Yves Thréard reçoit François Soudan, journaliste et directeur de la rédaction de « Jeune Afrique ».
Enseignant au Bénin dans le cadre de son service national de coopération, François Soudan n'a depuis jamais cessé de s'intéresser à l'Afrique. Entré à la rédaction de « Jeune Afrique » dès la fin de ses études, il a pris la direction de l'hebdomadaire en 2007. De l'agilité intellectuelle d'un Paul Kagamé à l'acuité remarquable d'Idriss Deby père et de Hassan II, celui qui a interviewé tous les chefs d'États de l'Afrique se confie dans cet entretien sur les rencontres les plus marquantes de sa carrière.
Très optimiste quant à l'avenir des « 54 Afriques » François Soudan assume une ligne éditoriale engagée en faveur d'un continent inscrit dans la mondialisation. Le journaliste croit dans l'établissement d'institutions fortes par le biais d'hommes forts, à l'instar de l'action d'un Paul Kagamé au Rwanda, mais reste lucide sur la difficulté de mener de front un développement économique et démocratique.
Au cours de cet entretien, François Soudan évoque certains enjeux clivants propres au continent africain : les « troisièmistes », les conséquences du discours de La Baule prononcé par François Mitterrand en 1990, la montée d'un sentiment anti-français nourri par les russes, le lien direct entre la chute de Mouammar Kadhafi et la déstabilisation de la région du Sahel ou encore le dévoiement du panafricanisme.
Soixante ans après la vague des indépendances, l'Afrique, berceau de l'humanité, est présentée aujourd'hui comme celui de l'avenir, le continent du XXIème siècle. Pourquoi cet engouement soudain, souvent motivé par des motifs économiques ? Dans un contexte international en perpétuel mouvement, Yves Thréard s'intéresse à l'influence grandissante de l'Afrique sous tous ses aspects, en donnant à la parole à Calixthe Beyala, Oswalde Lewat, Alain Mabanckou, Boualem Sansal et Lionel Zinsou, pour des « Souvenirs et avenir d'Afrique ».
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Enseignant au Bénin dans le cadre de son service national de coopération, François Soudan n'a depuis jamais cessé de s'intéresser à l'Afrique. Entré à la rédaction de « Jeune Afrique » dès la fin de ses études, il a pris la direction de l'hebdomadaire en 2007. De l'agilité intellectuelle d'un Paul Kagamé à l'acuité remarquable d'Idriss Deby père et de Hassan II, celui qui a interviewé tous les chefs d'États de l'Afrique se confie dans cet entretien sur les rencontres les plus marquantes de sa carrière.
Très optimiste quant à l'avenir des « 54 Afriques » François Soudan assume une ligne éditoriale engagée en faveur d'un continent inscrit dans la mondialisation. Le journaliste croit dans l'établissement d'institutions fortes par le biais d'hommes forts, à l'instar de l'action d'un Paul Kagamé au Rwanda, mais reste lucide sur la difficulté de mener de front un développement économique et démocratique.
Au cours de cet entretien, François Soudan évoque certains enjeux clivants propres au continent africain : les « troisièmistes », les conséquences du discours de La Baule prononcé par François Mitterrand en 1990, la montée d'un sentiment anti-français nourri par les russes, le lien direct entre la chute de Mouammar Kadhafi et la déstabilisation de la région du Sahel ou encore le dévoiement du panafricanisme.
Soixante ans après la vague des indépendances, l'Afrique, berceau de l'humanité, est présentée aujourd'hui comme celui de l'avenir, le continent du XXIème siècle. Pourquoi cet engouement soudain, souvent motivé par des motifs économiques ? Dans un contexte international en perpétuel mouvement, Yves Thréard s'intéresse à l'influence grandissante de l'Afrique sous tous ses aspects, en donnant à la parole à Calixthe Beyala, Oswalde Lewat, Alain Mabanckou, Boualem Sansal et Lionel Zinsou, pour des « Souvenirs et avenir d'Afrique ».
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NewsTranscription
00:00 "Uncatchable", Alexandr Zhelanov
00:02 ...
00:23 -François Soudan.
00:28 Barack Obama, qui a des origines africaines,
00:30 Kenyan, plus précisément, a dit un jour,
00:33 quand il était président des Etats-Unis,
00:35 "L'Afrique, elle n'a pas besoin d'hommes forts,
00:38 "mais d'institutions solides."
00:40 Il a raison.
00:41 -Il a dit ça, c'était une tournée...
00:44 Il était au Ghana, je me souviens, à Accra,
00:46 il a fait cette fameuse phrase, qui a été reprise après.
00:49 Je pense qu'il a tort.
00:51 Parce que les deux, en général.
00:53 Pour établir des institutions fortes,
00:55 il faut des hommes forts.
00:57 Etablir des institutions démocratiques
00:59 fortes sur le papier, on a vu ce que ça a donné.
01:02 On l'a fait, après les conférences de la Bôle,
01:05 le moment des démocratisations. -Les années 90.
01:07 -Début des années 2000,
01:09 des institutions démocratiques ont été remises en place,
01:12 après l'époque des partis uniques.
01:14 Très souvent, il y a eu des restaurations autoritaires après,
01:18 parce que les hommes forts,
01:20 capables de mener et d'installer ces institutions,
01:23 je parle de la justice,
01:24 qui est quelque chose d'extrêmement important,
01:27 n'étaient pas présents, sur le terrain,
01:29 étaient eux-mêmes soumis en permanence
01:32 à des remises en cause électorales, etc.
01:34 Donc, il faut les deux. -Il faut les deux.
01:37 -Il y a deux jambes, et après, on se passera des hommes forts,
01:40 mais on n'y est pas.
01:41 Pour l'instant, on en est encore... -Aux hommes forts.
01:45 -On en est encore aux hommes forts,
01:47 et parfois, l'établissement d'institutions fortes
01:50 par ces hommes forts. -A quel endroit ?
01:52 -Je pense, par exemple, au cas du Rwanda.
01:55 -Oui. -Il me semble...
01:56 -Paul Kagame, donc, qui est le président du Rwanda,
02:00 et qui a installé des institutions solides.
02:03 -Il a installé, au niveau de...
02:05 L'Etat de droit, c'est autre chose.
02:07 Parlons du droit économique. -On le voit, là.
02:09 Paul Kagame, le président du Rwanda.
02:12 -Parlons du droit économique, du droit des affaires,
02:15 de la possibilité d'investir pour les étrangers.
02:18 Parlons, aussi, parce que ça fait partie
02:20 de l'établissement d'institutions fortes,
02:22 l'école, la formation scolaire,
02:24 parlons, aussi, de la santé.
02:26 Tout ça fait partie de ce que j'appelle
02:28 des institutions fortes.
02:30 Lui, il l'a fait, et de manière absolument claire.
02:33 C'est un homme fort. -C'est un homme fort, oui.
02:36 On parle, justement, de tout ce que vous dites,
02:38 sur la santé, l'éducation.
02:40 On dit que c'est la Suisse de l'Afrique.
02:42 C'est montré en exemple. -C'est montré en exemple
02:45 pour ses résultats économiques et sociaux.
02:48 -Avec une croissance très forte.
02:50 Vous allez à Kigali, vous verrez, c'est une autre Afrique.
02:53 C'est la ville la plus écologique du continent.
02:56 C'est sans doute l'une des deux ou trois capitales
02:59 les plus sourdes au monde.
03:00 Mais maintenant, c'est vrai que c'est un régime
03:03 qui a mis le développement économique
03:05 devant le développement démocratique.
03:07 Et ça, c'est extrêmement difficile de mener les deux de pair,
03:11 les deux de front. C'est très difficile.
03:13 Je crois que très peu de gens y sont parvenus.
03:16 Prends le cas, par exemple, de la Tunisie.
03:18 Dans le décalage de Ben Ali,
03:20 il y a eu un décalage trop fort entre le développement économique,
03:24 qui était une réussite, et le développement démocratique.
03:27 Il peut y avoir ce qui est arrivé, c'est-à-dire une révolution.
03:31 Il faut faire attention à ce que l'un ne s'éloigne pas trop
03:34 de l'autre, mais c'est vrai que les fondements de la démocratie,
03:37 c'est aussi l'éducation, c'est aussi la santé,
03:40 c'est aussi le développement humain,
03:42 c'est aussi la mortalité infantile,
03:45 c'est toutes ces choses-là. -Les changements de vie.
03:48 L'éducation, c'est absolument capital.
03:50 -François Soudan, vous qui connaissez l'Afrique,
03:53 il y a un exemple qui correspond un peu à ce que vous dites.
03:56 Evidemment, sur le développement, on pourra peut-être y revenir,
04:00 mais c'est le Sénégal, parce qu'il y a eu un pari
04:03 qui a été fait sur l'éducation.
04:04 Je crois que le tiers du budget sénégalais
04:07 est consacré à l'éducation des jeunes.
04:09 -Depuis toujours. -Depuis toujours,
04:11 depuis Senghor, qui avait mis l'accent là-dessus.
04:14 Et la démocratie, depuis 1974,
04:16 démocratie tripartite, et puis après,
04:19 démocratie qui s'est ouverte
04:20 avec, somme toute, cas à cas, des alternances à chaque fois.
04:24 Le Sénégal a marché là-dessus. -Le Sénégal a marché là-dessus.
04:27 C'est un peu la vitrine, d'ailleurs,
04:29 de la partie francophone de l'Afrique,
04:32 mise en valeur ici, en France. C'est une véritable démocratie.
04:35 Il y a un respect, en général, des droits de l'homme,
04:38 liberté d'expression, de la presse, etc.,
04:41 qu'on ne retrouve pas forcément ailleurs,
04:43 mais c'est aussi un pays qui a ses propres tensions.
04:46 On est maintenant vers des élections présidentielles
04:49 en droit. On ignore si le président Mbakissa l'a décidé ou non
04:53 de s'y représenter. Il laisse planer une ambiguïté.
04:56 Mon opinion, c'est que s'il a la possibilité d'y aller, il ira,
04:59 mais ça se passera de manière sans doute assez compliquée.
05:03 -Justement, vous mettez le doigt sur quelque chose
05:05 qui est en train de se passer en Afrique,
05:08 pas uniquement au Sénégal, et encore, on attend de voir,
05:11 parce qu'on n'en sait rien, c'est ce qu'on appelle,
05:14 dans le jargon africaniste, les "troisiémistes",
05:17 c'est-à-dire les présidents qui veulent,
05:19 eh bien, finalement,
05:21 violer ou la Constitution ou l'esprit de cette Constitution
05:26 ou leur propre parole en disant qu'ils feraient
05:29 un troisième mandat, ce qui déplaît considérablement
05:32 à la société, généralement.
05:34 On a cette tendance en Afrique,
05:36 c'est-à-dire qu'il y a un recul, finalement, de la démocratie.
05:39 -Ce qui déplaît, oui, à toute une partie de la société,
05:43 ce qui nous déplaît à nous, qui sommes des Occidentaux
05:46 et qui regardons cela,
05:47 ce qui ne déplaît pas forcément à une autre partie de la société,
05:51 c'est évident qu'un troisième mandat,
05:53 en général, vaut mieux l'éviter,
05:55 mais quelqu'un comme Gagamé ou d'autres vous expliqueront
05:59 qu'après tout, c'est à la population de décider.
06:01 Si elle veut un troisième ou un quatrième mandat,
06:04 c'est à elle de le dire, on peut suivre ce type de raisonnement
06:08 à condition que les élections soient réellement libres
06:11 et transparentes, ce qui est assez souvent peu le cas.
06:16 Mais le fétichisme du troisième mandat, à mon avis,
06:21 doit être soumis à ce genre de réflexion.
06:24 Ca n'est pas quelque chose qui est absolument obligatoire.
06:28 S'arrêter au bout du deuxième mandat,
06:31 on peut avoir envie de continuer son travail,
06:34 à condition qu'on le fasse bien, qu'on soit redevable,
06:37 et qu'on soit exploré dans les urnes
06:39 et validé par les urnes dans le cadre d'élections
06:42 qui soient transparentes. Je ne suis pas un fétichiste
06:45 en disant que deux mandats, 10 ans, ça suffit, tu dois partir.
06:48 -Souvent, ceux qui essaient de pousser le bouchon
06:51 un peu plus loin disent "c'est moi ou le chaos".
06:54 C'est un peu la phrase, d'ailleurs, que De Gaulle
06:57 avait dite à propos de l'Afrique. -Ca, c'est la dérive
07:00 de personnes qui se sentent absolument indispensables
07:03 et qui ne veulent pas partir. C'est aussi la dérive
07:06 de chefs d'Etat à durée indéterminée,
07:08 qui restent jusqu'à leur mort.
07:10 Ils ne veulent pas partir. Pourquoi ? Souvent,
07:13 parce que céder le pouvoir à quelqu'un qui a été...
07:17 Par exemple, votre dauphin, vous l'avez fabriqué,
07:20 souvent, ça se retourne contre vous.
07:22 On le voit en Mauritanie, actuellement,
07:25 avec l'ancien président qui a mis son dauphin,
07:27 qui, lui, a respecté la règle des trois mandats,
07:30 il a propulsé son dauphin.
07:32 Le problème, c'est que son dauphin,
07:34 dès qu'il arrive au pouvoir, la première chose qu'il fait,
07:37 c'est asseoir sa légitimité en s'en prenant
07:39 à celui qui l'a fait roi. -Son prédécesseur.
07:42 -Souvent, un chef d'Etat qui laisse le pouvoir,
07:45 en général, il ne supporte pas longtemps
07:47 l'indépendance de son successeur,
07:49 il veut être consulté, il veut pouvoir prendre des décisions,
07:52 il veut être quelqu'un qui est toujours dans le jeu.
07:55 Ca se passe en général très mal. On l'a vu aussi en Angola,
07:58 avec Dos Santos, qui a gouverné longtemps.
08:01 -Lorenzo, l'actuel. -Lorenzo, bon,
08:03 ça en est pris à la famille de Dos Santos,
08:05 pour des raisons... -De son prédécesseur.
08:08 -De son prédécesseur. -Il accusait de corruption.
08:11 -La famille, corruption, enrichissement, etc.
08:13 Tout ce qui n'était pas faux.
08:15 Ceux qui sont actuellement au pouvoir,
08:17 qui y sont encore, voient ça et réfléchissent plutôt à deux fois
08:21 avant de se dire "je vais nommer un dauphin
08:24 "qui me foutra la paix à moi, à ma famille, à mes enfants,
08:27 "pour ma retraite". En général, ça se passe pas comme ça.
08:30 -Le discours de la boule de François Mitterrand,
08:33 qui était un discours qui concernait l'Afrique de l'Ouest
08:36 sous "influence française",
08:39 qui appelait justement à la démocratie,
08:42 sinon, vous n'aurez pas notre aide,
08:44 ça a pas été très loin, cette expérience-là.
08:48 -Non, ça a pas été très loin.
08:50 La plupart des pays... Il y a eu des conférences nationales.
08:54 -Oui, oui, oui.
08:55 -Qui sortaient, d'ailleurs. -Au Bénin, un peu partout.
08:58 -Au Bénin, au Congo, un peu partout,
09:01 il y a eu des conférences nationales
09:03 qui, en général, se sont pas très bien passées.
09:05 Les partis uniques qu'il y avait avant
09:08 avaient, je dirais, un seul mérite,
09:10 c'était une chape de plomb qui étouffait
09:12 les tensions intercommunautaires.
09:14 Les conférences nationales ont permis à ces tensions
09:17 intercommunautaires de s'exprimer
09:20 de manière souvent conflictuelle
09:23 sous le couvert de partis qui, en général,
09:26 étaient des partis régionaux ou communautaristes.
09:29 Cette expérience-là de démocratie,
09:31 née après l'abole, a souvent sombré,
09:34 soit dans le cafard de Rome, soit dans des guerres civiles,
09:37 comme on a vu au Congo-Brasaville ou ailleurs.
09:40 -Alors, François Soudan,
09:41 vous êtes directeur de la rédaction d'un magazine
09:44 qui s'appelle "Jeune Afrique", un magazine panafricain.
09:48 Euh...
09:50 Vous êtes dans ce journal depuis fort longtemps,
09:52 1977, si vous me permettez de le rappeler.
09:55 Donc, vous avez une expérience à nul comparable
09:58 sur la couverture, comment on travaille
10:01 sur un continent où la démocratie, c'est pas simple,
10:04 où les pressions sont fortes,
10:06 aussi bien des anciennes puissances coloniales
10:09 que des partis politiques sur place.
10:11 C'est difficile d'être un journal panafricain
10:14 dans un tel contexte.
10:15 -Vous dites simplement que depuis 1977,
10:17 j'ai conscience d'appartenir à une espèce en voie de disparition.
10:21 -Vous avez une expérience... -Dans le même journal.
10:24 -C'est comparable. -Il y en a pas beaucoup
10:27 qui sont restés dans le même journal aussi longtemps.
10:29 Non, c'est... Vous savez, ce journal,
10:32 pourquoi il est établi à Paris, d'ailleurs...
10:34 -Il a été fondé par un Tunisien,
10:36 Béchir Bermed. -Un très grand journaliste.
10:39 -Vous pouvez le dire. -Un très grand patron de presse.
10:42 Il nous a quittés en 2021, en mai 2021,
10:44 à qui je dois beaucoup.
10:46 -Et qui a fondé son journal
10:48 au moment des indépendances.
10:49 -Il a fondé au moment des indépendances,
10:52 mais il a fondé... Ce journal s'est vite installé à Paris,
10:55 au début de la guerre d'Algérie.
10:57 Il était, à l'époque, à Tunis,
10:59 ensuite, il est allé à Rome,
11:01 et à la fin de la guerre d'Algérie, en 62,
11:03 il s'est installé à Paris. Pourquoi on est resté à Paris ?
11:07 Pourquoi il a décidé cela ?
11:08 Il n'y avait pas de liberté nulle part.
11:10 C'est le seul endroit à partir duquel on pouvait travailler
11:14 et dire ce que l'on voulait.
11:16 Donc, on a connu toute une période
11:19 d'interdiction, de saisie, etc., qui était...
11:21 -Quand vous vous déplaisiez, vous étiez retiré du marché.
11:25 -On était retiré du marché, on était interdit,
11:28 on ne pouvait plus rentrer, ou saisie au numéro.
11:30 On prenait tous les numéros, à la police,
11:33 les numéros de gendarmes qui débarquaient,
11:35 ils mettaient le feu, ils faisaient ce qu'ils voulaient.
11:38 On a connu des périodes d'interdiction très dures,
11:41 même au Maroc, même en Algérie,
11:43 l'Algérie, ça a duré très longtemps,
11:45 dans des pays très dictatoriaux,
11:47 comme la Guinée de Secoutauraye, par exemple,
11:50 le Zahir de Mouboutou...
11:51 -Vous disiez, vous essayiez de faire votre métier,
11:55 ça déplaisait. -Et ça déplaisait.
11:56 -C'est encore le cas aujourd'hui. -C'était le chef de l'Etat
12:00 qui décidait de nous saisir ou de nous interdire.
12:03 C'est encore le cas, un peu moins, le développement du numérique,
12:06 on ne peut plus faire grand-chose, donc la censure est moins forte,
12:10 mais c'est vrai que là, on a de grosses difficultés
12:13 pour travailler au Mali, par exemple, très difficile.
12:16 -Il y a eu plusieurs coups d'Etat, il n'y a pas très longtemps.
12:20 -Il y a une jeune militaire au pouvoir,
12:22 très antifrançaise, bien que nous ne soyons pas
12:24 un journal français, nous sommes un journal en français,
12:28 édité à partir de Paris, donc nous mêlent à tout ça,
12:31 nos envoyés spéciaux sont systématiquement expulsés,
12:34 c'est compliqué dans un pays comme ça.
12:36 -Vous souffrez de ce sentiment antifrançais
12:38 qui, aujourd'hui, s'installe un peu partout en Afrique francophone,
12:42 alors qu'il y a des causes très différentes,
12:45 d'après vous, ces causes ne sont pas uniquement,
12:48 contrairement à ce qu'on dit, dues à la difficulté
12:51 de l'armée française à faire le ménage au Sahel,
12:54 il y a d'autres causes. -Non, les causes préexistées.
12:57 Les causes préexistées, ça a démarré avec le franc CFA,
13:00 c'est pour nous, etc. -La monnaie commune, etc.
13:02 -Voilà, la France a payé, il faut le reconnaître,
13:05 la manière dont elle a décolonisé, on ne parle pas
13:08 de sentiment anti-britannique. -Oui, c'est vrai.
13:11 -L'Afrique de l'Est a colonisé la moitié du continent,
13:14 pas de sentiment anti-portugais non plus,
13:16 en Angola ou en Mozambique. -Alors pourquoi ?
13:19 -Pourquoi ? Parce qu'on a fait un sentiment anti-français,
13:22 sans doute parce qu'on a mal réussi à s'éloigner
13:25 au moment où il le fallait, sans doute parce qu'on a fait preuve
13:28 de trop d'ingérence et trop d'arrogance.
13:31 Ingérence, arrogance, ça a été le cas pour la France
13:34 dans toute la période qu'on a appelée la période
13:37 de la France-Afrique qui n'existe plus.
13:39 -Elle n'existe plus ? -Non, je ne pense pas.
13:42 On est vraiment au bout de la queue de comète,
13:44 mais il n'y a plus cette France-Afrique,
13:47 telle qu'on a connue, telle que l'a définie,
13:49 ou Fouad lui-même, Fouad Bouhanni, à l'époque.
13:52 -C'est un mot qui vient de... -C'était l'époque de Gaulle,
13:55 Pompidou, Giscard, Foucard, évidemment, Jacques Foucard...
13:59 -Qui était la colonne vertébrale du système.
14:01 -Qui était la colonne vertébrale, monsieur Fouad Bouhanni.
14:04 Ca a continué ensuite un peu sous Jacques Chirac,
14:07 il a déjà commencé à avoir un éloignement,
14:10 et puis sous Sarkozy, Hollande et maintenant Macron,
14:13 on s'en est, je pense, très nettement éloignés,
14:16 mais ce ressentiment existe toujours
14:18 parce qu'on a mal liquidé cette période des indépendances.
14:21 On l'a mal expliqué. Il fallait partir plus vite.
14:24 D'abord, le système de colonisation français
14:27 par rapport à l'anglais était direct.
14:29 Les anglais, c'était indirect.
14:31 On se servait des chefferies locales
14:33 qui gouvernaient à la place du colonisateur.
14:36 -On contestait pas le pouvoir local.
14:38 -Nous, c'est direct.
14:39 Voilà, nos ancêtres, les Gaulois, dans les écoles.
14:42 C'était vraiment un sentiment... -Colonisation civilisatrice.
14:46 -Colonisation, etc.
14:47 Donc tout ça revient ensuite.
14:49 Et tout ce passé qui n'a pas été expliqué,
14:53 qui a mal été digéré,
14:55 c'est tout cela qui revient comme des remugles.
14:58 C'est pas ça qui explique la mobilisation
15:00 dans la rue antifrançaise, non.
15:02 Parce qu'il y a eu le Mali, il y a eu l'opération Serval,
15:05 qui a été une réussite au début,
15:07 et ensuite, je dirais pas un échec,
15:09 mais en tout cas, on tournait en rond.
15:11 L'opération Barkhane finissait par tourner en rond.
15:14 Après, la propagande russe est arrivée.
15:17 C'est cette propagande-là qui a donné, je dirais,
15:20 un axe assez précis à ce sentiment antifrançais,
15:23 qui l'a alimenté de manière assez inquiétante
15:26 pour les Français.
15:28 -Elle est en péril, je dirais, l'influence française,
15:31 à votre avis ? -Dans une certaine mesure, oui.
15:33 Il faut vraiment que la France arrive à repenser
15:36 ses relations avec l'Afrique de manière plus professionnelle,
15:40 de manière beaucoup moins sentimentale.
15:42 Il faut être professionnel.
15:44 Il faut enlever tout cet aspect affectif
15:48 dans les relations.
15:49 Les Africains ne veulent plus de cet aspect affectif.
15:53 Ils n'en veulent plus.
15:54 Il faut qu'Emmanuel Macron fasse très attention.
15:57 Il ne peut pas s'empêcher de mettre cet affect, parfois,
16:00 sur la table. Il ne peut pas s'empêcher...
16:03 Quand il était à Ouagadougou... -Il l'a fait.
16:05 C'est le discours de 2017. Il était au pouvoir depuis peu de temps.
16:09 Il va à Ouagadougou, à l'hôpital du Burkina Faso.
16:12 -Ce qui gâche tout, c'est la phrase qu'il fait
16:15 au président Caboret en disant qu'il allait rallumer la clim.
16:18 -Il y a un discours. Le président Caboret,
16:21 qui est le président à l'époque du Burkina,
16:23 se lève parce qu'un propos de Macron
16:26 lui déplait un peu.
16:28 Macron lance ça en disant qu'il est parti
16:31 allumer la climatisation, ce qui est quand même...
16:34 Il s'exprime devant ses étudiants, en plus, à l'époque.
16:37 Il promet monts et merveilles. -Il promet monts et merveilles,
16:40 il promet énormément de choses, aussi sur les visas, etc.
16:43 Il promet beaucoup de choses qui n'ont pas été suivies des faits.
16:47 On a essayé de rattraper le coup avec le sommet de Montpellier,
16:50 qui s'est passé en France. -C'était avec la société civile.
16:54 -Uniquement avec la société civile.
16:56 Le problème, c'est que c'est avec une élite
17:00 dirigée par des gens très bien,
17:02 cornequins par des gens très bien,
17:05 comme Achille Bembé, comme Saloum Abachiniaï,
17:07 comme Felwin Sar, etc.
17:09 Ce sont des personnes... -Des intellectuels.
17:11 -Des intellectuels que l'on met en valeur,
17:14 mais qui sont des gens écoutés par une infime fraction
17:17 de la population.
17:18 Alors que les Russes, si je puis dire,
17:21 ou le sentiment anti-français, utilisé par les Russes,
17:24 met en première ligne des influenceurs
17:27 qui, eux, tapent en dessous de la ceinture.
17:29 Ils parlent directement. -Ils passent par les réseaux sociaux.
17:33 -Ils passent par les réseaux sociaux.
17:35 Il y a beaucoup d'insultes, des fake news.
17:37 Ca fait appel à un certain nombre de sentiments xénophobes, etc.
17:41 Ca fonctionne, je dirais, beaucoup mieux,
17:43 et ça mobilise des centaines de milliers de personnes.
17:46 Face à cela, la France fait quoi ?
17:48 Elle essaie de contre-attaquer aux réseaux sociaux,
17:51 car on a un problème.
17:52 On ne peut pas utiliser les mêmes armes.
17:55 Les Français ne peuvent pas.
17:56 La désinformation, les fake news, c'est pas possible.
17:59 C'est une guerre asymétrique. -D'accord.
18:02 -Les Russes, qui ont fait de l'Afrique un second front,
18:05 après celui de l'Ukraine,
18:07 il suffit de voir... -Le vote a venu.
18:09 -Il est tourné de M. Lavrov.
18:11 Les déclarations qu'il fait à Bamako,
18:13 il propose l'aide sécuritaire de la Russie,
18:15 non seulement au Mali, où elle existe déjà,
18:18 en Centrafrique, mais aussi au Burkina Faso,
18:21 à la Guinée, à tous les pays menacés.
18:23 "Nous, on est prêts, on est prêts à vous aider."
18:26 Difficile pour la France. -C'est une concurrence.
18:28 -C'est une période compliquée.
18:30 -Vous avez interviewé quasiment toute la planète,
18:33 les chefs d'Etat, de gouvernement africain,
18:37 de l'Afrique.
18:39 Quels sont ceux qui vous ont le plus impressionné ou marqué ?
18:43 Ce qui n'est pas tout à fait la même chose.
18:46 -C'est une bonne question.
18:48 Au niveau de l'agilité intellectuelle
18:51 et de la très grande difficulté à le faire parler,
18:54 à le contredire, c'est Paul Kagame, incontestablement.
18:58 -Le président rwandais. -J'ai même fait
19:00 un livre interview avec lui.
19:02 Il est à la fois très intéressant et très difficile à piéger.
19:06 C'est un personnage...
19:08 Une agilité intellectuelle assez remarquable
19:10 et assez redoutable.
19:12 J'avais de bonnes interviews avec Idriss Ndeyebi Perre,
19:16 celui qui est mort au combat,
19:20 et son fils, qui a su excéder.
19:22 -Oui.
19:23 -Assane II, du Maroc.
19:27 -Assane II, oui.
19:28 C'est un personnage... -Grande intelligence.
19:31 -Très grande culture. -Très grande connaissance
19:33 de la France.
19:35 Un personnage d'une acuité absolument remarquable.
19:38 J'ai interviewé une fois,
19:40 et j'avoue que j'en suis pas sorti indemne,
19:43 parce que c'est un personnage qui connaît
19:46 la culture française d'une manière extrêmement intime.
19:49 Et puis, il y en a beaucoup d'autres.
19:52 Je vais pas non plus faire d'eux.
19:54 -Il y en a un dont je voudrais vous parler,
19:56 c'est Kadhafi.
19:57 Sa chute a quand même pas mal chamboulé
20:00 l'équilibre, les équilibres intérieurs à l'Afrique.
20:04 -Oui, énormément.
20:06 En tout cas, sa chute, le fait qu'il y ait pas eu
20:09 de service après-vente, ensuite,
20:11 pas de remplaçants...
20:12 Les oxytocines sont retirées,
20:14 personne n'a géré l'après. -C'est une faute.
20:17 -C'est une faute très grave.
20:19 Une faute très grave qui est directement à l'origine
20:22 de l'instabilité au Sahel.
20:24 C'était une armurier assez louverte, la Libye,
20:26 après la chute de Kadhafi.
20:28 Avec des centaines de milliers d'armes.
20:30 Toutes ces armes ont pris, beaucoup,
20:33 les directions du Sud.
20:34 Les stocks de Kadhafi...
20:36 Kadhafi a acheté des armes par millions de tonnes.
20:40 Il a fait ça pendant 30 ans.
20:42 Donc, c'était...
20:43 Il avait des arsenaux énormes qui ont tous été piés
20:46 et qui ont tous servi, ensuite,
20:48 aux terroristes, aux djihadistes,
20:50 aux narcotrafiquants, à tout le monde.
20:53 Tous les gens qui se baladent,
20:55 tous ces groupes à travers le Sahel,
20:57 du Mali jusqu'à la Somalie,
20:59 l'armement, pour beaucoup, vient des stocks libyens,
21:03 qui ont été pillés intégralement à cette époque.
21:06 -On dit beaucoup que la chute de Kadhafi
21:09 a provoqué une espèce de "no man's land"
21:11 qui s'appelle la Libye, car elle n'a jamais été un Etat.
21:14 C'était un territoire tenu par un homme,
21:18 mais qui n'avait aucune... -Définie par ses frontières.
21:21 -Et ça, ça a complètement bouleversé,
21:23 je dirais, et mis gravement en péril, d'ailleurs,
21:27 d'une certaine façon, les intérêts français aussi.
21:29 C'est la France qui a provoqué, avec les Britanniques,
21:32 la chute de Kadhafi, mais finalement,
21:35 les intérêts français, au-delà du Sahel,
21:37 ont été affectés par ça. -Oui, oui.
21:39 Non, tout à fait.
21:40 Kadhafi est un personnage...
21:42 On ne s'est pas rendu compte à quel point son pouvoir reposait
21:46 sur un pouvoir de tribu. -C'est ça.
21:48 -C'était un Etat tribal, avec des alliances entre tribus,
21:51 en général, avec un fioul qui était l'argent entre eux,
21:54 et on s'est rendu compte à quel point c'était comme ça.
21:57 On connaît la poétique française vis-à-vis de Kadhafi.
22:01 -Bien sûr. -On lui a vendu des armes,
22:03 on l'a reçue ici.
22:04 -Vous avez un nom qui est trompeur,
22:06 vous vous appelez François Soudan, le nom des Etats de l'Afrique.
22:10 Il y en a deux, d'ailleurs, Soudan, le Soudan du Sud aussi,
22:13 mais vous êtes français. Pourquoi cet attachement à l'Afrique ?
22:16 -Le nom est d'origine belge.
22:18 -D'accord. -Valony.
22:20 -Valony. -Moi, je suis français, mais...
22:22 -Vous êtes du Nord. -Du Nord, tout à fait.
22:24 -Vous êtes de la France. Pourquoi cet attachement à l'Afrique ?
22:28 -C'est un peu un hasard. J'ai fait mon service militaire,
22:31 à l'époque, ce qu'on appelait la coopération.
22:33 Vous avez connu ça. -La coopération militaire.
22:36 -Je crois qu'on connaît ça.
22:38 C'est la coopération tout court. -Oui.
22:40 -J'étais enseignant. -Voilà.
22:42 -J'étais enseignant, et donc, j'ai été enseignant
22:44 dans ce qui s'appelait, à la fin, le Daome.
22:47 -D'accord. -C'est le Bénin.
22:49 C'est à ce moment-là qu'est venu mon intérêt pour le continent,
22:52 et j'ai continué, ensuite, à suivre, assidûment,
22:55 quand j'étais à l'école Jean-Luis de Lille,
22:58 à Sciences Po, j'ai continué à travailler sur l'Afrique.
23:01 Et puis, à la fin, j'ai postulé à différents emplois.
23:04 Le premier à répondre a été Béchir Médiamènes.
23:07 Je suis arrivé à Genève, et c'est comme ça. C'est très simple.
23:10 -Et vous n'avez jamais quitté.
23:12 Du coup, cet amour de l'Afrique,
23:14 parce que j'imagine qu'il y a un amour derrière ça,
23:17 c'est pas uniquement politique, c'est aussi culturel...
23:21 -Oui, c'est culturel aussi.
23:25 Mon épouse est africaine. -D'accord.
23:28 -Elle est congolaise. -Oui.
23:29 -Elle est ministre dans le gouvernement
23:32 de Denis Sassou Nguesso. -Ca vous attire pas ?
23:34 -Elle est ministre de l'environnement,
23:36 ce qui signifie que, à jeune Afrique, j'ai décidé...
23:39 -Vous ne pouvez plus écrire sur le Congo au Bras-à-Ville.
23:43 -D'accord.
23:44 Donc, l'attachement est culturel,
23:46 puisque mes enfants ont la double nationalité.
23:48 -OK. Vous avez un livre
23:50 de littérature africaine
23:51 que vous appréciez tout particulièrement ?
23:54 -Les livres d'Oukourouma, d'Amadou Kourouma.
23:56 -Oukourouma, OK. Là, on n'est pas obligé ?
23:59 -En attendant le vote des bêtes sauvages.
24:01 -D'accord, OK. -Il y a vraiment
24:03 un écrivain, un écrivain iboirien.
24:05 -Un écrivain iboirien. -Malheureusement,
24:07 il est mort aujourd'hui. -Il est décédé.
24:10 Je pense que c'est un des meilleurs livres.
24:12 Le personnage qu'il décrit, le chef d'Etat,
24:15 c'est Eyadéma, l'ancien président du Togo.
24:17 -L'ancien président du Togo, oui.
24:19 -Un des archétypes de la France intrusque,
24:22 mais aussi un personnage truculent.
24:24 J'ai bien connu Eyadéma et son pays à l'époque.
24:26 J'ai retrouvé chez Kourouma, mais écrit de manière sublime.
24:30 -Une musique que vous aimez, sur le continent ?
24:33 -Indépendance Tcha-Tcha. Je crois que ça a été...
24:36 -Indépendance Tcha-Tcha. -Oui.
24:38 Chaque fois que j'entends ça,
24:40 je me retrouve replongé,
24:44 parce que je n'ai pas connu cette époque,
24:46 dans les années 60. C'est le rêve de l'indépendance.
24:49 Celle de la création de l'EUA.
24:51 -L'Union africaine. -Kourouma, de Lumumba.
24:54 -Les gens qui étaient pour le panafricanisme.
24:57 -Le panafricanisme et tout ce qu'il y avait d'humaniste,
25:01 derrière. C'était pas un panafricanisme agressif
25:04 vis-à-vis de l'Occident, comme on a actuellement.
25:07 -C'est quoi, le panafricanisme ?
25:09 -Le panafricanisme, c'est une... -De cette époque.
25:12 -C'est une idée qui vient, d'ailleurs,
25:14 pour beaucoup de Marcus Garvey, des Américains,
25:17 des Noirs américains de l'époque,
25:19 qui préconisaient le retour au continent,
25:21 le retour à la Cine, etc.
25:23 Une Afrique unie, sans frontières,
25:25 puisque les frontières, comme chacun le sait,
25:27 étaient définies à la Conférence de Berlin par le colonisateur.
25:31 -En 1885. -En 1885.
25:32 C'est une Afrique unie, qui ne forme qu'un seul pays.
25:35 On a eu le même rêve avec l'Europe.
25:37 -C'est ça. Mais ce panafricanisme,
25:39 ça veut pas dire la même chose,
25:41 parce que c'est un argument qui est servi.
25:43 -C'est maintenant un argument de combat intellectuel,
25:47 culturel, de revendication souverainiste,
25:50 qui est... -Anti-européen aussi.
25:53 Anti-occidental.
25:54 -Parfois dévoyé de manière anti-occidentale.
25:57 -Ca vous fait peur ? -C'est anti-occidental,
26:00 anti-ONU, etc.
26:02 Je pense que c'est une très mauvaise voie d'orientation,
26:06 c'est une voie de repli sur soi, du continent.
26:09 On est en mondialisation, personne n'y échappe,
26:13 il y a des choses négatives, il faut se battre,
26:16 il faut se battre pour que l'Afrique soit ancrée
26:18 dans la mondialisation.
26:20 Notre combage en Afrique, c'était pour les indépendances,
26:23 l'économisation, le deuxième combat,
26:25 c'était pour la fin des partis uniques,
26:28 le troisième, l'indépendance économique,
26:30 le quatrième combat qu'on a,
26:32 c'est pour ancrer l'Afrique dans la mondialisation,
26:35 qu'elle soit prise en compte.
26:37 Le panafricanisme de combat va à l'encontre de ça.
26:39 -Vous êtes optimiste, néanmoins ?
26:41 -Oui, bien sûr.
26:43 Il y a une forme de résilience extraordinaire en Afrique,
26:46 une forme de créativité, et puis, il n'y a pas que l'Afrique...
26:50 La carte de la crise de l'Afrique est trompeuse,
26:53 il y a toute une partie de l'Afrique,
26:55 il y a beaucoup d'Afrique, avec un S,
26:57 parce qu'il y a 54 Afriques. -Evidemment.
27:00 -Merci, François Soudan. -Merci, Yves.
27:02 SOUS-TITRAGE : RED BEE MEDIA
27:05 ...