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00:00 C'est pas possible, vous êtes en train de me dire que ma mère a accouché d'une fille
00:03 qui est en train de se transformer naturellement en homme.
00:06 Non, c'est pas ça.
00:07 Et j'étais fixée sur cette idée, cette phrase qui tournait dans ma tête.
00:10 Qu'est-ce que je vais dire à ma maman ?
00:13 Je m'appelle Swan et je suis fière d'être intersexe.
00:16 Que ce soit pendant l'enfance ou quoi que ce soit,
00:18 même si je sentais que j'étais différente,
00:20 j'ai relié ça à mon orientation sexuelle, directement.
00:23 Ça n'existait pas pour moi, l'intersexualité.
00:25 Là où vraiment j'ai remarqué que c'était pas dans ma tête,
00:29 ça a été pré-adolescence.
00:31 Les hormones se développent,
00:33 et mes hormones se développaient pas de la même manière.
00:36 J'ai commencé à comprendre au niveau de ma pilosité,
00:39 ma répartition au niveau de ma pilosité,
00:42 qui était basée de façon très masculine.
00:46 Ça a été la perte de sein, déjà.
00:48 J'ai perdu énormément de poitrine.
00:49 À ce moment-là, je faisais du sport
00:51 et j'avais cette facilité à prendre en masse musculaire.
00:55 Ça a été ça.
00:56 Ensuite, la barbe.
00:58 C'est un grand mot, mais j'avais les pattes qui poussaient.
01:03 Ouais, OK, bon.
01:04 Puis après, ça a été sur les joues, le cou.
01:07 Et bien sûr, forcément, sexuellement parlant,
01:10 sachant que mon niveau de testostérone est plus haut
01:13 et que je suis surhormonée au niveau sexuel,
01:15 j'ai eu des changements, bien sûr.
01:17 J'ai été voir un gynécologue qui était très renseigné
01:20 par rapport à tout ça.
01:21 Être intersexe, c'est le fait d'avoir des caractéristiques sexuelles
01:26 ou physiques qui ne correspondent pas aux normes même
01:32 d'hommes ou de femmes.
01:33 J'ai très mal pris l'information.
01:35 Ce n'était pas possible pour moi, ça n'existait pas.
01:37 Et c'est d'ailleurs la phrase que j'ai dit au médecin.
01:40 "C'est pas possible, vous êtes en train de me dire
01:41 que ma mère a accouché d'une fille
01:43 qui est en train de se transformer naturellement en homme.
01:46 Non, c'est pas ça."
01:47 Le médecin me disait clairement que non,
01:50 c'était pas du tout ce qu'il m'expliquait.
01:52 Et j'étais fixée sur cette idée, cette phrase qui tournait dans ma tête.
01:55 Qu'est-ce que je vais dire à ma maman, aux gens autour de moi
01:59 et comment moi, je vais me regarder devant le miroir ?
02:04 Là, ça va être compliqué.
02:05 J'ai mal pris l'information, il me donnait les brochures
02:07 et je déchirais devant lui.
02:09 Je suis partie en claquant la porte et voilà.
02:11 J'ai été fâchée un petit moment
02:13 et je me suis rendue réellement, réellement compte
02:15 au moment où j'ai eu un rapport juste après, un rapport sexuel.
02:19 Et là, je me suis dit "OK".
02:20 Sans le vouloir, mes yeux se sont baissés sur moi-même.
02:24 Je ne ressemblais pas aux autres femmes pendant un rapport.
02:28 OK, j'ai capté.
02:29 J'ai des propriétés qui ne sont pas que féminines.
02:31 Il va falloir que maintenant, j'accepte et je n'acceptais pas.
02:35 Je me suis renfermée pendant deux ans.
02:37 On arrête les relations sexuelles,
02:39 on arrête de montrer son corps à la piscine.
02:42 On arrête de se montrer.
02:44 Même si j'étais fâchée au départ,
02:46 il fallait que je retourne voir des médecins
02:48 parce que justement, j'avais pas de réponse à mes questions.
02:52 J'avais pas de réponse à mes mots et ma UX.
02:55 On se confie à quelqu'un et on attend des réponses de quelqu'un.
02:58 Donc, on fait confiance au corps médical.
03:01 Et en fait, ce n'est pas du tout ce qui m'a aidée
03:05 parce que clairement, la personne m'a dit "Bon, écoutez, voilà.
03:08 Vous voulez être une femme ou vous voulez être un homme ?"
03:10 Sur le moment, je me suis dit "Je suis née fille, donc je...
03:16 Je veux être une femme, rester une femme."
03:18 On m'a clairement dit qu'il fallait une correction à tout ça.
03:21 C'était pas normal.
03:22 On va vous donner un traitement hormonal.
03:24 Sauf qu'ils ont pas pris en compte le fait que j'étais déjà surdosée
03:29 hormonalement, naturellement.
03:30 Physiquement, ça m'a donné pas mal de douleur,
03:33 mais surtout mentalement.
03:34 On sait très bien que les hormones régulent absolument tout dans le corps.
03:38 Là, c'était horrible de ne plus du tout me reconnaître.
03:42 Donc là, dépression profonde.
03:44 J'ai connu des gens qui étaient intersexes
03:46 et qui vivaient les mêmes choses médicalement.
03:49 Et là, je me suis dit "Attends, il y a un réel problème."
03:52 Ça a été compliqué de savoir que des enfants se faisaient mutiler,
03:55 que du coup, j'avais été mutilée aussi avec des traitements hormonaux.
04:02 On arrive, en tant que militant, avec les années, à faire certaines choses.
04:08 On a pas mal d'organisations nationales, internationales
04:11 qui se battent aussi pour stopper les mutilations
04:14 sur les enfants intersexes, sur les personnes intersexes.
04:17 On a beau avoir la loi bioéthique qui est passée en 2021,
04:22 les mutilations continuent.
04:23 Le message a passé au niveau du corps médical,
04:25 oui, plus d'informations, ça c'est nécessaire.
04:28 On sait que c'est des études qui sont très difficiles, très compliquées.
04:32 Remettez-les à jour !
04:33 Ou remettez les médecins qui sont en carrière depuis des années à jour également.
04:38 Mais c'est à eux aussi de se renseigner sur les nouveautés,
04:42 sur comment on peut accompagner telle ou telle personne.
04:45 Il faut vivre avec son temps, tout simplement.
04:47 Personnellement, je milite pour une reconnaissance neutre.
04:50 Je milite pour un arrêt immédiat des mutilations sur les personnes intersexes,
04:55 pas que sur les enfants, sur les personnes intersexes.
04:58 Les manipulations.
04:59 C'est facile de dire à des parents "il faut corriger votre enfant,
05:02 votre enfant va très mal aller".
05:03 J'ai entendu des personnes qui ont été se faire opérer d'une impédicite
05:06 étant plus jeunes, et c'était pas ça.
05:08 Je suis médecin, je décide si je dois corriger cette personne
05:13 parce qu'elle est hors normes.
05:14 C'est pas normal.
05:15 Le regard des gens a été très compliqué au départ,
05:19 mais j'avais plus de mal avec mon propre regard dans le miroir
05:24 qu'avec le regard des gens.
05:25 Je me suis dit "là, relève-toi ma grande, tu plais aux autres,
05:29 il y a peut-être quelque chose à faire".
05:31 J'aime dire que oui, je suis cette petite créature,
05:33 je suis une femme à stache, avec aussi le bouc qui pousse.
05:37 J'ai une puberté d'un gamin de 13, 15 ans, alors que j'ai 23 ans.
05:41 Je ressens peut-être que ce que peut ressentir un homme
05:44 et ce que peut ressentir une femme,
05:46 c'est peut-être pas donné à tout le monde non plus.
05:48 Autant essayer de prendre le positif
05:51 plutôt que de se renfermer sur le négatif.