas responsable, sauf
24:15 à attendre la fin de son mandat.
24:17 Est-ce que là, on n'est pas arrivé
24:19 à un système de grâces et de disgrâces
24:21 à bout de souffle ? - On est un peu coincés.
24:23 On a fait le quinquennat, ce qui était sans doute
24:25 une modernité, l'accélération du temps de la vie,
24:27 fait que ce septennat irrité de l'époque
24:29 Mac Mahon n'était pas légitime.
24:31 Mais on a refusé de réduire le mandat
24:33 des parlementaires. Donc, maintenant,
24:35 les parlementaires ne doivent plus leur réélection
24:37 au bon travail d'un Premier ministre
24:39 pendant cinq ans, pendant que le président, lui, fait autre chose.
24:41 Ils doivent leur réélection
24:43 à la réélection de leur président ou à sa défaite,
24:45 et ils sont battus. Donc, toute l'attention
24:47 du Parlement va vers le président.
24:49 Fait attention, travaille bien ! Et toute l'attention
24:51 du président va vers le Parlement.
24:53 - L'inversion du calendrier, le quinquennat...
24:55 - Aujourd'hui, chef de la majorité, c'est le Premier ministre.
24:57 Aujourd'hui, chef de la majorité, ça ne veut plus rien dire.
24:59 On aurait dû réduire à quatre ans la durée
25:01 des députés pour permettre cette année
25:03 de cohabitation dont on savait qu'elle avait des défauts.
25:05 Cohabitation émolliante, disaient ces gains,
25:07 qui était aussi une forme de campagne présidentielle
25:09 anticipée, cohabitation Chirac-Mitterrand, par exemple.
25:11 Mais, au moins,
25:13 ça permettait aux députés de se concentrer
25:15 avec le gouvernement sur la politique,
25:17 de laisser le président présider. Là, on a tiré
25:19 le président vers le quotidien
25:21 et on a aumenté les députés
25:23 vers une tension pour ou contre le président.
25:25 Alors, la proportionnelle,
25:27 oui, pour représenter, même si, en effet, là,
25:29 on a une assemblée représentative sans proportionnelle,
25:31 ça a deux défauts, quand même. Le risque de paralysie,
25:33 le gouvernement qui tombe, qui trouve jamais de majorité,
25:35 syndrome quatrième. Moi, je vois un autre défaut.
25:37 Quand vous êtes élu, après une campagne,
25:39 les pieds dans la boue, de 150 voix,
25:41 vous allez retrouver à l'assemblée votre collègue
25:43 qui, lui, aura été élu sur la part proportionnelle
25:45 désignée par son parti, en ayant fait campagne
25:47 sur les plateaux télé, dans les canapés
25:49 de Saint-Germain-des-Prés ? Vous aurez des députés
25:51 à deux vitesses, à deux légitimités. Vous croyez
25:53 que le premier va accepter que l'autre
25:55 soit président de commission, fasse passer ses amendements
25:57 et du temps de parole ? - Mais c'est bien ce qui est en Allemagne,
25:59 Christophe Barbier. - Oui, mais c'est un pays décentralisé.
26:01 Il y a le Bunde Strat, il y a le Bunde Stag,
26:03 il y a les Lander. Ça change
26:05 beaucoup de choses. - Donc on garde la cinquième.
26:07 - Alors, on a ça, nous, avec le Sénat.
26:09 Sénat est ma nation des territoires,
26:11 avec un système de grands électeurs. C'est une forme
26:13 de légitimité territoriale et assemblée.
26:15 Et moi, je suis pour le maintien du suffrage
26:17 universel direct majoritaire
26:19 à l'assemblée. Moi, je serais pour qu'il n'y ait qu'un tour.
26:21 On s'entend avant. Il n'y a qu'un tour.
26:23 Celui qui arrive premier, il est élu.
26:25 Ça obligerait les partis à faire des alliances
26:27 dès le premier tour. Et ce qui a fait d'ailleurs
26:29 un peu la nupèce la dernière fois, ce qui explique
26:31 peut-être aussi ces bons résultats,
26:33 pour qu'on ait quelque chose d'assez brutal, en effet,
26:35 mais d'efficace. Je pense que l'assemblée doit rester
26:37 le lieu de l'efficacité. - Ça crée
26:39 des coalitions avant le vote.
26:41 Si on fait la proportionnelle
26:43 intégrale, ce que moi, je propose, et je dépose
26:45 une PPLC là-dessus, une PPL
26:47 parce que c'est pas, effectivement,
26:49 un test constitutionnel, ça fait
26:51 les coalitions après. Et l'ensemble
26:53 du spectre politique est représenté
26:55 dans les institutions. - Oui, mais ça fait
26:57 4e République. - Oui, mais il y a d'autres...
26:59 En fait, si on fait, par exemple, la motion
27:01 de censure constructive, on y arrive...
27:03 Si on veut pas l'instabilité,
27:05 il y a beaucoup d'autres mécanismes. - Regardez Israël.
27:07 - Non, mais regardez... - C'est une proportionnelle intégrale.
27:09 - Regardez la Belgique. - Regardez l'Allemagne,
27:11 regardez l'Italie, regardez l'Espagne.
27:13 La proportionnelle, c'est pas quelque chose de complètement extravagant.
27:15 On a déjà une chambre qui représente
27:17 les territoires. On peut très bien avoir une chambre
27:19 qui représente la nation, qui est élue à la proportionnelle.
27:21 - On va pas vous mettre d'accord, parce que j'ai toujours les mêmes arguments.
27:23 La stabilité contre la représentativité.
27:25 - C'est une passion française aussi. - Absolument.
27:27 - Il y a un élément du rapport du GIEC
27:29 qui est tout à fait intéressant et dont personne ne parle,
27:31 c'est le comparatif régime majoritaire
27:33 versus régime proportionnel sur l'efficacité
27:35 de l'action climatique. - Alors ?
27:37 - Et qui montre que les régimes proportionnels ont tendance
27:39 à être plus efficaces en matière d'action
27:41 climatique que les régimes majoritaires.
27:43 - A méditer. On va se quitter avec... - Et personne n'en parle,
27:45 alors que ça me paraît... - Bah écoutez, en tout cas,
27:47 ceux qui nous regardent se feront
27:49 leur avis pour effectivement militer.
27:51 Juste écoutez Laurent Berger,
27:53 parce que j'aimerais juste vous faire réagir.
27:55 Ça pourrait peut-être éventuellement
27:57 offrir une sortie de crise au Président.
27:59 - Je dis ce matin qu'il faut apaiser
28:01 les choses et je propose pour apaiser
28:03 les choses qu'effectivement il y ait un temps
28:05 d'écoute, un camp de dialogue et qu'on
28:07 mette sur pause sur la réforme des retraites. - Ça veut dire quoi,
28:09 mettre sur pause ? - Bah mettre sur pause, c'est dire,
28:11 écoutez, mercredi, vous nous avez parlé d'usure au travail,
28:13 vous nous avez parlé d'emploi des seniors,
28:15 vous nous avez parlé d'aménagement
28:17 des fins de carrière. Normalement, tous ces sujets-là,
28:19 ça devrait être dans la réforme des retraites.
28:21 Donc on a mis la charrue avant les bœufs, tout le monde le sait.
28:23 Le mouvement social, les manifestants hier,
28:25 ils disent quoi ? Ils disent "mais il faut parler
28:27 du travail" et on reparle du travail, on va parler des retraites,
28:29 y compris du déficit du système des retraites,
28:31 mais pas de cette manière. - Renaud Quettel,
28:33 c'est une main tendue,
28:35 une nouvelle main tendue de Laurent Berger.
28:37 On fait une pause, on remet
28:39 les réformes à l'endroit, on discute
28:41 de la loi travail en premier,
28:43 et puis on suspend la réforme des retraites
28:45 une fois qu'on a trouvé un compromis
28:47 sur la pénibilité, sur les questions d'usure professionnelle.
28:49 - De toute façon, si ma mémoire est bonne,
28:51 le texte "réforme retraite" est applicable
28:53 au 1er septembre 2023,
28:55 je crois que c'est... - S'il ne tombe pas devant le Conseil.
28:57 - Je ne suis pas là pour faire
28:59 de la politique politicienne. Donc 1er septembre
29:01 2023, ça permet un temps de réflexion.
29:03 Vous avez la loi ordinaire, effectivement, qui va venir,
29:05 et Laurent Berger a raison, c'est là où les fondamentaux
29:07 doivent être évoqués. Le temps de travail
29:09 dans le temps de vie, le temps de formation
29:11 professionnelle, la durée hebdomadaire
29:13 du temps de travail, moi je suis un adepte
29:15 du principe de liberté par excellence.
29:17 Si des gens veulent moins travailler, il faut leur poser
29:19 toutes les conséquences. - Aujourd'hui, tout le monde s'accorde, y compris dans la majorité,
29:21 pour dire que ce texte, il aurait dû venir
29:23 sur le travail avant. Alors est-ce que la
29:25 pause sur les retraites n'est pas utile ?
29:27 Pour pouvoir éventuellement sortir de la crise ?
29:29 - Je crois qu'il serait bienvenu
29:31 d'engager un débat de fond le plus large
29:33 possible et dans un consensus
29:35 à rechercher. - Je trouve que la porte
29:37 de sortie qui est proposée... - Vous êtes d'accord ? C'est la bonne porte de sortie ?
29:39 - Écoutez, il devrait
29:41 l'apprendre, effectivement,
29:43 c'est la moindre des choses. C'est une porte de sortie
29:45 qui est honorable pour tout le monde.
29:47 Et aujourd'hui, je pense qu'on ne peut pas, en tout cas,
29:49 continuer comme si de rien n'était. - Dernier mot
29:51 sur la question de la participation.
29:53 Vous en avez parlé, Bruno Ketel,
29:55 c'est très très présent. On a l'impression
29:57 qu'un peu comme dans les gilets jaunes
29:59 qui avaient commencé sur une question économique,
30:01 la taxe carbone, la question du pouvoir d'achat,
30:03 il y a eu ensuite des questions démocratiques sur le RIC.
30:05 Là encore, dans ce mouvement,
30:07 on entend monter la volonté
30:09 d'être associé, en tout cas,
30:11 la question démocratique est centrale.
30:13 Comment on fait sans faire de gadgets
30:15 comme la Convention citoyenne ?
30:17 Comment on remet le citoyen
30:19 au cœur de la décision ? - Je crois qu'il faut
30:21 absolument réfléchir sur nos institutions qui ne sont
30:23 plus adaptées
30:25 à l'esprit actuel.
30:27 Elles ont été inventées en 1958 pour une raison
30:29 qui a été dite tout à l'heure. Elles ont été
30:31 rénovées en dernier lieu en 2008.
30:33 Et le président de la République
30:35 a proposé de les réformer sans succès.
30:37 Il est temps, je crois,
30:39 que nous fassions un consensus
30:41 sur ce qui ne va pas et comment améliorer
30:43 les choses parce qu'effectivement,
30:45 on ne va pas pouvoir continuer comme ça encore
30:47 quatre ans et puis peut-être le quinquennat suivant.
30:49 Donc, il faut que des réformes
30:51 consensuelles se dégagent.
30:53 C'est peut-être difficile, mais c'est tout à fait
30:55 nécessaire parce qu'autrement, on en arrive
30:57 aux situations de blocage qu'on connaît aujourd'hui
30:59 où, en réalité,
31:01 une minorité
31:03 d'électeurs et d'électrices
31:05 parviennent à faire élire une majorité
31:07 même relative à l'Assemblée nationale
31:09 et ce système n'est pas satisfaisant.
31:11 - Oui, c'est la meilleure d'un offre.
31:13 - Si vous me permettez, moi, je crois qu'il y a aussi une défiance
31:15 aujourd'hui très forte envers
31:17 l'Etat, les institutions.
31:19 On le voit avec l'explosion
31:21 de l'abstention.
31:23 Et en fait, si on ne comprend pas
31:25 que ce rejet, c'est parce que la Vème République
31:27 est vécue comme trop verticale,
31:29 donc si on ne prend pas à bras le corps cette question des institutions
31:31 tout de suite, on risque, à mon sens,
31:33 de provoquer plutôt un choc
31:35 autoritaire et aujourd'hui,
31:37 les instruments de la Vème République, si c'était dans les mains
31:39 du Rassemblement national, pour ne pas le nommer,
31:41 je pense que ce serait catastrophique
31:43 pour la question démocratique.
31:45 Donc je pense qu'il y a vraiment
31:47 une urgence tout de suite,
31:49 dans les mois qui viennent, à remettre cette question
31:51 sur la table. Montesquieu disait
31:53 "il faut que par la disposition des choses"
31:55 - Vous pensez que la question institutionnelle est centrale et qu'elle intéresse beaucoup les Français.
31:57 - Absolument. Il faut que par la disposition des choses,
31:59 le pouvoir arrête le pouvoir. Il faut rappeler cette phrase
32:01 de Montesquieu parce que
32:03 on a besoin de ça
32:05 face à une montée de l'autoritarisme,
32:07 pas uniquement en France, un peu partout en Europe,
32:09 c'est pas une exception française, et donc il faut qu'on ait
32:11 des systèmes qui soient résilients par rapport à ça.
32:13 - Ça me semble être un argument très important, ça,
32:15 parce que j'entends la question
32:17 de l'efficacité, de la stabilité
32:19 de l'exécutif, mais
32:21 on a en France un régime
32:23 qui donne un pouvoir extraordinairement
32:25 grand à l'exécutif,
32:27 Paul Caccia pourra me contredire si je dis une bêtise,
32:29 mais même le président américain n'a pas autant
32:31 de pouvoir que le président français.
32:33 Au-dessus du président français, il n'y a quasiment
32:35 que les dictateurs qui ont encore davantage
32:37 de pouvoir, et donc effectivement,
32:39 ça va bien tant que nous avons un président
32:41 issu d'un parti démocratique qui peut
32:43 manier ses instruments avec une certaine forme
32:45 d'hygiène, comme le dirait Christophe Harbier,
32:47 mais que se passerait-il si demain, nous avions
32:49 un président ou une présidente qui serait
32:51 issue d'un parti non démocratique ?
32:53 - Vendok et Tell, vous craignez que ça puisse être possible en France ?
32:55 - Si votre question est
32:57 de savoir si je crains que Marine Le Pen soit
32:59 élue en 2027, la réponse est oui.
33:01 Maintenant, je crois que quelle que soit la nature du régime,
33:03 il faut aussi ramener les citoyennes et les citoyens
33:05 dans leur exercice du droit démocratique.
33:07 - Lutter contre l'abstention.
33:09 - Lutter contre l'abstention, puis rappeler chacun
33:11 à sa responsabilité de citoyen
33:13 électeur contribuable. - Ça veut dire quoi
33:15 les appeler à leur responsabilité ? Le rendre obligatoire,
33:17 le vote ? - Au moins par la conscience
33:19 qu'ils viennent participer au scrutin.
33:21 - Le retour de la Belgique.
33:23 - Non, mais que par leur conscience, qu'ils reviennent
33:25 participer au scrutin et donc
33:27 prennent toute leur part de responsabilité
33:29 dans les choix qui sont au pays. - Et s'en les contraindre ?
33:31 - C'est difficile de contraindre dans notre pays, peut-être plus qu'ailleurs,
33:33 même si le régime apparaît à certains plus autoritaires
33:35 qu'ailleurs, mais on a une vraie difficulté
33:37 aujourd'hui à s'émanciper
33:39 de cette question qui est celle
33:41 que plus de 50% des Françaises et des Français
33:43 ne se déplacent pas pour des élections nationales.
33:45 - Merci. - Je pense qu'on ne peut pas l'enlever et continuer comme ça.
33:47 - Merci beaucoup, c'était passionnant.
33:49 Merci. A-t-il d'anecdotes ? On parlait de la verticalité
33:51 du pouvoir. La visite du roi Charles
33:53 à Paris a été reportée.
33:55 Voilà, pas de
33:57 grand dîner d'Etat à Versailles,
33:59 ça a manifestement été devenu intenable.
34:01 Merci infiniment
34:03 d'être venu débattre. François Gemmene,
34:05 vous restez avec moi. Dans une dizaine de minutes,
34:07 les partis pritent nos affranchis. Vous les voyez ce soir,
34:09 c'est Bertrand Perrier au centre
34:11 qui va interroger ou réinterroger
34:13 la petite phrase présidentielle
34:15 sur la foule et le peuple.
34:17 "Exécutif", c'est le mot de la semaine
34:19 de notre sémiologue Mariette Darrigrand.
34:21 Et puis Elsa Mondingava nous parlera
34:23 de la loi immigration
34:25 vendue à la découpe.
34:27 Mais d'abord, François Gemmene, on va plonger
34:29 dans le rapport du GIEC,
34:31 le dernier rapport, rapport de synthèse
34:33 des 93 scientifiques
34:35 du GIEC, je le disais, il est implacable
34:37 mais il y a quand même une note d'espoir.
34:39 On voit cela dans l'invitation de Marco Pommier.
34:41 Si on vous invite, François Gemmene,
34:45 c'est parce que l'avenir de la planète
34:47 nous inquiète.
34:49 Le nouveau constat du rapport du GIEC
34:51 auquel vous avez participé
34:53 est implacable. On n'est pas du tout
34:55 sur la bonne trajectoire,
34:57 alertent les experts du climat.
34:59 Le changement climatique est une menace
35:01 pour le bien-être de l'humanité et la santé
35:03 de la planète. Il existe une fenêtre
35:05 d'opportunité pour garantir un avenir
35:07 vivable et durable pour tous
35:09 qui se ferme rapidement.
35:11 Membre du GIEC, François Gemmene,
35:13 vous êtes aussi politologue, chercheur,
35:15 spécialiste des migrations environnementales.
35:17 Vos alertes et vos réflexions,
35:19 vous les avez synthétisées,
35:21 vulgarisées dans plusieurs ouvrages.
35:23 Pour vous, le déclic climatique
35:25 s'étend en 2001.
35:27 Une rencontre dans un ascenseur des Nations Unies
35:29 avec l'ambassadeur du Tuvalu.
35:31 Son pays affronte la montée
35:33 des eaux et pourrait être rayé de la carte.
35:35 Écoréaliste,
35:37 rare intellectuel à s'être engagé en politique,
35:39 vous conseillez deux candidats
35:41 à la présidentielle, Benoît Hamon
35:43 en 2017 puis Yannick Jadot
35:45 en 2022.
35:47 On ne vous y reprendra plus.
35:49 On voit qu'on ne parvient pas à rassembler une majorité
35:51 autour d'une action radicale
35:53 et engagée pour le climat.
35:55 Et pourtant, François Gemmene, il y a urgence.
35:57 Le changement climatique s'observe
35:59 partout dans le monde, y compris en France.
36:01 Sécheresse hivernale,
36:03 méga-feux incontrôlables,
36:05 inondations.
36:07 Les dix prochaines années seront cruciales,
36:09 rappelle le rapport du GIEC.
36:11 Un véritable manuel de survie de l'humanité
36:13 à destination de nos décideurs.
36:15 Mais l'écologie politique
36:17 transformatrice est-elle possible
36:19 en démocratie ?
36:21 Dites-nous, François Gemmene, peut-on vraiment s'en sortir ?
36:23 Vous le vénère de l'écologie,
36:25 vous le désespérez du climat ?
36:27 C'est mort.
36:29 Pour moi, c'est mort
36:31 depuis la sortie
36:33 du troisième rapport du GIEC.
36:35 Alors ce soir, François Gemmene,
36:37 notre question paraît évidente.
36:39 Est-ce que c'est toujours mort ?
36:41 Réponse, François Gemmene.
36:43 C'est mort pour certains.
36:45 C'est mort pour certaines choses.
36:47 Quoi précisément ?
36:49 C'est mort pour certaines populations
36:51 qui voient concrètement
36:53 leur lieu d'habitation disparaître et qui sont contraintes à l'exil.
36:55 C'est mort pour certaines espèces
36:57 qui ne réapparaîtront pas.
36:59 C'est mort pour
37:01 les glaciers de montagne,
37:03 c'est mort pour toute une série
37:05 d'écosystèmes qui ne pourront pas
37:07 survivre, en tout cas pas en tant que tel,
37:09 au-dessus d'un degré 5.
37:11 Il faut quelque part faire son deuil
37:13 du monde tel qu'on le connaissait avant.
37:15 Il faut faire son deuil
37:17 d'un climat caractérisé par une grande stabilité
37:19 et se rendre compte
37:21 qu'on arrive dans une époque complètement nouvelle.
37:23 L'adaptation, en fait.
37:25 Il faut quelque part accepter
37:27 qu'une série d'impacts du changement climatique
37:29 sont irréversibles et qu'il va falloir
37:31 s'y adapter.
37:33 Il reste plein de choses à sauver.
37:35 Ce n'est pas mort pour tout, ni pour tout le monde.
37:37 Mais il faut faire son deuil
37:39 d'un certain nombre de choses.
37:41 -Le rapport dit une chose très importante,
37:43 c'est qu'au fond, maintenant, les décideurs
37:45 ont tout en main. On a les outils
37:47 technologiques, on a les solutions,
37:49 on a les constats,
37:51 et pourtant, on n'y arrive pas.
37:53 La faute à qui ? C'est le manque de volonté politique
37:55 à l'échelle de la planète, aujourd'hui ?
37:57 -Je pense qu'il y a une certaine forme
37:59 de prise de conscience réelle.
38:01 Je pense qu'il y a une certaine forme de volonté
38:03 politique qui s'exprime dans certains secteurs,
38:05 dans certains pays, mais on voit bien que,
38:07 globalement, on n'y arrive pas.
38:09 Je pense qu'on n'y arrive pas parce qu'on ne parvient pas
38:11 suffisamment à coopérer ensemble, et parce que
38:13 chacun va poursuivre son intérêt national
38:15 avant de poursuivre un intérêt global
38:17 qui, par nature, dépasserait
38:19 l'intérêt des frontières, et aussi parce que,
38:21 je crois, dans la société,
38:23 beaucoup de gens voient encore le changement climatique
38:25 comme une sorte de cause à laquelle ils sont sensibles,
38:27 qui les tracassent, comme on peut être tracassé
38:29 par la faim dans le monde ou par les droits humains,
38:31 mais pas comme quelque chose qui touche directement
38:33 leurs intérêts, or il faut bien reconnaître que c'est
38:35 nos intérêts qui nous font agir.
38:37 - Les dix ans qui viennent,
38:39 le rapport dit qu'elles sont cruciales, sinon quoi ?
38:41 Parce qu'on parle aussi
38:43 des seuils de rupture, c'est quelque chose
38:45 qui peut arriver, vraiment,
38:47 sans tomber dans le catastrophisme ?
38:49 - Absolument. - C'est quoi, les seuils de rupture ?
38:51 - Les seuils de rupture, ce sont des moments
38:53 où le climat va passer brutalement
38:55 d'un État vers un autre,
38:57 sans qu'il ne soit plus vraiment possible
38:59 de faire quoi que ce soit pour l'arrêter.
39:01 C'est comme si vous poussiez un rocher
39:03 sur le flanc d'une montagne,
39:05 que ce rocher vous obstrue complètement la vue.
39:07 Vous savez qu'au moment où vous arriverez
39:09 au sommet de la montagne, le rocher va dévaler
39:11 l'autre versant sans que vous puissiez l'arrêter,
39:13 mais pour autant, comme il vous obstrue la vue,
39:15 vous ne savez pas exactement où se trouve
39:17 le sommet de la montagne. Ce sommet,
39:19 pour les seuils de rupture climatique,
39:21 c'est 2 degrés. - Voilà, 2 degrés.
39:23 Il faut bien comprendre qu'on atteindra
39:25 forcément les 1,5 degré, c'est ça ?
39:27 - Entre 2030 et 2035.
39:29 Aujourd'hui, on est à peu près
39:31 à 1,2 degré d'élévation de la température
39:33 moyenne mondiale. Tous les 10 ans,
39:35 ça augmente d'environ 0,2 degré,
39:37 donc on y sera vers 2035,
39:39 je dirais. - L'intégralité
39:41 du changement climatique est due aux activités
39:43 humaines, il faut bien le répéter.
39:45 Les secteurs... - C'est important de le répéter.
39:47 - ...a décarboné en priorité.
39:49 - D'abord, c'est important de le répéter,
39:51 parce que beaucoup de gens, y compris des gens
39:53 préoccupés par le changement climatique,
39:55 qui nous écoutent, qui nous regardent en ce moment,
39:57 pensent encore, et les sondages
39:59 le montrent, que seuls 43%
40:01 des Français, en fait, sont convaincus
40:03 du constat scientifique
40:05 selon lequel le changement climatique actuel
40:07 est totalement imputable aux activités humaines.
40:09 Beaucoup pensent encore qu'il y a une part
40:11 de cycle naturel là-dedans. Ce n'est pas
40:13 le cas, et donc il faut le redire. Maintenant, pour venir
40:15 à votre question, quels sont les secteurs à décarboner
40:17 en priorité ? Si on regarde
40:19 la France, le principal
40:21 poste d'émission, ce sont les
40:23 transports, et en particulier le transport routier.
40:25 Donc la question de la décarbonation
40:27 de la route, ça doit être une priorité.
40:29 Ensuite arrivent trois secteurs, un peu en dessous de 20%,
40:31 à peu près à parts égales,
40:33 c'est l'industrie, c'est l'agriculture,
40:35 et c'est le logement.
40:37 Et j'aurais tendance à dire que la rénovation thermique des logements,
40:39 c'est vraiment un investissement que
40:41 peuvent faire maintenant les pouvoirs publics,
40:43 parce que ça répond aussi à un objectif social,
40:45 à un objectif d'équité.
40:47 Donc ça va avoir forcément, tous ces secteurs,
40:49 des impacts, des conséquences
40:51 sur l'activité économique. Comment on accompagne ?
40:53 Comment on fait pour ne pas
40:55 détruire des pans entiers
40:57 d'emplois ? Est-ce que
40:59 ça aussi, ça n'est que dans les mains des décideurs ?
41:01 Est-ce que les démocraties
41:03 sont capables de répondre à ces questions-là ?
41:05 Pas suffisamment vite. Moi je crois
41:07 qu'on attend trop des décideurs politiques,
41:09 il y a une sorte de tendance, qui me semble aussi
41:11 particulièrement française, et en lien avec le débat
41:13 qu'on vient d'avoir, à tout attendre de l'exécutif,
41:15 comme si l'exécutif allait pouvoir décider
41:17 de tout, actionner tous les leviers.
41:19 En réalité, il y a énormément de leviers qu'on peut
41:21 actionner dans la société. La démocratie,
41:23 c'est pas juste le président, ce sont
41:25 aussi les collectivités, c'est aussi la société
41:27 civile, et évidemment, les entreprises.
41:29 Quand je regarde la société française aujourd'hui,
41:31 c'est quand même dans les entreprises, dans les
41:33 collectivités, que j'observe le plus de changements,
41:35 et j'ai l'impression que le politique,
41:37 globalement, et notamment l'exécutif,
41:39 est en retard sur la société.
41:41 - Le plus urgent aussi, c'est l'eau.
41:43 Il y a 19
41:45 endroits sur la planète où il n'y a plus de
41:47 nappes phréatiques. En Inde, en Chine,
41:49 en Amérique du Nord, dans la péninsule
41:51 arabique. En fait, c'est toute
41:53 l'alimentation mondiale
41:55 qui va être impactée,
41:57 c'est toute la consommation,
41:59 c'est toute la production agricole aussi ?
42:01 - Bien sûr, parce que nous changeons.
42:03 Nous passons d'une époque de l'abondance
42:05 où on considère que les ressources étaient
42:07 illimitées. C'était le cas de l'eau, c'était le cas
42:09 des terres agricoles, c'était le cas du carbone,
42:11 où, quelque part, on ne se tracassait pas
42:13 des quantités consommées,
42:15 et nous passons à une époque où
42:17 ces ressources vont être raréfiées.
42:19 Soit qu'il va falloir les restreindre, c'est le cas de l'usage du carbone,
42:21 soit qu'elles vont être raréfiées
42:23 par les effets du changement climatique.
42:25 - On y est, quoi. Concrètement,
42:27 cet été, en France, on ne pourra pas
42:29 manger tous les fruits qu'on veut,
42:31 on ne pourra pas utiliser
42:33 l'eau comme on veut, il y aura forcément des coupures,
42:35 il faudra se priver de piscine...
42:37 - Il n'y aura pas forcément des coupures, mais il y aura forcément des choix
42:39 politiques qui devront être
42:41 faits sur les questions d'allocation des ressources.
42:43 C'est-à-dire, comment est-ce qu'on partage
42:45 inévitablement une ressource
42:47 qui est raréfiée ? Et s'il n'y a pas
42:49 ces choix politiques
42:51 sur la question des allocations, on va avoir de plus en plus
42:53 de tensions et de violences dans la société.
42:55 On l'observe, pour le moment, avec les bassines
42:57 dans les Deux-Sèvres. C'est quoi le problème ?
42:59 C'est que des agriculteurs décident de conserver
43:01 de l'eau de pluie, ce qui peut sembler
43:03 être une décision de bon sens,
43:05 mais d'autres s'y opposent parce qu'ils ont le sentiment
43:07 que les agriculteurs se réservent une ressource rare
43:09 pour eux-mêmes, sans la partager
43:11 avec le reste des utilisateurs.
43:13 -Vous allez très loin dans le rapport,
43:15 parce que vous dites, bien sûr, qu'il y a un changement
43:17 total dans les comportements,
43:19 mais les pays, les nations
43:21 vont devoir, et notamment les démocraties,
43:23 remettre en cause leurs principes
43:25 fondamentaux. La souveraineté,
43:27 la liberté
43:29 et l'égalité. -Notamment.
43:31 -Ca veut dire quoi ? -La puissance, les frontières.
43:33 -On va devenir des pays autoritaires
43:35 parce qu'il faudra se contraindre ?
43:37 Comment vous voyez les choses ? La liberté,
43:39 notamment. -Toutes nos économies
43:41 et toutes nos démocraties sont profondément
43:43 enchassées
43:45 dans les énergies fossiles.
43:47 S'il est tellement difficile d'en sortir,
43:49 c'est parce qu'il ne s'agit pas juste de remplacer une énergie
43:51 par une autre, il s'agit de repenser
43:53 non seulement la manière dont on va produire
43:55 et consommer certains biens, mais aussi
43:57 la manière dont, comme vous le disiez,
43:59 on va envisager
44:01 certains des concepts qui sont fondateurs
44:03 de nos sociétés. La souveraineté,
44:05 qu'est-ce que ça veut encore dire ? La souveraineté nationale,
44:07 lorsque le futur climatique de la France,
44:09 lorsque les impacts, la température
44:11 qu'il fera en France, ne dépend pas du tout
44:13 des actions prises par le gouvernement français.
44:15 Qu'est-ce que ça veut encore dire ? La liberté,
44:17 est-ce qu'on va pouvoir accepter de restreindre
44:19 certaines libertés individuelles
44:21 pour garantir l'exercice de certaines libertés
44:23 collectives ? Qu'est-ce qu'on accepte
44:25 de se mettre comme restriction ?
44:27 La question de la restriction de vitesse
44:29 sur les routes est un bel exemple.
44:31 -Vous pensez qu'il faut les poser de façon très
44:33 concrète dans des politiques publiques
44:35 où il faut déjà préparer les esprits
44:37 pour que des consensus,
44:39 des accords se dégagent ?
44:41 On n'a pas l'impression que dans les démocraties
44:43 qui réalisent leur chef tous les 5 ans,
44:45 de telles contraintes,
44:47 de tels sacrifices soient possibles.
44:49 -Certainement pas. C'est pour ça que je crois
44:51 qu'il faut absolument préparer
44:53 une certaine forme de consensus social.
44:55 Si ces mesures sont imposées
44:57 de façon autoritaire,
44:59 d'abord, ça sera un déni démocratie,
45:01 mais surtout, elles ne seront pas acceptées
45:03 par la population, il faudra à un moment donné
45:05 ce qui sera pire que tout pour le changement climatique,
45:07 parce que nous allons devoir gouverner ce climat
45:09 jusqu'au moins la moitié du 22e siècle.
45:11 Donc, il va falloir que nous choisissions
45:13 collectivement ce que nous voulons faire.
45:15 C'est vraiment important que la question
45:17 de la lutte contre le changement climatique
45:19 ne nous apparaisse plus comme une contrainte
45:21 qui nous tombe dessus, comme une série
45:23 d'efforts, de sacrifices que personne
45:25 ne veut vraiment consentir, mais comme un vrai
45:27 projet social et démocratique
45:29 qui nous emmène vers l'avant.
45:31 -On parle des retraites, on parle aussi d'immigration.
45:33 Vous trouvez qu'on n'a pas du tout
45:35 mis le climat sur toutes les politiques publiques ?
45:37 La question démographique n'est pas posée,
45:39 la question migratoire et du climat
45:41 n'est pas posée. Ça devrait être
45:43 présent de façon systémique
45:45 dans toutes les décisions ?
45:47 -C'est-à-dire qu'on raisonne encore comme si le climat
45:49 était un problème à part, qu'on allait pouvoir
45:51 traiter à part avec certaines mesures,
45:53 alors qu'en réalité, tous les grands sujets
45:55 politiques, économiques et sociaux
45:57 du 21e siècle vont être complètement
45:59 transfigurés par la question climatique.
46:01 Sur la question des retraites,
46:03 on s'appuie sur des scénarios de projections
46:05 démographiques qui ne tiennent absolument
46:07 pas compte de la manière dont le changement climatique
46:09 va perturber nos projections
46:11 d'espérance de vie, va amener certaines
46:13 migrations et donc potentiellement de nouveaux
46:15 contributeurs au système des retraites.
46:17 On va avoir un Xème projet sur
46:19 l'asile et l'immigration qui là encore ne va rien
46:21 dire du tout de la manière dont le climat
46:23 va transformer les flux migratoires.
46:25 -Il y a des pays qui arrivent quand même à mettre le climat
46:27 dans toutes les politiques publiques ?
46:29 Il y a des bons élèves ?
46:31 -Il y a des élèves qui sont moins mauvais que d'autres.
46:33 Et effectivement, il y a des pays,
46:35 notamment les pays scandinaves, qu'on cite souvent,
46:37 mais aussi un pays comme la Nouvelle-Zélande.
46:39 Et j'ai envie de dire, surtout
46:41 les pays du Sud, c'est-à-dire ceux qui sont
46:43 les plus touchés directement par les impacts
46:45 du changement climatique. Au Bangladesh,
46:47 le climat est présent dans toutes les politiques publiques.
46:49 -C'est la grande question de l'équité.
46:51 En gros, les populations les plus riches
46:53 sont les plus émettrices, les populations
46:55 les plus pauvres sont les victimes du réchauffement.
46:57 Comment on va réussir à gérer
46:59 cette question de la justice qui semble abyssale ?
47:01 -Non seulement les plus pauvres sont
47:03 les premières victimes, mais en plus,
47:05 nous sommes en train de leur dire, surtout n'utilisez pas
47:07 vos énergies fossiles, parce que si vous
47:09 le faites, alors même que ces énergies,
47:11 pour le moment, sont nécessaires pour leur
47:13 développement et pour la richesse du pays,
47:15 si vous le faites, vous allez envoyer tout le monde dans le mur.
47:17 Et donc, effectivement, on ne s'en sort pas
47:19 pour le moment, et chacun reste
47:21 concentré sur ses propres
47:23 émissions de gaz à effet de serre,
47:25 alors que le climat se fiche éperdument,
47:27 évidemment que les émissions viennent de Lima, de Bangkok
47:29 ou de Paris. -Dernière question,
47:31 donnez-nous un peu d'espoir, quand même.
47:33 Dubaï, pour la COP28,
47:35 ça donne espoir ou pas ? C'est très étrange ce choix.
47:37 -Moi, je trouve que c'est un très bon choix.
47:39 Je sais que c'est une réflexion
47:41 un peu iconoclaste, mais
47:43 l'enjeu, c'est fondamentalement
47:45 la question des énergies fossiles.
47:47 Ça fait 25 ans qu'on tourne autour
47:49 du pot, qu'on fait des conférences entre
47:51 pays vertueux, à Copenhague
47:53 ou à Paris, en essayant d'éviter
47:55 la question. Quelque part,
47:57 porter la COP à Dubaï,
47:59 c'est aussi porter le fer dans les plaies
48:01 et prendre le taureau par les cornes, parce qu'il va bien
48:03 falloir discuter avec les pays qui ont
48:05 construit toute leur économie sur l'exploitation des énergies fossiles,
48:07 de ce qu'on fait si on sort
48:09 des énergies fossiles. -Merci beaucoup.
48:11 -Avec plaisir. -Merci, François Gémen, d'être
48:13 venu avec votre sens de la pédagogie,
48:15 nous parler du dernier rapport du GIEC
48:17 dont vous êtes l'un des principaux auteurs.
48:19 Je crois que vous devez nous quitter, c'est bien dommage,
48:21 parce que je vais accueillir les Affranchis
48:23 à présent pour leur parti pris.
48:25 Venez les amis, Elzamond Ndangava,
48:27 Mariette Darré-Grand,
48:29 et puis, bien sûr, Bertrand Perrier.
48:31 Vous pouvez rester si vous n'êtes pas trop pressés.
48:33 Allez-vous rester. Super. Bertrand Perrier,
48:35 vous nous parlez ce soir de cette petite phrase sur la
48:37 "foule et le peuple" qui a fait tant
48:39 réagir, et Mariette Darré-Grand,
48:41 vous nous parlez du mot "exécutif".
48:43 Bon, finalement, il nous a quittés. Au revoir,
48:45 François Gémen, hors caméra, merci encore.
48:47 Et on commence, comme chaque soir,
48:49 par Bourbon Express. L'histoire du jour,
48:51 à l'Assemblée, nous est racontée par
48:53 Elsa Ndangava. Bonsoir, Elsa.
48:55 - Bonsoir. Je vous raconte l'histoire d'un saucissonnage.
48:57 Je ne vous parle pas encore de l'apéro
48:59 de ce soir. C'est un terme
49:01 dont on parle beaucoup en ce moment pour évoquer
49:03 une loi, la loi Immigration.
49:05 Elle était inscrite dès la semaine prochaine
49:07 en séance au Sénat, sauf
49:09 qu'elle a disparu de l'ordre du jour.
49:11 Pour certains, elle est au mieux suspendue.
49:13 Au pire, elle est morte et enterrée.
49:15 Je vous rappelle que ce texte de loi devait,
49:17 selon l'adage du ministre de l'Intérieur,
49:19 Gérald Darmanin, être méchant avec les méchants,
49:21 gentil avec les gentils.
49:23 Un volet pour favoriser l'expulsion
49:25 des étrangers délinquants, ça, c'est les méchants.
49:27 Un autre pour régulariser les travailleurs
49:29 sans-papiers, notamment dans les métiers
49:31 en tension, ça, ce sont les gentils.
49:33 Alors, pourquoi ça semble très compliqué
49:35 que cette loi revienne au Parlement ? Alors, déjà,
49:37 même avant l'épisode du 49.3,
49:39 dans le groupe Renaissance, on n'était pas très chaud
49:41 pour, après l'épisode des retraites,
49:43 s'attaquer à un sujet aussi inflammable.
49:45 Et puis, surtout, 49.3 aussi oblige,
49:47 le gouvernement a dû se rendre compte qu'il n'y avait
49:49 pas de majorité pour voter ce texte.
49:51 Pourquoi ? Parce que les mesures de droite,
49:53 elles rebutent la gauche et inversement,
49:55 trop de fermeté pour les uns, trop d'humanité
49:57 pour les autres, et c'est pas franchement
49:59 dans l'idée, dans l'air du temps, de refaire
50:01 passer une loi avec le 49.3.
50:03 - Et là, je vous dis ? - Eh bien, vous allez me dire,
50:05 Myriam, est-ce que le gouvernement a enterré
50:07 le projet de loi ? Non, c'est pas si simple que ça,
50:09 puisqu'on le sait, Emmanuel Macron,
50:11 il veut parler du régalien, il sait qu'on lui
50:13 reproche parfois de manquer de fermeté
50:15 dans ce domaine, et puis, il y en a un autre
50:17 qui pousse, évidemment, pour que le sujet
50:19 reste sur la table, c'est le ministre de l'Intérieur
50:21 lui-même, Gérald Darmanin,
50:23 invité ce matin sur CNews.
50:25 - D'abord, c'est un texte très important,
50:27 qui est très populaire, tous les sondages du monde.
50:29 Le ministre de l'Intérieur préfère toujours que ce soit
50:31 un seul texte, bien évidemment, mais
50:33 il appartient à la Première ministre
50:35 et au président de Chambre d'avoir la bonne
50:37 discussion, la nouvelle méthode, comme évoquait
50:39 le président de la République, et moi, je me rangerai
50:41 sur la question. L'important pour le ministre de l'Intérieur
50:43 que je suis, pour les Français, c'est un texte
50:45 ferme contre l'immigration irrégulière.
50:47 - Gérald Darmanin, qui a
50:49 énormément consulté, reçu
50:51 des parlementaires de tous bords pour
50:53 préparer sa loi, pour lui,
50:55 ça allait être un moment politique
50:57 évidemment important, et on sait que ça compte
50:59 pour un ministre qui a beaucoup d'ambition.
51:01 - Alors, comment on en sort ? Quelle solution possible ?
51:03 - Et bien, c'est là qu'intervient la technique
51:05 du saucissonnage. On peut faire
51:07 passer un bout de la loi par le groupe
51:09 Les Républicains, par exemple, qui pourrait proposer
51:11 un texte sur l'expulsion des étrangers délinquants.
51:13 Pourquoi pas reprendre une proposition
51:15 de loi d'un des groupes de la majorité sur
51:17 l'intégration, regarder aussi ce qui
51:19 peut être fait du domaine réglementaire.
51:21 Mais tout ça, ça nous laisse dans la loi
51:23 que les dispositions sur
51:25 le droit d'asile, on est bien loin
51:27 d'une grande loi, mais c'est peut-être ça,
51:29 finalement, la nouvelle méthode à laquelle
51:31 va devoir se résoudre le gouvernement.
51:33 Des lois fabriquées en fonction des
51:35 opportunités politiques. - A condition que
51:37 les députés de chaque groupe jouent le jeu.
51:39 - Exactement, sachant que ça risque d'être
51:41 compliqué à droite, mais peut-être qu'on pourrait faire
51:43 un coup à droite, un coup à gauche, un coup au milieu
51:45 et le risque, c'est de zigzaguer aussi
51:47 un peu au niveau de la cohérence politique.
51:49 - Bertrand Perrier, découper comme ça
51:51 un texte, vous croyez que ça peut
51:53 marcher à l'Assemblée ? - Alors, ça peut
51:55 marcher politiquement, après la question est de savoir si ça
51:57 passe aussi le cap du Conseil constitutionnel
51:59 parce qu'il y a une sorte de détournement
52:01 aussi des règles qui encadrent
52:03 le dialogue
52:05 entre les parlementaires
52:07 et je trouve étonnant que l'on saucissonne
52:09 un peu un texte au gré
52:11 des majorités. - Bon, allez, on va
52:13 sur votre chronique, j'ai plus de questions
52:15 surprises. "La foule
52:17 n'a pas de légitimité
52:19 face au peuple", cette phrase a fait
52:21 couler beaucoup d'encre, elle a été prononcée par le
52:23 chef de l'Etat dans le huis clos de l'Elysée,
52:25 Emmanuel Macron, qui recevait
52:27 sa majorité avant son interview
52:29 sur TF1 France 2.
52:31 Qu'est-ce que vous en avez pensé ?
52:33 - C'est évidemment une phrase étonnante parce que cette
52:35 distinction entre la foule et le peuple n'est pas
52:37 très intuitive et d'ailleurs, Jean-Luc Mélenchon
52:39 a réagi à cette distinction
52:41 en disant "la foule est au peuple
52:43 ce que le cri est à la voix".
52:45 En réalité, c'est une distinction assez ancienne
52:47 qu'Aristote connaissait déjà
52:49 puisqu'il distinguait le peuple démos,
52:51 qui donnera démocratie,
52:53 de la foule pléthos,
52:55 qui donnera pléthorique. Et les
52:57 anciens avaient même théorisé un cycle
52:59 des régimes politiques
53:01 dans lequel la démocratie,
53:03 le pouvoir du peuple, pourrait sombrer
53:05 dans un autre régime,
53:07 le pouvoir de la foule,
53:09 l'au-clocratie, lorsque l'on oublie
53:11 le sens de l'intérêt général.
53:13 - Alors, quelle distinction précise
53:15 la différence entre la foule et le peuple ?
53:17 - La différence, elle pourrait se résumer par une phrase
53:19 de Victor Hugo qui faisait déjà cette différence
53:21 et qui dit "le peuple est en haut
53:23 et la foule est en bas".
53:25 Le peuple serait un corps social
53:27 organisé, rationnel,
53:29 mesuré, éclairé,
53:31 respectueux des institutions et,
53:33 à l'inverse, la foule,
53:35 ce serait un magma incontrôlable,
53:37 un peu égaré, un peu
53:39 violent, qui serait soumis
53:41 à tous les embrigadements
53:43 possibles, à toutes les passions et vulnérables
53:45 à la démagogie. Et ça renvoie
53:47 à un ouvrage fondamental de la fin
53:49 du XIXe siècle qui s'appelle "Psychologie
53:51 des foules" d'un sociologue qui s'appelle Gustave
53:53 Lebon et qui montre qu'en réalité,
53:55 la foule, prise comme un ensemble,
53:57 a une psychologie propre,
53:59 distincte des individus qui la composent,
54:01 que des individus feraient
54:03 inclus dans une foule des choses
54:05 qu'ils seraient incapables de faire
54:07 s'ils ne sont pas dans la foule,
54:09 qu'il y aurait dans la foule une propension
54:11 à la contagion d'une forme de violence
54:13 et que la foule pourrait être hypnotisée
54:15 par des raiteurs
54:17 très convaincants.
54:19 Et donc, finalement, pour dire les choses un peu
54:21 rapidement, un individu
54:23 dans une foule redeviendrait un être primitif.
54:25 - Donc elle est lourde
54:27 de sens politique, cette distinction
54:29 opérée par Emmanuel Macron.
54:31 - Évidemment, il y a là une volonté de disqualifier
54:33 par le mot
54:35 le mouvement social,
54:37 le mouvement populaire, qui donc serait
54:39 le fait d'individus inconséquents,
54:41 démeutiés, perdus dans une action
54:43 irrationnelle et poursuivant des intérêts
54:45 propres et ignorants
54:47 de l'intérêt général et que
54:49 seuls vaudraient par contraste le peuple
54:51 qui serait ceux qui joueraient le jeu
54:53 de la démocratie représentative.
54:55 Si je puis avoir un avis là-dessus, je suis assez
54:57 réservé, je crois l'opposition un peu
54:59 simpliste. Est-ce que le seul
55:01 fait de protester, pour des raisons
55:03 tout de même assez claires et argumentées
55:05 contre un projet tel que celui de la
55:07 réforme des retraites suffirait
55:09 à faire des manifestants une simple
55:11 foule que l'on pourrait ignorer ?
55:13 Au contraire, est-ce que
55:15 les manifestants, quelle que soit leur indiscipline
55:17 ou leur débordement,
55:19 ne pourraient pas avoir un corpus
55:21 idéologique, des revendications
55:23 politiques qui sont les caractéristiques
55:25 d'un peuple ?
55:27 La rue a une place en démocratie.
55:29 Elle n'a pas toute la place, mais elle a
55:31 une place. Et exclure du peuple
55:33 ceux qui expriment leur inquiétude
55:35 dans la rue, c'est tout de même
55:37 faire prévaloir une vision assez
55:39 réductrice du peuple et
55:41 peut-être même d'une foule,
55:43 une foule sentimentale, qui a
55:45 soif d'idéal. - Oh, quelle chute !
55:47 Merci pour le clin d'œil à Souchon. Et vous
55:49 pouvez toujours, dans ces cartes blanches, émettre
55:51 un avis, comme vous dites.
55:53 Mariette, merci pour cette carte blanche.
55:55 On parle d'un mot que vous avez choisi, qui est passionnant.
55:57 "Exécutif".
55:59 C'est le mot de la semaine.
56:01 - Oui, Myriam, parce que c'est un mot qui a remplacé
56:03 ce qu'on disait auparavant,
56:05 c'est-à-dire la présidence ou
56:07 le Premier ministre, enfin, les gouvernants.
56:09 Et alors, depuis quelques années, on ne dit plus ça, on dit
56:11 "l'exécutif". Et
56:13 c'est venu de votre monde, c'est venu des
56:15 journalistes. Ce sont les journalistes qui ont imposé cette
56:17 formule. - Le couple exécutif, souvent, on dit.
56:19 - Voilà. Et je crois qu'il s'agit d'un
56:21 grand remplacement symbolique, très
56:23 important. - Ah oui ? Pourquoi ?
56:25 Alors, pourquoi ce succès de ce
56:27 mot plutôt technique, d'ailleurs ?
56:29 - C'est un mot, voilà, qui vient de la langue
56:31 technique, institutionnelle,
56:33 on pourrait dire, alors qui est venu par les médias
56:35 de gauche, Mon Diplo,
56:37 Mediapart, et qui, aujourd'hui, est partout.
56:39 Figaro, Le Monde,
56:41 Les Echos, ici-même, partout. - C'est un mot
56:43 "image", vous nous dites. - Alors, c'est un mot
56:45 qui est très simple, d'une certaine façon,
56:47 il est très technique, institutionnel,
56:49 mais il est simple et surtout, voilà, c'est un mot "image",
56:51 "image" visuel et "image"
56:53 sonore. Quand on l'entend,
56:55 on voit quelque chose. Donc, quand on entend
56:57 "exécutif", on voit tout de suite
56:59 la guillotine sur la place de la Concorde.
57:01 Notre cerveau imaginaire, analogique,
57:03 va extrêmement vite. Donc, Victor Hugo,
57:05 donc, de la Croix,
57:07 "La liberté guidant le peuple sur les barricades",
57:09 parce qu'au final, c'est ça qu'on a
57:11 en ce moment, c'est-à-dire, on veut
57:13 exécuter l'exécutif
57:15 parce qu'on se sent exécuté
57:17 par lui. Voilà le cercle
57:19 dynamique. - En même temps, "exécutif",
57:21 il y a aussi un sens plus positif.
57:23 On parle d'exécuter une danse,
57:25 on parle d'exécutif woman,
57:27 il n'y a pas que cette idée d'un coup près.
57:29 - Le mot est très positif au départ. En fait,
57:31 il s'agit, c'est quoi, en atteint, c'est-à-dire "suivre",
57:33 de suivre, d'aller au bout d'une tâche.
57:35 Donc, il est positif, il est consciencieux.
57:37 Effectivement, par exemple,
57:39 le producteur en cinéma, il y a le producteur
57:41 qui met de l'argent, et le producteur exécutif,
57:43 il veille à ce que l'argent
57:45 soit bien utilisé, qu'on aille au bout du tournage.
57:47 Et en politique, c'est la même idée.
57:49 Il faut aller au bout du processus, évidemment,
57:51 en équilibre avec le pouvoir
57:53 législatif et le pouvoir judiciaire.
57:55 Mais le problème, c'est qu'il y a
57:57 aussi, tout d'un coup, exécuter
57:59 un prisonnier. Le guerre, par exemple.
58:01 - Donc, c'est le sens négatif qui, aujourd'hui, émerge
58:03 avec la crise des retraites.
58:05 - Oui, voilà, faire quelque chose de bien, mais ça veut dire
58:07 tuer. Et je crois que c'est ce sens-là,
58:09 ces connotations-là qui nous arrivent
58:11 aujourd'hui, ce double sens du mot,
58:13 cette ambivalence, c'est une amphibologie,
58:15 comme on dit cuistrement, c'est un mot qui...
58:17 - Une amphibologie ? - Comme les choses,
58:19 les animaux qui sont amphibies. Donc, on peut marcher
58:21 sur la terre positive avec ce mot et sur la terre
58:23 négative. Donc, si vous voulez,
58:25 c'est tout ça qui se réveille avec une cristallisation
58:27 sur notre président, bien sûr.
58:29 Il y avait déjà eu le premier
58:31 match des Gilets jaunes
58:33 contre l'exécutif, qui veut nous
58:35 exécuter en augmentant
58:37 le prix du carburant. Et là, avec les retraites,
58:39 ce qui m'a frappée, c'est quand même
58:41 le vocabulaire de la mort qui est venu.
58:43 Le terme "assassin" est venu dans l'hémicycle.
58:45 Et puis, même sur les pancartes
58:47 des manifestants, on voyait
58:49 "métro-boulot-caveau", "métro-boulot-tombeau".
58:51 C'est-à-dire, on évoque la mort.
58:53 Alors, vous allez me dire, c'est le
58:55 langage, il est comme ça, on exagère
58:57 toujours, etc. Mais je crois que
58:59 il faut faire très attention aux connotations.
59:01 Aux connotations négatives.
59:03 Elles font des choses, si j'ose dire, en notre absence.
59:05 Elles créent des effets. Donc, ça met
59:07 de la morbidité dans l'air, tout ça.
59:09 Et ça nous rappelle
59:11 qu'à l'origine, dans le monde romain,
59:13 les cérémonies exécutives,
59:15 en fait, c'était
59:17 des processions funèbres.
59:19 Ce que l'on suivait jusqu'au bout,
59:21 c'était les morts.
59:23 Donc, il y a ce sens dans notre mémoire.
59:25 -Je vais réfléchir à deux fois quand j'utiliserai ce terme,
59:27 désormais. Merci beaucoup,
59:29 Mariette, c'était passionnant. Merci,
59:31 Bertrand. On se retrouve la semaine prochaine,
59:33 Elsa, fidèle au Poste, bien sûr. Très belle soirée,
59:35 c'est le week-end ! Profitez bien
59:37 et restez sur LCP, fidèles, bien sûr.
59:39 ...
59:53 ...
59:55 Merci à tous !
59:57 [SILENCE]

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