Elise Lucet célèbre les 10 ans de « Cash investigation » : » Aller embêter un patron devant chez lui, c’est hors de question »

  • l’année dernière
La journaliste de France 2 présente un numéro spécial demain soir pour l’anniversaire de son magazine d’enquête



Comme pour les 59 numéros précédents, il a fallu un an aux équipes de Cash Investigation pour fabriquer l’émission que France 2 diffusera ce jeudi 16 mars à 21h10. Voilà pourquoi le 10e anniversaire du magazine est fêté…avec un an de retard ! Cash est né en avril 2012, avec pour objectif d’être le poil à gratter du monde des affaires et de l’entreprise. Quitte à pourchasser les patrons ou les politiques qui refusent de répondre aux questions d’Elise Lucet.

Pour les 10 ans de Cash investigation, les téléspectateurs ont majoritairement cité l’enquête sur la souffrance au travail comme la plus marquante. C’est d’ailleurs celle qui avait réalisé la plus forte audience. Les journalistes de Cash ont donc poursuivi leurs investigations, notamment chez Lidl, pour voir si les choses avaient changé.
Elise Lucet est l’invitée médias de Célyne Baÿt-Darcourt

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Transcription
00:00 Bonjour Céline Bidart-Cotter, votre invité média célèbre ce soir les 10 ans de son
00:04 magazine Cache Investigation et une émission spéciale est programmée sur France 2.
00:08 Bonjour Élise Lusset.
00:09 Bonjour Céline, bonjour à tous.
00:10 Alors, ça commence par un petit mensonge Élise, parce que ça fait 11 ans que cette
00:15 émission a eu le jour, en avril 2012.
00:17 Même fêter un anniversaire, ça vous prend du temps à Cache.
00:20 Vous aimez le long cours.
00:22 Voilà, chaque enquête nous prend un an, donc on a pris un an à peaufiner ce numéro
00:25 d'anniversaire.
00:26 Voilà pourquoi on a un an de retard.
00:27 Plus sérieusement, ce 60e numéro est particulier puisque vous revenez sur des enquêtes précédentes
00:33 et vous exercez une sorte de droite suite.
00:34 Vous avez demandé aux téléspectateurs l'enquête qui les a le plus marquées.
00:38 Alors c'est laquelle ?
00:39 En fait, c'était l'enquête sur la souffrance au travail qui était consacrée notamment
00:43 à Lidl.
00:44 C'est l'enquête qui a fait le plus d'audience dans les émissions de Cache.
00:48 C'est symptomatique de ce que ça raconte aujourd'hui sur le rapport au travail.
00:52 Et on est reparti en enquête justement avec les équipes de Cache sur les méthodes de
00:57 management de Lidl pour savoir si les choses avaient bougé, si ça avait changé.
01:01 Et alors ?
01:02 On leur fait crédit au départ nous, au groupe Lidl, parce qu'effectivement après l'émission,
01:05 ils avaient mis en place une charte et on a voulu voir concrètement.
01:09 Et quand on s'est rendu en Bretagne, on s'est rendu compte en fait qu'il y avait à nouveau
01:13 des problèmes de management assez aigus puisque pour le coup, le groupe Lidl a été condamné
01:19 pour faute inexcusable pour deux suicides et deux tentatives de suicide globalement,
01:24 pas en Bretagne uniquement.
01:25 Mais en Bretagne, il y a une dame qui s'appelle Catherine Lucas qui s'est suicidée et il
01:29 y a plusieurs dizaines de personnes qui ont porté plainte contre le groupe Lidl.
01:33 Donc malheureusement, on voit que les problèmes de management perdurent chez Lidl et que ça
01:38 arrive parfois à des situations absolument dramatiques.
01:41 Malgré votre enquête, vous n'arrivez pas à faire bouger les lignes ?
01:43 Mais écoutez, nous on est assez modeste là-dessus.
01:46 On fait notre boulot de journaliste et on essaie de le faire le mieux possible.
01:49 C'est ce que nous demandent les téléspectateurs et c'est ce qu'on fait, enfin ce qu'on
01:52 essaie de faire avec toute l'équipe de cache, Emmanuel Gagné, Sophie Le Gall, mes
01:55 deux red-chefs.
01:56 Mais après, c'est aux citoyens, aux syndicats de s'emparer de tout ça et d'en faire
02:01 quelque chose.
02:02 Et c'est là où je dis qu'on est modeste, on sait exactement où on est.
02:05 Parfois, les enquêtes de cache font bouger les choses, mais parce que les citoyens s'en
02:09 sont emparés en fait.
02:10 C'est à eux vraiment de s'emparer des infos de la vérité qu'on réussit à faire
02:15 émerger et ensuite de pousser pour faire bouger les choses.
02:18 Vous êtes des lanceurs d'alerte ?
02:19 Ah non, on est journaliste pour le coup, on travaille avec des lanceurs d'alerte.
02:23 On peut être les deux.
02:24 Oui, enfin nous on est dans le positionnement de journaliste, on travaille avec des lanceurs
02:27 d'alerte, avec des sources et c'est eux qui nous permettent d'approcher des vérités
02:31 cachées dans des entreprises, dans des syndicats, dans des lobbies, chez des politiques.
02:35 C'est des gens qui sont extrêmement courageux.
02:37 Moi souvent, on m'arrête dans la rue en me disant « Madame Lucet, vous êtes courageuse
02:40 ». Franchement, par rapport à un lanceur d'alerte qui risque son boulot, sa vie, parfois
02:45 sa famille, je suis beaucoup moins courageuse qu'eux et je leur tire mon chapeau parce
02:50 que c'est souvent grâce à eux qu'on réussit à faire des émissions d'enfer.
02:53 Est-ce que « Cache Investigation » est une émission anti-patron, anti-capitalisme,
02:57 anti-libéralisme ? C'est le reproche qu'on vous fait souvent ?
03:00 Oui, oui, oui, je sais.
03:01 Non, non, non, pas du tout.
03:02 On s'est intéressé dès le départ au monde merveilleux des affaires.
03:05 Donc effectivement, on s'intéresse au monde merveilleux des affaires et on essaie de
03:10 passer de l'autre côté du rideau et de voir ce qui se passe.
03:12 Et ce qui se passe en marge des bonnes opérations de communication, bien huilées, qu'on
03:18 essaie d'envoyer aux téléspectateurs et aux citoyens.
03:21 Et de voir s'il n'y a pas des dérives, s'il n'y a pas des choses derrière.
03:24 Donc on n'est pas anti-patron.
03:26 Il y a des entreprises où ça se passe très bien, il n'y a aucun souci.
03:29 Et on en parle parfois d'ailleurs en disant « mais oui, oui ».
03:32 Et pour vous donner un ordre d'idée Céline, très régulièrement dans « Cache »,
03:36 au départ d'une enquête, on est sur 10 pistes différentes, on va en laisser tomber
03:40 7 parce qu'effectivement, on pensait qu'il y avait quelque chose à trouver et il n'y a pas.
03:44 Après, un journaliste d'investigation, oui, il va chercher ce qui ne marche pas.
03:48 Il va chercher des dérives.
03:50 C'est même typiquement là où on attend les journalistes d'investigation.
03:54 On ne fait pas du mainstream, on ne fait pas de l'eau tiède.
03:56 Quand on a créé « Cache » au départ, on ne voulait pas faire une émission tiède,
04:00 on voulait faire une émission abrasive.
04:02 Donc elle ne plaît pas à tout le monde.
04:04 Mais ce n'est pas grave, ce n'est pas fait pour ça.
04:06 Est-ce qu'il y a des limites à l'enquête, Élise Lusset ?
04:08 Je vous pose cette question parce qu'on voit Éric Dupond-Moretti dans l'émission de ce soir
04:12 qui vous accuse d'être trage, qui dit que le journalisme d'investigation ne justifie pas tout.
04:15 Il évoque par exemple l'utilisation de caméras cachées.
04:18 N'a-t-il pas un peu raison ? Vous ne pensez pas être hors cadre parfois ?
04:21 Non, franchement, l'utilisation de caméras cachées, on y fait très attention.
04:25 Ce n'est pas le rêve d'un journaliste de faire de la caméra cachée.
04:28 On préférerait rentrer dans des entreprises et filmer tranquillement.
04:32 De vous à moi, vous le savez certainement, et nos téléspectateurs aussi,
04:35 quand on va filmer dans une entreprise, on est souvent encadré par deux ou trois personnes du service de communication.
04:41 On nous emmène dans l'usine modèle et on nous dit « vous pouvez filmer ci, ça, ça ».
04:45 Même les salariés qui nous répondent, ils sont choisis.
04:47 Donc vous voyez bien que là, on n'approche pas la réalité et la vérité que cherche un journaliste d'investigation.
04:52 Donc on est parfois contraint à utiliser des caméras cachées pour approcher la vérité au plus près.
04:58 Et quant aux critiques de « on est trash », ce que dit Éric Dupond-Moretti,
05:03 je ne pense pas du tout qu'on soit trash parce qu'on reste vraiment dans des couloirs qui sont très clairs.
05:08 On interviewe les gens que dans le cadre de leur exercice professionnel, on est très clair.
05:13 On n'est jamais allé embêter un patron devant chez lui par exemple, c'est hors de question.
05:16 Non mais vous entrez pendant des réunions dans des cocktails ?
05:19 Oui, public, public, dans des choses publiques.
05:22 Vraiment, à chaque fois, ce sont des réunions publiques.
05:24 Et ce sont des réunions où effectivement, l'interview qu'on mène a un sens
05:29 par rapport à la réunion qui est en train de se dérouler et à l'interlocuteur qu'on va interviewer.
05:34 Et si on en est arrivé là, c'est tout simplement parce que beaucoup de services de communication,
05:38 au fur et à mesure, nous ont dit « ah ben non, vous ne pouvez pas interviewer Madame Machin,
05:42 vous ne pouvez pas interviewer Monsieur Truc ».
05:43 Et c'était eux qui décidaient à un moment…
05:45 Mais on a le droit de ne pas avoir envie de vous répondre ?
05:47 Oui, on a le droit de ne pas avoir envie de nous répondre,
05:49 mais nous, on a le droit de chercher des réponses à nos questions.
05:52 Chacun dans son rôle. Donc nous, on est journaliste d'investigation payée,
05:55 pas actuellement mais anciennement par la redevance.
05:58 On est un peu les représentants des téléspectateurs.
06:01 On va chercher des réponses et on va les chercher jusqu'au bout.
06:04 On mouille la chemise, bien sûr, on y va.
06:07 Et c'est aussi pour ça, je pense, que les téléspectateurs nous saluent.
06:10 Certains nous critiquent, d'autres nous saluent en nous disant
06:13 « vous ne vous limitez pas justement au bon discours de communication,
06:16 bien gentil et qui est affiché ».
06:18 Alors à propos de discours de communication,
06:19 vous avez découvert que l'agence Savas proposait des séances de médiatraining,
06:22 des formations pour répondre à vos questions.
06:24 Alors pas seulement aux vôtres, Élise Lucet,
06:26 mais aux journalistes d'investigation.
06:29 C'est flatteur.
06:30 Oui, c'est flatteur.
06:32 C'est savoureux, on va dire, de voir que finalement les agences de com...
06:38 Parce qu'au départ, quand on a créé TechCash, c'était ça.
06:40 Moi, je me souviens avoir appelé Laurent Richard et Jean-Pierre Canet
06:43 en leur disant « c'est plus possible ».
06:45 Les services de communication ont pris trop de place.
06:47 Il faut qu'on regagne, nous, journalistes du territoire.
06:50 Et de voir qu'aujourd'hui, une grande agence de communication comme Avas
06:54 gagne de l'argent, parce que de fait, il gagne de l'argent en proposant des formations.
06:57 Ils disent qu'elles ne coûtent pas très chères.
06:59 500 euros par heure, je ne sais pas ce qu'ils font.
07:01 Mais ça peut aller beaucoup plus loin, vous dites votre interlocuteur.
07:03 500 euros de l'heure, moi je trouve que c'est cher.
07:06 C'est peut-être pas cher pour eux, mais moi je trouve ça très très cher.
07:09 Et donc, voilà, ce qui est savoureux dans l'émission,
07:13 c'est que moi, j'interviewe la personne qui prépare les gens à répondre à mes questions.
07:17 Donc c'est drôle.
07:17 Qui joue votre rôle pendant les formations.
07:19 Oui, absolument.
07:20 On aurait dit une chaircaouille.
07:21 C'est la consécration, en tout cas, pour Cash Investigation.
07:23 Merci beaucoup d'être venu et bon anniversaire à Cash.
07:25 Merci à vous.
07:26 Et les 10 ans de Cash Investigation, c'est ce soir 21h10 sur France 2.

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