Ça vous regarde - Réforme des retraites : jusqu'où ira la crise politique ?

  • l’année dernière
- Grand témoin : Hugues Pernet, premier ambassadeur à Kiev et auteur de « Journal du premier ambassadeur de France à Kiev » (Flammarion)

LE GRAND DÉBAT / Réforme des retraites : jusqu'où ira la crise politique ?

« Le chrono de Blako » par Stéphane Blakowski

Le 16 mars 2023, l'exécutif a décidé d'enclencher l'article 49.3 pour faire adopter le texte de la réforme des retraites. Cacophonie dans l'Assemblée nationale et fortes mobilisations dans la rue : ce passage en force ne passe pas. Cette absence de vote fragilise largement la Première ministre et le ministre du travail, Olivier Dussopt, qui ont porté le projet de loi. Sont-ils en sursis ? Le groupe LIOT a déposé une motion de censure transpartisane : qui la votera ? Quelle sera l'issue de cette crise démocratique ? Le suspense reste entier...

Invités :
- Pascal Perrineau, politologue
- Catherine Tricot, directrice des éditions à la revue « Regards »
- Elsa Mondin-Gava, journaliste LCP
- Stéphane Zumsteeg, Directeur du département Opinion à l'institut de sondage Ipsos

LE GRAND ENTRETIEN / Hugues Pernet : l'invasion russe, prévisible dès 1990 !
Dans « Journal du premier ambassadeur de France à Kiev », Hugues Pernet retrace, vue de Kiev, l'histoire de la fin de l'URSS et celle de l'indépendance de l'Ukraine. Arrivé comme consul à Kiev en 1990, il repart en qualité de premier ambassadeur en Ukraine, en 1993. Cet ouvrage rappelle que l'histoire contemporaine de l'Ukraine n'a pas commencé en 2014, mais dès 1990. Les prémices de la guerre en Ukraine étaient donc sous ses yeux...

- Grand témoin : Hugues Pernet, premier ambassadeur à Kiev et auteur de « Journal du premier ambassadeur de France à Kiev » (Flammarion)

BOURBON EXPRESS :
- Marco Paumier, journaliste LCP

LES AFFRANCHIS :
- Mariette Darrigrand, sémiologue
- Britta Sandberg, directrice du bureau parisien du « Der Spiegel »

Ça vous regarde, votre rendez-vous quotidien qui prend le pouls de la société : un débat, animé par Myriam Encaoua, en prise directe avec l'actualité politique, parlementaire, sociale ou économique.
Un carrefour d'opinions où ministres, députés, élus locaux, experts et personnalités de la société civile font entendre leur voix.

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Transcription
00:00:00 [Musique]
00:00:05 Bonsoir et bienvenue dans "Ça vous regarde ?"
00:00:07 Notre grand témoin ce soir est diplomate.
00:00:10 Il fut le premier ambassadeur de France à Kiev après la chute du mur.
00:00:14 Bonsoir Hud Pernay.
00:00:15 Bonsoir.
00:00:16 Merci d'être avec nous.
00:00:17 Vous étiez aux premières loges au moment de l'implosion de l'Union Soviétique,
00:00:21 au moment en 1991 où l'Ukraine proclame son indépendance.
00:00:25 Vous racontez tout cela dans un livre.
00:00:27 La guerre en Ukraine était déjà en germe, était déjà écrite, nous dites-vous, il y a 30 ans.
00:00:33 On va en parler longuement tout à l'heure ensemble.
00:00:35 Mais on commence bien sûr avec le jour d'après, le 49-3 à l'Assemblée.
00:00:40 Crise politique, le gouvernement peut-il tomber ?
00:00:43 Crise sociale, la radicalisation est-elle en marche ?
00:00:47 Crise démocratique, le divorce entre le peuple et ses représentants est-il consommé ?
00:00:52 Trois grandes questions pour notre grand débat ce soir.
00:00:54 Dans un instant avec nos invités avant de retrouver à 20h15 les parties prises de nos affranchis
00:01:00 et le Bourbon Express bien sûr, l'histoire du jour à l'Assemblée.
00:01:03 Vous me suivez Hud Pernay ?
00:01:04 Je vous suis.
00:01:05 Ça vous regarde ? C'est parti.
00:01:06 Et si c'était le coup de force de trop ?
00:01:19 Au lendemain du 49-3 sur les retraites, Emmanuel Macron apparaît affaibli et isolé.
00:01:24 Crise sociale, crise politique, crise démocratique, je le disais, les conséquences sont très lourdes.
00:01:30 Et on va en parler ce soir avec vous, Pascal Perrineau.
00:01:33 Bonsoir.
00:01:34 Et bienvenue sur ce plateau.
00:01:36 Bonsoir Catherine Tricot.
00:01:37 Plaisir de vous retrouver, directrice des éditions de la revue "Regard".
00:01:41 Pascal Perrineau, vous êtes évidemment politologue, pardonnez-moi, professeur à Sciences Po Paris.
00:01:45 J'ai l'impression que tous les Français vous connaissent bien.
00:01:47 Mais je précise quand même.
00:01:49 Bonsoir Elsa Mournengava.
00:01:50 Bonsoir.
00:01:51 Bienvenue, vous êtes journaliste politique bien sûr, à la rédaction de LCP.
00:01:53 Vous suivez depuis des mois ce feuilleton des retraites.
00:01:56 Et bonsoir Stéphane Zumsteg.
00:01:58 Bonsoir.
00:01:59 Bienvenue, directeur du département Opinion à l'Institut de sondage Ipsos.
00:02:03 Huc Pernay, diplomate, grand observateur des politiques, ce qui se passe en France.
00:02:08 Retraité, droit de réserve, qui tombe, ça tombe bien.
00:02:11 N'hésitez pas à intervenir quand vous le souhaitez.
00:02:13 Alors on va commencer avec la colère sociale qui gronde dans le pays.
00:02:16 La rue chauffée à blanc par le 49.3 avec des rassemblements spontanés un peu partout en France.
00:02:22 Stéphane Blakowski pour commencer.
00:02:23 Il nous plante le décor, c'est le chrono de Blakow, c'est parti.
00:02:26 Et je me retourne comme chaque soir pour vous accueillir.
00:02:32 Bonsoir Stéphane.
00:02:33 Bonsoir Myriam.
00:02:34 Salut Elsa.
00:02:35 Bonsoir à toutes et à tous.
00:02:36 Alors, l'ampleur de la grogne après ce coup de force.
00:02:40 Les conséquences du 49.3 sur le mouvement social.
00:02:43 On va dire que le plus simple c'est peut-être de prendre l'exemple de ce qui s'est passé hier à la Concorde.
00:02:48 Au départ, en début d'après-midi, c'était un petit rassemblement organisé par un seul syndicat, Solidaires dont on voit ici les ballons.
00:02:54 La place n'était pas remplie, il n'y avait pas vraiment une grosse pression sur l'Assemblée à ce moment-là.
00:02:59 Ce qui a tout changé en revanche, c'est à partir du moment où le gouvernement a sorti le 49.3, regardez, on est au même endroit.
00:03:04 On voit qu'il y a eu des afflux de foule considérable.
00:03:07 À la fin d'un jour, on parlait de 10 000 personnes selon le ministère de l'Intérieur.
00:03:10 Et puis, troisième étape, celle qu'on pouvait redouter parce que ça s'est un peu improvisé ce rassemblement,
00:03:14 il y a eu des débordements à Paris dans les rues alentours.
00:03:18 250 interpellations apprises, ce qui est un chiffre vraiment très important.
00:03:22 Donc ça s'est passé à peu près sur le même scénario dans toutes les villes de France.
00:03:25 Donc on va dire pour résumer, d'un côté, oui, le 49.3 accentue apparemment la mobilisation.
00:03:31 Et de l'autre, on s'inquiète un peu des conséquences du durcissement du mouvement.
00:03:35 L'inter-syndicat, vous pensez bien, connaît ça par cœur.
00:03:38 Donc ça se sentait dans leur prise de parole hier.
00:03:41 Pas de triomphalisme, pas de déclaration tapageuse, uniquement du calme et de la détermination.
00:03:48 L'inter-syndical continue à exiger le retrait de cette réforme en toute indépendance,
00:03:55 dans des actions calmes et déterminées.
00:03:58 Elle décide de poursuivre la mobilisation et appelle à des rassemblements syndicaux de proximité,
00:04:05 ce week-end, et à une nouvelle grande journée de grèves et de manifestations le jeudi 23 mars prochain.
00:04:13 Donc, grosse mobilisation jeudi.
00:04:15 Et en attendant, dès ce week-end, des rassemblements un peu partout en France.
00:04:18 Le problème, c'est que tout le monde n'a pas eu la patience d'attendre ce week-end.
00:04:22 Par exemple, dès ce matin, des actions se sont un peu improvisées.
00:04:25 Regardez, ça c'était sur le périph' nord, des militants de la CGT à Paris
00:04:29 qui ont interrompu la circulation, pas très méchant, pendant une demi-heure.
00:04:33 Mais il n'en fallait pas plus pour que le ministre de l'Intérieur, qui était sur RTL,
00:04:37 fasse preuve de fermeté en l'écoute.
00:04:39 Ce qu'on n'acceptera pas le ministre de l'Intérieur, et ce qui sera critique,
00:04:43 c'est si ces manifestations sont spontanées, empêchent les circulations,
00:04:47 empêchent les trains de rouler, empêchent l'électricité d'arriver dans des hôpitaux ou dans des villes.
00:04:53 Mais oui, on ne laissera pas faire, et ce sera peut-être critique, pour reprendre notre mot,
00:04:56 des manifestations spontanées et le n'importe quoi à tout moment.
00:05:01 Donc Gérald Darmanin dramatise un peu, mais le problème de l'intersyndicale,
00:05:04 c'est qu'elle n'est forcément jamais à l'abri de 2-3 énervés qui feraient n'importe quoi.
00:05:09 2-3 énervés très fiers d'eux, qui en plus filmeraient, diffuseraient sur les réseaux sociaux,
00:05:13 et à la fin, même sur LCP, on verrait le résultat.
00:05:16 Donc c'était à Dijon hier, les individus ont enflammé des mannequins
00:05:21 avec des effigies de membres du gouvernement.
00:05:23 Donc oui, c'est consternant et glaçant.
00:05:25 On peut comprendre d'ailleurs qu'Aurore Berger, à cette occasion,
00:05:28 ou peut-être simplement par rapport au climat, ait demandé une protection policière
00:05:31 pour les membres de la majorité qui seraient menacés,
00:05:34 que Gérald Darmanin lui a d'ailleurs accordé.
00:05:37 Mais enfin, là, ce serait un moment injuste d'accorder autant de place
00:05:40 à ces images déprimantes et consternantes, alors que pendant maintenant 2 mois,
00:05:46 il y a eu des millions de manifestations calmes et bien organisées à Paris,
00:05:49 et comme l'en rappelle Fabien Roussel,
00:05:51 mais personne, absolument personne n'appelle à la violence.
00:05:54 Aucun syndicat n'appelle à brûler des poubelles.
00:05:58 Aucun responsable politique n'appelle à le faire.
00:06:02 C'est pour moi une réaction spontanée,
00:06:06 qui est le fruit d'un pourrissement provoqué par le gouvernement,
00:06:17 par le président de la République, qui a fait ce choix.
00:06:19 Donc, les conséquences du 49.3 sur la tension sociale.
00:06:23 Vous allez en parler, il y en a un qui est évident,
00:06:25 c'est que Berger, Martinez sont plus unis que jamais,
00:06:28 donc la mobilisation va se poursuivre.
00:06:30 Je pense qu'à un moment ou à un autre dans le débat,
00:06:32 quelqu'un va parler de la manière dont le CPE a été retiré en 2006.
00:06:36 Est-ce qu'on prend le même chemin ?
00:06:37 Le contrat premier embauche, je m'en souviens, moi.
00:06:40 Merci beaucoup, merci Stéphane.
00:06:41 Pascal Perrineau, il y a des mouvements spontanés un peu partout.
00:06:44 On entend les manifestants excédés, dégoûtés par la méthode.
00:06:48 Est-ce que vous avez l'impression que le 49.3
00:06:50 va faire basculer le mouvement dans la révolte ?
00:06:52 Non, je ne crois pas.
00:06:54 Ces mouvements sont importants,
00:06:56 mais ce sont des mouvements qui restent minoritaires,
00:06:59 marqués par des militants, des activistes
00:07:03 qui cherchent l'affrontement, qui cherchent la violence.
00:07:06 Pas tous. Il y avait des manifestants qui disaient,
00:07:09 j'ai écouté les reportages, moi je manifeste, c'est la première fois.
00:07:13 Mais le type même de l'activiste,
00:07:15 c'est celui qui s'introduit dans des manifestations paisibles,
00:07:19 comme ça l'était au début, place de la Concorde,
00:07:22 pour faire dégénérer le mouvement.
00:07:24 Il a besoin de la protection des gens qui sont là,
00:07:27 sans aucune mauvaise intention.
00:07:30 Cet article 49.3,
00:07:32 alors on parle, vous parliez tout à l'heure,
00:07:34 de coups de force, de vies démocratiques.
00:07:37 Il est prévu par la Constitution.
00:07:39 Ça a été utilisé 100 fois sous la Ve République.
00:07:44 Il aurait été lu, donc, sans coups de force.
00:07:47 - Là, il est dans un cadre particulier,
00:07:49 dans une procédure déjà particulière, constitutionnelle.
00:07:52 - Pas dans une procédure particulière.
00:07:54 L'article 49.3 a été utilisé...
00:07:57 - On parle du 47.1 de la Constitution.
00:07:59 Il arrive déjà dans une procédure contrainte dans le temps.
00:08:02 - Oui, mais ça fait partie, tout cela,
00:08:04 des armes du parlementarisme rationalisé.
00:08:06 Ça a été inventé par le général de Gaulle et la gauche.
00:08:09 Guy Mollet était d'accord avec tout cela.
00:08:11 Et la gauche, en 1958,
00:08:13 pour sortir de l'instabilité gouvernementale de la 4e,
00:08:16 et du désordre démocratique de la 4e.
00:08:19 - Pour vous, ce 49.3 n'est pas une forme d'échec ?
00:08:22 - C'est autre chose.
00:08:24 - C'est une question que je vous pose à la faveur de vos propos.
00:08:27 - Mais arrêtons avec l'histoire du délit démocratique.
00:08:30 Il faudra appeler tous les gens qui parlent de cela
00:08:32 à relire la Constitution.
00:08:34 La Constitution, il faut dire des choses basiques.
00:08:36 Mais c'est notre loi commune.
00:08:38 Si on remet en cause la loi commune, mais où va-t-on ?
00:08:41 Alors, maintenant, est-ce qu'en effet,
00:08:44 ce serait préférable,
00:08:46 je crois que le président de la République l'a dit,
00:08:48 ce serait préférable qu'il y ait eu un vote en bonne et due forme ?
00:08:51 Mais on sait, depuis juin 2022,
00:08:54 qu'il y a une majorité relative,
00:08:57 pour les forces de la majorité,
00:08:59 mais qui est faible.
00:09:00 Il leur manque 40 députés.
00:09:02 Ils avaient passé un accord,
00:09:04 mais l'Etat de Heller fait
00:09:06 qu'ils sont incapables de tenir quelques promesses que ce soit.
00:09:09 Et donc, ils se sont aperçus au dernier moment
00:09:12 qu'il y avait trop de députés Heller
00:09:14 qui allaient faire défection.
00:09:16 -On va y venir.
00:09:17 J'avais envie de commencer par la crise sociale.
00:09:19 Ensuite, on va venir à la crise politique,
00:09:21 et pourquoi pas même démocratique,
00:09:23 parce que ça pose une question, quand même,
00:09:25 quand il n'y a pas de vote possible,
00:09:27 alors que la majorité du pays est contre une réforme.
00:09:29 -Il y aura un vote lundi. -Absolument.
00:09:31 On va y venir, chapitre par chapitre.
00:09:33 Catherine Tricot, sur la crise sociale.
00:09:35 Les gilets jaunes, qui étaient moins nombreux
00:09:37 ont fait céder le gouvernement.
00:09:39 Comment on résout cette équation-là ?
00:09:41 Est-ce que ça veut dire que, cette fois,
00:09:43 sur les retraites, les manifestants vont passer à la vitesse supérieure ?
00:09:46 -Ils ont fait céder le gouvernement pour partie seulement.
00:09:49 Ils ont obtenu une partie de leur revendication,
00:09:51 mais une partie qui portait sur la dimension démocratique,
00:09:54 elle n'a pas abouti.
00:09:56 Et par ailleurs, le RIP, notamment.
00:09:58 -Mais sur la proposition principale,
00:10:00 la revendication, ou c'était la taxe arbonne ?
00:10:02 -Absolument. -Ca a marché ?
00:10:04 -Oui. Moi, ce que j'ai l'impression
00:10:06 d'avoir vu passer, c'est qu'on le sait,
00:10:08 sondage après sondage, que les Français étaient opposés
00:10:11 à cette réforme, mais qu'en même temps,
00:10:13 beaucoup pensaient qu'elle allait passer.
00:10:15 Il y avait pratiquement 70 % qui étaient contre
00:10:17 et 70 % qui pensaient qu'elle allait passer.
00:10:19 Ce qui s'est passé hier soir, c'est qu'à la fois,
00:10:21 il y a des gens qui l'ont pris comme étant vraiment une gifle,
00:10:24 c'est-à-dire que non seulement c'était
00:10:26 à la faveur d'une réforme du budget de la Sécurité sociale
00:10:30 avec un temps réduit, etc.,
00:10:32 il n'y a pas eu de vote sur l'article 7,
00:10:34 il n'y a pas de vote sur la loi,
00:10:36 et donc les gens ne l'ont pas du tout bien pris,
00:10:38 mais en même temps, cet aveu de faiblesse,
00:10:40 cette faiblesse-là a redonné de la force.
00:10:42 C'est-à-dire qu'on a vu des gens qui,
00:10:44 d'un seul coup, se sont remis à croire,
00:10:46 alors qu'on a vu que la dernière manifestation
00:10:48 était un peu en retrait, que les grèves
00:10:50 ont eu du mal à partir. C'est pas parce que les gens
00:10:52 n'étaient pas fâchés contre cette réforme,
00:10:54 c'est qu'ils ne pensaient pas pouvoir gagner.
00:10:56 Et là, ce que moi, j'ai comme sentiment,
00:10:58 c'est qu'il va y avoir certainement des gens
00:11:00 qui vont essayer de brûler des poubelles
00:11:02 ou je sais pas quoi... -Mais pas de radicalisation massive.
00:11:05 -Non, je ne crois pas. Ce qui va être massif,
00:11:07 c'est de nouveau la confiance
00:11:09 et l'idée qu'on peut gagner,
00:11:11 et ça, ça peut de nouveau réélargir
00:11:13 le spectre des manifestants.
00:11:15 -On a parlé de l'opinion, à l'instant,
00:11:17 Stéphane Zumstek. Jusqu'à présent,
00:11:19 l'opinion a toujours soutenu à la fois les manifestants,
00:11:21 et elle était contre la réforme.
00:11:23 A chaque fois, 60-65 % contre la réforme,
00:11:26 et pour, au fond, le mouvement social.
00:11:28 Est-ce que ça peut s'étioler dans le temps,
00:11:30 si les actions violentes, comme on en voit, augmentent ?
00:11:33 -Probablement pas, compte tenu de ce qui s'est passé,
00:11:36 de ce 49-3, compte tenu du fait que les oppositions,
00:11:39 et notamment les organisations syndicales,
00:11:41 restent extrêmement mobilisées. Je ne pense pas qu'on va
00:11:44 vers un essoufflement du soutien.
00:11:46 Il y a eu des journées de mobilisation,
00:11:48 où il y avait moins de monde dans les rues,
00:11:50 mais pour des raisons évidentes de pouvoir d'achat
00:11:52 et d'aspects punitifs du fait de se mettre en grève.
00:11:54 Mais aujourd'hui, je pense que le gouvernement
00:11:56 n'en a pas fini avec son chemin de croix.
00:11:58 -On peut mesurer déjà si l'opinion, les Français,
00:12:01 veulent que le mouvement se poursuive après le 49-3 ?
00:12:04 -C'est trop très trop. D'ailleurs, quand on leur demande
00:12:06 si censurer le gouvernement est une bonne idée,
00:12:08 ils nous répondent que oui. Pourquoi ?
00:12:10 Non pas parce que l'idée d'une censure en soi
00:12:12 est intéressante, mais parce que tout ça
00:12:14 pourrait amener, éventuellement, dans leur esprit,
00:12:16 à faire plier le gouvernement à un moment donné.
00:12:18 Donc, l'opinion est restée, vous l'avez dit tout à l'heure,
00:12:21 très longtemps et toujours, et de façon massive
00:12:24 et remarquablement stable, favorable au mouvement social,
00:12:27 et ça ne va sans doute pas s'étioler.
00:12:29 On a beaucoup dit, je pense à tort, ces dernières semaines,
00:12:31 que les Français étaient résignés.
00:12:33 Vous citiez le fait qu'ils étaient contre, mais ils se disaient,
00:12:35 ils faisaient le pronostic... -Absolument.
00:12:37 -A 70 %, j'ai vu les internautes.
00:12:39 -Mais c'est pas parce que vous faites le pronostic
00:12:41 que le gouvernement réussira que vous êtes résignés.
00:12:43 Et à partir du moment où vous voyez
00:12:45 qu'il y a un certain nombre de mouvements spontanés,
00:12:47 comme ceux d'hier soir que Stéphane Blakowski
00:12:49 évoquait tout à l'heure, qu'il y a déjà des préavis de grève
00:12:52 pour lundi et mardi dans l'éducation nationale,
00:12:54 justement au moment des épreuves de spécialité du baccalauréat,
00:12:58 les Français vont se dire, la flamme de la lutte s'entretient,
00:13:01 c'est pas fini, c'est pas parce que...
00:13:03 Tout ça en supposant que le gouvernement
00:13:05 ne soit pas censuré, évidemment.
00:13:07 Même si le gouvernement devait s'en sortir
00:13:09 par ce qu'il appellerait une victoire,
00:13:11 je pense que la contestation,
00:13:13 si elle est bien entretenue par les organisations syndicales,
00:13:16 si les partis politiques des oppositions
00:13:18 donnent une meilleure image que celle qu'ils ont pu donner
00:13:20 ces derniers mois, notamment dans l'hémicycle,
00:13:23 les Français vont se dire,
00:13:25 et c'est en ça que je suis d'accord,
00:13:27 que finalement, même si on n'y croyait pas,
00:13:29 peut-être qu'il est possible de faire céder.
00:13:31 Peu importe le résultat, pour le gouvernement,
00:13:33 c'est une très mauvaise nouvelle,
00:13:35 parce que ça va durer plus longtemps qu'ils ne le croyaient.
00:13:37 - Elsa, les députés de la majorité,
00:13:39 on l'a vu, pourraient être visés dans les prochains jours ?
00:13:42 - Il y a les mauvais souvenirs pour les députés de la majorité.
00:13:45 C'était la crise des Gilets jaunes,
00:13:47 où certains avaient vu leur permanence vandalisée,
00:13:49 il y en a certains qui avaient même été intimidés
00:13:51 à leur domicile, donc on l'a entendu,
00:13:53 la patronne du groupe Renaissance a demandé
00:13:55 au ministre de l'Intérieur qu'il y ait des protections.
00:13:58 Aujourd'hui, j'ai l'impression qu'ils ont du mal
00:14:00 à se rendre compte, effectivement,
00:14:02 il y a à peine 24 heures, un peu plus de 24 heures,
00:14:04 qu'elles seront vraiment les effets,
00:14:06 mais effectivement, ils avaient déjà bien du mal
00:14:08 à la défendre sur le terrain, cette réforme des retraites,
00:14:11 la justifier, l'utilisation de cet article,
00:14:14 qui est certes constitutionnel,
00:14:16 mais qui est vraiment synonyme,
00:14:18 alors, même si vous l'avez démontré,
00:14:20 Pascal Perrineau, vous n'avez pas cette analyse,
00:14:22 mais synonyme pour les gens, de passage en force,
00:14:24 c'est bien ce que les Français, je pense,
00:14:26 ont en tout cas à l'esprit,
00:14:28 ils ont du mal à mesurer,
00:14:30 on avait l'impression chez eux, certains disaient
00:14:32 "bon, ça va être plutôt week-end en famille,
00:14:34 un peu tranquille", d'autres disaient "non,
00:14:36 il faut qu'on aille sur le terrain, parce qu'il faut qu'on sache
00:14:38 comment cette séquence a été perçue par les Français,
00:14:40 peut-être qu'il y a un peu un décalage entre
00:14:42 la classe politique et médiatique,
00:14:44 est-ce que les Français en pensent vraiment ?
00:14:46 Donc ils auront des retours lundi de la circonstance.
00:14:48 Est-ce que la politique est renforcée par ce 49.3 ?
00:14:50 - Beaucoup pariaient sur le fait que s'il y avait un vote,
00:14:52 on allait voir la CFDT plus prompte à respecter
00:14:54 une légitimité démocratique,
00:14:56 et ils voyaient, voilà,
00:14:58 une possible scission dans l'instar syndical.
00:15:00 Là, le 49.3 fait que, pour l'instant,
00:15:02 ils sont tous d'accord pour dénoncer
00:15:04 cette méthode du gouvernement
00:15:06 et pour continuer la mobilisation.
00:15:08 - Pascal Perrineau, avant de parler de la crise politique,
00:15:10 allez, je mets un point d'interrogation,
00:15:12 je vois votre prudence, mais en tout cas,
00:15:14 de ce qu'il va se passer à l'Assemblée nationale,
00:15:16 vous avez bien sûr déposé. À ce stade du bras de fer,
00:15:18 et malgré le 49.3,
00:15:20 est-ce que vous pensez que la réforme
00:15:22 peut encore être retirée ?
00:15:24 - La réforme peut toujours être retirée.
00:15:26 - Est-ce que vous pensez qu'elle va être retirée ?
00:15:28 - C'était le cas, par exemple, pour le CPE.
00:15:30 Voilà, Chirac avait décidé
00:15:32 de retirer la réforme
00:15:34 après qu'elle ait été votée.
00:15:36 - Vous pensez qu'on peut arriver à ce contexte-là ou pas ?
00:15:38 - On peut arriver. Tout dépend, en effet,
00:15:40 de l'évolution du rapport de force,
00:15:42 puisqu'il s'agit de cela,
00:15:44 et de l'issue, également,
00:15:46 de la journée de lundi.
00:15:48 Parce qu'on dit qu'il n'y a pas de vote.
00:15:50 Si, il y aura un vote.
00:15:52 C'est pas parce qu'une idée fausse est répétée plusieurs fois
00:15:54 qu'elle devient un fait vrai.
00:15:56 Il y aura bien un vote.
00:15:58 Et on verra. Pas sur la loi.
00:16:00 - On va voir, justement.
00:16:02 - Ça a été utilisé, je le répète,
00:16:04 100 fois sous la Ve République,
00:16:06 et beaucoup plus par la gauche que par la droite.
00:16:08 - Alors, justement, on y vient. L'étape d'après, c'est la censure.
00:16:10 L'émotion devrait être examinée lundi dans l'hémicycle.
00:16:12 Le gouvernement peut-il tomber ?
00:16:14 C'est une question.
00:16:16 Et les moindres réponses avec Thibo Hénard.
00:16:18 [Musique]
00:16:20 [Musique]
00:16:22 - Je suis prête à engager ma responsabilité.
00:16:24 [Musique]
00:16:26 - Dès l'annonce du 49.3 hier,
00:16:28 Elisabeth Borne a en tête la prochaine
00:16:30 et dernière étape de la bataille des retraites
00:16:32 au Parlement.
00:16:34 - Dans quelques jours, je n'en doute pas,
00:16:36 à l'engagement de la responsabilité
00:16:38 du gouvernement, répondront
00:16:40 une ou plusieurs motions de censure.
00:16:42 Un vote aura donc bien lieu,
00:16:44 comme il se doit.
00:16:46 - La motion de censure,
00:16:48 ou l'ultime arme des oppositions
00:16:50 pour tenter d'empêcher l'adoption
00:16:52 de la réforme des retraites.
00:16:54 Une arme aussitôt dégainée.
00:16:56 - Nous allons déposer une motion de censure.
00:16:58 Nous voterons l'ensemble des motions
00:17:00 de censure déposées.
00:17:02 - Rien n'est fini. Nous répondrons, évidemment,
00:17:04 par la censure.
00:17:06 - Deux motions de censure ont ainsi été déposées aujourd'hui.
00:17:08 La première, émanant du Rassemblement national,
00:17:10 n'a aucune chance d'être adoptée
00:17:12 car la gauche ne la votera pas.
00:17:14 La seconde, en revanche,
00:17:16 est plus menaçante pour le gouvernement.
00:17:18 Initiée par le groupe Liott,
00:17:20 elle pourrait faire l'objet d'un vote transpartisan.
00:17:22 - Nous voulons, évidemment,
00:17:24 que le plus grand nombre des parlementaires
00:17:26 vote cette motion de censure.
00:17:28 Pour qu'elle passe, nous avons besoin
00:17:30 aussi du soutien des députés LR.
00:17:32 - Un vote des députés
00:17:34 les Républicains qui pourrait, en effet,
00:17:36 être déterminant.
00:17:38 Pour être adoptée, une motion de censure
00:17:40 doit recueillir la majorité absolue
00:17:42 dans l'hémicycle, soit 287 voix.
00:17:44 Avec 149 députés de la NUPES,
00:17:46 88 du Rassemblement national,
00:17:48 20 du groupe Liott
00:17:50 et 5 non inscrits,
00:17:52 les opposants à la réforme peuvent espérer
00:17:54 au mieux totaliser 262 voix.
00:17:56 Il en manquerait donc 25.
00:17:58 Le groupe Les Républicains pourrait-il les apporter ?
00:18:00 C'est toute la question.
00:18:02 A priori, la réponse est non.
00:18:04 - Nous ne voulons pas rajouter
00:18:06 du chaos au chaos
00:18:08 et c'est pour cela que nous venons
00:18:10 de décider en réunion de groupe
00:18:12 que nous nous associerons
00:18:14 à aucune motion de censure
00:18:16 et que nous ne voterions
00:18:18 aucune motion de censure.
00:18:20 - Mais certains députés LR opposés
00:18:22 à la réforme n'excluent pas de voter
00:18:24 une motion à titre individuel.
00:18:26 - Toutes les hypothèses sont possibles
00:18:28 pour chacun des députés librement
00:18:30 parce que nous sommes des députés libres
00:18:32 et nous avons le droit
00:18:34 de voter une motion de censure.
00:18:36 - Si cette réforme devait être adoptée,
00:18:38 le gouvernement serait renversé.
00:18:40 Si c'est un échec, en revanche,
00:18:42 la réforme des retraites sera considérée
00:18:44 comme définitivement adoptée.
00:18:46 - Et c'est à nouveau Les Républicains
00:18:48 qui détiennent cette fois les clés
00:18:50 de cette censure.
00:18:52 On peut croire cette fois Eric Ciotti
00:18:54 quand il dit que son groupe parlera
00:18:56 d'une seule voix ?
00:18:58 - On peut croire que le mot d'ordre
00:19:00 de certains députés est déjà voté
00:19:02 mais c'est très marginal.
00:19:04 Et comme Thibault l'explique dans le sujet,
00:19:06 25, ça paraît quand même très grand
00:19:08 parce qu'on voyait que la fourchette haute
00:19:10 pour ceux qui voteraient contre la réforme
00:19:12 c'était autour de 22.
00:19:14 Là, une motion de censure, clairement,
00:19:16 on est responsable de faire tomber le gouvernement.
00:19:18 Pas sûr que Les Républicains aient envie
00:19:20 d'une dissolution derrière.
00:19:22 Mais ça peut se jouer, pour le coup,
00:19:24 à peu de voix près, 10, 15, 20 voix,
00:19:26 ce qui serait quand même
00:19:28 un avertissement pour le gouvernement,
00:19:30 même si, a priori, la motion ne passerait pas.
00:19:32 - Pascal Perrineau,
00:19:34 vous pensez que les Français comprennent ça ?
00:19:36 En gros, Les Républicains,
00:19:38 pour certains,
00:19:40 n'auraient pas voté
00:19:42 cette réforme des retraites,
00:19:44 mais ne voteront pas la censure.
00:19:46 - Alors, si vous voulez, d'abord,
00:19:48 la question n'est pas la même. On ne répond pas
00:19:50 de la même manière à des questions différentes.
00:19:52 Là, il s'agit, en effet,
00:19:54 d'un acte extrêmement grave.
00:19:56 Mettre à bas le gouvernement.
00:19:58 C'est arrivé une seule fois,
00:20:00 sous la Ve République, c'était en 1962,
00:20:02 avec le gouvernement Pompidou.
00:20:04 Depuis, ça n'est jamais arrivé,
00:20:06 et on ne peut que s'en féliciter.
00:20:08 C'est comme ça, en effet,
00:20:10 qu'on a affaire à des gouvernements
00:20:12 qui ont de la durée et qui peuvent
00:20:14 mettre en oeuvre des politiques et qui peuvent
00:20:16 contribuer, dans une certaine mesure,
00:20:18 à réformer le pays.
00:20:20 - Donc, pour vous,
00:20:22 toutes les autres oppositions,
00:20:24 sont-elles irresponsables, en votant la censure ?
00:20:26 - Je ne dis pas ça. - Je pose la question.
00:20:28 - Je ne me permettrai pas.
00:20:30 Simplement, je constate que, s'il y avait une majorité,
00:20:32 à mon avis, il n'y aura pas de majorité,
00:20:34 pour faire tomber le gouvernement,
00:20:36 parce que les Républicains sont tout de même
00:20:38 porteurs d'une culture de gouvernement.
00:20:40 C'est pas le cas des députés d'Elephy,
00:20:42 de beaucoup des députés écologistes,
00:20:44 et c'est pas le cas des députés du RN.
00:20:46 Les Républicains, avec leurs défauts
00:20:48 et leurs qualités, ils ont tout de même
00:20:50 une culture de gouvernement.
00:20:52 - Ils ont arraché souvent aussi leur élection
00:20:54 au Rassemblement national,
00:20:56 et le risque de perdre des sièges
00:20:58 est bien dans la balance. - Donc, à mon avis,
00:21:00 il n'y aura pas de mise en cause
00:21:02 de la responsabilité gouvernementale.
00:21:04 Et puis, la coalition, qui mettrait éventuellement
00:21:06 à bas le gouvernement Borne,
00:21:08 elle est capable de dire non, elle est incapable
00:21:10 de dire oui à quoi que ce soit. Vous voyez
00:21:12 un gouvernement avec des ministres Elephy
00:21:14 et des ministres RN ?
00:21:16 C'est assez peu probable.
00:21:18 Pour l'instant, Elephy dit "nous ne voulons pas des RN".
00:21:20 En revanche, s'il y a une majorité
00:21:22 contre le gouvernement Borne,
00:21:24 les voix d'Elephy seront mêlées
00:21:26 aux voix du Rassemblement national.
00:21:28 Il faut que tout de même les gens
00:21:30 se rendent compte de ce qui est en train de se passer.
00:21:32 - C'est pour ça qu'il y a une motion transpartisane.
00:21:34 Catherine Tricot.
00:21:36 - Oui, une motion de censure, c'est quand même dire
00:21:38 qu'on n'est pas d'accord avec ce gouvernement
00:21:40 et on veut qu'il tombe. Quand on est opposant...
00:21:42 - Sur la catégorie République. - Ou alors on fait partie
00:21:44 de la majorité, on devient...
00:21:46 Moi, je pense que c'est une hypothèse,
00:21:48 mais je pense que les gens aillent au bout de leur logique
00:21:50 et rallient directement la Macronie,
00:21:52 et pourquoi pas ?
00:21:54 Mais si ce n'est pas le cas,
00:21:56 je trouve étrange de ne pas voter
00:21:58 la motion de censure sur un moment
00:22:00 où il y a une telle crise politique, démocratique
00:22:02 et une défiance dans le pays.
00:22:04 Mais le deuxième argument,
00:22:06 c'est que l'idée que Macron dissout,
00:22:08 est-ce que Macron,
00:22:10 il est sûr qu'il sort mieux,
00:22:12 qu'il sort renforcé,
00:22:14 dans le cas d'une telle dissolution ?
00:22:16 - Ça ne me paraît pas évident.
00:22:18 - Je ne sais pas si Ipso fait ce sondage-là,
00:22:20 mais il y a des sondages qui circulent
00:22:22 sur une hypothèse de dissolution,
00:22:24 les législatives, ça donne quoi ?
00:22:26 - On fait de la politique fiction,
00:22:28 le gouvernement est toujours en place,
00:22:30 mais ceci dit, on ne peut pas émettre des pronostics...
00:22:32 - Il y a un sondage de mon frère
00:22:34 Harris Interactive.
00:22:36 "Tout le monde perd sauf le RN".
00:22:38 - Compte tenu de ce qui s'est passé ces dernières semaines,
00:22:40 de l'opposition, de l'hostilité massive
00:22:42 des Français à ce projet,
00:22:44 de la chute d'Emmanuel Macron
00:22:46 et d'Elisabeth Borne dans les enquêtes de popularité,
00:22:48 comment imaginer que s'il y avait
00:22:50 dissolution et nouvelles élections législatives,
00:22:52 le Bloc présidentiel, 250 sièges à peu près,
00:22:54 pourrait progresser ?
00:22:56 C'est très, très fortement improbable.
00:22:58 Je pense qu'on peut
00:23:00 raisonnablement supposer que
00:23:02 toutes les oppositions progresseraient un peu,
00:23:04 mais que, évidemment, le Bloc macroniste
00:23:06 perdrait quelques dizaines
00:23:08 de députés. - Sur Elisabeth Borne
00:23:10 que vous mentionnez,
00:23:12 le chef n'a jamais pris avec les Français.
00:23:14 On sait que l'hypothèse de son départ
00:23:16 est sur la table. Elle-même a bien
00:23:18 accepté ce terme de "fusible"
00:23:20 la concernant. - Oui, et ce qui s'est passé
00:23:22 ces derniers jours, notamment hier, renforce
00:23:24 ce sentiment d'échec, en fait,
00:23:26 notamment de sa méthode. Rappelez-vous de ce qu'on avait
00:23:28 dit au lendemain du second tour des élections législatives.
00:23:30 Ce qu'avait dit Elisabeth Borne,
00:23:32 pour nuancer les mauvais résultats, la déception
00:23:34 des législatives, c'était que finalement tout ça n'était pas très grave
00:23:36 puisqu'on allait innover
00:23:38 dans cette situation inédite sous la Ve République
00:23:40 en dégageant des majorités
00:23:42 de projets, et que c'était son rôle, à elle,
00:23:44 de trouver des gens au centre-gauche,
00:23:46 au centre-droit, auprès des LR,
00:23:48 pour pouvoir gouverner et faire passer
00:23:50 des réformes importantes. C'est un échec,
00:23:52 aussi personnel pour elle. Évidemment qu'Emmanuel Macron
00:23:54 est à la manœuvre derrière, mais pour elle aussi,
00:23:56 c'est normalement le Premier ministre
00:23:58 qui est le chef de la majorité,
00:24:00 en tout cas du bloc présidentiel.
00:24:02 Ça n'a pas fonctionné, et pour elle, c'est un vrai désaveu.
00:24:04 Elle ne peut pas être remplacée tout de suite.
00:24:06 - De la Première ministre dans un instant,
00:24:08 on parle d'un remaniement qui était déjà dans les têtes
00:24:10 de l'exécutif avant même le 49-3.
00:24:12 Mais à ce stade du débat,
00:24:14 mon cher Philippe Pernet,
00:24:16 votre étirage m'intéresse.
00:24:18 - Est-ce que ce n'est pas la traduction
00:24:20 de notre dépendance
00:24:22 de notre endettement ?
00:24:24 C'est-à-dire que le 49-3, pour moi,
00:24:26 il a été pris parce qu'on prend
00:24:28 un risque majeur
00:24:30 vis-à-vis des emprunts, et on a besoin
00:24:32 d'une signature internationale,
00:24:34 et qu'on ne pouvait pas se permettre de prendre ce risque.
00:24:36 - C'est très intéressant, cette remarque,
00:24:38 parce que c'est exactement ce qu'a dit,
00:24:40 au moment de la décision avec ses ministres,
00:24:42 le président de la République,
00:24:44 dans le huis clos de l'Elysée.
00:24:46 - Oui, on entendait cet argument
00:24:48 depuis un ou deux jours, en disant
00:24:50 qu'il faut rassurer les marchés financiers.
00:24:52 - Surtout en ce moment.
00:24:54 - Surtout en ce moment, on sait qu'il y a
00:24:56 une banque américaine qui a fait faillite,
00:24:58 il y a eu beaucoup de questions au gouvernement mardi.
00:25:00 - Oui, c'est vrai.
00:25:02 - Le risque d'attaque des marchés sur la dette française.
00:25:04 - Exactement. Ce qui est assez drôle dans la majorité,
00:25:06 c'est que certains disent, oui, on le savait depuis le début,
00:25:08 mais ce n'est pas très audible pour les Français
00:25:10 de dire qu'on fait une réforme des retraites
00:25:12 pour rassurer les marchés financiers.
00:25:14 Mais d'autres, dans la majorité, nous disent aussi,
00:25:16 si c'était un argument, il fallait peut-être le dire
00:25:18 un peu plus tôt, et dramatiser cet enjeu,
00:25:20 puisqu'on a vu que cette réforme des retraites
00:25:22 a eu des justifications tout à fait différentes
00:25:24 depuis le début, et c'est vrai que ça paraît
00:25:26 un peu le dernier argument,
00:25:28 l'argument à quelques heures du vote.
00:25:30 - C'est peu, vendeur, de se dire qu'on va travailler
00:25:32 plus pour faire plaisir aux marchés financiers.
00:25:34 - Mais dire par exemple que la France
00:25:36 peut être comme la Grèce, plongée dans l'austérité
00:25:38 si on ne fait pas de réforme...
00:25:40 - Non, mais... - Pour financer les retraites.
00:25:42 - D'accord, ce que je veux dire, c'est que pour qu'on plaire,
00:25:44 alors pas faire plaisir, mais pour qu'on plaire
00:25:46 aux marchés financiers, ça me paraît un argument...
00:25:48 - Non, pour pouvoir emprunter. - Je pense que s'il n'a pas été tenté,
00:25:50 c'est qu'il ne devait pas pouvoir marcher.
00:25:52 - C'est-à-dire qu'on risque une crise financière ?
00:25:54 - Est-ce qu'on va avoir une crise financière ?
00:25:56 - C'est un argument qui aurait pu être dévoilé...
00:25:58 - 600 milliards de dettes, hein.
00:26:00 Le record et la Cour des comptes a tiré la sonnette d'alarme.
00:26:02 Après quoi qu'il en coûte du Covid.
00:26:04 - Est-ce que quelqu'un peut croire que faire travailler
00:26:06 deux ans de plus dans les années qui viennent
00:26:08 va avoir une influence immédiate sur le taux d'emprunt
00:26:10 sur les marchés financiers ?
00:26:12 Franchement, c'est pas une...
00:26:14 - Pascal Perrineau, revenons peut-être à l'exécutif.
00:26:16 Pour vous,
00:26:18 à ce stade, je n'ose même plus
00:26:20 utiliser le mot de crise,
00:26:22 parce que j'ai l'impression que vous ne le reprenez pas.
00:26:24 - Je vous assume.
00:26:26 - On est tout le temps en crise.
00:26:28 - Est-ce que vous pensez qu'Elisabeth Borne peut rester à son poste ?
00:26:30 Est-ce que cette équipe-là peut continuer à gouverner ?
00:26:32 Ou est-ce qu'il est temps de remanier,
00:26:34 au fond, quelle que soit l'issue des émotions ?
00:26:36 - Il sera certainement temps
00:26:38 de remanier l'équipe.
00:26:40 Elisabeth Borne, vous savez,
00:26:42 attendons lundi soir.
00:26:44 S'il n'y a pas de motion de censure
00:26:46 qui réussit,
00:26:48 si la loi est votée vite promulguée,
00:26:50 rendant donc le RIP
00:26:52 quasi impossible,
00:26:54 on peut changer complètement
00:26:56 de perspective.
00:26:58 Et à ce moment-là, on dira
00:27:00 "Le gouvernement,
00:27:02 "avec les moyens dont il disposait,
00:27:04 "a réussi à faire passer
00:27:06 "sa réforme."
00:27:08 Ensuite, restera la question
00:27:10 du rapport de force avec ce que l'on appelle
00:27:12 le mouvement social.
00:27:14 Est-ce que le mouvement social tiendra ?
00:27:16 Est-ce que le mouvement social sera uni ?
00:27:18 Est-ce que le mouvement social montera en puissance ?
00:27:20 Et quelles seront
00:27:22 les réactions de l'opinion publique ?
00:27:24 - Stéphane Zumsteig.
00:27:26 - Attendez, simplement deux secondes.
00:27:28 Pour l'instant, l'opinion publique, en effet,
00:27:30 tient derrière le mouvement social,
00:27:32 mais grève après grève,
00:27:34 il peut y avoir un effet
00:27:36 d'usure de ce soutien,
00:27:38 et on le sait très bien, là-dessus,
00:27:40 l'opinion est versatile. - Le sondeur.
00:27:42 - Elle n'est pas fidélisée. - Stéphane Zumsteig.
00:27:44 - L'opinion est versatile, vous avez raison,
00:27:46 et elle peut évoluer, sans doute pas basculer.
00:27:48 Il n'y aura jamais, à aucun moment,
00:27:50 un mouvement de bascule. - Mais si la motion
00:27:52 de censure est rejetée, est-ce que les Français vont l'entendre
00:27:54 comme, au fond, un vote,
00:27:56 un vrai vote sur la réforme ?
00:27:58 - Non, parce que là, non,
00:28:00 il n'y aura pas de victoire du gouvernement.
00:28:02 Le gouvernement peut faire passer son projet, mais ce serait une victoire
00:28:04 à la pyrus, pour reprendre un terme un peu éculé,
00:28:06 mais ce sera ça. Si vous voulez, le vrai problème fondamental
00:28:08 de cette réforme, à ce moment bien précis,
00:28:10 c'est le terme de brutalité.
00:28:12 On a reproché au gouvernement
00:28:14 et au président de la République, toutes ces semaines,
00:28:16 la brutalité. Brutalité, dans le projet de loi,
00:28:18 dans son aspect punitif.
00:28:20 Les Français n'ont pas compris.
00:28:22 Quand je dis qu'ils n'ont pas compris, c'est pas qu'il fallait le comprendre,
00:28:24 mais ils n'ont pas adhéré à cet argument démographique
00:28:26 ou à l'argument financier que vous évoquiez tout à l'heure,
00:28:28 de reporter l'âge légal.
00:28:30 On leur vole deux ans de vie,
00:28:32 deux ans de belles vies, et ça,
00:28:34 ça peut paraître basique, mais c'est une réalité.
00:28:36 C'est le premier point. Et le second point,
00:28:38 c'est que le 49-3 n'a fait que renforcer
00:28:40 cette impression de brutalité
00:28:42 qui renvoie à tous les reproches
00:28:44 que l'on peut adresser à Emmanuel Macron
00:28:46 quand on n'est pas un macroniste, depuis 5 ans maintenant.
00:28:48 - Alors, je voudrais qu'on se projette
00:28:50 un peu sur le fonctionnement de ce Parlement
00:28:52 et de cette Assemblée nationale pour conclure ce débat.
00:28:54 On entend dire
00:28:56 qu'avec ce qui s'est passé,
00:28:58 il y a des réformes qui ne pourront plus
00:29:00 être discutées, faute de majorité.
00:29:02 Elsa ? - Alors, là, il y a
00:29:04 un vote qui va avoir lieu sur le projet
00:29:06 de loi nucléaire. A priori, ça devrait passer.
00:29:08 Il y a un autre texte sur les Jeux olympiques.
00:29:10 Mais c'est vrai que sur des textes clivants,
00:29:12 comme celui sur l'immigration,
00:29:14 qui était prévu normalement au printemps,
00:29:16 fin du printemps, début de l'été,
00:29:18 là, clairement, le groupe de la majorité
00:29:20 dit "mais on ne peut pas le faire passer, ce texte-là".
00:29:22 Il va falloir revoir un petit peu
00:29:24 le fonctionnement et, justement, peut-être aussi
00:29:26 trouver des textes, un texte sur le travail
00:29:28 qui est annoncé peut-être en septembre.
00:29:30 Est-ce que ce n'est pas trop tard ? Est-ce qu'il ne faut pas essayer de l'avancer ?
00:29:32 Essayer de trouver des textes un peu plus consensuels,
00:29:34 puisque, au-delà de la personne d'Elisabeth Borne,
00:29:36 qui, évidemment, est fragilisée
00:29:38 après cette séquence, là, l'interrogation,
00:29:40 c'est plutôt qu'est-ce qu'on veut raconter
00:29:42 sur la suite du quinquennat, il y a encore quatre ans.
00:29:44 Donc, peut-être que dans la majorité,
00:29:46 au gouvernement, on se dit...
00:29:48 - Après le réconfort, il y aura des textes...
00:29:50 - Surtout, on se dit, voilà, peut-être que le mouvement social va s'éteindre.
00:29:52 Peut-être que ça va aller à peu près,
00:29:54 mais maintenant, il nous faut quand même un objet politique,
00:29:56 quelque chose, une histoire...
00:29:58 - Il y a un texte sur l'emploi, notamment, la semaine des quatre jours.
00:30:00 - Peut-être un texte sur le travail. Ça demande des concertations,
00:30:02 ça demande du temps, alors que certains députés de la majorité,
00:30:04 ils aimeraient bien pouvoir, dès demain,
00:30:06 avoir des nouvelles un petit peu plus consensuelles
00:30:08 et admises par la population.
00:30:10 - Pour négocier avec les syndicats, ça reste compliqué à l'avenir.
00:30:12 - Oui, oui.
00:30:14 - On le comprend. Libération, un petit trait,
00:30:16 sur Macron,
00:30:18 le début de l'impuissance.
00:30:20 Est-ce que vous pensez que ce quinquennat risque
00:30:22 de s'arrêter, faute de pouvoir faire voter des réformes ?
00:30:24 - Non, parce que le président de la République,
00:30:26 il est jamais impuissant.
00:30:28 Imaginez qu'il y ait,
00:30:30 par exemple, la motion de censure,
00:30:32 que l'exécutif, le scénario habituel
00:30:34 de la Ve République, réponde par la dissolution.
00:30:36 Que la majorité n'est plus la majorité.
00:30:38 Il y aura une cohabitation.
00:30:40 Comme François Mitterrand en a connue une,
00:30:42 comme Jacques Chirac en a connue une,
00:30:44 et on a vu à la fois...
00:30:46 - Avec un Premier ministre issu de la droite ?
00:30:48 - Oui.
00:30:50 On verra en fonction du rapport de force.
00:30:52 - On n'y est pas.
00:30:54 - Parce que la majorité aura été très efficace
00:30:56 pour faire tomber le gouvernement,
00:30:58 elle sera inefficace pour en mettre en place un autre.
00:31:00 Ça, faut pas rêver.
00:31:02 Il peut pas y avoir une coalition des extrêmes.
00:31:04 Extrême gauche et extrême droite.
00:31:06 C'est assez improbable.
00:31:08 Mais en revanche,
00:31:10 dans le charme discret
00:31:12 de l'ombre des urnes,
00:31:14 ils peuvent être ensemble.
00:31:16 Mais être ensemble explicitement,
00:31:18 ça devient beaucoup plus difficile.
00:31:20 Donc ça ne sera pas le cas.
00:31:22 Ça risque d'être extrêmement instable,
00:31:24 très compliqué, mais le président,
00:31:26 il gardera, comme François Mitterrand,
00:31:28 comme ça avait été le cas de François Mitterrand,
00:31:30 comme ça avait été le cas de Jacques Chirac,
00:31:32 il garde une marge de manœuvre.
00:31:34 D'autant plus que face à lui,
00:31:36 il aura forcément
00:31:38 une majorité qui sera
00:31:40 faite de briquettes broc,
00:31:42 comme jamais on en a connu
00:31:44 sous la Ve République.
00:31:46 - La Ve République est solide.
00:31:48 On est très heureux pour Emmanuel Macron
00:31:50 de savoir qu'il ne va pas perdre de sa puissance.
00:31:52 - Qui ?
00:31:54 - Il en gardera.
00:31:56 - Il gardera sa puissance.
00:31:58 - Ça nous réjouit.
00:32:00 - Pour le pays, c'est une bonne idée ?
00:32:02 Est-ce que la situation
00:32:04 dans laquelle il nous a mis est une bonne idée ?
00:32:06 Est-ce qu'on se retrouve là,
00:32:08 à l'issue de cette séquence abracadabrantesque ?
00:32:10 Est-ce que c'est une situation
00:32:12 enviable qui nous propulse
00:32:14 vers l'avenir pour
00:32:16 mobiliser tous ceux qui doivent
00:32:18 l'être pour transformer les choses ?
00:32:20 - Stéphane Zunsteig, je vous redonne la parole,
00:32:22 mais on a parlé de la crise sociale,
00:32:24 de la crise politique,
00:32:26 de la crise démocratique aussi.
00:32:28 Elle ne date pas du 49-3, mais elle vient l'amplifier.
00:32:30 Il y a des enquêtes qui montrent que deux tiers
00:32:32 des Français n'ont plus confiance dans nos institutions.
00:32:34 Là, on a une opinion
00:32:36 majoritairement contre une réforme.
00:32:38 Elle n'a pas pu être
00:32:40 votée dans le pays.
00:32:42 Qu'est-ce qui peut se passer ? L'abstention ?
00:32:44 Un débouché politique à l'extrême droite ?
00:32:46 - Vous venez de dire que ça n'a rien de récent.
00:32:48 Ça s'est aggravé, ça s'est accentué ces dernières années,
00:32:50 depuis qu'Emmanuel Macron est président de la République,
00:32:52 mais ce n'est pas lui qui est responsable du divorce
00:32:54 de ce fossé qui se creuse de plus en plus
00:32:56 entre les citoyens
00:32:58 qui continuent à s'intéresser à la vie politique
00:33:00 et leur classe politique. Vous avez raison,
00:33:02 l'abstention ne cesse de progresser.
00:33:04 Il y a une remise en question systématique
00:33:06 de la légitimité
00:33:08 de l'élection, qui est dangereuse,
00:33:10 qui est inquiétante, mais sur ce point,
00:33:12 ça traduit effectivement... - Elle est en panne,
00:33:14 la démocratie représentative ? - Je ne pense pas qu'elle soit en panne,
00:33:16 mais je pense, en revanche, que les oppositions,
00:33:18 quelles qu'elles soient, que ce soit les oppositions actuelles
00:33:20 comme les oppositions des précédents quinquennats,
00:33:22 ça pourrait être les macronistes la prochaine fois
00:33:24 s'ils sont dans l'opposition, mais dès qu'un président est élu,
00:33:26 on explique que c'est le président le plus mal élu
00:33:28 de la Ve République, on explique qu'il a été élu
00:33:30 par défaut, on l'a dit
00:33:32 pour François Hollande, on l'a dit pour Emmanuel Macron
00:33:34 deux fois déjà, que finalement,
00:33:36 il ne devait pas être président de la République,
00:33:38 mais c'est facile face à Marine Le Pen, toutes ces choses-là
00:33:40 qui, quelque part, installent
00:33:42 une sorte de petite musique un petit peu perverse,
00:33:44 je trouve, sur l'illégitimité de l'élu.
00:33:46 C'est un vrai problème.
00:33:48 Pascal Périnon en parlait tout à l'heure en guise d'introduction,
00:33:50 il y a eu plus d'une centaine de 49-3.
00:33:52 Quand vous entendez "je ne défends pas le gouvernement",
00:33:54 en disant ça, "je défends la Constitution",
00:33:56 on parle de dévoiement de la démocratie,
00:33:58 mais c'est dans la Constitution, on ne dévoie pas la démocratie
00:34:00 quand on utilise justement un certain nombre
00:34:02 d'outils que nous offre la Constitution.
00:34:04 -C'est dans la Constitution, c'est la démocratie,
00:34:06 mais les Français ne croient plus dans nos institutions
00:34:08 et dans notre système démocratique.
00:34:10 Il y a une équation à résoudre extrêmement difficile.
00:34:12 -Mais comme je viens de le dire,
00:34:14 c'est pas nouveau, cette affaire.
00:34:16 La crise de confiance, elle a commencé
00:34:18 bien avant, elle était déjà là
00:34:20 sous Nicolas Sarkozy. -Ce 49-3,
00:34:22 la grave ou pas ? -Voilà.
00:34:24 Ce 49-3 n'améliore pas les choses,
00:34:26 je ne vais pas vous faire
00:34:28 une démonstration sur ce terrain.
00:34:30 -Le mot de la fin. -Mais en tout cas,
00:34:32 il y a une chose qui est claire,
00:34:34 dans les semaines qui viennent,
00:34:36 ce n'est pas la démocratie de la rue
00:34:38 qui peut remplacer la démocratie représentative.
00:34:40 -La démocratie représentative prévaut.
00:34:42 C'est bien clair. Le mot de la fin ?
00:34:44 -Oui. -Rapidement.
00:34:46 -C'est l'offre politique qui est éclatée.
00:34:48 Avant, vous aviez la gauche et la droite,
00:34:50 vous aviez un système bipolaire,
00:34:52 vous aviez une majorité, des socialistes
00:34:54 alliés à des communistes.
00:34:56 Vous aviez des alliés, et aujourd'hui,
00:34:58 il y a une opposition puissante à gauche
00:35:00 et à l'extrême droite. Vous êtes condamné,
00:35:02 quand vous dirigez le pays,
00:35:04 à diriger et gouverner
00:35:06 avec 30 ou 35 % des voix.
00:35:08 A partir du moment où vous avez un socle électoral
00:35:10 minoritaire, dès qu'il y a une grande réforme,
00:35:12 les choses s'avèrent très compliquées.
00:35:14 -Il y a une réforme des institutions sur la table.
00:35:16 On verra ce que ça donne si elle trouve une majorité.
00:35:18 On va s'arrêter là.
00:35:20 Merci, évidemment, ce feuilleton des retraites,
00:35:22 malgré le vote, le passage
00:35:24 par le 49-3.
00:35:26 On va continuer. Merci beaucoup.
00:35:28 Merci d'être venu débattre sur LCP.
00:35:30 Vous restez avec moi, Hugues Pernet. Dans une dizaine de minutes,
00:35:32 nos affranchis pour leur parti. Pris, vous les voyez
00:35:34 ce soir. Le regard de
00:35:36 Britta Sonberg sur la crise des retraites
00:35:38 vue d'Allemagne. Démocratie,
00:35:40 c'est le mot de la semaine de notre sémiologue
00:35:42 Mariette Darrigrand et Bourbon Express avec
00:35:44 Marco Pommier, le RIP,
00:35:46 le RIP, on en parle tout à l'heure. Mais d'abord,
00:35:48 on va plonger, je le disais, aux origines
00:35:50 de la guerre en Ukraine avec vous.
00:35:52 Nous sommes en 1990.
00:35:54 L'URSS implose et vous débarquez
00:35:56 comme consul général de France
00:35:58 à Kiev. Vous êtes le premier ambassadeur
00:36:00 de France en Ukraine, devenue indépendante
00:36:02 en 1991. Alors ça valait bien
00:36:04 un journal de bord chez Flammarion
00:36:06 pour comprendre comment le passé
00:36:08 fait écho au présent. On voit ça
00:36:10 dans l'invitation de Clément Perrault
00:36:12 et on en parle juste après.
00:36:14 Musique
00:36:16 Si on vous invite,
00:36:18 Hugues Pernet, c'est pour remonter
00:36:20 avec vous à la source,
00:36:22 aux racines de la guerre entre Ukraine et Russie.
00:36:24 Fin des années 80,
00:36:26 début des années 90.
00:36:28 Avec le mur de Berlin,
00:36:30 un monde s'effondre,
00:36:32 un nouveau s'éveille.
00:36:34 Hugues Pernet, vous êtes alors un diplomate français
00:36:36 envoyé dans l'épicentre
00:36:38 de ces secousses.
00:36:40 Musique
00:36:42 Vous êtes nommé conseiller à l'ambassade de France
00:36:44 à Moussou, puis ambassadeur de France
00:36:46 à Kiev de 1990
00:36:48 à 1993.
00:36:50 C'est ce moment
00:36:52 de votre carrière que vous détaillez
00:36:54 dans votre livre.
00:36:56 Un témoignage pour l'histoire.
00:36:58 Vous racontez votre arrivée à Kiev
00:37:00 en 1990,
00:37:02 dans ce qui est encore la république soviétique
00:37:04 d'Ukraine, intégrée à l'URSS.
00:37:06 Vous écrivez.
00:37:08 La vie politique locale
00:37:10 s'animait et connaissait des développements
00:37:12 particulièrement importants
00:37:14 et riches de potentiel.
00:37:16 Cela faisait oublier l'austérité de la vie quotidienne
00:37:18 caractérisée par l'absence
00:37:20 de vie culturelle, de distraction,
00:37:22 cinéma, restaurant, de relations amicales.
00:37:24 Puis l'histoire
00:37:26 s'accélère et s'écrit
00:37:28 sous vos yeux.
00:37:30 24 août
00:37:32 1991,
00:37:34 l'Ukraine proclame son indépendance
00:37:36 dans un parlement survolté.
00:37:38 A l'extérieur,
00:37:40 la foule en liesse arbore un immense
00:37:42 drapeau or et bleu.
00:37:44 Mais déjà, votre regard se tourne
00:37:46 inquiet vers la Russie.
00:37:48 Il faut savoir que deux jours après,
00:37:52 monsieur Yeltsin
00:37:54 menace de guerre l'Ukraine
00:37:56 si elle prend son indépendance.
00:37:58 Ce qui se passe aujourd'hui,
00:38:00 c'était déjà écrit le 26 août
00:38:02 1990.
00:38:04 La Russie menace l'Ukraine
00:38:06 si elle devient indépendante.
00:38:08 Et dit clairement,
00:38:10 la Crimée est à nous
00:38:12 et le Donbass aussi.
00:38:14 Un peu plus de 30 ans
00:38:16 plus tard, la guerre éclatera.
00:38:18 Alors nous vous posons la question
00:38:20 ce soir, Huck Pernet.
00:38:22 Tout était-il écrit d'avance ou cette guerre
00:38:24 pouvait-elle être évitée ?
00:38:26 Réponse Huck Pernet.
00:38:28 Justement, toute la question.
00:38:30 Je crois qu'une diplomatie
00:38:32 un peu plus active de la part des Occidentaux
00:38:34 n'aurait pas permis
00:38:36 d'éviter ce conflit
00:38:38 qui est vraiment très attristant.
00:38:40 Pourquoi l'Occident n'a rien vu venir ?
00:38:42 Si tout était là déjà.
00:38:44 Je crois qu'elle a vu venir,
00:38:46 je pense qu'elle n'a pas tout compris,
00:38:48 que c'était quand même très complexe.
00:38:50 On voyait un pays se démembrer sous nos yeux.
00:38:52 C'était une puissance nucléaire.
00:38:54 Notre priorité, c'était
00:38:56 de s'assurer qu'il n'y ait pas
00:38:58 de prolifération nucléaire.
00:39:00 Et toute la tension était portée là-dessus
00:39:02 plus que sur l'indépendance de l'Ukraine.
00:39:04 Les têtes nucléaires étaient en Ukraine.
00:39:06 Déployées en Ukraine, notamment.
00:39:08 Dans la grande Union soviétique à l'époque.
00:39:10 Si l'Ukraine était devenue indépendante
00:39:12 avec ses armes nucléaires, c'était une catastrophe.
00:39:14 Pour comprendre ce qui se passe
00:39:16 aujourd'hui, il faut bien
00:39:18 comprendre et analyser
00:39:20 ce paramètre nucléaire.
00:39:22 La France, à l'époque, vous en parlez très bien,
00:39:24 il y avait une "Gorbi-mania",
00:39:26 un "Gorbachev", on revient en arrière,
00:39:28 parce que vous étiez diplomate à Moscou,
00:39:30 également,
00:39:32 avant l'Ukraine,
00:39:34 et après.
00:39:36 Finalement, on comprend que la France
00:39:38 regarde avec énormément de bienveillance
00:39:40 l'ouverture de la péristroïque à les réformes,
00:39:42 mais ne comprend pas du tout
00:39:44 qu'il y a le nationalisme derrière
00:39:46 et ce que vous appelez le démembrement.
00:39:48 C'est une sorte de cécité française ?
00:39:50 -Je pense qu'il y a eu une forme de cécité.
00:39:52 Je pense que
00:39:54 c'était tellement extraordinaire
00:39:56 de voir le monde communiste
00:39:58 se déliter,
00:40:00 qu'on y croyait, que certains y croyaient,
00:40:02 et puis on entretenait le mythe.
00:40:04 Et on ne voulait pas voir
00:40:06 que, par en dessous,
00:40:08 M. Gorbachev s'y est la branche
00:40:10 sur laquelle il était assis.
00:40:12 -La menace des représailles de Moscou
00:40:14 est là, dès le début, dès 1991.
00:40:16 Je vous voyais extrêmement ému.
00:40:18 -Oui, absolument. -Vous aviez les larmes aux yeux,
00:40:20 à la fois de cette élection
00:40:22 au Parlement, de la proclamation d'indépendance.
00:40:24 Qu'est-ce que ça réveille ?
00:40:26 -Ca réveille parce que c'était
00:40:28 l'histoire qui se faisait sous nos yeux.
00:40:30 Les gens, je les connaissais,
00:40:32 la moitié sont morts, déjà. C'était impressionnant.
00:40:34 -C'était impressionnant et pourtant,
00:40:36 vous l'êtes dite, on l'a vu dans le sujet,
00:40:38 Boris Heldsine
00:40:40 met l'épée d'Amokles
00:40:42 au-dessus de l'Ukraine, dès le départ.
00:40:44 -Ce qui est extraordinaire, c'est que Boris Heldsine
00:40:46 est élu au suffrage universel.
00:40:48 Il est censé être représenté,
00:40:50 c'est-à-dire cette démocratie qui commence à émerger
00:40:52 dans l'ex-URSS.
00:40:54 Et en même temps, il veut reconstituer
00:40:56 l'Union soviétique
00:40:58 sous l'égide russe.
00:41:00 Et l'Ukraine, qui était, à l'époque,
00:41:02 à domination communiste,
00:41:04 c'était des conservateurs,
00:41:06 avec une frange nationaliste,
00:41:08 s'oppose à ça.
00:41:10 Et maintenant, on est à front renversé.
00:41:12 C'est-à-dire qu'on a une Russie qui est conservatrice,
00:41:14 toujours expansionniste,
00:41:16 et une Ukraine qui devient démocratique
00:41:18 et qui essaie de comporter son indépendance.
00:41:20 -Mais on le voit bien dans l'histoire.
00:41:22 La Russie, Moscou,
00:41:24 a toujours considéré l'Ukraine
00:41:26 comme sa propriété, très clairement.
00:41:28 -Oui, mais c'est pas nécessairement
00:41:30 ressenti par les Ukrainiens
00:41:32 comme tel.
00:41:34 -Bien sûr, évidemment.
00:41:36 Mais il faut bien expliquer que pour les Russes,
00:41:38 c'était la petite Russie.
00:41:40 Et bien avant, d'ailleurs, les années 80,
00:41:42 la première moitié du XXe siècle,
00:41:44 la Russie n'a cessé de piller
00:41:46 et de tuer en Ukraine.
00:41:48 Il y a un ressentiment massif des Ukrainiens
00:41:50 contre les Russes. -Oui, parce que les Ukrainiens
00:41:52 ont essayé par deux fois de prendre leur indépendance.
00:41:54 A chaque fois, c'était à l'occasion de guerre.
00:41:56 La première fois, c'est à l'issue
00:41:58 de la Première Guerre mondiale.
00:42:00 Les Ukrainiens ont eu
00:42:02 une éphémère indépendance et ils ont négocié
00:42:04 avec l'Empire allemand
00:42:06 dans le premier traité de Brest-Litovsk,
00:42:08 parce qu'il y en a deux, leur indépendance.
00:42:10 Cette indépendance a été confortée
00:42:12 par le traité de Brest-Litovsk
00:42:14 et par la Russie bolchevique,
00:42:16 mais tout ça a été annulé
00:42:18 par l'armistice du 11 novembre.
00:42:20 La Russie bolchevique est revenue
00:42:22 en force en Ukraine en disant
00:42:24 "Vous avez voulu faire sécession,
00:42:26 "vous allez voir ce que..." -Après la Deuxième Guerre mondiale.
00:42:28 -Voilà. -On va parler un peu
00:42:30 de vous, parce que c'est aussi
00:42:32 un récit incarné de vous,
00:42:34 diplomate. On est en 1990,
00:42:36 le mur est tombé, mais l'Ukraine n'est pas
00:42:38 encore indépendante, il n'y a absolument
00:42:40 aucun Français à Kiev, et pourtant,
00:42:42 la France, de François Mitterrand
00:42:44 et de Pierre Bérégovoy, à l'époque,
00:42:46 décident de créer un poste de consul général
00:42:48 dans la République socialiste
00:42:50 soviétique d'Ukraine. Pourquoi ?
00:42:52 -Justement, à l'époque,
00:42:54 c'était pour répondre
00:42:56 aux attentes de M. Gorbatchev,
00:42:58 pour essayer de voir si on pouvait
00:43:00 commercer, c'était justement M. Bérégovoy,
00:43:02 l'idée, c'était de tisser
00:43:04 des liens économiques. Or,
00:43:06 quand vous n'avez pas de Français,
00:43:08 la seule chose que vous puissiez faire,
00:43:10 c'est de la politique. -Vous l'avez observé.
00:43:12 Alors, il faut expliquer,
00:43:14 vous a dit, dans un premier temps,
00:43:16 vos collègues diplomates de l'époque,
00:43:18 les Dominiques de Villepin,
00:43:20 les Gérard Haraud, "Enterrement,
00:43:22 "pure première classe, faut pas y aller",
00:43:24 donc vous avez hésité. -Absolument,
00:43:26 mais c'était pas du tout évident,
00:43:28 c'était vraiment pas un lieu rêvé pour aller,
00:43:30 c'était l'Ukraine soviétique,
00:43:32 il y avait rien.
00:43:34 -C'était quoi, la vie, là-bas ?
00:43:36 -C'était très morose, d'abord, il y avait pas de restaurant,
00:43:38 il y avait pas de possibilité
00:43:40 de relation amicale, il y avait pas de cinéma,
00:43:42 je veux dire, c'était travail,
00:43:44 travail et travail.
00:43:46 -Bon, vous acceptez, finalement.
00:43:48 -Oui, sans regret. -Sans regret.
00:43:50 Vous arrivez,
00:43:52 vous allez très vite observer
00:43:54 la vie politique et économique,
00:43:56 les portes vous sont assez ouvertes,
00:43:58 mais vous êtes extrêmement surveillé par le KGB.
00:44:00 -C'est ce qui est extraordinaire,
00:44:02 c'est qu'il y avait une espèce d'Ukraine soviétique,
00:44:04 donc avec un KGB qui vous surveillait,
00:44:06 il y avait une Ukraine démocratique
00:44:08 qui émergeait et qui s'ouvrait
00:44:10 et qui voulait, justement, qu'il y ait des témoins.
00:44:12 Et qui m'a offert
00:44:14 la possibilité d'être un témoin
00:44:16 unique de leur évolution politique.
00:44:18 Et c'était absolument extraordinaire
00:44:20 et inconcevable.
00:44:22 -On a vu une image dans le sujet
00:44:24 du président, le premier président
00:44:26 ukrainien élu au suffrage universel,
00:44:28 alors Kravchuk...
00:44:30 -Oui, Kravchuk, bravo.
00:44:32 -Je le prononce pas très bien.
00:44:34 -Il est devenu... On connaît même plus ce nom.
00:44:36 -Il n'y a pas eu d'effusion de sang,
00:44:38 c'était une élection.
00:44:40 Pour autant, est-ce que la démocratie
00:44:42 a pu s'installer
00:44:44 après l'indépendance ou pas ?
00:44:46 -Je pense qu'il y avait une forme de démocratie,
00:44:48 on croyait à un monde meilleur,
00:44:50 mais en fait, ils n'avaient pas du tout compris
00:44:52 ce qu'était un système démocratique.
00:44:54 Pour eux, ils ne comprenaient pas
00:44:56 ce qu'on voit actuellement en France,
00:44:58 c'est-à-dire le rôle d'une opposition,
00:45:00 le rôle d'une majorité, comment tout ceci progresse.
00:45:02 Eux, ils avaient franchi
00:45:04 un pas définitif, on était dans
00:45:06 le consensus.
00:45:08 Tout allait bien, il n'y avait plus de Parti communiste,
00:45:10 donc tout le monde doit être d'accord pour aller vers le bien.
00:45:12 Ils ne se rendaient pas compte qu'ils ne connaissaient pas la démocratie,
00:45:14 d'autre part, ils ne connaissaient pas.
00:45:16 Ils n'avaient pas du tout fait les réformes économiques
00:45:18 qui permettaient aux gens d'avoir
00:45:20 une autonomie financière et économique
00:45:22 qui leur permettait d'avoir une liberté de penser.
00:45:24 -Vous allez nourrir,
00:45:26 en information, le gouvernement français
00:45:28 sur la vie politique,
00:45:30 la vie économique.
00:45:32 A l'époque, la France avait plutôt
00:45:34 intérêt à garder l'union
00:45:36 avec la Russie, avec l'URSS,
00:45:38 plutôt que de comprendre
00:45:40 ce qui était en train de se jouer.
00:45:42 Ce n'était pas son intérêt, l'indépendance de l'Ukraine ?
00:45:44 -La France
00:45:46 se voyait en puissance nucléaire.
00:45:48 -C'est ça,
00:45:50 c'est la question nucléaire. -Oui, l'Union soviétique,
00:45:52 ça représentait
00:45:54 un élément d'un système bipolaire
00:45:56 dans lequel la France avait un jeu
00:45:58 intermédiaire qu'elle pouvait assumer.
00:46:00 La disparition de l'URSS
00:46:02 réduisait le rôle
00:46:04 de la France, d'une part,
00:46:06 et au contraire, accentuait celui de l'Allemagne.
00:46:08 C'est-à-dire qu'à cette époque,
00:46:10 on voit la réunification de l'Allemagne,
00:46:12 comme aujourd'hui, on va voir
00:46:14 le réarmement de l'Allemagne. -Ce qui n'était pas bon
00:46:16 pour la France, la grande Allemagne.
00:46:18 -Ce qui n'était pas nécessairement bon pour la France.
00:46:20 -Ce qui explique, peut-être,
00:46:22 les erreurs de jugement par rapport à l'histoire en acte.
00:46:24 -C'était pas des erreurs, c'était une...
00:46:26 -Une position.
00:46:28 -Voilà. -Alors, à vous lire.
00:46:30 La guerre en Ukraine ne s'arrêtera pas
00:46:32 avec la chute du régime du Kremlin.
00:46:34 Très clairement, vous dites
00:46:36 que ce n'est pas uniquement la guerre de Poutine
00:46:38 ce qui se passe dans le Donbass aujourd'hui.
00:46:40 -C'est absolument ce que je veux
00:46:42 essayer d'expliquer, parce que je crois
00:46:44 que pour arriver à un système de paix,
00:46:46 il faut comprendre l'origine de la guerre.
00:46:48 Cette guerre, comme je le soulignais,
00:46:50 et c'était écrit à l'époque,
00:46:52 je reconstitue pas l'histoire, c'est sur la base
00:46:54 de documents écrits de cette époque,
00:46:56 M. Yeltsin avait déjà menacé
00:46:58 l'Ukraine de guerre.
00:47:00 Donc M. Yeltsin, M. Poutine,
00:47:02 à l'époque, n'existait pas.
00:47:04 -Donc l'après-Poutine pourrait être encore pire.
00:47:06 -Je sais pas s'il pourra être encore pire,
00:47:08 parce qu'il y a quand même une évolution,
00:47:10 mais je veux dire, il n'est pas garanti.
00:47:12 -Est-ce que c'est notre guerre, à nous,
00:47:14 les Occidentaux, cette guerre en Ukraine ?
00:47:16 Est-ce qu'elle nous engage, nous, les démocraties européennes,
00:47:18 même si nous n'avons pas de soldats au sol ?
00:47:20 -Je pense qu'elle nous engage,
00:47:22 mais pas nécessairement comme on le voit aujourd'hui.
00:47:24 Je pense qu'elle devrait nous engager
00:47:26 pour rechercher,
00:47:28 pour proposer,
00:47:30 pour promouvoir une solution de paix.
00:47:32 Parce que je trouve qu'il est extraordinaire
00:47:34 et déprimant
00:47:36 de voir
00:47:38 des puissances comme la France,
00:47:40 comme les Etats-Unis,
00:47:42 ne pas être en mesure de mettre
00:47:44 un terme à une effusion de sang
00:47:46 en Europe.
00:47:48 -Je renvoie nos lecteurs, Ruc Perney,
00:47:50 à ce journal du premier ambassadeur
00:47:52 de France à Kiev,
00:47:54 "Aux origines de la guerre".
00:47:56 C'est fondamental pour comprendre ce qui se joue
00:47:58 aujourd'hui entre la Russie
00:48:00 et l'Ukraine.
00:48:02 C'est l'heure d'accueillir nos affranchies
00:48:04 pour leur parti pris. Ils vont vous faire réagir.
00:48:06 On les accueille tout de suite.
00:48:08 Mariette Darrigrand, pour son mot de la semaine,
00:48:10 "Démocratie", on en a beaucoup parlé
00:48:12 dans notre premier débat,
00:48:14 et Britta Sandberg du Spiegel,
00:48:16 "Le chaos des retraites vues d'Allemagne".
00:48:18 On commence avec Bourbon Express,
00:48:20 comme chaque soir. L'histoire du jour,
00:48:22 à l'Assemblée, nous est racontée ce soir
00:48:24 par Marco Pommier. Bonsoir, Marco.
00:48:26 -Bonsoir, Myriam. Mardi, je vous ai parlé
00:48:28 d'un acronyme en trois lettres,
00:48:30 CMP. Ce soir, je vous raconte l'histoire
00:48:32 d'un autre acronyme en trois lettres, RIP,
00:48:34 référendum d'initiative partagée.
00:48:36 Ces larmes brandies par la gauche
00:48:38 pour contrer la réforme des retraites.
00:48:40 La gauche qui veut
00:48:42 forcer le gouvernement à consulter
00:48:44 les Français sur ce texte si controversé.
00:48:46 Écoutez Fabien Roussel.
00:48:48 -Aujourd'hui, la suite,
00:48:50 c'est le RIP, le référendum
00:48:52 que nous allons déposer, défendre,
00:48:54 et pendant les neuf mois
00:48:56 qui vont suivre pour obtenir
00:48:58 ces 4 millions de signatures,
00:49:00 cette réforme devra être suspendue,
00:49:02 et donc nous avons encore
00:49:04 l'espoir de l'emporter,
00:49:06 de faire respecter le monde du travail
00:49:08 et de créer les conditions que cette réforme
00:49:10 ne soit jamais mise en application
00:49:12 en rendant le pouvoir au peuple.
00:49:14 -OK, la réforme, c'est bien l'objectif de Fabien Roussel,
00:49:16 sauf que selon les interprétations,
00:49:18 les choses ne sont pas aussi simples,
00:49:20 surtout si la réforme est promulguée
00:49:22 dans les prochains jours par Emmanuel Macron.
00:49:24 Quoi qu'il en soit,
00:49:26 cette proposition de loi référendaire,
00:49:28 elle a bien été déposée aujourd'hui
00:49:30 à l'Assemblée nationale.
00:49:32 -De quoi s'agit-il précisément, le RIP ?
00:49:34 -Ce RIP, Myriam, il a vu le jour en 2008,
00:49:36 sous la présidence de Nicolas Sarkozy.
00:49:38 Il s'organise en trois étapes.
00:49:40 La première consiste à réunir
00:49:42 le 5e du Parlement, soit 185 parlementaires.
00:49:44 Là, selon nos informations,
00:49:46 la proposition de loi référendaire
00:49:48 de la gauche aurait recueilli
00:49:50 252 signatures d'élus au total.
00:49:52 Deuxième étape,
00:49:54 la validation du Conseil constitutionnel.
00:49:56 Les Sages auront un mois
00:49:58 pour valider cette proposition de RIP.
00:50:00 Si c'est jugé conforme à la Constitution,
00:50:02 alors la compte à rebours est lancée.
00:50:04 C'est la troisième étape.
00:50:06 La gauche aura neuf mois et pas un mois de plus
00:50:08 pour réunir un dixième du corps électoral,
00:50:10 soit 4,8 millions de Français.
00:50:12 -Ca fait beaucoup.
00:50:14 -Ca fait beaucoup. Précision de taille.
00:50:16 Une seule véritable tentative de RIP
00:50:18 a eu lieu jusqu'à aujourd'hui.
00:50:20 Tentative qui a échoué.
00:50:22 On écoute Jérôme Guedj.
00:50:24 -Jérôme Guedj, en 2019,
00:50:26 le RIP sur la privatisation des aéroports de Paris
00:50:28 avait recueilli 1 million de soutien.
00:50:30 Là, il vous en faut des signatures
00:50:32 4,8 millions au total.
00:50:34 Est-ce que la marge n'est pas trop haute ?
00:50:36 -Puisque vous parlez du RIP sur ADP,
00:50:38 quand il y a eu 1 million de signatures,
00:50:40 le processus a été interrompu.
00:50:42 On sentait qu'il y avait des profondeurs du pays.
00:50:44 Pourtant, sur un sujet beaucoup plus étroit
00:50:46 que la question de la réforme des retraites,
00:50:48 on propose de soumettre à référendum
00:50:50 une question simple.
00:50:52 Est-ce que l'âge légal de départ à la retraite
00:50:54 ne peut pas excéder 62 ans ?
00:50:56 J'espère que le Conseil constitutionnel,
00:50:58 à la fois sur les aspects juridiques,
00:51:00 notre RIP est rédigé de manière solide,
00:51:02 comprendra que c'est salvateur
00:51:04 pour le fonctionnement démocratique
00:51:06 et on voit bien la défiance qui s'installe.
00:51:08 -Vous l'avez compris, l'objectif,
00:51:12 c'est de poursuivre le bras de fer
00:51:14 avec le gouvernement en prenant les Français
00:51:16 à témoin. Politiquement,
00:51:18 le gouvernement aura une épée
00:51:20 de Damoclès au-dessus de la tête.
00:51:22 C'est ce que nous confiait ce matin
00:51:24 la socialiste Valérie Rabault.
00:51:26 -Admettons que toutes les étapes
00:51:28 de la procédure soient franchies.
00:51:30 Il va y avoir un référendum dans cette hypothèse-là ?
00:51:32 -Non, pas tout de suite, Myriam.
00:51:34 Il y aura une toute dernière étape.
00:51:36 Il faudrait que le Parlement
00:51:38 approuve le principe de cette consultation populaire.
00:51:40 Ca semble peu probable,
00:51:42 alors que la droite détient la majorité au Sénat.
00:51:44 Très clairement,
00:51:46 cette droite sénatoriale
00:51:48 n'est pas vraiment pour la retraite à 62 ans.
00:51:50 Ca ne vous aura pas échappé.
00:51:52 -Bon, il y a encore beaucoup d'obstacles.
00:51:54 -Exactement.
00:51:56 -Britta Sonberg, journaliste allemande
00:51:58 et correspondante à Paris du Spiegel.
00:52:00 Comment nous voient-ils,
00:52:02 les autres Rhin, les Allemands ?
00:52:04 Est-ce qu'ils nous jugent
00:52:06 avec un peu de critique
00:52:08 face aux poubelles qui flambent ?
00:52:10 -Il faut dire que vous ne me rendez pas la vie facile.
00:52:12 J'ai passé des semaines à expliquer
00:52:14 pourquoi les Français ne veulent absolument pas
00:52:16 passer à l'âge de 64 ans
00:52:18 pour la retraite, mais ne veulent travailler
00:52:20 que jusqu'à 62 ans.
00:52:22 Et depuis hier, il faut que j'explique
00:52:24 ce que c'est les 49.3,
00:52:26 si c'est vraiment légal que le président
00:52:28 et la Première ministre peuvent...
00:52:30 -C'est vrai. -Enfin, ne pas passer au vote.
00:52:32 Donc, c'est pas facile.
00:52:34 Et si le pays va maintenant s'embraser,
00:52:36 c'est des questions que mes collègues
00:52:38 et les Allemands se posent.
00:52:40 -La presse allemande, comment elle regarde
00:52:42 ce chaos des retraites ? -Elle s'inquiète.
00:52:44 Elle est très inquiète. Die Welt, par exemple,
00:52:46 c'est un quotidien, écrit aujourd'hui
00:52:48 "Macron risque une crise du gouvernement
00:52:50 "et renforce ainsi le mouvement de Marine Le Pen".
00:52:52 Je cite.
00:52:54 "Il sortira certainement affaibli de cette confrontation,
00:52:56 "surtout la mise en place
00:52:58 "brutale de cette réforme,
00:53:00 "largement perçue comme injuste,
00:53:02 "aura des conséquences sur le climat politique en France."
00:53:04 Elefthema Derditscheit
00:53:06 écrit et parle aujourd'hui
00:53:08 sur son site d'une "république française
00:53:10 "bloquée".
00:53:12 "Il y a des réformes dont un gouvernement
00:53:14 "ne se relève jamais.
00:53:16 "La confiance des gens baisse,
00:53:18 "dont le président a subi un coup supplémentaire jeudi.
00:53:20 "Macron renforce ainsi l'impression
00:53:22 "qu'il n'est pas vraiment intéressé
00:53:24 "par le consensus et les compromis."
00:53:26 En Allemagne, les récents affrontements
00:53:28 en France ont jusqu'à présent été considérés
00:53:30 avec une certaine distance,
00:53:32 mais il est peut-être temps de s'inquiéter,
00:53:34 dit Derditscheit.
00:53:36 Et puis, il y a l'ARD,
00:53:38 c'est la première chaîne de la télévision allemande,
00:53:40 qui dit maintenant
00:53:42 "il n'y a que des perdants.
00:53:44 "Le gouvernement a subi les pires dommages.
00:53:46 "Malgré toutes ses promesses de dialogue
00:53:48 "et d'unification de pays,
00:53:50 "il n'a pas réussi à négocier un compromis viable."
00:53:52 -Qu'est-ce qui inquiète le plus les Allemands ?
00:53:54 -Je crois qu'à part la violence
00:53:56 dans les rues,
00:53:58 c'est vraiment l'état de la démocratie
00:54:00 en France qui les préoccupe,
00:54:02 car la démocratie implique
00:54:04 pour nous, et pas seulement pour nous,
00:54:06 d'accepter la défaite
00:54:08 et d'obtenir, parfois péniblement,
00:54:10 des compromis,
00:54:12 et apparemment, le gouvernement français
00:54:14 semble actuellement incapable de faire les deux.
00:54:16 -C'est la culture allemande
00:54:18 qui nous manque, du compromis.
00:54:20 -Nous, on a quand même un système
00:54:22 qui est basé sur le parlementarisme
00:54:24 depuis l'après-guerre, depuis des décennies.
00:54:26 En plus,
00:54:28 ce qui paraît incompréhensible,
00:54:30 ce que j'ai écrit aujourd'hui
00:54:32 dans un commentaire pour Nair Schpiegel,
00:54:34 c'est qu'aucune circonstance extérieure
00:54:36 ne poussait Macron à procéder si vite,
00:54:38 à faire cette...
00:54:40 -Vous réagirez avec Pernet.
00:54:42 -A faire cette réforme
00:54:44 en temps d'inflation, dans cet hiver d'inflation,
00:54:46 et en la guerre,
00:54:48 on écrit en parallèle,
00:54:50 que les retraites n'étaient pas si grandes
00:54:52 qu'il fallait forcément agir immédiatement.
00:54:54 J'ai posé la question
00:54:56 pourquoi le gouvernement n'a pas pris le temps
00:54:58 de négocier jusqu'à l'été, par exemple,
00:55:00 avec les syndicats, avec lesquels
00:55:02 on aurait pu concevoir ensemble
00:55:04 une réforme plus complète et plus ambitieuse
00:55:06 que celle qui est actuellement en cours.
00:55:08 Donc, ce serait un peu la voie allemande.
00:55:10 Mais car, bien sûr, une réforme des retraites
00:55:14 est urgente et nécessaire,
00:55:16 les Allemands et moi-même n'en avons pas de doute,
00:55:18 elle est aussi raisonnable.
00:55:20 Je crois que pour les Allemands,
00:55:22 il y a maintenant plusieurs questions qui se posent.
00:55:24 La première, c'est, va-t-il y avoir
00:55:26 une vraie crise politique en France,
00:55:28 suite à ce qui s'est passé,
00:55:30 avec peut-être des changements au gouvernement
00:55:32 ou un départ de la première ministre ?
00:55:34 La deuxième question,
00:55:36 c'est, à quel dégré
00:55:38 Emmanuel Macron sort vraiment affaibli
00:55:40 de cette situation ?
00:55:42 Et puis, le troisième,
00:55:44 donc un souci permanent pour les Allemands,
00:55:46 est-ce que ce qui s'est passé
00:55:48 autour du débat
00:55:50 sur la réforme des retraites,
00:55:52 Marine Le Pen et le Rassemblement national
00:55:54 en sort vraiment renforcés
00:55:56 et profitent le plus
00:55:58 de ce qui s'est passé ?
00:56:00 Donc, je crois que la semaine prochaine,
00:56:02 on aura peut-être en partie les réponses,
00:56:04 peut-être pas toutes, mais quelques-unes.
00:56:06 -Hulk Pernet ? -Je voulais dire
00:56:08 que l'endettement de la France est tel
00:56:10 que la marge de manœuvre du gouvernement
00:56:12 est très réduite.
00:56:14 -Oui, mais ils n'auraient pas été obligés...
00:56:16 Enfin, s'ils avaient négocié,
00:56:18 maintenant, j'en sais rien.
00:56:20 -Ils se sont retrouvés bloqués.
00:56:22 Ils ont été obligés de ne pas prendre de risques.
00:56:24 -Ca ne manque pas de celle
00:56:26 quand les Allemands nous disent
00:56:28 qu'il aurait fallu réformer un peu plus tard.
00:56:30 En général, on nous dit "Où sont les réformes ?"
00:56:32 -Non, la question, c'est
00:56:34 comment est-ce qu'on la prépare, la réforme ?
00:56:36 Comment est-ce qu'on l'explique ?
00:56:38 Quelle est la communication ?
00:56:40 Et comment est-ce qu'on se met d'accord
00:56:42 avec les partenaires sociaux ?
00:56:44 Est-ce qu'une meilleure préparation
00:56:46 n'aurait peut-être pas évité ce qu'on vit maintenant ?
00:56:48 C'est ça, la question,
00:56:50 en vraiment faire, en faisant
00:56:52 une vraie négociation
00:56:54 avec les syndicats
00:56:56 et d'autres partenaires sociaux.
00:56:58 -En tout cas, on n'a pas cette culture
00:57:00 ni sociale,
00:57:02 ni du compromis,
00:57:04 et pourtant, la nouvelle donne politique
00:57:06 nous l'imposait. On va continuer.
00:57:08 C'est exactement dans la même ligne droite
00:57:10 avec la démocratie.
00:57:12 C'est votre mot de la semaine, Mariette.
00:57:14 Cette démocratie au nom de laquelle
00:57:16 à la fois la colère s'exprime
00:57:18 mais aussi le 49-3.
00:57:20 -Exactement. On se trouve dans un moment
00:57:22 où ce mot, vidé pratiquement de son sens,
00:57:24 est comme un totem,
00:57:26 une sorte de signifiant sans signifier,
00:57:28 un totem qu'on brandit, un dieu idole,
00:57:30 alors que l'on part de toutes les vertus,
00:57:32 si je reprends la formule de Laurent Berger.
00:57:34 Mais ça veut dire
00:57:36 que quand il a dit
00:57:38 que c'était un vice de la démocratie,
00:57:40 il a voulu dire cela.
00:57:42 Quand un mot en arrive à ce niveau-là
00:57:44 de sacralité,
00:57:46 tout en disant pour les uns une chose
00:57:48 et pour les autres une autre,
00:57:50 et on se tape dessus en son nom...
00:57:52 -Il faut revenir au sens. Au sens premier du mot.
00:57:54 -Il faut revenir au sens premier du mot.
00:57:56 Là, on est en Grèce, tout le monde le sait,
00:57:58 à Athènes, mais c'est intéressant
00:58:00 parce que la démocratie a été rêvée,
00:58:02 elle a été beaucoup plus théorisée
00:58:04 que pratiquée, si on veut,
00:58:06 par deux ennemis, en quelque sorte,
00:58:08 ou deux contraires, l'aristocratie,
00:58:10 le kratos des aristocrates,
00:58:12 des meilleurs, et puis la plutocratie,
00:58:14 où là, c'était le pouvoir
00:58:16 de la richesse.
00:58:18 Donc elle est une sorte de troisième voix.
00:58:20 -Demos, kratos, le pouvoir du peuple.
00:58:22 -Le pouvoir du peuple. C'est comme ça
00:58:24 que l'on dit aujourd'hui, et en particulier
00:58:26 les populistes, qu'ils soient d'extrême-gauche
00:58:28 ou d'extrême-droite, ils vont très vite.
00:58:30 Ils disent que c'est le pouvoir du peuple.
00:58:32 Mais le peuple, démos, ça veut pas dire
00:58:34 "tout de suite". Ce qui veut dire "peuple"
00:58:36 en grec, c'est "ethnos", d'où notre mot "ethnie",
00:58:38 et le démos, en fait, c'est pas
00:58:40 incarné, c'est pas des gens de chair et d'os
00:58:42 comme nous, c'est le résultat
00:58:44 d'un système de gouvernance qui est fondé,
00:58:46 démos, c'est fondé sur un verbe
00:58:48 d'Aïméno, qui veut dire
00:58:50 "partager". Donc, en fait,
00:58:52 le démos, c'est le système
00:58:54 par lequel on partage les pouvoirs,
00:58:56 et par extension du sens, c'est les gens
00:58:58 qui appliquent ce système
00:59:00 et le font marcher, mais c'est pas tout de suite
00:59:02 les gens. -D'accord. Et parfois,
00:59:04 il faut reconnaître que le système se grippe.
00:59:06 -Tout système se grippe à certains moments,
00:59:08 tout système doit évoluer, tout système
00:59:10 doit être réparé quand il le faut
00:59:12 et surtout fonctionner avec des
00:59:14 nouveaux outils. Donc, si vous voulez
00:59:16 ce mot, cette origine du mot,
00:59:18 il nous oblige à renvoyer dos à dos
00:59:20 à la fois les gens qui n'ont pas donné assez de signes
00:59:22 de partage dans la prise de décision
00:59:24 et les gens qui nous disent trop abruptement
00:59:26 "c'est le peuple qui doit gouverner".
00:59:28 Donc là, il faut sortir un peu du franco-français,
00:59:30 regardez peut-être un peu en Allemagne,
00:59:32 ça, c'est toujours très bien, mais aussi
00:59:34 en Ukraine, mais aussi en Géorgie,
00:59:36 mais aussi à Taïwan.
00:59:38 Et là, c'est comme si l'actualité internationale
00:59:40 nous redonnait nos fondamentaux.
00:59:42 Et c'est eux, ces gens-là,
00:59:44 pour qui la démocratie est un avenir.
00:59:46 -On revient à l'Ukraine. -On revient à la discussion d'avant.
00:59:48 Quand la démocratie est un avenir,
00:59:50 eh bien, à ce moment-là, elle redevient
00:59:52 ce qu'elle était au départ,
00:59:54 et on voit très bien qu'elle ne peut pas s'instrumentaliser,
00:59:56 mais qu'elle doit toujours être alliée
00:59:58 avec le partage et l'hybridation.
01:00:00 Ça, c'est très important. -Merci.
01:00:02 J'ai appris plein de choses. -Moi aussi.
01:00:04 -Le même, le mot de Demos.
01:00:06 Merci beaucoup, Mariette.
01:00:08 Journal du premier ambassadeur de France à Kiev.
01:00:10 Malheureusement, je n'ai pas le temps de vous faire réagir,
01:00:12 mais on fera ça après l'émission
01:00:14 chez Flammarion. Merci à vous de nous avoir suivis.
01:00:16 C'est le week-end. Profitez bien
01:00:18 et à la semaine prochaine.
01:00:20 ...
01:00:32 *Bruit de coups de feu*

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