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00:00 Je parle avec vous, Vincent Gesser. Bonjour, vous êtes politologue, chercheur au CLNRS et à l'Institut de Recherche et d'Études sur les mondes arabes et musulmans.
00:07 Merci d'être avec nous. Alors il faut expliquer, cette réaction, elle survient alors qu'une délégation de l'Union Européenne était aujourd'hui attendue en Tunisie,
00:15 justement pour évaluer la situation financière du pays qui négocie depuis un moment maintenant une ligne de crédit de 2 milliards d'euros avec le FMI.
00:23 L'Union Européenne conditionne justement à l'octroi de cette ligne sa propre aide. Comment expliquer un terme aussi fort la Tunisie ? Est-elle réellement au bord de l'effondrement ?
00:33 Alors je crois que le gros problème c'est que l'Union Européenne a perdu ses repères, que ce soit les hauts fonctionnaires, les décideurs de l'Union Européenne,
00:40 que ce soit également les parlementaires européens. Ils avaient l'habitude de travailler avec des interlocuteurs qui les rassuraient.
00:47 Or aujourd'hui, le président Kayser a un peu désorganisé ses repères. Il n'y a plus vraiment de politique publique en Tunisie sur le plan social, économique et dans tous les domaines.
00:57 Et donc le sentiment de l'Union Européenne, c'est que la Tunisie est un pays à la faillite. Toutefois, il faut nuancer. Ce n'est pas, comme j'ai pu l'entendre, une libanisation.
01:05 Ce n'est pas non plus un pays qui a un effondrement total. En tout cas, il y a une vraie fragmentation du corps social. Il y a des vraies fractures politiques.
01:12 Il y a des vraies fractures territoriales. Et surtout, il y a un exécutif qui est très peu rassurant aujourd'hui pour les décideurs européens.
01:20 Ils ne savent pas ce que veut Kayser. Ils ne savent pas où va Kayser.
01:24 Qu'est-ce qui empêche la conclusion de cet accord avec le FMI ? La Tunisie ne veut pas se réformer ?
01:31 Alors il y a deux aspects, si vous voulez. Il y a l'idée qu'il n'y a pas vraiment de politique publique claire, comme je le viens de le dire, que Kayser est très contradictoire.
01:39 D'un côté, il a un registre populiste où il condamne le FMI. Pour lui, le FMI, c'est une atteinte à la souveraineté tunisienne.
01:46 Et d'un autre côté, il souhaite une aide financière internationale. En quelque sorte, il veut le beurre et l'argent du beurre.
01:52 Avoir un discours populiste pour plaire à la population, donc un discours anti-FMI. Et en même temps, il veut récupérer l'aide du FMI.
01:59 Et ce discours contradictoire est perçu comme un mauvais signal par les décideurs et les gestionnaires du FMI,
02:06 qui demandent tout simplement à Kayser de clarifier sa position et surtout de clarifier sa ligne politique quant aux réformes sociales et économiques.
02:14 Aujourd'hui, il y a un flou total quant aux réformes qui touchent la Tunisie.
02:19 La concentration des pouvoirs dans les mains d'un même homme, Kayser, dans l'occurrence, qui a dit sous le Parlement, cela inquiète aussi les investisseurs étrangers,
02:28 notamment sur la situation d'État de droit en Tunisie. On sait que c'est important pour les milieux d'affaires.
02:34 Je crois qu'il y a deux registres, effectivement. Il y a un registre que je dirais de principe.
02:38 La Tunisie, il ne faut pas oublier, avait soulevé d'immenses espoirs. C'était un peu la vitrine démocratique des pays européens, des pays occidentaux.
02:47 Et de ce point de vue-là, quelque part, Kayser a cassé cette vitrine démocratique, ce qui déplaît fortement aux décideurs occidentaux.
02:54 Et puis il y a le registre paramatrique, il ne faut pas oublier. C'est le registre de la question de la sécurité, de la stabilité de la Tunisie.
03:02 Certes, Kayser a un discours extrêmement sécuritaire, mais en revanche, il contribue aussi à créer davantage d'instabilité et de sécurité.
03:10 Voilà une autre contradiction. Voilà un président qui joue sur le registre sécuritaire, mais qui provoque encore plus d'insécurité et d'instabilité,
03:17 qui inquiète profondément aujourd'hui les partenaires et les bailleurs de fonds occidentaux.
03:24 Oui, au rang des inquiétudes, José Borrell a cité notamment le risque en matière de flux migratoire.
03:29 D'après les chiffres officiels italiens, plus de 32 000 migrants sont arrivés clandestinement en Italie en provenance de Tunisie l'année dernière.
03:36 On sait que Kayser lui-même a fait des migrations en provenance d'Afrique subsaharienne, aujourd'hui la principale cible de sa politique.
03:43 L'Europe a-t-elle donc des raisons aujourd'hui de s'inquiéter d'un éventuel afflux en Méditerranée à ses frontières ?
03:49 Effectivement, il y a deux, finalement. Ce registre pragmatique comporte de volé la lutte contre le terrorisme.
03:55 Et à ce niveau-là, ça ne rassure pas les Européens parce qu'ils ont l'impression qu'ils font un peu n'importe quoi en matière de sécurité.
04:00 Et surtout, le contrôle des flux migratoires. Le contrôle, oui, mais dans le respect d'un certain nombre de principes.
04:07 Or, les déclarations ouvertement, disons-le, xénophobes de Kayser, même s'il est revenu en partie sur cette déclaration, ne rassurent pas les Européens.
04:15 Ils préféraient voir en quelque sorte quelqu'un qui a une politique un peu autoritaire, un peu insécuritaire,
04:20 mais qui a une vraie politique migratoire et non pas un président qui use de la théorie du complot ou du grand remplacement.
04:26 En gros, Kayser prône effectivement le grand remplacement, mais en revanche, il ne développe pas vraiment une politique de gestion sécuritaire
04:33 et de contrôle des flux migratoires qui, là aussi, est encore un exemple de flou total dans la politique publique tunisienne,
04:40 de côté notamment la prise de pouvoir par Kayser.
04:43 Merci beaucoup, Vincent Gesser, d'avoir été avec nous pour commenter ces déclarations.