Maman, j'ai arrêté l'avion ! - Faut-il arrêter la fast fashion ?

  • l’année dernière
Quoi de plus concret que la « fast fashion » pour interroger nos modes de consommation comme nos modes de production ?
Pour ce premier numéro, Daphné Roulier reçoit :
- Bérangère Couillard, secrétaire d'État auprès du ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires chargée de l'Écologie
- Julia Faure, cofondatrice de la marque de vêtements éthiques « Loom », défendant une industrie du textile écologique et vertueuse, membre du collectif « En mode climat », un mouvement de professionnels du secteur soucieux de réduire l'impact carbone de notre garde-robe.

Présenté par : Daphné Roulier, avec la collaboration de : Raphaël Hitier et Camille Etienne
Année : 2023 / Durée : 52' - Production : LCP-Assemblée nationale, en collaboration avec Nova Production.

"Maman j'ai arrêté l'avion" est un magazine sur la transition écologique présenté par Daphné Roulier.
Chaque mois, Daphné Roulier abordera un thème lié à l'actualité suivi d'un débat avec ses invités. Ensemble ils se poseront des questions concrètes et politiques quant à la transition écologique que nous devons tous mener. Comment agir ? Comment s'organiser collectivement ? Quelles solutions sont à notre portée ? Quelles sont les fausses pistes à éviter ?
L'émission de 52 minutes est construite autour de reportages tournés sur le terrain et d'interviews de politiques et/ou d'experts en plateau menées par Daphné Roulier avec, à ses côtés, Raphaël Hitier, docteur en neuroscience et réalisateur de documentaires scientifiques.
La militante écologiste Camille Etienne participera également à l'émission sous une forme artistique et percutante.

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Transcript
00:00 Maman, j'ai arrêté l'avion. C'est un nouveau rendez-vous pour comprendre les enjeux du dérèglement climatique.
00:06 2022 aura été l'année la plus chaude jamais enregistrée en France, avec un réveillon aux allures de printemps,
00:12 alors qu'au même moment, le nord des États-Unis était balayé par des tempêtes de neige dignes d'Armageddon.
00:19 Les scientifiques du GIEC ont beau sortir les gyrophares, le réchauffement climatique est là,
00:23 et nous ne sommes pas prêts ni pour l'arrêter, ni pour nous adapter.
00:27 Alors, plutôt que de rester les bras ballants, que pouvons-nous faire concrètement ?
00:31 Comment réduire notre empreinte carbone dans un monde en bascule ?
00:35 Nous sommes 4 Français sur 5 à nous dire convaincus de l'importance d'agir,
00:39 et sans doute tout autant à nous sentir impuissants.
00:42 Chaque mois, nous allons donc vous donner des clés sur un sujet donné, reportages et chiffres à l'appui,
00:48 et en débattre avec nos invités.
00:50 Au fait, maman, j'ai arrêté l'avion.
00:52 [Musique]
01:13 Alors, quoi de plus concret que la fast fashion, pour interroger nos modes de consommation,
01:17 comme nos modes de production ?
01:19 Emmanuel Macron est le premier à le reconnaître.
01:22 On n'y est pas, si, et si on ne change pas les choses, on n'y arrivera pas.
01:25 Bref, il faut accélérer le mouvement pour réduire nos émissions de CO2
01:29 et honorer nos objectifs climatiques, et la mode a de fait un rôle à jouer.
01:33 Pour en parler, une nouvelle venue en politique, la secrétaire d'État à l'écologie, Bérangère Couillard.
01:39 Bonjour et bienvenue.
01:40 Bonjour, Daphné Roulier.
01:41 Pour rentrer dans le vif du sujet, d'abord quelques chiffres pour bien cerner les enjeux.
01:46 100 milliards de vêtements sont vendus chaque année dans le monde,
01:50 2 milliards rien qu'en France.
01:52 En 15 ans, notre consommation de vêtements a explosé,
01:55 plus 60% dans le monde, et on les conserve deux fois moins longtemps que dans les années 2000.
02:01 C'est 4 milliards de tonnes de gaz à effet de serre, soit plus que le trafic aérien et maritime réunis.
02:07 Que vous inspirent ces chiffres, Bérangère Couillard ?
02:10 Déjà, vous vous rappelez les chiffres effrayants de la fast fashion,
02:13 et si nous continuons avec le même modèle et si nous ne changeons rien,
02:17 en 2050, le textile représentera 25% de nos émissions de gaz à effet de serre.
02:21 Oui, alors ça donne le tournis.
02:22 Juste avant de vous lancer en politique, vous étiez directrice régionale d'une marque de près de portée,
02:27 vous avez donc été au cœur même du réacteur, si j'ose dire.
02:30 Je peux le dire.
02:31 Vous ne me contredirez pas si je vous dis que la planète est bien une fashion victime.
02:35 On peut légitimement se demander si une production infinie dans un monde fini et bien raisonnable,
02:42 deux visions s'affrontent avec ses pours et ses contres.
02:45 Chaque mois, nous leur donnerons la parole dans un reportage sobrement tétituné, le tout oppose.
02:51 Pour ce premier numéro, Jawa Arnadi et Alexis Breton sont allés à l'inauguration à Angers
02:56 de la dernière boutique Primark, le géant irlandais de la mode jetable.
03:01 Une ouverture en grande pompe, reportage.
03:05 Près d'Angers, le 9 décembre dernier.
03:16 Il est 9 heures.
03:20 Plusieurs centaines de personnes font la queue dans le froid.
03:24 Deux grands sacs sont distribués pour l'événement, car ce dont il s'agit aujourd'hui, c'est bien de consommer,
03:31 faire des achats.
03:35 Le centre commercial de Bocuse inaugure un nouveau magasin.
03:42 C'est un Primark, le temple de la fast fashion, qui poursuit son expansion fulgurante en France
03:47 depuis son arrivée en 2013.
03:50 Angers est le 21e magasin du pays.
03:52 La marque organise pour fêter ça un show à l'américaine avec DJ et les employés eux-mêmes qui chauffent la salle.
03:59 - Vous allez dormir, vous serez en Angers !
04:02 Ce nouveau Primark à Angers, c'est 3000 m2 de magasin, la taille d'un hypermarché,
04:13 rempli d'habits et d'accessoires en tout genre.
04:15 Et où tout est deux fois moins cher que dans des boutiques type Zara ou H&M.
04:20 Primark, ce sont des prix bas, mais aussi des volumes de production gigantesques,
04:25 marqués au bout du monde et un impact carbone démesuré.
04:29 L'industrie de la mode est une des plus polluantes au monde.
04:33 Pour décrypter l'ouverture de Primark, symbole du succès de la fast fashion en France,
04:38 deux personnalités s'opposent.
04:41 Christine Loisy, la directrice de Primark,
04:44 et Audrey Millet, chercheuse et historienne de la mode.
04:48 - C'est presque miraculeux d'avoir un succès comme ça.
04:52 - C'est vraiment le bonheur dans les yeux. On n'en est qu'au début de notre aventure.
04:55 - Il y a véritablement une pollution générale de l'environnement
04:58 à cause de cette surproduction et de cette surconsommation.
05:02 Les deux vont ensemble.
05:03 - Bien sûr, il y a des choses que, clairement, on n'a pas besoin.
05:06 - Lorsque vous achetez un vêtement à prix bas, quelqu'un a payé la facture.
05:11 Croissance économique ou protection de l'environnement,
05:14 deux visions se font face autour du dilemme de la fast fashion.
05:19 Le premier argument de Primark, c'est la défense du pouvoir d'achat.
05:23 Nous sommes la veille de l'ouverture, à quelques kilomètres du centre commercial.
05:28 Delphine, 32 ans, mère d'un petit garçon, est en recherche d'emploi.
05:33 Avec son mari, il touche 2 400 euros par mois.
05:36 De temps en temps, pour gagner un peu d'argent,
05:38 elle rend de menus services à ses voisins.
05:40 - Là, je vais aller à Intermarché, qui est juste à côté de chez moi,
05:43 récupérer des produits de la fashion.
05:46 Je vais récupérer des courses pour une personne qui ne peut pas se déplacer.
05:51 Je vais être payée 5,25 euros pour 10 minutes, un quart d'heure de mon temps.
05:55 Elle habite dans ma commune, donc je n'ai pas trop de frais kilométriques à faire.
06:00 C'est plutôt bien. Je n'ai pas énormément de gros revenus.
06:04 Donc oui, c'est au centime près.
06:08 Bonjour ! Vous voulez que je vous mette ça quelque part chez vous, madame ?
06:14 Je vous souhaite une bonne journée, madame.
06:16 - Vous de même. - Merci. Au revoir.
06:19 Pour Delphine, tout est bon pour faire des économies.
06:22 D'ailleurs, pour réaliser ses achats de nourriture, d'essence ou de vêtements,
06:26 elle est abonnée à une coopérative de consommateurs.
06:29 Le principe, tous ses membres cotisent 50 euros par an,
06:33 et en échange, ils obtiennent des réductions sur des bons d'achat
06:36 chez toutes les grandes marques.
06:38 - Je prends le réflexe tous les jours d'y aller dessus,
06:41 regarder ce qu'il y a comme carte.
06:43 Si j'ai un achat à faire sur Gémeaux, je prends la carte Gémeaux.
06:46 Enfin, c'est assez rapide à faire.
06:48 Donc là, je vois la carte cadeau Primark de 30 euros que j'ai prise.
06:52 Ça va me rapporter 0,90 pièce.
06:55 Je vais valider mon panier.
06:57 Des petits gains qui s'accumulent
06:59 et avec lesquels Delphine va se rendre chez Primark
07:02 pour renouveler la garde-robe de son fils.
07:04 - Primark, ma soeur m'en a parlé vaguement.
07:07 Elle m'a dit que c'était super intéressant.
07:09 Il y avait plein de vêtements aussi bien pour hommes, femmes, enfants, bébés,
07:13 à petit prix, donc oui, j'ai hâte d'y être.
07:16 La majorité des clients de Primark sont comme Delphine,
07:19 issues de milieux plutôt modestes.
07:21 Elle sera parmi les premières à se rendre sur place.
07:27 Le lendemain, le jour de l'inauguration,
07:32 Primark met souvent en avant les créations d'emplois
07:35 réalisées à chaque implantation de magasin.
07:37 Deux heures avant l'ouverture,
07:39 les VIP d'Angers, les personnalités locales,
07:42 sont d'ailleurs reçues par la directrice pour une visite privée.
07:45 - Bonjour tout le monde, je suis Christine Oisy,
07:49 et je suis le directeur général pour Primark en France.
07:52 Et c'est le 412e magasin Primark dans le monde.
07:56 Les élus locaux sont tous là,
07:59 heureux de ces recrutements faits dans la région.
08:01 - Un petit mot.
08:02 On est ravis de vous annoncer
08:04 que nous avons recruté 110 personnes,
08:07 et vous êtes là, messieurs, dames, pour partie.
08:09 80% d'entre vous étaient ou sans emploi, ou en premier job.
08:13 Donc on est très fiers aussi,
08:15 lorsqu'on arrive quelque part,
08:17 de tendre la main, ou à des jeunes,
08:19 ou à des gens qui n'ont pas de travail.
08:21 - C'est en effet une centaine d'emplois qui sont créés.
08:26 C'est bien sûr quelque chose auquel on est sensible.
08:29 Dans les rangs des VIP,
08:31 on voit aussi le patron du centre commercial, Philippe Journeau.
08:34 - Je préside l'agence de développement économique.
08:38 - Un Primark ici,
08:42 c'est l'assurance d'avoir toujours du monde
08:44 pour tous les autres magasins.
08:46 C'est un avenir sécurisé pour le centre commercial,
08:48 un peu en souffrance ces derniers temps.
08:50 - Nous avons été obligés de créer 300 places de parking supplémentaires,
08:53 en plus des 2500 places qui sont devant vous, et en sous-sol.
08:56 On les a faits spécialement pour l'ouverture de Primark,
08:59 parce qu'on connaît l'impact que cela va avoir.
09:02 Primark, c'est un leader de la mode
09:04 qui travaille pour le pouvoir d'achat des consommateurs
09:07 et des citoyens français.
09:09 Donc on est deux fois à raison d'accueillir Primark.
09:11 Primark cartonne en France depuis 10 ans,
09:13 mais aussi dans le monde entier.
09:15 Sur un écran géant, l'entreprise fait défiler sa success story,
09:19 entamée dans les années 70.
09:21 Le groupe d'habillement s'appelle alors Penise,
09:23 qui signifie "petite monnaie".
09:25 - Primark a été créée par Arthur Ryan en 1969 à Dublin.
09:30 Le dernier chiffre d'affaires,
09:32 on a annoncé 7,7 milliards de livres sterling.
09:35 En tant que marque, on est à peu près la troisième marque au niveau mondial.
09:39 Partout où nous sommes implantés, nous sommes toujours les moins chers.
09:43 Aujourd'hui, l'enseigne compte plus de 80 000 salariés
09:46 à travers 400 magasins dans le monde.
09:49 La question de l'écologie est plus problématique.
09:52 La visite privée commence.
09:54 Primark met l'accent surtout sur ses nouveaux engagements éco-responsables.
09:58 - Vous avez toujours notre coin "Jean", qui est aussi coton durable.
10:02 Des produits de linge de maison en coton durable.
10:05 Toute notre collection est coton durable.
10:07 - On commence petit à petit.
10:09 On a maintenant presque 50 % de nos produits
10:11 qui sont ou faits avec du coton durable,
10:13 c'est-à-dire sans pesticides,
10:15 ou avec des matières recyclées.
10:17 En réalité, le coton durable,
10:20 à la différence du coton bio, n'est pas sans pesticides.
10:23 Il peut en utiliser moins,
10:25 mais il n'est soumis à aucune obligation légale et aucun contrôle.
10:29 Pour la directrice de Primark, le sujet est central.
10:32 Car la fast fashion est souvent montrée du doigt
10:34 pour son rôle dans la crise climatique.
10:37 Primark s'appuie sur des fournisseurs essentiellement asiatiques
10:40 pour produire ces gros volumes.
10:42 La Birmanie, le Vietnam, le Pakistan, l'Inde, et surtout la Chine.
10:46 Tous ces vêtements parcourent des milliers de kilomètres
10:49 pour arriver ici et émettent ainsi des tonnes de CO2.
10:52 Mais le gros de la facture écologique de Primark
10:55 se joue surtout au moment de la production massive et industrielle de ces vêtements.
10:59 Lorsque vous avez un prix bas,
11:03 vous rognez sur différentes parties de la chaîne de production.
11:08 On rognera sur le salaire des ouvriers,
11:10 on rognera sur la qualité,
11:12 on investira dans des matières synthétiques
11:16 extrêmement toxiques pour l'environnement et pour les océans.
11:21 Dans les pays les plus pauvres,
11:23 on voit des villages se dépeupler
11:26 parce que les champs, les nappes phreatiques
11:29 sont complètement empoisonnés aux pesticides, aux produits toxiques.
11:33 Dans ces pays pauvres, on constate une mort lente,
11:37 petit à petit, de la terre et de l'eau.
11:41 Produits toxiques déversés dans les rivières,
11:44 pesticides utilisés à outrance pour faire pousser le coton.
11:47 Primark reconnaît l'existence de problèmes
11:50 et depuis peu a décidé de mettre en avant
11:52 les efforts faits sur toutes ces chaînes de fabrication.
11:55 L'an dernier, on a pris droit à une sorte d'engagement
11:57 autour de la planète, autour des produits,
11:59 autour des humains qui travaillent ici
12:02 ou dans nos usines en Asie.
12:04 On en est au début.
12:06 Aujourd'hui, on a 45% des matières polyestères
12:09 qui sont issues de produits recyclés.
12:12 Et ce qu'on est en train de faire,
12:14 on est en train petit à petit de former nos stylistes
12:17 et nos acheteurs chez nous, à Dublin,
12:19 justement à concevoir des produits
12:21 qui soient complètement recyclables.
12:23 Ces engagements sont désormais inscrits
12:25 sur toutes les affiches du magasin.
12:27 Coton durable, recyclé, économie circulaire.
12:31 Paradoxalement, ces messages poussent à consommer encore plus.
12:40 Je trouve ça intéressant. En plus, c'est pas cher.
12:43 Et en plus, ils me disent que c'est du coton recyclé,
12:45 donc ça vaut deux fois plus le coup.
12:47 Je regrette moins, on va dire, d'acheter.
12:49 Parce qu'ils me disent que c'est bon pour la planète,
12:51 donc voilà.
12:53 Alors, on va avoir du coton recyclé, recyclable,
12:58 eco-friendly, care, du coton love.
13:02 Tout est bon, dans le vocabulaire, pour nous faire acheter.
13:06 Actuellement, sur la planète, on produit 1% de coton biologique.
13:10 Il y a quand même assez peu de chances
13:12 pour qu'on ait acheté ce T-shirt-là en coton biologique.
13:16 Je crois pas qu'il y ait...
13:18 "Ah, ils ont écrit ça, donc je vais en acheter plus."
13:21 En plus, c'est pas du tout notre intention.
13:23 Notre intention, c'est d'expliquer aux consommateurs
13:26 et à nos clients ce que nous faisons.
13:28 Parce qu'on sait qu'ils y sont sensibles.
13:31 C'est pas pour les inciter.
13:33 Non, c'est pas du tout l'objectif.
13:35 Difficile à croire, tant ces messages sont omniprésents.
13:43 Ici, tout est fait pour pousser à consommer.
13:47 - Est-ce que vous voudrez un 2e sac réutilisable ?
13:50 Parce que je vois que vous allez avoir beaucoup de courses.
13:53 L'inauguration du Primark d'Angers est une réussite.
13:56 A 10h, les acheteurs ont commencé à dévaliser les rayons.
14:00 Comment expliquer ce succès incroyable ?
14:03 S'agit-il réellement de s'habiller, d'un besoin vital ou d'autre chose ?
14:08 Pour Delphine, souvent, à l'europrès, c'est clair.
14:11 Les petits prix et le besoin de nouveaux vêtements pour son fils sont décisifs.
14:16 - Je vais lui prendre ce petit tee-shirt-là.
14:19 Il est à 2,50 euros.
14:21 Ca grandit vite. Je sais qu'il a une grande tête.
14:24 Et il y en a certains qui commencent à être petits.
14:27 Je pense que je vais lui faire plaisir dessus.
14:29 Dans la fast fashion, tout est calibré pour donner envie.
14:32 Le piège, c'est la quantité,
14:34 le nombre infini de couleurs, de tailles, de pièces
14:37 qui multiplient les tentations.
14:39 - En fait, j'ai pris la noire et je suis assez confortable dedans.
14:42 Donc, en fait, pour le prix, je me tâte aussi à prendre une paire en blanche.
14:46 Ca me fera les deux paires pour 12 euros.
14:50 C'est plutôt correct. Ca fait même pas le prix d'une dans un autre magasin.
14:54 J'en suis contente. C'est sûr, je reviendrai.
14:57 Avec ma famille, cette fois.
14:59 - L'atmosphère lumineuse de Primark fonctionne finalement comme celle des casinos.
15:04 Vous ne voyez pas le temps passer.
15:06 Vous ne savez pas quelle heure il est.
15:08 Et donc, vous restez, vous êtes finalement happé par les produits.
15:12 - Let's go !
15:14 Céline, elle, est une passionnée de mode.
15:16 Elle est venue spécialement de Nantes avec des amis pour découvrir le nouveau Primark.
15:20 - Là, honnêtement, 7 euros, c'est pas cher.
15:22 Son budget est conséquent.
15:24 Elle a prévu de dépenser 100 euros.
15:26 - Les filles, les chaussures comme ça, c'est la base.
15:29 Il faut avoir ça dans le dressing.
15:31 Et en plus, elles sont à 9 euros.
15:33 La robe, elle est à 22 euros.
15:35 C'est une petite paire à 19 euros.
15:37 Primark refuse de communiquer sur le nombre de produits placés en rayon.
15:41 Mais il y en a au minimum plusieurs milliers, renouvelés régulièrement.
15:45 Et il ne s'agit pas que de vêtements.
15:47 Dans cette caverne d'Ali Baba, il y a absolument de tout.
15:51 Et donc, forcément, à un moment, un objet qui vous plaît.
15:54 - Par exemple, le porte-savon, il est à 4,50.
15:58 On va le trouver plus dans les 10 euros dans les autres magasins.
16:01 Et honnêtement, c'est la même qualité.
16:04 - Pour l'importance de savoir ce qu'on recherche chez Primark.
16:07 Parce que si on ne sait pas ce qu'on veut, on va acheter, acheter.
16:10 Et après, on va dire, est-ce que j'ai vraiment besoin ?
16:12 C'est pour ça que quand on fait des achats chez Primark,
16:15 il faut avoir vraiment un budget.
16:18 - C'est, je crois, une de nos recettes.
16:20 On fait en sorte que les clients passent du bon temps dans nos magasins,
16:25 que ce soit un peu ludique.
16:27 Et encore une fois, qu'il y ait cette espèce de découverte
16:29 du produit que finalement, vous n'étiez pas venu chercher,
16:31 qui est très sympa, très ludique, et pour 3, 4, 5 euros.
16:35 - C'est une addiction.
16:37 C'est un achat compulsif qui relève d'une...
16:40 Moi, j'appelle ça d'une nouvelle maladie,
16:42 qui s'appelle la collectionnite.
16:44 C'est un divertissement.
16:45 Et il n'y a pas de limite au divertissement.
16:48 Et il n'y a pas non plus de limite psychologique
16:51 à la possession de vêtements.
16:53 Si on peut le faire, pourquoi ne pas le faire ?
16:56 - Résultat, même quand on sait ce qu'on veut,
16:59 c'est difficile de tenir son budget.
17:01 - 182. - Ouais, bon, bah...
17:04 - Il en reste en cartes, s'il vous plaît.
17:06 - Je le respecte.
17:08 - Celui-là, je suis obligée.
17:10 - Bon, j'ai pas respecté le budget.
17:12 C'est comme ça, Primark.
17:14 - On a dépassé le 18.
17:16 - Delphine, elle, pense avoir tenu son budget.
17:20 - 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8.
17:25 8 articles, et je dois être aux alentours de 40 euros.
17:29 - C'est à la caisse qu'elle découvre que ça n'est pas le cas.
17:33 - Il ne vous reste que 4,50 euros à régler, madame.
17:36 - Oui, bah, je vous donne 4.
17:38 - C'est parfait, là.
17:40 - Je l'ai calculé juste, mais apparemment, non.
17:43 C'est bon. - OK.
17:44 - Je vous remercie. - De rien.
17:45 - Au revoir. - Bonne journée à vous.
17:47 - Et pour Delphine, 4 euros, c'est beaucoup.
17:51 - Les petits prix ne respectent pas forcément les petits pouvoirs d'achat.
17:56 La majorité des clients repart avec des volumes énormes.
18:00 En France, chaque année, plus de 2 milliards de vêtements sont achetés
18:04 et la plupart sont très peu portés.
18:07 L'an prochain, Primark a prévu d'ouvrir 6 nouvelles boutiques en France
18:11 et 150 de plus dans le monde.
18:13 Quels que soient ses engagements par ailleurs,
18:15 grandir reste l'essence même de l'entreprise,
18:18 un objectif incompatible avec la protection du climat.
18:22 - On ne peut pas avoir une entreprise en se disant
18:24 "comment est-ce que je peux faire pour que mon entreprise régresse ?"
18:26 Ça n'existe pas.
18:27 Une entreprise qui régresse, elle disparaît, elle meurt.
18:30 Donc, nous, notre objectif, c'est de nous développer
18:32 et d'avoir du succès, pas de régresser.
18:34 - Une marque clean ne peut pas vendre des produits aussi peu chers.
18:37 Si on veut moins d'impact climatique, il faut moins de volume.
18:40 Chez tout le monde, individuellement et collectivement, à toutes les échelles.
18:44 - En effet, elle a raison.
18:46 - Votre experte a raison.
18:48 Si on veut des produits qui respectent l'environnement,
18:50 il faut absolument qu'on produise moins et qu'on achète moins.
18:53 - Ça tombe bien, nous sommes là pour en parler.
18:55 Je vous présente d'abord Raphaël Littier,
18:57 notre journaliste scientifique,
18:59 qui va m'épauler avec sa science, ses datas et sa rigueur.
19:03 Commençons d'abord avec vous, Bérangère Couillard.
19:06 Vous avez démarré, on le disait, dans le privé,
19:08 avant de rejoindre Christophe Béchut au ministère de la Transition écologique.
19:11 L'implantation de Primark, est-ce que c'est vraiment une bonne nouvelle ?
19:14 - Je ne crois pas que ce soit une bonne nouvelle.
19:16 C'est une bonne nouvelle pour le tissu économique local,
19:19 parce qu'il est vrai que ça apporte des emplois.
19:21 Maintenant, pour l'environnement,
19:23 et évidemment pour avoir une économie beaucoup plus circulaire et décarbonée,
19:28 évidemment, Primark ne respecte pas tous ces critères.
19:31 - Alors, est-ce que c'est vraiment le rôle d'un élu
19:33 d'accueillir à bras ouverts, au nom de l'emploi et du pouvoir d'achat,
19:36 une telle enseigne ? Parce que la logique voudrait plutôt
19:38 qu'un élu défende une mode qui a du sens et qui va dans le bon sens,
19:41 ce qui n'est pas le cas, franchement, de Primark.
19:43 - En effet, mais en même temps, un élu, il a aussi pour dynamiser son territoire
19:47 et répondre à tous les consommateurs.
19:50 Et on l'a vu dans votre reportage, vous avez aussi une mère de famille
19:53 qui s'appelle Delphine, qui cherche des vêtements plutôt à bas prix
19:58 parce que son pouvoir d'achat ne le permet pas d'acheter plus cher.
20:01 Et je crois que les marques doivent pouvoir répondre aussi à ce type de budget.
20:05 Et il est des pouvoirs publics du gouvernement d'accompagner plutôt
20:10 les acteurs vertueux à faire baisser leurs prix pour pouvoir justement
20:15 vêtir des familles comme la famille de Delphine.
20:18 - Mais vous le dites, il y a quand même une urgence écologique.
20:20 Les prix dérisoires encouragent à la surconsommation.
20:23 En période d'inflation, on l'a vu, c'est difficile d'y résister.
20:25 Finalement, avec Primark, vous favorisez l'addiction
20:28 plutôt que de la soigner, les laisser s'implanter.
20:31 C'est finalement distribuer du chocolat à des diabétiques.
20:35 C'est un travail de sapes, fondamentalement.
20:38 - C'est pour ça que je faisais bien la différence entre Delphine,
20:41 sa famille et le pouvoir d'achat, et puis d'autres personnes
20:44 qu'on a vues dans votre reportage.
20:46 Je pense qu'il y a évidemment, et on le voit depuis une vingtaine d'années,
20:50 une addiction à la consommation de vêtements.
20:52 Et c'est ça qu'il faut qu'on arrive à freiner et à entraîner.
20:56 - 40 vêtements en moyenne par français.
20:59 - C'est ça, exactement. - C'est fou.
21:01 - C'est énorme. On change deux fois plus de vêtements qu'il y a 15 ans.
21:05 Et donc c'est tout ça qu'il faut qu'on arrive à revoir en même temps,
21:08 sans donner des difficultés complémentaires à des familles
21:13 qui n'ont pas les moyens d'acheter plus cher.
21:15 - Que vous inspire l'affichage "Coton durable, recyclé, recyclable"
21:19 qui ne repose sur aucune réalité, sauf celle de nous pousser à acheter davantage
21:23 en pensant effectivement faire un geste pour la planète ?
21:25 IKKS, qui vous employait, a d'ailleurs été épinglé
21:28 pour "éco-blanchiment" et "slogan écolo-trompeur".
21:31 Il ne faudrait pas faire un peu le ménage régulé de ces labels ?
21:35 - Il est évident que toutes les marques affichent pratiquement du coton soit bio
21:41 ou du coton recyclé. On voit bien, la production mondiale ne permet pas de...
21:46 - 1% ? - Voilà. C'est évident qu'il y a du greenwashing.
21:51 - Mais il ne faut pas réglementer le greenwashing, précisément ?
21:53 - Si, je pense qu'il faut qu'on arrive à avoir quelque chose de beaucoup plus clair.
21:56 - Ne serait-ce que l'ambition, par exemple, de Primark de se développer à l'avenir,
22:01 comme l'annonce la directrice de Primark France,
22:03 est-ce que ce n'est pas en soi intrinsèquement incompatible
22:06 avec un objectif de neutralité carbone qui est aussi le leur ?
22:10 Est-ce qu'il n'y a pas quelque chose de totalement contradictoire
22:13 et donc de non crédible dans les annonces de cette entreprise ?
22:17 - Ce qui est certain, c'est que le gouvernement cherche à avoir une dynamique
22:22 économie circulaire et en même temps une économie qui soit décarbonée.
22:27 Donc vous imaginez bien que nous ne souhaitons pas forcément
22:31 que Primark ait une dynamique en France.
22:33 Sans, encore une fois, pénaliser les familles les plus modestes,
22:36 il faut que nous arrivions à accompagner ces producteurs
22:39 qui font des produits qui respectent l'environnement,
22:42 dans des conditions acceptables aussi, des conditions de travail acceptables,
22:46 pour que leur prix baisse.
22:47 - Béroge Arcouillard, on ne va pas se mentir, votre ministre de tutelle,
22:50 Christophe Béchut, est l'ancien maire d'Angers,
22:52 donc il a soutenu ce projet, cette implantation de Primark.
22:55 Vous, vous êtes le pur produit d'une génération spontanée
22:58 qui se pique de politique.
23:00 Vous êtes jeune, vous avez 36 ans, vous n'avez pas envie de renverser la table
23:03 et d'en finir avec ces pratiques environnementales désastreuses ?
23:07 - C'est pour ça, c'est ce que nous faisons.
23:08 Moi, je déploie la feuille de route sur le textile que nous avons mis en place,
23:13 qui va se dérouler de 2023 à 2028.
23:16 Cette feuille de route, elle amène un certain nombre de choses
23:19 qui va nous permettre d'agir à toutes les étapes de la vie du produit.
23:22 Et ça, je crois que c'est absolument nécessaire
23:24 pour que nous ayons des pratiques beaucoup plus vertueuses
23:27 et inciter le consommateur à devenir consommateur.
23:30 C'est ça, l'avenir, et pour ça, il faut que le client soit averti,
23:34 mais aussi que nous puissions avoir une vie des produits beaucoup plus longue.
23:38 - Alors, ça passe par l'éducation, vous le dites, ça passe par l'information.
23:41 Il y a une équation qui ne change pas, produire, c'est polluer.
23:44 Alors, Raphaël, vous allez nous expliquer de quoi, au juste, sont faits nos vêtements.
23:48 C'est loin d'être une question superflue,
23:50 si l'on en croit la relation très intime que nous entretenons avec les énergies fossiles.
23:54 Nous les portons à même la peau, c'est dire si nous en sommes proches.
23:58 Le climatoscope, c'est votre décryptage, c'est maintenant, et c'est à vous, Raphaël.
24:01 - Alors, ça peut paraître beaucoup pour des slips, des sandales et des t-shirts,
24:13 mais les émissions de la filière textile représentent jusqu'à deux à trois fois
24:17 les émissions totales de la France, donc c'est énorme.
24:20 Alors, à votre avis, où se cache le CO2 dans nos habits ?
24:24 - À toutes les étapes, à la production, comme au moment où ils deviennent des déchets,
24:29 et j'espère justement qu'ils ne seront plus des déchets.
24:31 - On serait d'abord tenté de dire le transport, mais en réalité...
24:33 - Oui, la plupart des gens pensent à ça, parce que, effectivement, les habits viennent de loin,
24:36 mais en fait, comme c'est relativement facile à transporter,
24:38 ça ne représente jamais que 2 % de la facture environnementale.
24:41 L'essentiel est effectivement dans la production, le premier tiers au moins,
24:45 et dans la production des matières premières.
24:48 Et quand on parle de matières premières pour le textile, c'est la laine, le cuir, le coton,
24:52 les fibres synthétiques. Alors, pourquoi la laine et le cuir produisent-ils du CO2 ?
24:57 Tout simplement parce que ce sont les ruminants qui nous fournissent,
25:00 et que les ruminants ont un défaut majeur, c'est qu'ils ruminent.
25:04 Du coup, ils dégagent un gaz, le méthane, qui a un pouvoir réchauffant
25:07 qui est 50 fois supérieur à celui du CO2.
25:09 Alors, vous allez me dire que le coton, lui, il ne rumine pas, c'est exact,
25:12 mais pour le faire pousser, en revanche, on est obligé d'utiliser les engrais
25:15 et les nitrates sont produits dans des usines qui sont extrêmement consommatrices d'énergie,
25:20 ce sont des réactions qui ont lieu à très haute température.
25:23 Et en plus, ce nitrate, une fois qu'on le met dans la terre pour faire pousser les plantes,
25:27 il se transforme en ce qu'on appelle le protoxyde d'azote,
25:30 qui est accessoirement le gaz hilarant, mais qui a en revanche une capacité réchauffante
25:34 qui, cette fois, est 300 fois supérieure à celle du gaz carbonique.
25:39 Donc, à chaque fois qu'on fabrique un kilo de coton, on envoie 5 kilos de gaz carbonique dans l'atmosphère.
25:45 Alors, depuis 2006, je crois, il y a eu un peu une transition,
25:49 c'est que le polyester est passé devant le coton dans le pré-taporté.
25:53 Donc, à votre avis, est-ce que ça, c'était plutôt un progrès pour la planète
25:56 ou est-ce que c'est un problème ?
25:58 C'est un problème ?
25:59 C'est un problème, parce que le polyester, c'est du pétrole au départ,
26:01 et quand on parle de pétrole, le CO2, il est rarement très très loin.
26:04 À chaque kilo de polyester produit, on se retrouve avec 10 kilos de CO2 en plus dans l'atmosphère.
26:10 Alors, on commence un peu à comprendre pourquoi la facture est si lourde.
26:13 Là, on a parlé de la production des matières premières,
26:15 il y a maintenant la fabrication à proprement parler,
26:17 à savoir tisser, teindre et assembler les habits.
26:21 Et tout ça se fait dans quoi ? Dans des machines.
26:23 Et là, il y a une équation qui est implacable, systématique.
26:26 Si vous parlez de machine, vous parlez d'énergie.
26:28 Si vous parlez d'énergie, vous parlez de CO2.
26:30 Il y a fortiori dans la filière textile, puisqu'on a délocalisé toutes les usines dans des pays
26:36 qui fonctionnent avec des usines électriques, qui sont alimentées avec du charbon,
26:40 qui est la source d'énergie la plus polluante en termes de carbone.
26:43 Et il reste, vous l'évoquiez tout à l'heure, la fin de vie.
26:46 La fin de vie et l'utilisation des habits, parce que vous rajoutez effectivement le transport dont on parlait tout à l'heure,
26:51 les lessives, le séchage à domicile et l'incinération de vieux pulls et des vieilles chaussettes.
26:55 Ça coûte aussi l'éclairage et le chauffage des magasins, les campagnes de publicité, la Fashion Week.
27:00 Et nous voilà avec trois tiers qui nous font plusieurs milliards de tonnes d'équivalent carbone.
27:05 Bref, il va falloir sérieusement songer à une fashion detox.
27:08 Concrètement, Bérangère Couillard, que prévoyez-vous pour décarboner au maximum ce modèle par nature ultra polluant ?
27:17 Alors déjà, on a décidé d'agir sur les vêtements qui sont déjà conçus et qui sont déjà dans les armoires des Français.
27:24 Première chose, c'est de faire en sorte qu'ils aient une vie plus longue.
27:28 On sait que les Français, chaque année, se séparent de 700 000 tonnes de vêtements, ce qui est absolument gigantesque.
27:36 Et donc, on a la nécessité de réparer pour qu'ils puissent durer plus longtemps.
27:41 Pour ceux qui se séparent de ces vêtements, aujourd'hui, on collecte seulement 35 % de ces vêtements.
27:48 Mais il y en a aussi 65 %, ça veut dire qu'ils partent directement à la poubelle, c'est-à-dire qu'ils sont incinérés.
27:53 Et ce qu'on veut, c'est mieux les collecter.
27:55 Si on les collecte mieux, du coup, ce qu'on souhaite, c'est atteindre 60 % de collecte en 2028,
28:01 ce qui permettra, en les collectant mieux, de leur destiner une nouvelle vie.
28:06 Ou alors, il est possible de les recycler.
28:09 On souhaite, à terme, recycler 80 % des vêtements que nous aurons récupérés.
28:16 Pour ça, nous engageons un financement important qui permet d'accompagner tous ceux qui permettent la collecte et le tri et le recyclage des vêtements.
28:24 Mais ne serait-il pas le temps de pénaliser les marques destructrices pour l'environnement selon le bon vieux principe "pollueur-payeur" ?
28:32 Alors, il y a plusieurs façons de penser l'avenir.
28:35 Nous, ce que nous souhaitons, dans un premier temps, c'est favoriser les entreprises qui ont des pratiques vertueuses,
28:41 et particulièrement celles qui produisent à proximité.
28:45 Les entreprises françaises qui, aujourd'hui, ont la soif de se développer,
28:49 mais se développer sur des procédés qui sont beaucoup plus sains et qui respectent l'environnement.
28:53 Il y en a un certain nombre.
28:54 D'ailleurs, il y a une tribune qui a été signée par 150 producteurs, ou en tout cas acteurs du textile,
28:59 qui souhaitent justement que nous allions plus loin sur ce sujet.
29:03 Alors, effectivement, vous avez prévu, Méron Jacouillard, un bonus pour les produits textiles les plus durables.
29:07 C'est ça, exactement.
29:08 Nous accompagnons jusqu'à 300 millions d'euros.
29:11 Ce sera du budget qui permettra d'accompagner tous les acteurs, les producteurs,
29:16 qui réalisent des vêtements qui sont éco-conçus,
29:20 qui utilisent soit de la fibre recyclée, soit qui ont un label écologique.
29:24 En tout cas, tous ceux qui font en sorte que les produits durent plus longtemps
29:27 et qui respectent donc plus l'environnement.
29:30 Oui, mais en réalité, ce système de bonus existe déjà avec la modulation, l'éco-contribution,
29:35 et elle n'est pas assez incitative.
29:37 Pour qu'elle le soit, il faudrait carrément augmenter cette contribution.
29:40 Parce qu'en réalité, les marques préfèrent payer 6 centimes d'euros par pièce
29:43 plutôt que d'investir dans l'éco-conception.
29:45 Ça, on s'en est rendu compte.
29:46 Alors, globalement, c'est quand même une feuille de route
29:48 qui accompagne d'un milliard d'euros sur six ans.
29:51 Et donc, ce qu'il faut, c'est qu'on arrive à ce que cette dynamique fonctionne.
29:55 Aujourd'hui, on a un certain nombre, évidemment, d'entreprises françaises
29:59 qui souhaitent aller plus loin, et donc on va les accompagner.
30:04 Mais c'est vrai la grande question...
30:05 Ce qui fait que c'est qu'on entraîne justement cette modification
30:07 pour faire en sorte que les consommateurs s'y retrouvent pas totalement lésés.
30:11 Encore une fois, c'est aussi pour ne pas faire pâtir
30:13 ceux qui ont les revenus les plus faibles.
30:16 Rapatrier le textile en France permettrait, Bérangère Couillard,
30:19 de diviser par deux notre empreinte carbone
30:22 et contribuerait à baisser encore de 25% les émissions
30:26 en rationalisant les commandes et donc les invendus.
30:29 Mais ça, c'est une évidence.
30:30 Mais en attendant la relocalisation, en fait,
30:32 une entreprise comme Primark est tenue de faire un bilan carbone
30:36 qui, de mémoire, je crois, est annoncé à 6 millions de tonnes pour Primark.
30:39 Affiché.
30:40 Affiché.
30:41 Ces usines sont là où elles sont, à savoir en Asie.
30:45 Quels sont vos moyens, à vous, en tant que membre du gouvernement,
30:49 quand vous décidez, ok, on va aider une entreprise ou pas,
30:51 comment vous pouvez vérifier, en fait, la fiabilité d'un bilan carbone
30:55 annoncé par une entreprise ?
30:57 Ce qui est sûr, c'est que compte tenu de la méthode de production de Primark,
31:00 ce ne sera pas une entreprise qui sera aidée par les...
31:03 Sans blague !
31:04 ...des mémo-conceptions que nous mettons en place.
31:06 Donc la question ne se pose pas.
31:08 Assez peu pour Primark, d'accord.
31:09 Il y a un cadre juridique, évidemment, pour valider tout ça, bien sûr.
31:12 Alors, si l'industrie textile file un mauvais coton,
31:15 des initiatives et des alternatives émergent en France.
31:18 Certaines marques ont décidé de faire autrement, moins et mieux,
31:22 de façon à limiter les dégâts et à nous laisser le choix.
31:25 Oui, on peut réduire l'impact de notre garde-robe.
31:28 En voici la preuve dans les Cévennes.
31:30 Le Monde de Demain, c'est un reportage de Jawah Arnadi et Alexis Breton.
31:33 Et ça commence aujourd'hui.
31:35 Florac, en Lauserre, au cœur de la vallée des Cévennes.
31:50 Il est 8h30 à l'atelier Tuffry.
31:54 On va faire des ronds d'épaule vers l'arrière.
31:57 Les salariés de l'entreprise se livrent à un étrange rituel.
32:01 - On va se faire les coudes, un petit coup de Macarena.
32:04 Les poignées, les chevilles.
32:07 Prière indienne. On respire bien.
32:10 Julien Tuffry est le boss.
32:12 C'est lui qui a instauré cet échauffement matinal.
32:15 - Merci, Salomé. Ça va, l'équipe ? Tout va bien ?
32:18 - Ouais.
32:19 - Faut vraiment, comme des sportifs de haut niveau,
32:21 prendre soin de nos corps pour tenir longtemps.
32:23 Et en plus, à côté de ça, clairement, ouais,
32:26 on rentre dans la journée avec des conditions physiques super.
32:29 Ici, rien ne se passe comme ailleurs.
32:31 À 36 ans, Julien est le Benjamin de 4 générations de tailleurs.
32:35 En 2015, il a créé la 1re marque de jeans françaises depuis 1892.
32:41 Il défend une production éthique
32:46 avec comme maître mot l'éco-responsabilité.
32:49 Un rebours de la fast fashion et de ses usines à jeans asiatiques.
32:54 - S'il voulait être hyper performant économiquement dans le textile,
32:57 il faut surtout pas faire ça.
32:59 C'est-à-dire qu'il faut plutôt faire des immenses ateliers en longilignes,
33:02 en enchaînant les étapes, les unes après les autres,
33:04 un petit rail convoyeur, les personnes s'assoient le matin à 8h
33:07 en faisant du monotâche.
33:09 Nous, on a complètement repensé l'espace
33:11 en travaillant ce qu'on appelle un cellule autonome hyper flexible,
33:15 c'est-à-dire que toutes ces formidables personnes savent tout faire.
33:18 Ça coûte hyper cher, la formation, la polyvalence, les super ateliers.
33:22 Mais l'avantage, c'est que derrière,
33:24 on a dimensionné un modèle économique pour financer tout ça.
33:27 - Ce modèle économique repose sur plusieurs piliers.
33:30 Le 1er, c'est la main-d'oeuvre locale.
33:33 Une main-d'oeuvre payée au juste prix et très qualifiée.
33:37 Parce qu'un jean, c'est un travail que l'on n'imagine pas.
33:40 Jusqu'à 44 pièces à tailler et à assembler.
33:43 - Et les gens font "Ah ouais, autant de pièces !"
33:46 Et ouais, c'est-à-dire que derrière un jean,
33:48 il y a énormément de technicité.
33:51 Et la machine dans laquelle on met toutes ces pièces
33:54 et ça fait le jean tout fini tout seul, elle n'existe pas.
33:57 - Voilà pourquoi les industriels se ruent en Asie.
34:00 90% de la fabrication de jean se trouve là-bas.
34:03 - Dans le coût de fabrication d'un jean,
34:05 qui est l'un des vêtements les plus complexes à fabriquer,
34:08 il y a plus de 80% du coût de reviens, c'est de la main-d'oeuvre.
34:11 Mais quand vous trouvez des jeans à 10, 15, 20, même 30 balles,
34:15 qui est capable de faire tout ce travail pour si peu d'argent ?
34:18 - Au Bangladesh, par exemple,
34:20 les petites mains du textile sont payées 86 euros par mois.
34:23 Alors qu'ici, on est à près de 60 euros l'heure d'atelier.
34:27 Le deuxième pilier, c'est le transport
34:32 et la réduction des distances d'approvisionnement.
34:35 Le trajet moyen parcouru par un jean asiatique
34:38 est de 65 000 km,
34:40 avec un coût en équivalent CO2 gigantesque.
34:43 - Je suis assez fier de dire qu'il n'y a pas un mètre de toile
34:47 dans cet atelier de stockage
34:49 qui vient à plus d'une journée de voiture de Florac.
34:52 C'est assez important.
34:53 Aujourd'hui, notre plus gros approvisionneur de toile,
34:55 il est dans les Vosges.
34:56 On travaille énormément aussi.
34:57 On a racheté en partie un tisseur qui est dans le Tarn,
35:00 donc en France,
35:01 et on bosse beaucoup avec une très belle manufacture
35:03 au nord de l'Italie,
35:04 et une autre plus petite, là, au nord de l'Espagne.
35:07 C'est rigolo.
35:08 L'année dernière, on a collecté 12 tonnes de laine
35:10 sur le territoire de la Lozère,
35:11 c'est-à-dire dans un périmètre à 30 km à la ronde de l'atelier,
35:13 on a collecté 12 tonnes de laine.
35:15 Quand on parle de ça, d'un point de vue marketing,
35:17 on parle d'innovation.
35:19 En fait, ça me fait marrer.
35:20 Même nous, on parle d'innovation,
35:22 mon grand-père et mon arrière-grand-père faisaient ça.
35:24 Un retour du bon sens, comme il le dit.
35:27 Le troisième pilier, c'est la toile de jean
35:31 la moins polluante possible.
35:33 Ici, pas de polyester du tout,
35:35 et une utilisation réduite de l'élastane.
35:38 Ces deux produits dérivés du pétrole
35:40 qui donnent son élasticité au jean
35:42 et qui se dégradent à force de lavage
35:44 pour ensuite se retrouver dans tous les océans de la planète.
35:47 Dans ces conditions, impossible d'atteindre
36:07 le prix moyen de vente d'un jean en France,
36:09 40 euros.
36:12 Les pantalons Tuffry coûtent 3 à 4 fois plus cher.
36:15 Et pour limiter les frais de transport,
36:19 l'entreprise vend ses pièces dans sa propre boutique sur place.
36:22 Alors, il vous faut l'ajuster.
36:25 Les jeans avec un faible impact écologique,
36:27 est-ce que ça, ça joue pour vous ?
36:29 Oui, forcément, oui.
36:31 Faible impact écologique, et puis, socialement parlant,
36:34 je sais qu'il y a des gens qui sont...
36:36 qui travaillent ici, qui ont des conditions de travail qui sont correctes.
36:41 Donc, ça joue aussi.
36:42 On sait que ça va durer longtemps, qu'on va le garder longtemps, quoi.
36:44 Donc, maintenant, je fais plus les petits achats, pas très chers,
36:47 comme en tant que placeur, souvent.
36:49 Mais sur la durée. Sur la durée, oui.
36:51 L'entreprise prend le contre-pied de la fast fashion
36:55 et de sa production infernale de vêtements.
36:57 C'est la dernière révolution de Julien.
36:59 Pas de pub, pas de solde, pas de surenchère dans l'offre.
37:02 On a presque que trois mois de stock.
37:05 C'est tout petit. Personne ne fait ça.
37:07 Et ça, c'est super, parce que ça apporte
37:09 une des premières réponses à l'écologie de la mode.
37:11 C'est surtout de ne pas surproduire très longtemps à l'avance
37:13 des produits qu'on ne sera pas sûr de vendre.
37:15 C'est une aberration. C'est-à-dire qu'à un moment donné,
37:17 il faut vider les étalages pour faire de la place pour la nouvelle collection.
37:20 Ça, c'est une connerie.
37:22 Ça veut dire qu'à un moment donné, on a surproduit et on n'a pas collé à la demande.
37:25 C'est ce qui fait que les marques redoublent d'ingéniosité
37:27 pour essayer de faire vendre des produits dont on n'a pas besoin.
37:29 Et c'est ce qui fait qu'à la fin, on se retrouve avec des soldes,
37:31 des ventes privées, des imbendus, de la destruction.
37:35 Et enfin, une dernière idée qui pourrait sembler là encore contre-productive
37:39 pour une entreprise.
37:41 C'est le père de Julien qui en a la charge.
37:45 Le jean est nickel, sauf qu'il a pété à l'entrejambe,
37:53 comme c'est souvent la maladie des jeans.
37:55 Bon, mais on répare, du coup.
37:57 Et c'est aussi ça, une des réponses à la mode écologique de demain.
38:02 C'est de ne pas jeter quand c'est abîmé, on répare.
38:06 Tout le monde ne peut évidemment pas s'offrir un jean à 150 euros.
38:10 Mais le contre-modèle, vanté par les tue-fries,
38:13 repose avant tout sur une autre façon de consommer.
38:16 Moi, j'ai 36 ans, depuis que je suis né, je fais partie de ce pur produit,
38:21 de ce pur produit d'une société qui nous a,
38:25 volontairement, involontairement, indirectement ou indirectement,
38:28 surmotivés en permanence à toujours plus acheter.
38:31 Punaise ! Acheter mieux, acheter moins, acheter du réparable.
38:35 Une responsabilité industrielle et écologique.
38:40 Malheureusement, une goutte d'eau dans l'océan de la fast fashion.
38:44 La maison Tue-Fries produit 50 000 jeans sur les 90 millions vendus chaque année en France.
38:50 Alors effectivement, le jean durable a un prix, on l'a vu.
38:56 Mais plutôt que d'en acheter 10 qui moisiront dans nos placards,
38:59 on peut en acheter un, acheter moins, acheter mieux.
39:01 Bérengère Couillard, je vous propose d'élargir le cercle
39:03 et d'accueillir une représentante de la mode éthique.
39:06 Elle s'appelle Julia Fort, elle est agronome de formation
39:08 et la co-fondatrice de L'Homme, une marque de vêtements durables.
39:11 Bonjour et bienvenue, Julia Fort. Bonjour.
39:13 Vous êtes également membre du collectif En Mode Climat,
39:16 un mouvement professionnel du secteur soucieux de réduire l'impact au carbone de notre garde-robe.
39:20 Concrètement, peut-on s'habiller sans ruiner la planète ? Et sans se ruiner ?
39:26 Alors, je pense qu'il faut toujours avoir en tête que s'habiller, c'est polluer.
39:31 Produire, c'est polluer.
39:32 Quelle que soit la chose qu'on produit, même si c'est un t-shirt en coton recyclé,
39:36 fait localement, ça pollue.
39:39 Donc ce qu'il faut avoir en tête, c'est qu'il faut minimiser finalement
39:43 les pollutions qui sont liées à notre mode de vie.
39:45 Et donc, dans le cas du textile, quand on voit qu'on a doublé
39:49 notre consommation de vêtements en 20 ans,
39:51 que les Français achètent deux fois plus de vêtements qu'il y a 20 ans,
39:53 on voit bien que mathématiquement, on a doublé la pollution qui est en général.
39:57 Donc, on ne peut pas s'habiller sans polluer du tout.
39:59 Par contre, on peut éviter de gaspiller des ressources en s'habillant.
40:03 Vous êtes à l'origine d'une tribune réclamant des éco-taxes
40:06 et des lois plus contraignantes pour encadrer la mode.
40:09 Le plan d'action d'un milliard d'euros sur six ans annoncé par Christophe Béchut
40:13 vous semble suffisant pour inverser la tendance ?
40:16 Alors, je salue qu'il y ait un intérêt du gouvernement sur ce sujet-là
40:20 et que le problème de la mode soit pris à bras-le-corps.
40:23 Je pense qu'il y a urgence à le faire, d'abord d'un point de vue écologique,
40:26 mais également d'un point de vue économique.
40:28 Là, toutes les fermetures de magasins qu'on voit récemment,
40:31 les camailleux et plus récemment, il y a Koukaï, Pinky,
40:34 qui annoncent des fermetures de magasins, c'est des emplois qui disparaissent en France.
40:38 Ce qui est intéressant, c'est que dans la mode, le problème écologique
40:40 et le problème social ont la même racine, c'est la fast fashion.
40:43 Ce modèle économique qui s'appuie sur deux piliers,
40:46 les bas prix, parce qu'on a délocalisé l'industrie dans des pays
40:48 moins disants socialement et écologiquement,
40:50 et les incitations à consommer.
40:52 Malheureusement, ce plan du gouvernement, il n'adresse pas ce problème-là.
40:56 Il n'y a rien dans ce plan qui vient cibler spécifiquement
40:59 ces deux piliers de la fast fashion.
41:01 Moi, ce qui m'inquiète, c'est que j'ai l'impression qu'on tape à côté.
41:04 Il n'y a rien qui va freiner le modèle économique de la fast fashion dans ce plan.
41:07 On tape à côté, Bérengère Couillard ?
41:09 Je ne partage pas votre avis.
41:10 Je comprends que vous, vous êtes plutôt,
41:12 et j'ai lu avec attention la tribune que vous avez fait paraître il y a un an et demi.
41:15 Donc, j'ai lu évidemment les propositions que vous faites.
41:18 Vous, vous souhaitez du coup,
41:21 augmenter de façon très importante,
41:23 donc de 5 euros par article,
41:25 l'éco-contribution.
41:27 C'est-à-dire qu'à ce niveau-là,
41:29 il est évident que le producteur de textiles
41:31 va le répercuter sur le consommateur.
41:33 Il est vrai qu'on l'a vu d'ailleurs dans le reportage,
41:35 on a un certain nombre de nos compatriotes
41:38 qui ont des difficultés pour pouvoir aller jusqu'au bout du mois
41:41 et pour pouvoir acheter des vêtements à leur famille.
41:43 Et quand on voit le niveau de prix en moyenne
41:46 d'un article acheté par une famille,
41:48 il est aujourd'hui de 12 euros.
41:49 Donc, vous imaginez bien que si on augmente de 5 euros,
41:51 ça augmenterait de 50 %
41:53 le montant global des vêtements achetés,
41:56 donc, par une famille,
41:58 ce qui est absolument intenable
42:00 pour un certain nombre de familles.
42:02 Mais ça pourrait aussi les inciter à acheter moins et mieux ?
42:04 Ce qu'il faut, je le crois vraiment,
42:06 c'est accompagner en fait les entreprises
42:08 qui, elles, font bien.
42:10 Elles font bien, et donc du coup,
42:12 elles arrivent à avoir une production plus importante.
42:15 Et pour ça, il faut que nous les accompagnions.
42:18 Et comme ça, ça va leur permettre aussi
42:20 de pouvoir baisser leurs prix.
42:22 Je ne crois pas qu'il faille acheter
42:24 à des prix extrêmement bas, évidemment.
42:26 Vous et moi, on a les moyens d'acheter
42:30 potentiellement donc un T-shirt Loom,
42:33 qui est...
42:34 Que l'on voit ici autour de nous,
42:35 mais on peut aussi acheter moins.
42:37 Vous voulez transformer les consommateurs ?
42:40 Vous êtes la première à dire
42:42 que vous voulez transformer les consommateurs en acteurs,
42:44 en consommacteurs.
42:45 Je suis tout à fait d'accord avec vous.
42:46 Ce qu'il faut, c'est qu'on arrive...
42:47 Donc aussi les inciter ?
42:48 Voilà, il faut les inciter à acheter
42:50 plutôt, en effet, des produits Loom.
42:52 Je cite Loom, mais je connais aussi très bien
42:54 Eric Boel, qui a développé Renaissance Textiles.
42:58 Et j'étais notamment chez Renaissance Textiles
43:00 il y a deux mois,
43:02 qui a développé TDV,
43:04 avec notamment un principe de fibres recyclées.
43:08 C'est beaucoup plus vertueux.
43:10 Et évidemment, il faut que les Français
43:12 qui ont les moyens puissent acheter ces produits, bien sûr.
43:15 Et en même temps, il faut que nous-mêmes
43:17 soyons en capacité de faire baisser leurs prix
43:19 pour qu'ils puissent être plus importants
43:21 sur le marché textile français.
43:23 Pour ça, nous, on souhaite accompagner cette filière.
43:26 C'est encore une fois un milliard d'euros au global
43:28 que nous mettons sur six ans
43:30 pour permettre d'accompagner ces acteurs
43:33 qui font mieux et faire en sorte aussi
43:35 que les Français aient des produits qui durent plus longtemps.
43:39 Vous voulez accompagner les Français
43:41 avec la mise en place d'un éco-score sur les étiquettes.
43:44 Oui, également.
43:45 Alors, moi, je suis persuadée,
43:47 et pour bien connaître aussi la filière,
43:50 que beaucoup de consommateurs ne savent rien, en fait,
43:54 de la façon dont c'est fabriqué.
43:57 Certes, ils voient que c'est fait à l'autre bout de la planète,
44:00 même si ce n'est pas encore très visible,
44:01 il faut quand même aller chercher l'étiquette.
44:03 Et au-delà de ça, ils ne savent pas la quantité de pesticides utilisés,
44:06 ils ne savent pas si c'est parfois vraiment de la fibre recyclée,
44:10 si les conditions de travail sont respectées, etc.
44:12 Et moi, je pense qu'il faut pouvoir leur donner
44:14 une indication sur les étiquettes.
44:16 C'est pour ça que nous allons lancer l'affichage environnemental
44:18 qui sera déployé à partir de 2024, donc dès l'année prochaine.
44:21 Obligatoire ou sur le... ?
44:23 Obligatoire, c'est-à-dire que tous les articles textiles
44:26 auront cette étiquette, un petit peu sur le modèle de...
44:30 Nutri-score, qui n'est pas obligatoire.
44:32 Alors là, ce sera obligatoire, ça ira donc soit à une lettre,
44:35 soit à un chiffre, c'est encore à déterminer,
44:37 parce qu'on est en train de travailler avec tous les acteurs de la filière
44:40 pour justement déterminer les critères qui seront les plus justes.
44:43 Est-ce que, parce que c'est fait en France,
44:45 est-ce que c'est forcément vertueux ?
44:47 Pas forcément.
44:48 Non mais oui, mais pas forcément.
44:51 Ce que je ne veux pas, c'est qu'on se retrouve
44:53 avec du coton avec plein de pesticides
44:55 ou des conditions de travail qui ne seraient pas acceptables.
44:59 Tout ça, il faut qu'on regarde que ce soit fait
45:01 dans de bonnes conditions.
45:02 Bien sûr qu'aujourd'hui, je connais bien le marché,
45:04 tout ce qui est fait en France, compte tenu des niveaux de prix,
45:07 forcément, ça doit être un niveau de haute qualité
45:10 pour que ça puisse avoir sa clientèle en France.
45:12 L'éco-score, Julia, ça vous semble pertinent ?
45:14 C'est une révolution dans le dressing ?
45:17 Alors, je pense que c'est intéressant,
45:19 dans le sens où, effectivement, il faut guider les consommateurs.
45:22 Mais la vraie question qu'on peut se poser,
45:24 c'est est-ce que, mieux informé le consommateur,
45:27 ça peut produire une révolution dans le textile ?
45:29 Et c'est intéressant, parce que dans le textile,
45:31 on a de l'expérience.
45:32 On a eu des scandales comme le Rana Plaza,
45:34 on a, depuis les années 90, des scandales
45:36 avec des enfants qui cousaient les ballons
45:38 d'une certaine marque connue de sport.
45:41 Plus récemment, on a eu le scandale des Ouïghours,
45:43 où certaines très grandes marques,
45:44 qui ont aujourd'hui pignon sur rue en France,
45:46 ont été impliquées.
45:47 Le travail fort, c'est des Ouïghours en Chine ?
45:49 Est-ce que ça a ralenti, ne serait-ce que d'un millième,
45:52 les ventes des marques impliquées ?
45:54 Non, au contraire.
45:55 Au contraire, la fast fashion n'a jamais été aussi puissante.
45:57 Aujourd'hui, sur 10 vêtements qui sont vendus en France,
45:59 il y en a 7 qui sont du low cost.
46:01 Il y en a 7 qui sont...
46:02 Donc, ce que vous nous dites, c'est un coter sur une jambe de bois.
46:04 Ce que je veux dire, c'est que
46:06 compter uniquement sur le consommateur
46:08 pour une révolution du textile, ça ne marche pas.
46:10 Ça fait 30 ans qu'on attend ça.
46:11 Et l'autre chose sur laquelle je veux alerter,
46:13 c'est que tel qu'est prévu aujourd'hui l'éco-score,
46:15 il y a de fortes chances pour que les marques
46:17 de la fast fashion ne soient pas plus pénalisées
46:19 que les autres marques.
46:20 Pourquoi ? Parce que, encore une fois,
46:22 cet éco-score ne va pas tenir compte
46:24 des deux piliers de la fast fashion,
46:26 les prix dérisoires et les incitations à consommer.
46:28 Comme rien ne cible spécifiquement ces deux aspects,
46:30 il est très probable qu'un vêtement en coton
46:33 produit en Europe ait une moins bonne note
46:35 qu'un vêtement en polyester produit à l'autre bout du monde.
46:37 Pour moi, c'est impossible.
46:39 C'est un critère qui ne peut pas être retenu, en effet.
46:41 Le polyester est issu directement du pétrole.
46:44 Donc, je ne vois pas comment il peut être mieux noté
46:47 qu'un produit en coton fait en Europe.
46:49 Donc, ce n'est pas quelque chose qui peut être validé
46:50 par le ministère avant la fin de l'année.
46:53 Pour établir la note, plusieurs critères entrent en compte.
46:55 Les émissions de CO2, la toxicité du produit
46:57 ou les effets sur la biodiversité.
46:59 Qui fournira ces données ?
47:00 La proximité aussi.
47:01 La proximité, mais qui fournira ?
47:02 La consommation en pesticides.
47:04 Qui fournira ces données ?
47:05 Ce sera assez simple.
47:06 C'est comme les produits alimentaires, en fait.
47:09 Ce sera assez simple.
47:10 Les marques elles-mêmes ?
47:11 Pas les marques elles-mêmes, parce qu'il faudra qu'il y ait quand même...
47:14 Ce sera un cadre juridique.
47:15 Donc, il y aura possibilité d'aller regarder
47:17 un petit peu ce que fait chacun.
47:19 Il est évident que Primark ne peut pas avoir
47:24 un seul de ses produits bien notés.
47:28 Il ne fait rien en Europe.
47:29 Il utilise des matières qui sont très souvent...
47:32 qui proviennent du polyester.
47:34 Et quand on voit le nombre de fois où il y a des supports
47:39 où ils mettent, soi-disant, en avant le fait d'utiliser
47:43 des cotons bio ou des cotons recyclés,
47:45 on sait que ce n'est pas vrai.
47:46 Donc, leur produit ne peut pas être bien noté.
47:48 J'entends bien Berangère Couillard,
47:49 mais ce que dit Julia Fort, c'est que le vrai problème dans la mode,
47:52 ce sont les quantités.
47:53 Rien qu'en France, on l'a dit,
47:54 2,5 milliards de vêtements sont mis chaque année sur le marché.
47:57 Vous, vous positionnez, Julia Fort,
47:59 à l'opposé des pratiques de la fast fashion,
48:01 votre credo, vendre des vêtements de meilleure qualité
48:03 que l'on portera plus longtemps, localisés en Europe,
48:06 sur toute ou partie de la filière.
48:08 Oui, c'est ça.
48:09 En fait, et d'ailleurs, je voudrais moduler un peu
48:13 ce qu'on entend par qualité des vêtements.
48:14 Si on parle de résistance pure,
48:16 la qualité des vêtements, elle ne s'est pas dégradée ces dernières années.
48:19 La résistance des vêtements,
48:20 elle s'est grandement améliorée depuis les années 80
48:22 parce qu'on a commencé à utiliser du polyester.
48:25 Et le polyester, c'est du plastique, c'est super résistant.
48:27 C'est exactement la différence entre un vêtement en matière naturelle,
48:31 c'est ça, et ça, c'est un vêtement en polyester.
48:33 Vêtement en polyester, c'est incassable.
48:35 Vraiment, en durabilité physique, ça va avoir des excellentes notes.
48:38 Ce que je veux dire, c'est que ce n'est pas parce que c'est résistant
48:40 que ça, on va le garder longtemps.
48:42 Et ça, ce n'est pas parce que c'est plus fragile,
48:44 en durabilité physique, qu'on va le garder moins longtemps.
48:46 Donc nous, on fait des vêtements en matière naturelle,
48:48 donc ils sont plus fragiles.
48:50 Par contre, ce qui fait que vous allez les garder longtemps,
48:52 c'est que vous allez en prendre soin,
48:53 c'est qu'on va vous encourager à les garder longtemps,
48:55 c'est que vous n'allez pas être incité à en acheter des nouveaux.
48:58 Et c'est à ça que se dédie notre marque,
49:00 c'est à produire dans des conditions éthiques,
49:02 donc produire localement, en France et au Portugal essentiellement,
49:05 et à faire en sorte que vous ne rachetiez pas des choses dont vous n'avez pas besoin.
49:08 Vous ne faites ni pub, ni solde, ni promo, ni collection,
49:11 ni notification sur les réseaux sociaux.
49:13 Bref, vous n'êtes pas une pousse au crime.
49:15 Et ça, c'est très important.
49:17 Oui, parce que c'est...
49:19 Encore une fois, si on reprend le problème de la mode,
49:21 qu'est-ce qui nous a fait doubler notre consommation de vêtements en 20 ans ?
49:24 C'est pas qu'on a doublé nos parties du corps à habiller,
49:27 c'est pas qu'on use nos vêtements deux fois plus longtemps.
49:29 On a doublé notre consommation de vêtements
49:31 parce qu'on a envie d'en acheter sans cesse des nouveaux.
49:34 Et on a envie d'en acheter sans cesse des nouveaux
49:36 à cause des prix dérisoires et à cause des incitations à consommer.
49:38 Donc si vraiment on veut adresser le problème écologique de la mode,
49:40 si on veut adresser la question des volumes,
49:42 il faut adresser ces prix dérisoires et ces incitations.
49:45 Alors quand y a-t-il envie de proposer à Berengère qu'il y a ?
49:47 J'aurais !
49:49 Précisément, vous voulez en faire...
49:51 Précisément, je pense que dans chacune des réglementations
49:53 qui sont proposées par le gouvernement, il faut qu'il y ait ces deux piliers-là.
49:56 Quand on parle, par exemple, de réparation,
49:58 la vraie raison pour laquelle on ne répare pas nos vêtements aujourd'hui,
50:01 ce n'est pas parce qu'ils ne sont pas réparables...
50:03 C'est que ça coûte plus cher ?
50:05 C'est que ça coûte presque plus cher de réparer que d'acheter un flac.
50:07 Vous voyez, dans le documentaire qu'on a vu,
50:09 il y avait des chaussures à 6 euros.
50:12 Le coût moyen d'une réparation d'une chaussure en France, c'est 15 euros.
50:15 Ces chaussures-là, elles ne seront jamais réparées.
50:17 Donc nous, ce qu'on propose, c'est qu'on mette un score de réparabilité sur les habits,
50:21 c'est-à-dire qu'on compare globalement le prix de la réparation et le prix du neuf,
50:25 et s'il y a un trop gros écart, les vêtements avec les prix les plus dérisoires,
50:28 ils doivent être pénalisés.
50:29 Ça, c'est quelque chose qui permet de pénaliser les marques de la fast fashion,
50:32 qui permet d'encourager tout le monde à réparer,
50:34 et qui permet de créer de l'emploi local.
50:36 Parce que je peux vous dire que des ateliers de retouches couture,
50:38 il y en a dans toutes les villes de France, dans tous les quartiers,
50:40 et c'est de l'emploi non délocalisable.
50:42 Comment ça, les marques, elles ne peuvent pas...
50:43 Alors, c'est ce qu'on favorise avec le bonus réparation.
50:46 J'expliquais tout à l'heure, on a en fait la possibilité maintenant
50:51 de réparer les vêtements.
50:54 On a des bonus réparation, donc pour favoriser,
50:57 vous l'avez dit, il y a des ateliers un petit peu partout en France,
50:59 on va les aider à donner une seconde vie aux produits.
51:02 J'étais dans un magasin qui s'appelle Icos, qui a été créé à Bordeaux,
51:07 sur une des rues les plus passantes de la ville de Bordeaux,
51:09 je le dis parce que c'est important, parce que ça veut dire
51:11 que c'est une boutique comme les autres.
51:13 Ce n'est pas une boutique où, en fait, on voit que c'est des produits réemployés.
51:17 Et donc, c'est extrêmement intéressant, parce que c'est une initiative
51:21 qui permet de revendre des produits réemployés.
51:23 D'ailleurs, dans tout le magasin, il n'y a que des produits de seconde vie.
51:26 Et c'est ça que nous souhaitons vraiment déployer,
51:28 avec le milliard d'euros que nous mettons sur la table sur six ans,
51:31 parce que nous croyons justement à cette dynamique d'économie circulaire et décarbonée.
51:38 Alors, une seconde vie, on savait le faire hier encore.
51:41 Hier encore, c'est le titre d'une chanson d'Aznavour.
51:43 Désormais, ce sera aussi le titre de la rubrique qui suit.
51:46 Pour appréhender l'avenir, il faut regarder le passé.
51:49 Charlotte Epal est donc allée fouiller dans les archives de l'INA,
51:51 et nous a exhumé ceci.
52:00 La vitrine vous invite à faire un examen de conscience.
52:03 Avouez que vous gardez dans des placards pleins à craquer
52:06 des robes que vous aimiez bien il y a cinq ans, et que vous ne remettrez jamais.
52:10 Allons, décidez-vous. Jetez ce qui ne vaut plus rien pour personne,
52:13 offrez ce qui mérite de l'être, donnez une petite note soixante
52:16 aux modèles dépassés, mais dont le tissu vous enchantait.
52:20 Mowiette espère bien que sa jupe pourra faire une nouvelle carrière.
52:27 Ce manteau d'hier deviendra, si vous le voulez, un tailleur de demain.
52:32 Une minute de réflexion, et comme l'audace paix, jouons ardiment des ciseaux.
52:39 Déjà, le futur Spencer se dessine. La manche est trop longue, trop large aussi.
52:44 Un seul coup de ciseau, la doublure est en même temps taillée.
52:48 Quant à la jupe, voyez, elle est là qui attend.
52:56 Reconnaissez-vous la jupe imprimée dans cette robe droite, pleine d'allure,
53:02 qui a même réussi à avoir un bout de manche, qui se boutonne de haut en bas,
53:06 et qui est gancée dans le ton dominant de l'imprimée ?
53:09 Mowiette pense peut-être déjà que l'an prochain, elle en fera faire
53:13 un chemisier à manches longues ou un corsaire, ou deux gais coussins pour sa maison des champs.
53:17 Une transformation de ce genre vaut de 20 à 80 nouveaux francs.
53:22 De même, vous allez revoir le manteau devenu tailleur.
53:26 Vous l'avez vu coupé avec une désinvolture hardie.
53:30 En fait, il a été complètement mis à plat et retaillé avec précision,
53:34 comme cette jupe quand elle est devenue robe.
53:38 Le côté improvisé, c'est un peu le même.
53:49 Le côté improvisé, c'était seulement pour la caméra.
53:54 Faire du neuf avec du vieux, voilà le secret.
53:57 Bérangère Couillard, Julia Faure, avant de nous quitter,
53:59 nous allons conclure en beauté avec une éco-activiste bien connue des internautes
54:03 à l'heure où l'exécutif appelle les commerçants à éteindre leurs enseignes lumineuses la nuit
54:07 et les Français à réduire leur chauffage.
54:10 Que fait le politique ? Camille Etienne s'est posé la question et a quelque chose à nous dire.
54:17 [Musique]
54:23 Alors Daphné, aujourd'hui on a parlé de fast fashion et je voulais prendre le temps de vous parler de fast,
54:27 qui veut dire rapide en anglais. Je le dis parce que mon grand-père me regarde.
54:30 Dans les rues du pays, il y a quelques semaines, ça ne vous aura pas échappé,
54:33 des millions de manifestants ont brandi des pancartes et scandé leur slogan.
54:36 J'étais cachée quelque part entre un soignant, une femme de ménage et un raffineur de Grand Puy.
54:40 Je faisais partie de ces nombreux jeunes, des ados, des étudiants, des mineurs, des petits,
54:44 vos enfants, appelez-les comme vous voudrez, des travailleurs de demain qui manifestent
54:48 dès aujourd'hui pour leur retraite. La scène détonne, j'en conviens.
54:52 Serait-on devenu prévoyant ou pire, solidaire ? Le débat est peut-être ailleurs,
54:57 à l'époque où l'urgence dicte tout, cachée dans le temps long.
55:00 Je ne vous apprends rien, le climat s'emballe, les écosystèmes de la biosphère s'effondrent
55:04 et les sociétés, elles, accélèrent. Et nous avec.
55:07 3 milliards d'amis à portée de clic, on reconnaît trop de gens, si bien qu'on ne connaît plus personne.
55:11 On a de l'information à encrouler sous les fake news.
55:14 On s'envole trop loin pour pas assez longtemps.
55:16 Et le reste du temps, on est avalé par nos canapés sous perfusion de stream.
55:19 On dort moins, mais on consomme plus. On multitasque, on burn-out.
55:23 Désolée papy, j'ai pas le temps de traduire.
55:25 On a tronqué l'urgence de la situation à l'immédiateté de notre confort.
55:29 Mais c'est que cette situation n'est pas tenable. Cela ne fait pas question.
55:32 Pour courir plus vite dans la roue, on a tout pompé, essoré, pollué, extrait
55:36 jusqu'à la dernière goutte de l'addictif pétrole à la sueur de nos travailleurs.
55:40 On a produit. Ah, ça, on a produit.
55:42 Mais je crois qu'on a couru trop vite, qu'on est allé trop loin, qu'on s'est perdu en chemin.
55:47 Parce que le confort qui découle de ce qu'on a appelé progrès est devenu autodestructeur.
55:51 On réalise que pour quelques-uns qui profitent, la majorité trinque.
55:54 Et pourtant, nous continuons cette course effrénée à la croissance,
55:58 comme si on ne savait pas qu'on avait déjà franchi les lignes d'arrivée.
56:01 La situation n'est plus tenable, mais elle n'est pas non plus souhaitable.
56:05 En 2008, 62% des Français préféraient gagner plus d'argent en détriment du temps libre.
56:10 L'étude actualisée de la Fondation Jean Jaurès dit aujourd'hui que cette proportion s'est inversée.
56:15 61% privilégient maintenant le temps libre à l'argent.
56:18 Alors ce débat sur les retraites cache en réalité un débat civilisationnel.
56:22 Travaillez moins pour travailler tous.
56:24 Travaillez moins aussi pour ne pas compromettre la capacité des générations futures
56:27 à travailler tout court sur une planète habitable.
56:30 Une question que ne semble pas se poser l'exécutif,
56:32 dont la politique n'est guidée que par des tableaux Excel.
56:35 Une politique de la réaction pour un pouvoir coincé dans sa logique de réélection.
56:40 Le temps court dicte tout, l'urgence est un phare, le compromis la règle.
56:44 Alors que le vivant s'effondre, que le plancher se dérobe sous nos pieds,
56:48 il faudrait rester assis, derrière nos écrans, produire pour la méga-machine.
56:52 Il est urgent de prendre du temps, tant de plus en perdre,
56:56 parce qu'il compte le temps, et qu'on est nombreux à refuser de compter la vie en annuité.
57:00 Alors aujourd'hui, je voulais rendre hommage à nos vieux, à ceux qu'on aime, à ceux qu'on sera,
57:04 à ceux qui, dans la rue, participent au ralentissement du monde.
57:07 Merci Camille Etienne, je suppose Bérangère Couillard,
57:10 vous avez envie de conclure et de répondre à Camille ?
57:12 Oui, je crois que nous ne partageons pas tout à fait le même constat.
57:16 Je ne crois pas qu'il faille opposer le travail et l'écologie.
57:21 Nous n'allons pas vous réconcilier sur ce plateau.
57:23 Je suis sûre que vous avez un débat.
57:25 Je crois la valeur du travail et ce n'est pas antinomique avec l'écologie.
57:30 Merci à toutes et à tous.
57:32 Maman, j'ai arrêté l'avion, c'est fini.
57:34 Jusqu'au prochain numéro consacré, cette fois, à la viande.
57:37 Ça risque d'être saignant.
57:39 Rendez-vous en avril, d'ici là, au Lécœur.
57:41 Et restons groupés, surtout.
57:43 [Musique]

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