Ça vous regarde - Femmes de pouvoir : des hommes comme les autres ?

  • l’année dernière
Ça vous regarde, votre rendez-vous quotidien qui prend le pouls de la société : un débat, animé par Myriam Encaoua, en prise directe avec l'actualité politique, parlementaire, sociale ou économique.
Un carrefour d'opinions où ministres, députés, élus locaux, experts et personnalités de la société civile font entendre leur voix.

Abonnez-vous à la chaîne YouTube LCP - Assemblée nationale : https://bit.ly/2XGSAH5

Suivez-nous sur les réseaux !

Twitter : https://twitter.com/lcp
Facebook : https://fr-fr.facebook.com/LCP
Instagram : https://www.instagram.com/lcp_an/

Retrouvez nous sur notre site : https://www.lcp.fr/

#LCP #assembleenationale #CaVousRegarde

Category

🗞
News
Transcript
00:00:00 *Musique*
00:00:05 Bonsoir et bienvenue dans Savourgarde, émission spéciale 8 mars ce soir avec Laëlle Brun-Pivet.
00:00:11 Bonsoir et merci d'être notre grand témoin.
00:00:14 Première femme au perchoir dans notre histoire, dans le grand bain chaud bouillant des retraites.
00:00:20 On va parler de tout cela, on va revenir sur le climat dans l'hémicycle
00:00:23 et la manière avec laquelle vous présidez l'Assemblée Nationale.
00:00:26 C'est un travail d'équilibriste, on le verra.
00:00:29 Mais on commence avec la femme de pouvoir que vous êtes.
00:00:32 Le pouvoir des femmes n'est plus à démontrer et pourtant,
00:00:35 elles sont encore peu nombreuses à occuper les postes clés.
00:00:39 Alors les femmes de pouvoir sont-elles des hommes comme les autres ?
00:00:42 Y a-t-il une manière féminine de diriger ?
00:00:45 Nous en avons réuni quatre autour de vous.
00:00:48 Yael Brun-Pivet, je vous présente mes invités dans un instant.
00:00:51 C'est notre grand débat ce soir.
00:00:53 Avant de retrouver à 20h15 nos affranchies, deux parties prises pour vous interpeller.
00:00:57 Yael Brun-Pivet, c'est parti, ça vous regarde spéciale humain.
00:01:00 On y va !
00:01:01 Madame la Présidente, cette expression n'est plus si rare aujourd'hui
00:01:17 et pourtant quelque chose est encore compliqué.
00:01:20 Contrarié, empêché, quatre femmes autour de vous ce soir,
00:01:23 Yael Brun-Pivet, pour débattre de la place des femmes
00:01:26 dans les postes à haute responsabilité.
00:01:28 Bonsoir Valérie Rabault.
00:01:30 Bonsoir.
00:01:31 Merci d'être avec nous, vice-présidente de l'Assemblée nationale,
00:01:33 députée socialiste du Tarn-et-Garonne.
00:01:35 Première femme à avoir présidé un groupe politique à l'Assemblée nationale.
00:01:40 Première femme à avoir été rapporteure du budget,
00:01:43 et c'était il n'y a pas si longtemps.
00:01:45 Vous êtes aussi passée par l'entreprise, on va en parler.
00:01:48 Vous avez été membre du comité exécutif d'une filiale de la banque, BNP Paribas.
00:01:53 Bonsoir Maya Daboulos.
00:01:54 Bonsoir.
00:01:55 Ravie de vous accueillir, vous êtes présidente exécutive d'Avast Paris,
00:01:58 qui fait partie d'Avast Worldwide.
00:02:01 C'est le premier groupe de communication dans le monde.
00:02:03 Vous avez fait votre carrière dans la communication politique,
00:02:06 vous avez piloté la communication de Jean Castex à Matignon.
00:02:10 Vous retrouvez le groupe Avast aujourd'hui.
00:02:13 Et à quelle place ?
00:02:14 On va en parler, le fait d'être une femme, d'ailleurs,
00:02:16 je crois que ça vous a aidé et vous l'assumez complètement.
00:02:19 Bonsoir, Gwenaëlla Jolicoz.
00:02:20 Bonsoir.
00:02:21 Première présidente de la Cour d'appel de Poitiers.
00:02:24 Vous venez de publier "Femmes de justice"
00:02:26 chez Henrik B. Éditions.
00:02:28 C'est un livre dans lequel vous dressez des portraits de femmes magistrates.
00:02:33 Et on va le voir avec vous, il y a un énorme plafond de verre
00:02:36 dans la magistrature quand il s'agit d'atteindre le haut de la hiérarchie judiciaire.
00:02:41 Vous nous allez nous expliquer tout ça.
00:02:43 Bonsoir Laura Chobar.
00:02:44 Bonsoir.
00:02:45 Première femme à la tête de l'école polytechnique
00:02:48 dont vous êtes la nouvelle directrice, nommée en octobre 2022.
00:02:51 Il était temps, j'ai envie de dire, parce que l'école polytechnique,
00:02:54 elle a 228 ans.
00:02:55 Vous êtes vous-même polytechnicienne,
00:02:57 promotion 99 et vous êtes ingénieure générale de l'armement.
00:03:01 Voilà pour la présentation.
00:03:02 Des femmes sur ce plateau, mais un homme pour les présenter.
00:03:05 Je vais donner la parole tout de suite à Stéphane Blakowski
00:03:07 pour un billet particulier, spécial 8 mars.
00:03:10 Le chrono de Blakow, tout de suite.
00:03:14 Et je me retourne comme chaque soir pour vous accueillir.
00:03:17 Stéphane, bonsoir.
00:03:18 Bonsoir Myriam, bonsoir à toutes et à toutes en fait.
00:03:22 Alors à vous de jouer.
00:03:23 J'ai remarqué, vous l'avez sans doute remarqué,
00:03:25 que ce soir on a quasiment que des présidentes dans le studio
00:03:28 quand je vous ai fait la présentation.
00:03:29 La présidente de l'Assemblée bien sûr, avec Yannick Lebon-Trouvé,
00:03:32 la vice-présidente, une des vice-présidentes de l'Assemblée,
00:03:34 mais présidente quand même,
00:03:35 Gwenella Julicoz.
00:03:37 Elle aussi elle est présidente et même mieux que ça,
00:03:39 elle est première présidente de la Cour d'appel de Poitiers.
00:03:42 Donc là, ça nous fait déjà trois présidentes
00:03:44 et c'est là que les fans de "Questions pour un champion" vont être contents
00:03:46 parce que quatre à la suite avec Maya Daboulos
00:03:49 qui elle aussi est présidente, vous l'avez dit,
00:03:51 de Avas Paris, donc une boîte de com'
00:03:53 qui souffle à l'oreille des politiques.
00:03:55 Bon, évidemment, je suis un petit peu gêné pour vous,
00:03:57 Madame Chobard, vous n'êtes que directrice générale
00:04:00 de l'école Polytechnique.
00:04:02 Bon, je vous félicite, c'est la première fois
00:04:03 qu'une femme est nommée à ce poste,
00:04:04 mais manifestement, à Polytechnique,
00:04:07 c'est un peu comme en France,
00:04:08 le président est et reste un homme.
00:04:11 Parce que là, nous sommes donc le 8 mars 2023,
00:04:13 il doit être quoi, à peu près 19h45,
00:04:15 et à l'heure où je parle, aucune femme n'a jamais été élue
00:04:17 présidente de la République en France.
00:04:19 Pourtant, ça fait quand même 50 ans que des femmes se présentent.
00:04:21 La première fois, c'était presque 50 ans, en 1974.
00:04:25 C'était une travailleuse, c'était une révolutionnaire
00:04:28 et c'était une femme, on l'écoute.
00:04:30 Eh bien oui, je suis une femme
00:04:33 et j'ose me présenter comme candidate
00:04:36 à la présidence de cette République d'hommes.
00:04:38 C'est légal et pourtant cela choque,
00:04:40 cela paraît étrange, même aux hommes de gauche
00:04:43 et cela doit l'être puisque je suis la seule.
00:04:46 Sur plusieurs centaines de ministres
00:04:48 qui se sont succédés depuis 30 ans,
00:04:50 seulement deux femmes.
00:04:52 Huit femmes aujourd'hui au Parlement
00:04:55 sur 480 députés.
00:04:57 Bon, les choses ont quand même un peu évolué.
00:04:59 Il y a un peu plus que huit femmes.
00:05:00 Je vous montre l'évolution de la proportion de femmes à l'Assemblée.
00:05:03 On notera quand même que c'est la dernière législature
00:05:05 que ça a un petit peu baissé,
00:05:06 mais on a une présidente de l'Assemblée
00:05:09 qui est une femme,
00:05:10 mais toujours pas de président de la République
00:05:13 qui soit une femme.
00:05:16 Pourtant, moi je suis assez optimiste.
00:05:18 Je pense que la première femme française
00:05:21 n'a pas encore été élue présidente.
00:05:22 Je pense qu'elle est déjà née.
00:05:23 Elle est quelque part en France.
00:05:24 Elle va occuper son poste.
00:05:26 Elle est peut-être même dans ce studio.
00:05:27 Vous allez me dire "Oh non, moi ça ne m'intéresse pas
00:05:30 de succéder à Emmanuel Macron".
00:05:31 Mais ça c'est très bon signe
00:05:32 parce que c'est exactement ce que dit Edouard Philippe.
00:05:34 Vous voyez, vous êtes sur le bon démarrage.
00:05:36 Franchement, madame, ne dites pas que la politique
00:05:39 ne vous intéresse pas, madame Schobar.
00:05:40 Vous avez été dans des cabinets, conseillère.
00:05:43 Et puis franchement, n'ayez aucun complexe.
00:05:45 Ce ne serait pas la première fois
00:05:46 qu'un élève de Polytechnique serait élu à l'Élysée.
00:05:49 On a une première ministre.
00:05:50 Je vous le rappelle, regardez.
00:05:51 Si vous ne le reconnaissez pas à cause de ses cheveux,
00:05:53 je vous donne un indice, ça commence par Giscard,
00:05:55 ça finit par Destin.
00:05:57 Madame Jolicozze, franchement, vous avez le profil aussi.
00:05:59 Vous êtes brillante, peut-être même brillantissime
00:06:02 puisque à 22 ans, vous étiez la plus jeune magistrate en France.
00:06:05 Vous avez le goût de la politique.
00:06:06 Vous avez été dans des directrices de cabinets
00:06:08 dans le gouvernement Hollande.
00:06:09 Puis surtout, même dans votre métier de magistrat,
00:06:11 tout le monde trouve que vous avez tellement oeuvré
00:06:13 pour l'égalité femmes-hommes que regardez ce que dit la presse.
00:06:16 Elle dit "mais non, cette femme, elle est ministrable".
00:06:18 C'est-à-dire qu'on vous voit très bien ministre de la justice.
00:06:21 Donc franchement, pourquoi pas présidente ?
00:06:23 Mais Maya de Boulos, elle a aussi des atouts.
00:06:26 Oui, conseillère politique.
00:06:28 Un coup chez Marisol Touraine, on est chez Hollande.
00:06:30 Un coup à McIgnon avec Castex.
00:06:32 Donc ça, c'est très bon pour une présidente,
00:06:33 de s'entendre avec la droite, de s'entendre avec la gauche.
00:06:35 Et puis surtout, vous savez qu'en France,
00:06:37 l'animateur préféré des Français,
00:06:39 que vous devez reconnaître évidemment, a un père égyptien.
00:06:41 Donc pourquoi les Français ne voteraient pas
00:06:43 pour une présidente qui, elle aussi, a un père égyptien ?
00:06:47 Ça fait beaucoup de cases cochées, c'est ce que vous dites.
00:06:49 Oui, là où les bras m'en tombent, c'est Valérie Rabault.
00:06:52 Mais qu'est-ce qui vous retient, Valérie Rabault ?
00:06:54 Vous êtes une pionnière dans tous les domaines.
00:06:55 Première femme rapporteure, première femme présidente de groupe.
00:06:57 Mais surtout, vous avez incontestablement les capacités
00:06:59 pour diriger ce pays.
00:07:00 Enfin, c'était marqué dans le journal, je ne l'ai pas inventé.
00:07:02 Le président Macron vous a proposé le poste à Matignon.
00:07:05 C'est vous qui avez refusé,
00:07:06 Elisabeth Borne est un deuxième choix.
00:07:08 Donc si on peut être installé à Matignon,
00:07:10 on peut parfaitement diriger la France.
00:07:12 Alors, je n'ai pas beaucoup parlé de vous, Madame la Présidente,
00:07:14 mais bon, c'est normal, les téléspectateurs vous connaissent un peu plus.
00:07:17 Si j'ai juste quelques secondes pour vous poser une question,
00:07:19 maintenant que vous avez présidé les représentants des Français,
00:07:22 est-ce que ça ne vous dirait pas de présider,
00:07:24 mais directement en fait, les Français ?
00:07:26 Allez, une petite réponse.
00:07:28 -C'est ce que je fais en président de l'Assemblée nationale.
00:07:30 On dit souvent que j'ai deux circonscriptions,
00:07:32 la mienne dans les Yvelines, et puis l'autre,
00:07:34 que c'est la France entière.
00:07:36 Et la fonction que j'exerce aujourd'hui à l'Assemblée
00:07:39 est une fonction absolument incroyable.
00:07:41 -Et la présidentielle, ça pourrait vous tenter ?
00:07:43 -Mais en fait, ce n'est pas le sujet, ce n'est pas le moment,
00:07:46 et ce n'est pas la question.
00:07:48 Moi, je fais toujours, vous savez,
00:07:50 je mets toujours un pied devant l'autre.
00:07:52 Et aujourd'hui, j'ai eu l'immense honneur,
00:07:54 je ne sais pas si vous vous rendez compte
00:07:56 à quel point, pour moi, c'est quelque chose d'important,
00:07:59 et c'est quelque chose dans lequel je vais mettre
00:08:02 toute mon énergie, matin, midi et soir,
00:08:05 et je ne pense qu'à ça.
00:08:07 -Qu'à ça.
00:08:08 Ceux qui vous prêtent des intentions
00:08:10 ne sont pas forcément vos alliés, on ne sait pas.
00:08:13 Ca pose la question de l'ambition, mesdames.
00:08:15 Vous êtes des femmes d'ambition,
00:08:17 je ne pense pas que ce soit un gros mot
00:08:19 pour aucune de vous quatre,
00:08:21 et pourtant, on peut avoir des grandes carrières
00:08:24 et être un peu freinées quand on est une femme.
00:08:26 Est-ce que vous pouvez nous dire, très franchement,
00:08:28 si être une femme, aujourd'hui, pour vous,
00:08:30 ça a été un accélérateur, ou au contraire,
00:08:32 ça vous a ralentie ? Valérie Rabot.
00:08:35 -C'est une question qui est difficile.
00:08:38 Moi, je pense qu'il y a des difficultés,
00:08:41 mais je ne pense pas que ça ralentisse.
00:08:43 C'est peut-être un peu contradictoire, ce que je dis.
00:08:46 Je vais prendre des exemples.
00:08:48 On parlait avec ma voisine.
00:08:50 Quand j'étais en classe prépa, sur mes copies,
00:08:52 j'avais... "Tiens, Rabot, tu as su faire ça."
00:08:55 Jamais aucun professeur n'aurait écrit ça
00:08:57 sur une copie d'un garçon. Jamais.
00:08:59 Et ça, si vous avez la niaque,
00:09:02 ça vous donne l'énergie en disant,
00:09:04 "Lui, je vais lui en mettre plein la figure."
00:09:06 Quand on a cette énergie-là intérieure,
00:09:08 ça vous force à avancer.
00:09:10 Mais ça peut fonctionner de manière individuelle,
00:09:14 parce que chacun a son caractère,
00:09:16 ou chacune a son caractère.
00:09:18 Ça ne peut pas fonctionner quand on pense
00:09:20 à tout un pays entier et toute une avancée
00:09:22 pour une société.
00:09:24 C'est là où le pouvoir politique doit intervenir
00:09:27 pour faire tomber les blocages.
00:09:29 Donc, je n'ai pas de réponse peut-être très satisfaisante
00:09:32 à vous donner, mais quand on vous met des obstacles,
00:09:35 vous allez en dire, "Lui, je vais lui en montrer."
00:09:38 -Il y a des inégalités qui donnent la niaque
00:09:41 et qui font avancer.
00:09:43 Gwénola Jolicozze, avoir été une femme
00:09:45 dans la magistrature, c'est un plus
00:09:48 ou ça peut être compliqué ?
00:09:50 -La question se pose en deux temps.
00:09:52 Passer le concours de l'Ecole nationale de la magistrature,
00:09:55 ça, il n'y a aucune difficulté.
00:09:57 Les jeunes filles s'y prêtent volontiers,
00:09:59 elles vont y consacrer plusieurs années de leur vie
00:10:01 et elles vont réussir ce très difficile concours.
00:10:03 Donc, rentrer dans la magistrature,
00:10:05 ce n'est pas un problème.
00:10:06 Ce qui est plus compliqué, c'est d'y faire un parcours,
00:10:09 de pouvoir y prendre des responsabilités.
00:10:11 Et là, être une femme n'est pas un avantage,
00:10:13 mais un avantage pour des raisons,
00:10:15 comme vous l'indiquez, non pas individuelles,
00:10:17 mais économiques.
00:10:18 C'est le plafond de verre qui se met en place
00:10:20 dans la magistrature à cause de règles,
00:10:22 les règles dont on dit qu'elles sont neutres,
00:10:24 et qu'en réalité, elles sont masculines.
00:10:26 Les femmes et les hommes ne vont pas répondre
00:10:28 de la même façon à ces règles.
00:10:30 Je pense à une particulièrement,
00:10:32 la question de la mobilité géographique.
00:10:34 Et ça, la mobilité géographique...
00:10:36 -Parce que dans la magistrature, on change régulièrement.
00:10:38 C'est un peu comme la diplomatie,
00:10:40 sauf qu'on reste le plus souvent en métropole.
00:10:42 -Tout le temps, de manière quasi obsessionnelle,
00:10:44 la magistrature française veut que les magistrats
00:10:46 changent de territoire régulièrement.
00:10:48 -On va y rendre dans le détail.
00:10:50 Maïa Laboulos, j'ai cru comprendre, j'ai cru lire,
00:10:52 que, au fond, vous saviez que vous étiez aujourd'hui
00:10:55 présidente exécutive de la France Paris
00:10:57 parce que vous êtes une femme,
00:10:59 en tout cas, pas uniquement pour ça,
00:11:01 mais que ça a compté.
00:11:03 -Oui, bien sûr. Avant d'en arriver là,
00:11:05 j'ai eu un parcours en cabinet ministériel.
00:11:07 En réalité, je ne suis pas certaine
00:11:09 d'avoir jamais été confrontée à une discrimination
00:11:11 ou même à un désavantage du fait d'être une femme,
00:11:14 même si c'est arrivé à un moment
00:11:16 où j'avais des enfants et je commençais à en avoir,
00:11:18 et en réalité, on sait très bien que la maternité
00:11:20 continue quand même à être un obstacle
00:11:22 davantage pour les femmes que pour les hommes,
00:11:24 parce qu'il faut rentrer, pour les enfants, etc.
00:11:26 Or, c'est des vies où le rythme est extrêmement intense,
00:11:30 où il n'y a pas de week-end, où les soirées
00:11:32 sont extrêmement remplies par le travail, etc.
00:11:34 Donc, c'était peut-être plutôt ça
00:11:36 qui est, on va dire, un obstacle indirect,
00:11:38 en fait, pour une femme.
00:11:40 Ensuite, dans le privé, en particulier,
00:11:42 j'ai une agence de communication.
00:11:44 Ce sont des métiers qui sont extrêmement féminisés
00:11:46 à tous les niveaux.
00:11:48 Il n'y a pas de discrimination systémique,
00:11:50 comme le disait Gwenola.
00:11:52 Néanmoins, aujourd'hui, c'est sûr,
00:11:54 il y a un moment femme.
00:11:56 Il y a eu énormément d'affaires
00:11:58 qui sont remontées sur les inégalités,
00:12:00 les injustices, les discriminations,
00:12:02 le sexisme, etc., dans différentes boîtes
00:12:04 dans le privé, et je pense que,
00:12:06 d'une certaine manière, oui, ça a avantagé les femmes.
00:12:08 Enfin, cela dit, moi, je l'assume complètement.
00:12:10 Si ce n'est pas l'unique raison, j'assume complètement.
00:12:12 - Laura Schauber, le moment femme,
00:12:14 aussi, vous en avez bénéficié ?
00:12:16 - Je suis une femme scientifique
00:12:18 et je suis une femme militaire.
00:12:20 Par ces choix que j'ai faits, par goût, par envie,
00:12:22 je me suis retrouvée à évoluer
00:12:24 dans des milieux extrêmement masculins
00:12:26 où les femmes sont rares.
00:12:28 Et donc, ce que j'ai observé,
00:12:30 c'est que les femmes sont plus identifiées.
00:12:32 Quand il y a 100 hommes et 10 femmes,
00:12:34 tout le monde connaît le nom, le prénom et le visage des 10 femmes.
00:12:36 Donc, elles sont plus identifiées,
00:12:38 plus observées, plus exposées, aussi.
00:12:40 Si le regard qu'on leur porte
00:12:42 est bienveillant, ça peut être porteur
00:12:44 et je pense que ça a été mon cas.
00:12:46 En revanche, ce n'est pas le ressenti
00:12:48 et le vécu de toutes les femmes qui évoluent
00:12:50 dans ces milieux très masculins.
00:12:52 - Vous êtes un peu l'exception
00:12:54 qui confirme la règle de l'absence des femmes.
00:12:56 Yael Bourneprivé, c'est pas un secret,
00:12:58 vous avez une carrière,
00:13:00 d'abord, assez disparate,
00:13:02 hétéroclite, vous avez fait plein de choses très différentes.
00:13:04 Il y a eu un moment dans votre vie
00:13:06 où vous avez un peu suspendu,
00:13:08 mais entre parenthèses, votre carrière,
00:13:10 vous avez suivi votre mari à l'étranger
00:13:12 et donc, vous avez peut-être accepté
00:13:14 de vous mettre un peu, entre parenthèses,
00:13:16 d'aller vous occuper de vos enfants
00:13:18 avec lui. Est-ce que c'est bien vécu, ça ?
00:13:20 Est-ce que vous l'assumez ?
00:13:22 - Alors,
00:13:24 je partage pas les termes de votre question.
00:13:26 Avoir suivi son mari,
00:13:28 avoir mis sa carrière... - C'est des questions.
00:13:30 - Oui, oui, entre parenthèses, mais c'est pas comme ça
00:13:32 que moi, je l'ai ressenti. On a fait un choix de vie.
00:13:34 Donc, un choix de vie de couple,
00:13:36 un choix de vie de famille,
00:13:38 de partir habiter à l'étranger
00:13:40 et nous avons pris du temps
00:13:42 pour constituer
00:13:44 une famille nombreuse dont on avait envie
00:13:46 tous les deux et donc, le fait
00:13:48 d'avoir eu cette aventure
00:13:50 à l'étranger nous a permis, d'une part,
00:13:52 de vivre des choses absolument
00:13:54 extraordinaires et de nous décentrer
00:13:56 de ce que pouvait être la France
00:13:58 et la vision
00:14:00 qu'on a quand on est en France
00:14:02 et qu'on reste en France.
00:14:04 Donc ça, ça a été très intéressant et ça m'a permis
00:14:06 d'avoir cinq enfants et c'est ce qui,
00:14:08 pour moi, était fondamental
00:14:10 parce que, moi, je crois qu'aujourd'hui
00:14:12 est venu le moment
00:14:14 où on réussit en tant que femme
00:14:16 sans rien abdiquer
00:14:18 de ce qui fait qu'on est une femme
00:14:20 et donc, on peut avoir une famille,
00:14:22 faire le choix,
00:14:24 si on peut le faire, de s'arrêter
00:14:26 un temps pour prendre du temps
00:14:28 avec ses enfants, changer de carrière
00:14:30 aussi si on a envie et se reformer
00:14:32 au milieu de la vie,
00:14:34 s'engager dans le monde associatif,
00:14:36 dans le monde politique.
00:14:38 En fait, il faut, en tout cas, moi,
00:14:40 c'est ça qui est le caractérisme
00:14:42 de mon parcours, c'est choisir et pas subir,
00:14:44 oser. Ça ne veut pas dire que c'est facile
00:14:46 et je sais que pour plein de femmes,
00:14:48 elles n'ont pas cette capacité de choix
00:14:50 et nous, notre rôle, aujourd'hui, en tant que femmes politiques,
00:14:52 c'est de leur offrir cette capacité de choix,
00:14:54 leur permettre de pouvoir
00:14:56 s'accomplir sans qu'il y ait ce
00:14:58 jugement de la société qui fait qu'une femme
00:15:00 doit évoluer comme ci ou comme ça.
00:15:02 - Alors, on va entrer dans le détail dans vos domaines respectifs,
00:15:04 politique, entreprise, justice
00:15:06 et métier scientifique, où sont les patronnes
00:15:08 aujourd'hui ? Tour d'horizon,
00:15:10 signé Thibault Hénocq.
00:15:12 [Musique]
00:15:14 [Bruit de moteur]
00:15:16 - Première femme élue à la tête de l'Assemblée nationale,
00:15:18 Yael Brown-Pivet,
00:15:20 votre ascension au perchoir
00:15:22 est-elle le signe que la bataille est gagnée
00:15:24 pour les femmes en politique ?
00:15:26 Pas vraiment.
00:15:28 Avec 37% de femmes députées,
00:15:30 cette Assemblée est en léger recul
00:15:32 sur la précédente. Les postes
00:15:34 à responsabilité sont en revanche pour la première
00:15:36 fois également répartis
00:15:38 avec notamment 5 vice-présidentes.
00:15:40 Un constat
00:15:42 loin d'être vrai au niveau local.
00:15:44 45% de femmes conseillères
00:15:46 municipales, mais seulement
00:15:48 20% de maires. 49%
00:15:50 de conseillères régionales, mais seulement
00:15:52 une présidente de région sur 5.
00:15:54 La parité en politique consiste
00:15:56 encore souvent pour les hommes à ne céder leur place
00:15:58 aux femmes qu'aux postes les moins
00:16:00 importants. Un constat
00:16:02 qui établit une équation valable dans quasiment
00:16:04 tous les secteurs. Plus on monte dans la
00:16:06 hiérarchie, plus la place des femmes
00:16:08 se raréfie. Illustration
00:16:10 dans la justice. 69%
00:16:12 de femmes dans la magistrature,
00:16:14 mais seulement 16%
00:16:16 au plus haut poste de l'institution.
00:16:18 70% d'avocates,
00:16:20 mais une sur cinq seulement,
00:16:22 pour le dossier de son cabinet. Et du côté
00:16:24 des entreprises alors ?
00:16:26 Depuis 2011, la loi prévoit
00:16:28 40% de femmes au minimum dans les
00:16:30 conseils d'administration. Objectif
00:16:32 atteint avec 46%
00:16:34 aujourd'hui. Mais en ce qui concerne les
00:16:36 comités de direction, c'est autre chose.
00:16:38 Seulement 25% de femmes
00:16:40 exercent des fonctions dirigeantes
00:16:42 dans les grandes entreprises.
00:16:44 Des inégalités qui se retrouvent
00:16:46 encore trop souvent à la racine.
00:16:48 Ainsi, certaines filières restent
00:16:50 des hommes. En école d'ingénieurs,
00:16:52 on ne compte que 33% de femmes.
00:16:54 Dans la plus prestigieuse d'entre elles,
00:16:56 l'école polytechnique,
00:16:58 elles ne sont que 17%.
00:17:00 - 17% ?
00:17:02 - 20%.
00:17:04 - Allez, trois positions accordées,
00:17:06 c'est vrai. Vous diriez déjà, pour commencer,
00:17:08 on va parler de la politique,
00:17:10 et puis on va dispatcher ensuite,
00:17:12 qu'on progresse.
00:17:14 Ça va mieux. On n'est pas à la parité parfaite
00:17:16 à l'Assemblée nationale. On voit qu'au niveau local,
00:17:18 il y a encore un gros effort à faire.
00:17:20 Il y a peu de femmes, notamment dans les conseils régionaux,
00:17:22 dans les mairies. Mais est-ce qu'on avance ?
00:17:24 Ou est-ce que c'est toujours
00:17:26 le bon vieux macho sexiste à l'Assemblée ?
00:17:28 - Moi, j'ai un peu l'impression que...
00:17:30 L'Assemblée,
00:17:32 37% de femmes,
00:17:34 une présidente de l'Assemblée nationale,
00:17:36 ce n'est pas forcément l'endroit qui est le plus macho.
00:17:38 Les chiffres que vous venez de montrer
00:17:40 sont assez éloquents, parce qu'effectivement,
00:17:42 il y a quasiment la moitié de conseillères
00:17:44 municipales et il n'y a que 20% de maires.
00:17:46 Je crois qu'il y a quand même,
00:17:48 sur le pouvoir, en tout cas le pouvoir politique,
00:17:50 il y a une seule règle. Le pouvoir ne se donne pas,
00:17:52 il se prend.
00:17:54 Je pense qu'il y a Elbron-Pivet
00:17:56 en démonstration. - D'accord, avec ça.
00:17:58 Vous l'avez pris, le pouvoir ? - Elle a été
00:18:00 confrontée à... Il y avait des candidats masculins.
00:18:02 Moi, vous avez dit que j'ai été première
00:18:04 présidente d'un groupe. Il y avait deux autres
00:18:06 candidats masculins face à moi. Donc à chaque fois,
00:18:08 à l'élection, on se les gagnait.
00:18:10 C'est le pouvoir,
00:18:12 en politique, alors je ne parle pas d'autres
00:18:14 domaines. Il se prend.
00:18:16 Et il n'y a pas d'autre règle. - Et ça, les femmes en politique,
00:18:18 donc toutes coupées. - Mais Valérie a complètement
00:18:20 raison et vos chiffres l'illustrent
00:18:22 très bien. On a fait des lois
00:18:24 pour promouvoir la parité en politique
00:18:26 et aujourd'hui, les conseils municipaux,
00:18:28 les conseils départementaux, les conseils régionaux
00:18:30 sont paritaires. Pour autant,
00:18:32 la tête de liste
00:18:34 ne l'est pas. Et donc, en fait, il faut
00:18:36 que les femmes acceptent
00:18:38 sur une municipalité de prendre
00:18:40 la tête et de ne pas être la numéro deux.
00:18:42 Mais de dire "moi, je vais mener
00:18:44 la liste sur le conseil départemental",
00:18:46 c'est pareil. On a besoin de femmes
00:18:48 en politique qui osent,
00:18:50 qui acceptent d'être numéro un
00:18:52 et qui acceptent de prendre des responsabilités.
00:18:54 - Elles acceptent de mener le combat.
00:18:56 - Il faut mener le combat. - Il faut être candidate,
00:18:58 il faut être élue et donc prendre le pouvoir.
00:19:00 Il y a les postes,
00:19:02 il y a les mandats, mais il y a le climat.
00:19:04 Alors, vous, Yael Broun-Pivet,
00:19:06 vous dites ça dans l'hémicycle quand on dit
00:19:08 "attention, sexisme" du côté
00:19:10 de Sandrine Rousseau. Voilà ce que vous répondez.
00:19:12 - Il est inadmissible,
00:19:14 en particulier pour ma collègue,
00:19:16 mais pour toutes les collègues femmes,
00:19:18 que dès lors qu'il y a une prise de parole comme celle-ci,
00:19:20 il y ait des exclamations comme ça dans l'hémicycle.
00:19:22 - Franchement, mais franchement,
00:19:26 on est dans un hémicycle
00:19:28 où pour la première fois, cette Assemblée
00:19:30 est présidée par une femme.
00:19:32 J'ai cinq vice-présidentes à mes côtés.
00:19:34 J'ai une première testeur.
00:19:36 J'ai quatre présidentes de groupe.
00:19:38 - Mais arrêtez !
00:19:40 (applaudissements)
00:19:42 - Je croyais que vous étiez pas sexiste.
00:19:48 - Chut !
00:19:50 - Allez-y !
00:19:52 - Madame la Présidente, si on rappelle au règlement,
00:19:54 au titre de l'article 100 sur la bonne tenue des débats,
00:19:56 je rappelle parce que finalement,
00:19:58 vous avez un peu les mêmes arguments que le RN.
00:20:00 C'est pas parce qu'il y a une femme
00:20:02 qui s'en sorte que toutes les femmes s'en sortent.
00:20:04 - Alors,
00:20:06 dans ce débat-là, tiens, Maïa Daboulos,
00:20:08 vous qui regardez, c'est intéressant,
00:20:10 le regard de la communicante.
00:20:12 On a fait des progrès. Il faut arrêter avec le sexisme.
00:20:14 Ou au contraire, il y a le Haut Conseil à l'égalité
00:20:16 qui dit que le sexisme,
00:20:18 il est là, il est bien là. Il y a même un backlash,
00:20:20 un retour de bâton conservateur et réactionnaire.
00:20:22 - Non, c'est sûr qu'il y a des progrès.
00:20:24 Je veux dire, on le constate toutes.
00:20:26 Les différences de salaire, les promotions de femmes
00:20:28 quand elles reviennent de congés maternité,
00:20:30 l'égal,
00:20:32 meilleur accès, en tout cas, des postes de responsabilité,
00:20:34 évidemment, ne serait-ce que parce que les générations
00:20:36 qui arrivent aujourd'hui à l'âge adulte ou au pouvoir
00:20:38 ont grandi dans des familles un peu différentes,
00:20:40 parfois recomposées, mais souvent avec des familles monoparentales,
00:20:42 où la mère travaillait,
00:20:44 était plus indépendante, etc.
00:20:46 Par contre, un, évidemment,
00:20:48 des différences subsistent.
00:20:50 Et on voit bien sur plein de droits,
00:20:52 ne serait-ce que le droit à l'avortement, par exemple,
00:20:54 sur lequel on a beaucoup parlé ces derniers mois
00:20:56 et ces dernières semaines, il y a des reculs possibles.
00:20:58 Donc non, il ne faut jamais lâcher la pression.
00:21:00 - Mais quand vous entendez Gaela Brovig-Pivieu dire
00:21:02 "ça va", en fait,
00:21:04 il y a déjà quatre vice-présidentes
00:21:06 à l'Assemblée sur le climat,
00:21:08 sur le sexisme, peut-être, je vous laisse répondre
00:21:10 et puis... Parce que ces mots-là, ils sont particuliers.
00:21:12 Vous dites à Sandrine Rousseau
00:21:14 "ça suffit, arrêtez d'attaquer
00:21:16 sur le sexisme,
00:21:18 vous m'éprenez sur la réalité".
00:21:20 - Mais parce que c'est ma conviction profonde,
00:21:22 aujourd'hui,
00:21:24 dans l'hémicycle, nous n'avons pas
00:21:26 un hémicycle où s'exprime
00:21:28 matin, midi et soir, le sexisme à l'égard
00:21:30 des femmes politiques, je pense
00:21:32 que nous avons franchi un cap parce que
00:21:34 le nombre de députés, 37%,
00:21:36 parce que
00:21:38 l'exercice des responsabilités
00:21:40 par des femmes... Après, moi, ce qui m'agace,
00:21:42 en fait, prodigieusement,
00:21:44 c'est qu'une femme
00:21:46 considère que, parce qu'on la critique,
00:21:48 c'est sexiste. Non !
00:21:50 Moi, quand je vois,
00:21:52 je regarde Sandrine Rousseau, je vois
00:21:54 une députée. Et quand
00:21:56 des députés vont
00:21:58 s'exprimer à l'encontre
00:22:00 d'une de ces prises de parole, c'est le fond
00:22:02 qu'ils visent. Ca n'est pas la prise
00:22:04 de parole d'une femme. Et c'est ça
00:22:06 qui m'agace, c'est de tout ramener
00:22:08 systématiquement à cette
00:22:10 essentialisation de la femme.
00:22:12 - Je crois qu'on dit exactement la même chose.
00:22:14 Et d'abord, moi, je m'inscris complètement en faux
00:22:16 avec l'approche victimaire, sous prétexte que
00:22:18 je suis critiquée, je suis critiquée parce que je suis une femme
00:22:20 ou parce que je suis d'origine étrangère,
00:22:22 je suis complètement d'accord avec ça.
00:22:24 Et effectivement, à l'Assemblée,
00:22:26 notamment, ça a beaucoup évolué. Mais il y a quand même,
00:22:28 et vous l'avez un peu évoqué en refusant
00:22:30 l'essentialisation, et je crois que
00:22:32 Gwenola s'inscrit aussi dans
00:22:34 cette idée-là. C'est-à-dire que
00:22:36 les imaginaires, même s'il ne faut
00:22:38 pas tomber dans des approches victimaires
00:22:40 ou essentialisations, etc.,
00:22:42 je pense que la question est celle des
00:22:44 imaginaires, aujourd'hui. Et j'en parle d'autant plus
00:22:46 que les métiers de la communication,
00:22:48 de la publicité, etc., jouent beaucoup là-dessus.
00:22:50 C'est-à-dire, l'imaginaire, dans
00:22:52 l'imaginaire, la neutralité est
00:22:54 encore masculine. On le voit dans
00:22:56 la langue, on le voit
00:22:58 dans le droit, on le voit dans la vie quotidienne.
00:23:00 Même dans des petits détails.
00:23:02 Enfin, je vous donne un petit... Par exemple, la question
00:23:04 des 19 degrés sur
00:23:06 le réglage du chauffage,
00:23:08 etc., pas mal d'études montrent qu'il y a une
00:23:10 différence de métabolisme entre les hommes et les femmes,
00:23:12 et on voit bien que cette température-là
00:23:14 est, par défaut, celle
00:23:16 qui a été fixée, parce qu'elle correspond en fait
00:23:18 à un métabolisme masculin. C'est un détail,
00:23:20 mais au fond, ça veut dire quand même quelque chose.
00:23:22 On est encore dans un moment
00:23:24 où la neutralité est masculine.
00:23:26 - Gwénola Jolicoz, vous, ce débat
00:23:28 sur la question de l'essentialisation, on dit
00:23:30 beaucoup, est-ce qu'il y a une manière féminine
00:23:32 de cheffer ? Qu'est-ce qu'une bonne chef
00:23:34 quand on est une femme ?
00:23:36 Est-ce que c'est être un homme
00:23:38 comme les autres ? Il vous agace ?
00:23:40 - Effectivement, je suis très attentive
00:23:42 au piège de l'essentialisation.
00:23:44 C'est-à-dire que dire que nous avons des qualités
00:23:46 féminines et de l'autre côté des qualités masculines,
00:23:48 je pense que c'est un risque. Parce que c'est le risque de dire
00:23:50 que, par exemple, dans la justice, les femmes seraient
00:23:52 d'excellentes juges des enfants et que
00:23:54 les hommes seraient d'excellents procureurs de la République.
00:23:56 Je suis tout à fait contre cette approche.
00:23:58 Chez nous, ce qui se joue, c'est vraiment
00:24:00 un effet ciseau très fort entre la mixité
00:24:02 et la parité. Parce que vous le savez,
00:24:04 maintenant, dans l'imaginaire,
00:24:06 les femmes sont juges.
00:24:08 71 % aujourd'hui
00:24:10 de la justice est rendue par des femmes.
00:24:12 Alors, on a l'impression qu'en fait, tout est joué.
00:24:14 Il y a des femmes partout dans la justice.
00:24:16 Et puis, comme par hasard, mais ça, on connaît bien
00:24:18 ce phénomène, en fait, il y a une dissolution des femmes
00:24:20 dans la hiérarchie. C'est-à-dire que plus on monte dans les postes,
00:24:22 moins il y a de femmes. Mais c'est
00:24:24 quasiment caricatural, chez nous, puisqu'aujourd'hui...
00:24:26 - On a préparé, d'ailleurs, une petite infographie.
00:24:28 On a pris, voilà, vraiment
00:24:30 le top du top de la hiérarchie judiciaire.
00:24:32 On commence avec le Conseil constitutionnel,
00:24:34 Laurent Fabius, Didier Roland Tabuteau
00:24:36 pour le vice-président du Conseil d'État,
00:24:38 premier président de la Cour de cassation,
00:24:40 Christophe Soula, premier président
00:24:42 de la Cour d'appel de Paris, Jacques Boulard.
00:24:44 On aurait pu rajouter, d'ailleurs, le procureur de la République
00:24:46 de Paris, aujourd'hui. - Le président du Tribunal de Paris,
00:24:48 le président du Tribunal de Bobigny,
00:24:50 vous auriez pu en rajouter des dizaines
00:24:52 et des dizaines, car aujourd'hui...
00:24:54 - Elles ne prennent pas le pouvoir dans la justice ?
00:24:56 - Alors, je suis assez d'accord avec l'idée qu'il faut le prendre.
00:24:58 Le pouvoir, chez nous, ça n'est pas prendre le pouvoir,
00:25:00 c'est candidater. - Pour la sphère politique.
00:25:02 - Mais ça marche aussi dans la sphère judiciaire,
00:25:04 puisque la sphère judiciaire, elle a ses règles, aussi,
00:25:06 et c'est vrai qu'il faut que les femmes candidatent. Et très souvent,
00:25:08 le Conseil supérieur de la magistrature dit
00:25:10 "Si les femmes ne sont pas nommées en responsabilité
00:25:12 de la magistrature, c'est parce qu'elles ne candidatent pas."
00:25:14 Alors, moi, je me méfie de cet argument,
00:25:16 parce que c'est un peu un argument qui consiste à remettre le caillou
00:25:18 dans le jardin des femmes. C'est de votre faute,
00:25:20 quelque part, si vous ne réussissez pas à prendre les postes.
00:25:22 Moi, je pense que les explications sont plus systémiques.
00:25:24 Si les femmes ne candidatent pas,
00:25:26 c'est parce que l'univers, globalement,
00:25:28 ne leur est pas favorable, et qu'elles comprennent
00:25:30 assez rapidement que les règles du jeu
00:25:32 qui ont été fixées par les hommes,
00:25:34 comme la température... - Qu'est-ce qu'elles vous disent,
00:25:36 vos collègues ? "J'ai peur de ne pas y arriver."
00:25:38 "Quels sont les arguments,
00:25:40 peut-être construits, qu'elles se racontent ?"
00:25:42 - De manière assez classique, et comme les femmes dans tous les domaines,
00:25:44 je pense, elles commencent par me dire,
00:25:46 alors même qu'elles ont réussi ce grand et difficile concours
00:25:48 de l'École nationale de la magistrature,
00:25:50 qu'elles ne seront pas capables d'être chefs.
00:25:52 Chefs de ZEFE, bien entendu.
00:25:54 Alors, pourquoi considèrent-elles
00:25:56 qu'elles n'en seraient pas capables ? D'abord, elles pensent toujours
00:25:58 qu'elles ne sont pas assez formées. Elles ont toujours l'impression
00:26:00 qu'elles n'ont pas le niveau pour faire les choses.
00:26:02 Vous connaissez, les hommes candidatent avec
00:26:04 80 % des compétences, et les femmes, avec 120.
00:26:06 Alors, ça, ça fonctionne très bien.
00:26:08 Il y a aussi la peur de prendre la parole en public.
00:26:10 Ce qui peut sembler étonnant pour des magistrates
00:26:12 qui président des audiences toute la journée,
00:26:14 pourtant, dès lors qu'il faudra prendre la parole pour défendre
00:26:16 une idée ou pour représenter l'institution
00:26:18 de manière publique, elles y sont très réticentes.
00:26:20 Et puis, globalement, je l'ai dit tout à l'heure,
00:26:22 elles sentent bien que le système ne leur est pas favorable.
00:26:24 Et que, notamment, la question de la mobilité
00:26:26 géographique incessante ne va pas être compatible
00:26:28 avec une vie de famille,
00:26:30 un équilibre personnel, et donc, elles vont y renoncer.
00:26:32 Là où les hommes vont y répondre autrement,
00:26:34 ils vont y répondre dans les circonstances géographiques.
00:26:36 -C'est un peu comme une auto-censure,
00:26:38 ou en tout cas, un questionnement sur la légitimité.
00:26:40 Laura Chobat, on est dans l'univers masculin par excellence.
00:26:42 Déjà, comment vous vous expliquez
00:26:44 qu'il a fallu attendre si longtemps
00:26:46 pour avoir une directrice à Polytechnique ?
00:26:48 C'est quand même...
00:26:50 Ça arrive un peu tard, non ?
00:26:52 -Déjà, je voudrais corriger un fait.
00:26:54 Il y a eu une présidente du Conseil de l'administration
00:26:56 de l'école Polytechnique, c'est Marion Guillaume,
00:26:58 il y a déjà plus d'une dizaine d'années.
00:27:00 L'école Polytechnique s'est ouverte aux femmes
00:27:02 il y a pile 50 ans.
00:27:04 On a célébré le cinquantenaire
00:27:06 de l'ouverture aux femmes de l'école Polytechnique.
00:27:08 C'est un poste qui est
00:27:10 statutairement réservé
00:27:12 à un général de l'armée française.
00:27:14 -Ceci explique cela ?
00:27:16 -Ceci explique en partie cela.
00:27:18 Et voilà,
00:27:20 il était temps que ça arrive, effectivement.
00:27:22 Dans les milieux scientifiques...
00:27:24 -Les 20 %, vous voulez les ramener
00:27:26 à combien, votre objectif, à Polytechnique ?
00:27:28 C'est quoi ?
00:27:30 -Notre objectif, c'est déjà 30 % en 2026,
00:27:32 mais dans ces filières scientifiques
00:27:34 à dominante mathématique,
00:27:36 parce qu'on dit que les femmes ne font pas de science,
00:27:38 c'est pas vrai, elles font massivement
00:27:40 de la biologie, elles font massivement
00:27:42 en études de médecine, mais dans les sciences
00:27:44 à dominante mathématique et numérique,
00:27:46 on n'est pas confrontés à un plafond de verre,
00:27:48 on est confrontés à un plancher de verre.
00:27:50 C'est-à-dire que les femmes
00:27:52 ne s'orientent pas
00:27:54 vers ces filières.
00:27:56 Aujourd'hui, il y a 20 % de candidates
00:27:58 au concours de l'école Polytechnique,
00:28:00 donc le concours en lui-même,
00:28:02 elles le réussissent tout aussi bien que les garçons.
00:28:04 -C'est important de le dire.
00:28:06 -En revanche, on a un vivier de candidates
00:28:08 qui est notoirement insuffisant,
00:28:10 alors même que les filles au lycée
00:28:12 sont tout aussi douées en maths que les garçons.
00:28:14 -Pour les mêmes raisons ?
00:28:16 Dépréciation de soi, je ne vais pas y arriver ?
00:28:18 -Oui, il y a le même phénomène,
00:28:20 quand elles doivent auto-évaluer
00:28:22 leurs compétences en sciences, elles se sous-évaluent
00:28:24 systématiquement.
00:28:26 Je discutais avec des lycéennes ce matin,
00:28:28 puisqu'on organisait une journée spéciale
00:28:30 "Filles, maths et informatique,
00:28:32 une équation lumineuse à Polytechnique",
00:28:34 et toutes m'ont dit
00:28:36 "Mais oui, moi, j'ai envie de faire
00:28:38 de la cosmétique, de l'énergie, de la santé."
00:28:40 J'ai dit "Vous avez envie d'être ingénieure,
00:28:42 c'est merveilleux."
00:28:44 Quand je leur dis "Est-ce que vous allez vous inscrire
00:28:46 en classe préparatoire ?"
00:28:48 Là, elles me disent "J'ai peur
00:28:50 que ce soit trop dur,
00:28:52 j'ai peur de ne pas être capable
00:28:54 de travailler à fond pendant deux ans,
00:28:56 j'ai peur
00:28:58 de la compétition interne."
00:29:00 - Peur de la compétition.
00:29:02 Valérie Rabault, vous, c'est particulier,
00:29:04 vous avez fait les Pours des Chaussées,
00:29:06 vous êtes ingénieure, grand concours,
00:29:08 vous étiez à Louis-le-Grand avec Karine Berger
00:29:10 et Nathalie Cauchus-Comorisé.
00:29:12 Je le précise, c'est intéressant
00:29:14 de regarder les itinéraires.
00:29:16 - J'ai organisé,
00:29:18 pour une journée du 8 mars, il y a deux ans,
00:29:20 une rencontre avec des jeunes filles
00:29:22 en classe préparatoire scientifique,
00:29:24 et j'y suis allée avec l'inspecteur académique
00:29:26 de mon département, et j'ai été horrifiée
00:29:28 de ce qu'elles nous ont dit, c'est-à-dire
00:29:30 qu'elles ont été découragées. On leur a dit
00:29:32 "Tu vas voir, c'est dur, c'est pas fait
00:29:34 pour les filles, c'est un milieu très masculin."
00:29:36 Ce qui est vrai, parce que quand on est que 20 %
00:29:38 dans une... À notre époque, on était que 10 %,
00:29:40 mais 20 %, c'est pas beaucoup non plus.
00:29:42 Eh bien, le système les a découragées.
00:29:44 Qu'un système dise à des jeunes filles
00:29:46 "C'est pas pour toi, tu vas pas y arriver",
00:29:48 et que le système encourage les garçons.
00:29:50 - C'est quoi, le système ?
00:29:52 - C'est les orientations qu'on peut leur donner
00:29:54 au lycée, c'est ce qu'elles entendent.
00:29:56 - Dans l'éducation nationale ?
00:29:58 - Oui, dans l'éducation nationale.
00:30:00 C'est pour ça que je précise bien que l'inspecteur
00:30:02 d'académie était là, parce qu'il est lui aussi
00:30:04 tombé de sa chaise quand il a entendu
00:30:06 des paroles libres. Et ces jeunes filles,
00:30:08 elles étaient 7 sur 70.
00:30:10 Une classe de maths sup et une classe de maths sp.
00:30:12 Elles sont très courageuses, parce que 7 sur 70,
00:30:14 c'est pas beaucoup. Donc, à minima,
00:30:16 que le système les encourage.
00:30:18 - D'accord avec ça, le système.
00:30:20 - Est-ce que la répartition
00:30:22 des rôles sociaux est en pleine évolution ?
00:30:24 Contrairement à ce qu'on aurait pu penser.
00:30:26 On pensait que ça allait être mieux.
00:30:28 En réalité, les 15 dernières années nous montrent
00:30:30 qu'il y a une répartition très forte
00:30:32 et très genrée des rôles sociaux.
00:30:34 Les jeunes femmes vont en droit.
00:30:36 - Il y a un chiffre, moi qui suis fan
00:30:38 des sciences et puis des maths.
00:30:40 Quand il a fallu choisir les options
00:30:42 sur la réforme du lycée, avant, il y avait
00:30:44 200 000 lycéens qui faisaient plus de 6 heures
00:30:46 de maths par semaine, dont 96 000 filles.
00:30:48 Dont 33 000 filles.
00:30:50 Divisé par 3, pour les filles.
00:30:52 C'est déflagrateur.
00:30:54 - La question, c'est comment on change le système ?
00:30:56 Est-ce qu'il s'agit de changer des mentalités ?
00:30:58 Là où on se dit que ça prend du temps.
00:31:00 Ou est-ce qu'il s'agit de politique publique ?
00:31:02 - Sans doute un peu des deux.
00:31:04 Il y a des choses qui prennent du temps.
00:31:06 Vous parliez des métiers de la tech et du numérique.
00:31:08 Il faut se rappeler que l'informatique a été marketée
00:31:10 comme la voiture, comme un instrument
00:31:12 de puissance masculine, et notamment le PC.
00:31:14 C'est le moment où les femmes
00:31:16 ont fui l'informatique.
00:31:18 Ça prend du temps pour se remettre
00:31:20 de ces imaginaires
00:31:22 construits autour
00:31:24 du numérique et de l'informatique.
00:31:26 Ça ne veut pas dire
00:31:28 qu'il ne faut pas y œuvrer dès maintenant.
00:31:30 Ensuite, en termes de politique publique,
00:31:32 on mettait le doigt sur quelque chose.
00:31:34 L'image des classes prépa et les messages
00:31:36 qu'on envoie aux jeunes femmes
00:31:38 qui tentent l'aventure
00:31:40 des études scientifiques
00:31:42 doivent être
00:31:44 infléchies aujourd'hui.
00:31:46 On va dire à un garçon
00:31:48 qui sera en difficulté en classe prépa
00:31:50 comme la plupart des élèves,
00:31:52 "accroche-toi, ça va aller",
00:31:54 et on va dire à une fille,
00:31:56 de manière bienveillante,
00:31:58 "si c'est trop difficile, fais attention à toi."
00:32:00 - Ça prend du temps de changer les mentalités,
00:32:02 mais c'est aussi votre rôle,
00:32:04 dans la communication, la production de discours,
00:32:06 la publicité,
00:32:08 l'effet des slogans, des messages.
00:32:10 - L'effet des slogans, des images,
00:32:12 on peut donner les imaginaires
00:32:14 sur la question scientifique.
00:32:16 On est à un moment encore plus important
00:32:18 pour la féminisation de ces métiers,
00:32:20 notamment dans la tech,
00:32:22 puisque arrive aussi la généralisation
00:32:24 de l'utilisation des outils
00:32:26 tels que Tchat-GPT,
00:32:28 de l'intelligence artificielle,
00:32:30 y compris dans nos métiers,
00:32:32 dans les métiers de la publicité.
00:32:34 L'Association Jamais Sans Elles
00:32:36 a lancé ce matin une campagne
00:32:38 où on voit que des créatifs
00:32:40 ne sont pas des créatifs,
00:32:42 mais des créatrices.
00:32:44 Quand on lui demande "imagine un CEO",
00:32:46 on a que des figures masculines.
00:32:48 Imagine une secrétaire,
00:32:50 le terme n'est pas genré,
00:32:52 et on a que des femmes
00:32:54 avec des lunettes, des petites jupes, etc.
00:32:56 C'est normal, puisque ces outils
00:32:58 ne font qu'un agrégat
00:33:00 de ce qui existe actuellement
00:33:02 et le reproduisent encore et encore.
00:33:04 Par ailleurs, une autre réflexion
00:33:06 sur la féminisation des métiers,
00:33:08 c'est que les femmes peuvent valoriser,
00:33:10 mais on a aussi un problème,
00:33:12 notamment en France, sur la valorisation
00:33:14 des métiers du care, de l'attention.
00:33:16 On l'a vu, en particulier après la pandémie,
00:33:18 tous les métiers de soins,
00:33:20 des infirmières, qui sont en majorité
00:33:22 des femmes, encore aujourd'hui,
00:33:24 des êtres violents, etc.,
00:33:26 et de la relation sont des métiers
00:33:28 qui sont encore aujourd'hui très dévalorisés.
00:33:30 Pourquoi ? Parce qu'on les lit
00:33:32 à travers une grille de lecture,
00:33:34 celle du pouvoir, etc.
00:33:36 Il y a la question de la norme
00:33:38 à travers le pouvoir politique,
00:33:40 mais les chefs d'entreprise ont aussi un rôle à jouer.
00:33:42 - Justement, on va y venir, à l'entreprise.
00:33:44 Il y a le Brune-Pivet,
00:33:46 encore très peu de femmes
00:33:48 au CAC 40, on cite toujours les mêmes,
00:33:50 c'est simple, Engie, Magrégor,
00:33:52 et puis qui d'autre m'échappe ?
00:33:54 - Il y a également
00:33:56 Sophie Bélon-Roste,
00:33:58 à la tête de l'Odexo. - Absolument.
00:34:00 Il y a eu cet index qui a été mis en place,
00:34:02 il y a des progrès avec la loi
00:34:04 Zimmermann-Copé,
00:34:06 mais l'égalité salariale, ça ne marche pas
00:34:08 encore complètement, et on voit bien
00:34:10 que ça n'a pas ruisselé
00:34:12 des conseils d'administration, on n'a pas
00:34:14 beaucoup plus de femmes dans les instances
00:34:16 dirigeantes, dans les comités exécutifs.
00:34:18 - On a beaucoup progressé,
00:34:20 et c'est comme en politique,
00:34:22 on a progressé parce qu'on a mis des lois.
00:34:24 On a fait des lois avec des quotas,
00:34:26 on a fixé des objectifs, on a fixé un cadre,
00:34:28 on a fixé une contrainte,
00:34:30 et ça, ça marche. Donc certains disent
00:34:32 qu'on n'en a pas besoin, c'est pas vrai.
00:34:34 Factuellement, vous regardez les chiffres,
00:34:36 l'impact de la loi, il est majeur.
00:34:38 Et donc, il ne faut pas hésiter
00:34:40 à légiférer pour forcer,
00:34:42 pour accélérer, pour pousser,
00:34:44 et c'est ce qu'on fait continuellement,
00:34:46 quelles que soient les majorités. - Pour les comités exécutifs,
00:34:48 les instances dirigeantes, et pourquoi pas les présidences de tribunal,
00:34:50 et pourquoi pas le monde de l'intelligence artificielle ?
00:34:52 - On le fait successivement,
00:34:54 toutes les majorités, quelles qu'elles soient,
00:34:56 vous avez parlé de la loi Copé-Zimmermann,
00:34:58 on vient de voter récemment
00:35:00 une loi Rixin qui continue
00:35:02 ce mouvement, donc moi,
00:35:04 je crois qu'il ne faut pas hésiter
00:35:06 à légiférer en la matière tant que
00:35:08 nous n'avons pas atteint l'objectif.
00:35:10 Parce que si on laisse faire la nature,
00:35:12 eh bien, on y arrivera peut-être,
00:35:14 mais ça prendra 10,
00:35:16 100 fois plus de temps. Donc nous n'avons
00:35:18 plus le temps. Donc je pense,
00:35:20 moi, je crois beaucoup en la législation.
00:35:22 L'index, il existe,
00:35:24 c'est important, certains disent,
00:35:26 il n'est pas suffisamment contraignant.
00:35:28 Mais je crois quand même que c'est une vitrine
00:35:30 sur ce qu'est une entreprise,
00:35:32 et je fais confiance à nos jeunes filles,
00:35:34 à nos filles, aux femmes,
00:35:36 d'une façon générale, pour,
00:35:38 quand elles ont la possibilité de choisir
00:35:40 entre deux entreprises,
00:35:42 qu'elles privilégient, évidemment,
00:35:44 l'entreprise où l'égalité salariale
00:35:46 est la plus forte. Et puis ça permet aux entreprises
00:35:48 d'avoir un regard sur elles-mêmes.
00:35:50 Parfois, elles n'ont pas conscience, c'est dingue,
00:35:52 elles n'ont pas conscience
00:35:54 du niveau dans lequel elles sont
00:35:56 par rapport à l'égalité homme-femme,
00:35:58 et l'index est un bon outil pour qu'elles puissent
00:36:00 s'évaluer et voir
00:36:02 dans quel domaine il faut qu'elles
00:36:04 produisent des efforts. Mais je crois
00:36:06 qu'aujourd'hui, il faut que collectivement,
00:36:08 hommes-femmes, on se dise que
00:36:10 en fait, une boîte qui
00:36:12 ne pratique pas une égalité salariale
00:36:14 et qui n'a pas une vraie volonté de le faire
00:36:16 est complètement ringarde
00:36:18 et qu'elle n'est pas désirable,
00:36:20 ni pour le consommateur, finalement,
00:36:22 ni pour des salariés, ni pour des dirigeants.
00:36:24 - Surtout à un moment où il y a une bataille
00:36:26 de l'emploi aujourd'hui,
00:36:28 puisque le taux de chômage a baissé,
00:36:30 et donc les entreprises sont plutôt en train
00:36:32 de recruter
00:36:34 et d'essayer de recruter les meilleurs profils, et effectivement,
00:36:36 ça peut être un élément d'attractivité.
00:36:38 - Gwenola Jolicozze. - Là, nous abordons la déliquate
00:36:40 question des quotas. Alors moi, il y a 15 ans,
00:36:42 comme beaucoup de femmes, j'étais résolument
00:36:44 contre les quotas, pensant naïvement
00:36:46 que la boussole de l'égalité devrait fonctionner
00:36:48 sur cette fameuse phrase "seule la compétence
00:36:50 compte". Bon, on voit bien que cette boussole
00:36:52 ne fonctionne pas, sinon il y aurait des femmes en responsabilité.
00:36:54 Donc je suis désormais résolument
00:36:56 pour les quotas. Mais malheureusement,
00:36:58 notre expérience, vous avez raison, évidemment, la loi,
00:37:00 elle est importante, mais la loi Sauvadet,
00:37:02 qui était la seule loi applicable avant la loi Rixin
00:37:04 dans la fonction publique,
00:37:06 on a fêté ses 10 ans,
00:37:08 et on a vu à quel point elle n'a pas été aussi
00:37:10 efficace qu'on l'aurait voulu, et que les quotas
00:37:12 ont été finalement utilisés de manière
00:37:14 très restrictive, on a demandé 20,
00:37:16 puis 30, puis 40, jamais 50.
00:37:18 - Donc c'est nécessaire, mais pas suffisant,
00:37:20 il faut monter ces quotas.
00:37:22 - Non, je ne suis pas sûre que la question de monter les quotas
00:37:24 soit décisive. Ce qui est décisif, c'est de faire
00:37:26 appliquer la loi. Et ce que dit le bilan
00:37:28 du Sénat 1 de la loi Sauvadet, c'est qu'en réalité,
00:37:30 les hommes ont contourné
00:37:32 les mécanismes de nomination des femmes dans la haute
00:37:34 fonction publique, au point, vous le savez, qu'un certain
00:37:36 nombre de ministères ont été condamnés, et ont préféré
00:37:38 payer, et je dois le dire, y compris
00:37:40 le ministère de la Justice. Avec
00:37:42 71% de talent féminin
00:37:44 dans ses rangs, il a été condamné
00:37:46 à deux reprises pour ne pas avoir respecté
00:37:48 les quotas de nomination de femmes.
00:37:50 - Donc il faut arrêter de dire que c'est de leur faute,
00:37:52 et qu'elles s'en prennent à
00:37:54 elles-mêmes. Il faut les accompagner.
00:37:56 Pour terminer, je voudrais vous faire commenter
00:37:58 la décision, vous vous souvenez de la Première
00:38:00 ministre, elle a beaucoup été commentée,
00:38:02 la Première ministre néo-zélandaise,
00:38:04 Madame Alderne,
00:38:06 qui a, alors c'est de la communication aussi,
00:38:08 Mayad Aboulos, décidée
00:38:10 d'interrompre son mandat en expliquant
00:38:12 qu'elle avait besoin
00:38:14 de passer à autre chose,
00:38:16 et de s'occuper de sa vie
00:38:18 personnelle. On revient un peu
00:38:20 à la question de l'essentialisation. Ca fait du bien
00:38:22 aux femmes, ça, ou pas ?
00:38:24 - Moi je pense que oui, ça fait du bien aux femmes
00:38:26 et aux hommes d'ailleurs. C'est-à-dire que ça pose
00:38:28 la question de la force
00:38:30 physique et de
00:38:32 quels sont les critères qui font qu'on est un
00:38:34 bon ou un mauvais Premier ministre.
00:38:36 En l'occurrence, elle n'a aucun problème pour admettre
00:38:38 qu'elle est à un moment de sa vie où elle n'a plus
00:38:40 l'énergie, plus la force, etc. Donc moi je trouve
00:38:42 ça très très bien de
00:38:44 l'assumer ainsi. - Oui, Javinda
00:38:46 Haiderne, c'est son nom. On termine
00:38:48 avec une image, vous allez nous la
00:38:50 commenter, Yael Brown-Pivet, il s'agit
00:38:52 de Madeleine Brown. J'ai découvert son
00:38:54 existence, une
00:38:56 femme, une résistante,
00:38:58 une antifasciste, une communiste,
00:39:00 alors que c'est un homonyme, je crois.
00:39:02 - Tout à fait. - Madeleine Brown, donc une plaque
00:39:04 a été inaugurée aujourd'hui pour le
00:39:06 8 mars ? - Oui, tout à fait.
00:39:08 Nous mettons des plaques dans l'hémicycle
00:39:10 là où ont siégé des grands parlementaires.
00:39:12 Et
00:39:14 Madeleine Brown a été
00:39:16 la première femme
00:39:18 à présider une séance à l'Assemblée
00:39:20 nationale en 1946.
00:39:22 C'est la première femme à être montée au perchoir.
00:39:24 Et par un hasard
00:39:26 incroyable de l'histoire,
00:39:28 je n'ai aucun lien de parenté avec elle,
00:39:30 et elle porte le même nom que
00:39:32 moi, et je trouve que c'est
00:39:34 un clin d'œil du destin. - Voilà, 1946.
00:39:36 - Assez sympathique, et il n'y a dans l'hémicycle
00:39:38 que quatre plaques
00:39:40 pour honorer des femmes parlementaires,
00:39:42 là où il y en a 65
00:39:44 pour les hommes. - Eh bien,
00:39:46 on s'arrête sur ce chiffre-là. A méditer.
00:39:48 Merci, mesdames. C'était passionnant.
00:39:50 Merci d'être venues sur le plateau
00:39:52 d'LCP pour cette journée
00:39:54 internationale du 8 mars. Vous restez avec moi,
00:39:56 on va parler pure politique, retraite
00:39:58 à présent. Yael Broun-Pivet,
00:40:00 on va d'abord se pencher sur le style.
00:40:02 Broun-Pivet au perchoir, une voix,
00:40:04 des arbitrages, Elsa Mondingava s'est plongée
00:40:06 dans vos séances de présidence
00:40:08 de l'Assemblée. Regardez.
00:40:10 Présider une Assemblée
00:40:16 divisée, fracturée,
00:40:18 cette mission quasi impossible,
00:40:20 vous l'avez voulu, Yael Broun-Pivet,
00:40:22 pour le meilleur comme pour le pire.
00:40:24 Bilan de neuf mois de présidence.
00:40:26 - Merci.
00:40:28 - Courageuse, parce que notre Assemblée est plutôt tumultueuse.
00:40:30 - Souriante, mais ferme.
00:40:32 - Je ne la sens pas partisane quand elle préside
00:40:34 les débats, quand elle descend du perchoir,
00:40:36 c'est autre chose. - Dès vos premières séances
00:40:38 pour asseoir votre autorité,
00:40:40 vous n'hésitez pas à sanctionner
00:40:42 trois rappels à l'ordre la même journée.
00:40:44 - Monsieur le député,
00:40:46 en proférant la phrase
00:40:48 "Aujourd'hui, le lâche, c'est vous",
00:40:50 en vous adressant au ministre de l'Economie
00:40:52 et des Finances, vous l'avez insultée.
00:40:54 Je vous inflige un rappel
00:40:56 à l'ordre avec inscription au procès verbal.
00:40:58 - Donc je prononce un rappel à l'ordre
00:41:00 à votre égard également.
00:41:02 - Je me vois contrainte de prononcer un rappel à l'ordre
00:41:04 parce que vous avez utilisé
00:41:06 à la tribune le mot "xénophobe" à l'égard d'un parti politique.
00:41:08 - Vous avez également dû gérer
00:41:12 l'affaire de Fournasse.
00:41:14 - Le météo indique une détoration significative du climat.
00:41:16 - Pas du tout.
00:41:20 - C'est violence.
00:41:22 - Qui...
00:41:24 - Voilà.
00:41:26 - Chose rarissime, vous suspendez la séance
00:41:30 des questions au gouvernement,
00:41:32 flottement pour certains,
00:41:34 prise de recul nécessaire pour d'autres.
00:41:36 - Moi j'étais dans l'hémicycle à ce moment-là.
00:41:38 On a eu quand même un moment
00:41:40 assez intense
00:41:42 et assez dur
00:41:44 du débat parlementaire.
00:41:46 On était dans un contexte...
00:41:48 Je ne savais pas comment on pouvait
00:41:50 continuer à mener les questions au gouvernement.
00:41:52 Je pense que la décision a été bonne.
00:41:54 - Heureusement, certains moments sont l'occasion
00:41:56 de sourire, l'humour une de vos marques de fabrique.
00:42:00 - Le scrutin est clos.
00:42:02 Non ?
00:42:04 Alors j'ai un problème en face.
00:42:08 Et à gauche.
00:42:10 - Elles tentent de mettre du lien en permanence.
00:42:14 Il faut un peu décrisper
00:42:16 les débats.
00:42:18 Ça ne me choque pas du tout.
00:42:20 - Enfin vient l'épisode des retraites.
00:42:24 - Monsieur le ministre,
00:42:28 est-ce que vous croyez que nous allons passer
00:42:30 15 jours comme cela dans l'hémicycle ?
00:42:32 Oui ?
00:42:34 On n'est pas dans un amphi, on n'est pas dans une manif,
00:42:36 on est dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale.
00:42:38 - Cette séquence va refroidir
00:42:42 vos relations avec la gauche.
00:42:44 - Je crois que l'hémicycle
00:42:46 vous demande des excuses.
00:42:48 - Certains croient
00:42:52 déceler chez vous un conflit de loyauté.
00:42:54 - Être loyal à l'institution
00:42:56 ou au pouvoir législatif
00:42:58 face à l'Elysée
00:43:00 ou être macroniste.
00:43:02 Je pense qu'elle doit un peu osciller entre les deux.
00:43:06 Ce ne doit pas être simple pour elle.
00:43:08 Mais là, récemment, je trouve que
00:43:10 notamment dans le débat sur les retraites,
00:43:12 elle est passée un peu trop du côté
00:43:14 "défendre le macronisme".
00:43:16 - Alors, madame la présidente,
00:43:18 peut-on être libre de défendre l'Assemblée
00:43:20 tout en restant loyal
00:43:22 envers sa famille politique ?
00:43:24 - Réponse, si elle le promet.
00:43:26 Ce n'est pas un peu mission impossible ?
00:43:28 Libre et loyal en même temps ?
00:43:30 - Non, ça me caractérise.
00:43:32 C'est comme ça, je pense,
00:43:34 que je peux bien présider cette institution.
00:43:36 Moi, j'ai vraiment à coeur
00:43:38 de faire en sorte d'être
00:43:40 la plus impartiale possible
00:43:42 dans ma gestion de cette maison,
00:43:44 dans ma gestion des débats,
00:43:46 dans la relation que je peux avoir
00:43:48 avec les différents présidents de groupe.
00:43:50 Mais néanmoins, je suis une femme politique,
00:43:52 je suis une majorité, je sais
00:43:54 pour quelles valeurs je me suis engagée
00:43:56 et ces valeurs, je les ai chevillées au corps.
00:43:58 Donc ça n'est pas antinomique.
00:44:00 - Comme une épreuve. - C'est complexe.
00:44:02 - Ce débat sur les retraites,
00:44:04 les Insoumis qui vous traitent
00:44:06 un peu d'agent provocateur,
00:44:08 on a entendu cette expression,
00:44:10 la présidente d'un camp.
00:44:12 - Ça n'a pas été le cas et je crois
00:44:14 que tous les observateurs ont pu constater
00:44:16 que pendant ce débat des retraites,
00:44:18 j'ai, en président,
00:44:20 permis à l'Assemblée nationale
00:44:22 de débattre,
00:44:24 malheureusement pas jusqu'au bout,
00:44:26 mais de débattre pendant ces 15 jours.
00:44:28 - Est-ce que vous diriez... - Après, c'est vrai
00:44:30 que ça n'est pas facile, parce que la situation
00:44:32 aujourd'hui est complexe,
00:44:34 elle est complexe politiquement,
00:44:36 on sent qu'il y a beaucoup de tensions,
00:44:38 tensions dans notre pays, dans l'hémicycle.
00:44:40 - Quand les Insoumis disent "nous, on veut relayer
00:44:42 cette colère dans le pays, dans l'hémicycle",
00:44:44 ils l'ont même théorisé,
00:44:46 la théorie de la conflictualité,
00:44:48 ils sont dans leur rôle,
00:44:50 mais il faut qu'à l'Assemblée nationale,
00:44:52 on se souvienne toujours
00:44:54 que le débat
00:44:56 doit être organisé.
00:44:58 C'est un débat qui a des règles,
00:45:00 qui a une bienséance.
00:45:02 Nous avons un règlement,
00:45:04 nous représentons les Français,
00:45:06 nous nous appartenons
00:45:08 plus totalement quand nous sommes
00:45:10 parlementaires.
00:45:12 Cette fonction, ce mandat, nous oblige
00:45:14 et à l'Assemblée nationale,
00:45:16 plus qu'ailleurs,
00:45:18 dans cette enceinte-là,
00:45:20 nous devons nous respecter,
00:45:22 nous devons débattre,
00:45:24 nous devons convaincre,
00:45:26 convaincre les autres
00:45:28 que notre vision
00:45:30 est la bonne, c'est vraiment ça
00:45:32 la belle politique.
00:45:34 - Les tensions, elles ne viennent pas forcément
00:45:36 que des bans de la gauche et des Insoumis,
00:45:38 les mauvaises manières aussi.
00:45:40 On peut les voir dans votre camp
00:45:42 pas plus tard qu'hier soir,
00:45:44 le double bras d'honneur d'Eric Dupond-Moretti
00:45:46 pendant l'examen sur la proposition de loi
00:45:48 sur l'inéligibilité des auteurs
00:45:50 de violences conjugales.
00:45:52 Il s'est excusé, mais la Première ministre l'a recadré.
00:45:54 Elle a bien fait de le faire ?
00:45:56 - Écoutez, moi, je suis venue voir
00:45:58 le ministre pour lui demander
00:46:00 de s'excuser. Je me suis entretenue
00:46:02 dès hier avec la Première ministre,
00:46:04 à nouveau avec elle ce matin,
00:46:06 à nouveau avec le ministre également,
00:46:08 et je lui ai écrit un courrier
00:46:10 pour lui demander de rappeler
00:46:12 aux membres de son gouvernement
00:46:14 de respecter l'institution que je préside
00:46:16 et de respecter les parlementaires.
00:46:18 Vous savez, lorsque, parfois,
00:46:20 et ce sont des événements
00:46:22 qui ont émaillé le débat public,
00:46:24 nous avons sanctionné
00:46:26 des comportements de parlementaires
00:46:28 à l'égard de membres du gouvernement,
00:46:30 nous attendons à tout le moins
00:46:32 que le gouvernement soit exemplaire
00:46:34 dans sa conduite et dans son attitude
00:46:36 dans notre hémicycle
00:46:38 et dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
00:46:40 -Vous avez pu voir les images ?
00:46:42 -Bien sûr. -Vous avez demandé à récupérer.
00:46:44 -Tout à fait, j'ai visionné
00:46:46 les images ce midi,
00:46:48 en présence du président Marlex,
00:46:50 pour que nous puissions constater
00:46:52 ensemble quels avaient été
00:46:54 les gestes commis par le garde des Sceaux.
00:46:56 -Et donc ?
00:46:58 -Et nous avons pu constater
00:47:00 qu'effectivement, les gestes étaient inappropriés,
00:47:02 et c'est la raison pour laquelle
00:47:04 j'ai écrit à la Première ministre
00:47:06 un courrier pour lui demander de rappeler
00:47:08 à son gouvernement. -Ces choses faites,
00:47:10 puisque Elisabeth Borne a expliqué
00:47:12 que ces comportements n'avaient pas sa place
00:47:14 dans l'hémicycle. Gros désaveu aussi
00:47:16 pour la majorité, puisque cette proposition
00:47:18 de loi portée par Aurore Berger
00:47:20 a été rejetée hier soir dans l'hémicycle.
00:47:22 Proposition de loi qui était née
00:47:24 de l'affaire Catenin, ce qui visait
00:47:26 à rendre inéligibles les élus
00:47:28 condamnés pour violences conjugales.
00:47:30 Texte opportuniste pour l'opposition.
00:47:32 Aurore Berger n'a pas apprécié,
00:47:34 mais pourtant, une partie
00:47:36 de la majorité n'a pas souhaité
00:47:38 voter ce texte. Est-ce qu'il était bien ficelé ?
00:47:40 Est-ce que, franchement,
00:47:42 un texte un peu anti-Catenin,
00:47:44 c'est ce qu'on entend dans l'opposition,
00:47:46 c'était opportun ? -C'est un sujet très compliqué.
00:47:48 C'est le sujet de l'exemplarité
00:47:50 des élus. Je me souviens, en 2017,
00:47:52 nous souhaitions, le président de la République,
00:47:54 Emmanuel Macron, avait
00:47:56 mis dans son programme le fait
00:47:58 que pour être élu de la République,
00:48:00 il fallait avoir un casier judiciaire
00:48:02 vierge. Nous avons légiféré
00:48:04 en 2017 dans les lois confiance
00:48:06 et cette proposition s'est heurtée
00:48:08 à une difficulté constitutionnelle.
00:48:10 Nous avons fait une liste d'infractions
00:48:12 qui ne doivent pas figurer sur le casier judiciaire.
00:48:14 Nous avions prévu les cas de violences
00:48:16 conjugales. La présidente Berger
00:48:18 a voulu aller plus loin, rendant
00:48:20 cette peine obligatoire, alors que dans ce que nous
00:48:22 avions prévu, c'était facultatif.
00:48:24 Donc, elle a voulu aller
00:48:26 un cran supplémentaire.
00:48:28 -C'était utile d'y aller ?
00:48:30 -Vous savez, ce qui est important, c'est que ça va
00:48:32 toujours dans la même direction, c'est-à-dire
00:48:34 une exemplarité accrue des élus.
00:48:36 Je crois que ça correspond à une
00:48:38 attente de nos concitoyens. Ils attendent ça
00:48:40 de nous. Et donc, vous voyez,
00:48:42 si nous avions pu le faire, nous aurions dit
00:48:44 casier judiciaire vierge.
00:48:46 -Alors, on est entrés dans une phase
00:48:48 décisive de la réforme des retraites,
00:48:50 au lendemain d'une journée d'action très suivie.
00:48:52 D'abord, est-ce que vous êtes confiante ?
00:48:54 Et là, je m'adresse à la députée Renaissance.
00:48:56 Est-ce que ça va passer ? Est-ce que cette réforme
00:48:58 va être votée ? -Je le souhaite.
00:49:00 -Mais vous êtes confiante s'il y a une majorité
00:49:02 à l'Assemblée, vous pensez ? -Je le pense.
00:49:04 Je le pense, parce que...
00:49:06 Alors, on va voir, maintenant,
00:49:08 quel est le texte qui est issu des débats
00:49:10 du Sénat, quel est le texte qui
00:49:12 sera peut-être issu d'une commission
00:49:14 mixte paritaire. Pour le moment, nous sommes
00:49:16 encore dans une série d'hypothèses.
00:49:18 Les débats parlementaires se tiennent encore.
00:49:20 -Ca va se jouer mercredi prochain.
00:49:22 -Vous savez, les députés sont des gens
00:49:24 qui votent de façon éclairée.
00:49:26 Donc, je ne peux pas vous certifier
00:49:28 que les députés voteront en majorité.
00:49:30 -Vous pensez qu'il y a une majorité
00:49:32 à l'Assemblée ? -Un texte dont je ne connais
00:49:34 pas la teneur. C'est quand même difficile.
00:49:36 Mais je pense que nous avons
00:49:38 une majorité à l'Assemblée pour considérer
00:49:40 qu'il faut faire une réforme des retraites
00:49:42 et que la réforme qui est proposée
00:49:44 aujourd'hui par le gouvernement
00:49:46 est celle qui correspond
00:49:48 aux besoins financiers de notre système
00:49:50 tout en étant celle qui permet
00:49:52 de réparer un certain nombre d'injustices.
00:49:54 -Est-ce que le gouvernement doit aller
00:49:56 jusqu'au bout si c'est pour passer
00:49:58 par le 49-3 ou même les ordonnances ?
00:50:00 Ou ce serait l'ouverture d'une forme
00:50:02 de crise politique, dans ce cas-là ?
00:50:04 -Je crois qu'il ne faut pas mettre
00:50:06 la charrue avant les bœufs.
00:50:08 Le gouvernement a des outils
00:50:10 qui lui permettront d'agir
00:50:12 le cas échéant. Aujourd'hui,
00:50:14 moi, je compte sur le débat
00:50:16 parlementaire, je compte sur le Sénat.
00:50:18 J'ai d'excellentes relations
00:50:20 avec le président Larcher, donc je sais
00:50:22 qu'il souhaite aller jusqu'au bout
00:50:24 de l'examen de ce texte.
00:50:26 Je crois que ça, c'est quelque chose d'important.
00:50:28 On a eu un sentiment de frustration
00:50:30 à l'Assemblée nationale
00:50:32 avec un débat qui n'a pas pu aller
00:50:34 jusqu'à son terme et qui ne nous a pas permis
00:50:36 de débattre de la pénibilité,
00:50:38 pas suffisamment des carrières longues,
00:50:40 pas suffisamment des femmes.
00:50:42 -C'est le Sénat, les Républicains,
00:50:44 qui met sur la table une proposition
00:50:46 avec la possibilité soit de choisir
00:50:48 une surcote à 64-35 %,
00:50:50 soit pour les femmes,
00:50:52 de partir à 63.
00:50:54 Bonne idée ? Le gouvernement ne l'a pas eue.
00:50:56 C'est le Parlement.
00:50:58 -Le Parlement, fort heureusement,
00:51:00 est force de proposition et a
00:51:02 de bonnes idées,
00:51:04 mais moi, je crois que
00:51:06 on a un système,
00:51:08 malheureusement,
00:51:10 de retraite
00:51:12 qui ne fait que reproduire
00:51:14 et corriger des inégalités
00:51:16 professionnelles d'une vie.
00:51:18 On sait aujourd'hui que les femmes
00:51:20 sont plus souvent victimes de temps partiel choisi,
00:51:22 sont plus souvent victimes de carrières hachées,
00:51:24 sont plus souvent celles
00:51:26 qui s'arrêtent soit pour élever des enfants,
00:51:28 soit pour s'occuper d'un enfant handicapé,
00:51:30 soit pour s'occuper de leurs parents.
00:51:32 -Ce sont les inégalités en amont.
00:51:34 -Ce sont les inégalités en amont
00:51:36 qu'on a parlé tout à l'heure,
00:51:38 qu'il faut régler. Le système de retraite
00:51:40 peut corriger, améliorer,
00:51:42 mais il ne peut pas effacer d'un trait de plume
00:51:44 40 ans d'inégalités professionnelles
00:51:46 dans une carrière d'une femme
00:51:48 et une carrière d'un homme.
00:51:50 -Un tout petit mot sur Gisèle Halimi,
00:51:52 que le président de la République
00:51:54 a célébré aujourd'hui.
00:51:56 Le fils de Gisèle Halimi n'ira pas
00:51:58 au palais de justice.
00:52:00 Il l'a fait savoir parce qu'il y a eu trop de polémiques.
00:52:02 Il estime que le président
00:52:04 fait diversion en plein bras de fer sur les retraites.
00:52:06 C'est dommage ?
00:52:08 -Oui, je trouve ça dommage,
00:52:10 parce qu'aujourd'hui, on honore les femmes,
00:52:12 on honore des femmes courageuses,
00:52:14 des femmes de conviction,
00:52:16 des combattantes.
00:52:18 Sa mère en était une.
00:52:20 Je trouve qu'aujourd'hui,
00:52:22 peut-être que Gisèle Halimi
00:52:24 aurait été avec nous ce matin
00:52:26 à l'hôtel de la Cey,
00:52:28 où nous avons reçu des femmes iraniennes,
00:52:30 des femmes afghanes,
00:52:32 qui se battent pour avoir le droit à l'instruction,
00:52:34 le droit de ne pas être mariée de force,
00:52:36 le droit à l'avortement.
00:52:38 Je pense que
00:52:40 Gisèle Halimi aurait été
00:52:42 de tous ces combats-là.
00:52:44 Vous avez organisé un grand colloque
00:52:46 avec le choix de mettre en avant
00:52:48 des femmes, on le voit à l'Assemblée,
00:52:50 des femmes combattantes
00:52:52 pour la liberté afghane,
00:52:54 iranienne, guinéenne,
00:52:56 ou encore femme irakienne,
00:52:58 yézidi.
00:53:00 On est toutes petites à côté d'elle.
00:53:02 Il y a le 8 mars en France.
00:53:04 Pour vous, le premier des combats dans le monde pour les femmes,
00:53:06 c'est lequel ?
00:53:08 -C'est le combat de l'égalité.
00:53:10 On a parlé du droit à l'instruction.
00:53:12 Moi, je crois que les femmes
00:53:14 ont besoin, où qu'elles soient,
00:53:16 de pouvoir s'épanouir,
00:53:18 de pouvoir apprendre,
00:53:20 de pouvoir exercer les métiers
00:53:22 qu'elles souhaitent, parce que c'est elles
00:53:24 qui, après, aussi, élèveront
00:53:26 leurs petites-filles. On a eu
00:53:28 une jeune femme qui nous parlait de sa mère
00:53:30 qui était probablement restée
00:53:32 ignorante, soumise,
00:53:34 et, en fait, elle,
00:53:36 elle a pu accéder à l'instruction,
00:53:38 qui lui a permis aussi de s'émanciper.
00:53:40 Donc, le droit à l'instruction,
00:53:42 à l'égalité, sont des beaux combats
00:53:44 et que nous devons accompagner,
00:53:46 nous devons être à côté de toutes ces femmes.
00:53:48 -Vous restez avec moi, c'est la dernière partie
00:53:50 de l'émission qu'on va ouvrir tout de suite
00:53:52 avec nos affranchies. On les accueille tout de suite.
00:53:54 Leur parti pris pour vous
00:53:56 faire réagir. Allez,
00:53:58 on vous accueille tous les deux,
00:54:00 maître Bertrand Perrier. On va terminer avec vous, tiens.
00:54:02 -Ah, si vous voulez.
00:54:04 -Ce sera la petite surprise du chef, la carte blanche
00:54:06 de Bertrand Perrier et Delphine Sabatier.
00:54:08 "Oeil sur le numérique", on en parlait tout à l'heure,
00:54:10 où sont les femmes dans l'intelligence artificielle,
00:54:12 dans le numérique, il y a eu une application
00:54:14 dont vous allez nous parler ce soir,
00:54:16 c'est TikTok, on en parle beaucoup
00:54:18 à l'Assemblée, le Congrès américain
00:54:20 réfléchit même à l'interdire. -Absolument.
00:54:22 Ca, c'est la dernière actualité. Bonjour, madame
00:54:24 la présidente de l'Assemblée nationale.
00:54:26 Vous n'êtes pas officiellement présente sur ce réseau social
00:54:28 chinois, TikTok. Vous n'avez pas de compte,
00:54:30 mais alors on voit beaucoup de plus en plus,
00:54:32 j'ai envie de dire, de vidéos avec vous.
00:54:34 Alors, ce qui marche le mieux, ce sont les invectives,
00:54:36 les suspensions de séance,
00:54:38 quand vous rappelez à l'ordre
00:54:40 aussi une ou un député.
00:54:42 D'ailleurs, d'après vous,
00:54:44 combien font de vues les vidéos
00:54:46 avec le hashtag, Yael Broun ?
00:54:48 -Je ne sais pas.
00:54:50 Beaucoup ? -4,4 millions, quand même.
00:54:52 -Je ne savais même pas que le hashtag
00:54:54 existait, en fait. -Il existe.
00:54:56 Bon, quand même, il faut relativiser, parce que le hashtag
00:54:58 Macron, c'est 4,5 milliards de vues.
00:55:00 -Ah oui, ça calme. -C'est le président
00:55:02 de la République, et puis en plus, lui, il a
00:55:04 son propre compte, qu'il anime d'ailleurs
00:55:06 avec une certaine assiduité, comme on peut voir
00:55:08 avec ses petites vidéos.
00:55:10 -J'ai Guillaume Tessé sur Twitter qui
00:55:12 écrit "Avons-nous tout fait pour que notre maison
00:55:14 ne brûle plus autant ?"
00:55:16 Voilà en plus la photo qu'il met avec.
00:55:18 Donc, je ne suis pas sûr que
00:55:20 honnêtement, les nates de Greta m'aillent
00:55:22 super bien, mais je crois qu'on prend l'idée qu'il y a derrière.
00:55:24 -Voilà, donc
00:55:26 assiduité, une certaine aisance, mais ça n'empêche pas
00:55:28 quand même notre président de la République de critiquer
00:55:30 vertement ce réseau social.
00:55:32 TikTok, il parle d'un problème
00:55:34 qui crée une vraie addiction chez les jeunes,
00:55:36 de la propagande russe cachée,
00:55:38 aussi, ce sont des accusations
00:55:40 qui ont été portées en premier aux Etats-Unis,
00:55:42 il faut le rappeler. Là-bas, les politiques nous parlent
00:55:44 carrément d'un cheval de Troie du Parti
00:55:46 communiste chinois, utilisé pour
00:55:48 surveiller les Américains,
00:55:50 une menace pour la sécurité nationale,
00:55:52 le pouvoir même de retourner
00:55:54 le cerveau des ados avec
00:55:56 ces algorithmes de recommandation qui sont assez obscurs.
00:55:58 -Alors, il y a des questions de sécurité
00:56:00 qui se posent aux Etats-Unis, on prend le problème à bras le corps,
00:56:02 et nous, en France ?
00:56:04 -On a effectivement, la dernière actualité,
00:56:06 hier encore, le conseiller de sécurité nationale
00:56:08 de la Maison-Blanche qui défendait un texte
00:56:10 qui va permettre sans doute d'interdire
00:56:12 les applications, de manière générale,
00:56:14 étrangères qui peuvent avoir
00:56:16 une menace sur la sécurité intérieure
00:56:18 parce qu'elles collectent énormément de données.
00:56:20 Ce bannissement, on le retrouve de plus en plus
00:56:22 proche de nous, les institutions
00:56:24 européennes ont décidé que leurs fonctionnaires
00:56:26 n'avaient plus le droit d'utiliser TikTok sur
00:56:28 les smartphones, et puis en France, pour l'instant,
00:56:30 on étudie le dossier.
00:56:32 -Il y a le président de la commission de la défense
00:56:34 qui s'est retiré, Thomas Gacillou,
00:56:36 de lui-même, mais pour l'instant, vous allez réagir,
00:56:38 mais pas de décision institutionnelle.
00:56:40 -Voilà, alors, je ne sais pas si on est
00:56:42 un peu trop prudent, en tout cas,
00:56:44 ici, on se trouve clairement au milieu
00:56:46 d'une guerre géopolitique sino-américaine,
00:56:48 mais ça ne doit pas occulter les vraies problématiques
00:56:50 qui sont derrière,
00:56:52 dans ce monde numérique, quand on parle de soupçons
00:56:54 d'espionnage, de siphonnage d'informations personnelles,
00:56:56 de dérives violentes, de dépendance,
00:56:58 de manipulation étatique,
00:57:00 c'est intéressant de voir que les Etats-Unis réagissent
00:57:02 très fort, parce qu'en fait, ils ont conscience
00:57:04 de la puissance de ces plateformes numériques,
00:57:06 de ce que ça permet d'accéder
00:57:08 à ces données, c'est éminemment politique
00:57:10 et stratégique. -Question, donc,
00:57:12 à la présidente de l'Assemblée. -Aujourd'hui,
00:57:14 j'aimerais qu'on se pose les mêmes questions,
00:57:16 mais vis-à-vis des applications numériques de manière générale,
00:57:18 ce sont des puissances étrangères,
00:57:20 pas uniquement chinoises, aussi américaines,
00:57:22 et je voulais vous poser la question,
00:57:24 vous m'avez interpellée sur ce sujet,
00:57:26 qu'allez-vous décider au sein de l'Assemblée nationale ?
00:57:28 On parle de mise en garde des députés,
00:57:30 est-ce que ça pourrait aller jusqu'à être une interdiction
00:57:32 d'utiliser l'application TikTok ?
00:57:34 -Alors,
00:57:36 l'interdiction à des parlementaires,
00:57:38 non, c'est,
00:57:40 à mon sens, quelque chose
00:57:42 qui n'est pas souhaitable.
00:57:44 En revanche, nous avons
00:57:46 des formations,
00:57:48 des appels
00:57:50 à la vigilance,
00:57:52 qui sont finalement,
00:57:54 qui vont au-delà de TikTok,
00:57:56 qui vont aussi sur la sécurité informatique,
00:57:58 nous savons que nous sommes des cibles
00:58:00 pour les puissances étrangères,
00:58:02 et il faut que les parlementaires
00:58:04 aient bien conscience de l'environnement
00:58:06 dans lequel ils évoluent,
00:58:08 donc il y a cet environnement dont vous parlez,
00:58:10 TikTok, réseaux sociaux, etc., mais pas seulement.
00:58:12 Il faut que la prise de conscience soit globale
00:58:14 pour que la vigilance soit extrême.
00:58:16 -Une décision d'institution.
00:58:18 -A capturer l'intrigue.
00:58:20 -Allez, on enchaîne, parce que je voudrais
00:58:22 quand même vous laisser un peu de temps.
00:58:24 Carte blanche ce soir,
00:58:26 vous êtes assez inspiré, Maître Berri.
00:58:28 -On va voir, madame la présidente,
00:58:30 chère Yael Broun-Pivet, si vous le voulez bien,
00:58:32 pendant les 3 minutes qui viennent,
00:58:34 je ne vais pas être avocat, vous n'allez pas être député,
00:58:36 je ne vais pas être chroniqueur, vous n'allez pas être député,
00:58:38 on va tous les deux être avocat, je le suis toujours,
00:58:40 vous ne l'êtes plus, d'où ma question,
00:58:42 pourquoi ? Pourquoi ce choix ?
00:58:44 Pourquoi le perchoir plutôt que les prétoires ?
00:58:46 Pourquoi le tailleur plutôt que la robe ?
00:58:48 Et pourquoi les incidents de séance
00:58:50 plutôt que les incidents d'audience ?
00:58:52 Car j'en suis certain, quand vous vous sentez
00:58:54 un peu seul, là-haut, sur votre estrade,
00:58:56 il vous arrive de vous souvenir
00:58:58 de ce 25 janvier 1996
00:59:00 où vous vous êtes approché timidement
00:59:02 de la cour d'appel de Paris pour dire
00:59:04 "je le jure". Il vous arrive aussi
00:59:06 de vous souvenir de votre petit bureau
00:59:08 aux 156 rues de Rivoli
00:59:10 et de la figure tutélaire d'Hervé Témime.
00:59:12 Et je veux croire
00:59:14 que malgré les dorures, les honneurs
00:59:16 et les tambours de la garde républicaine,
00:59:18 vous avez gardé en vous cette petite flamme de la défense
00:59:20 qui avait fait de vous une pénaliste.
00:59:22 Parce que, vous le savez, être pénaliste
00:59:24 ce n'est pas un métier, c'est une vocation
00:59:26 et elle ne vous abandonne jamais
00:59:28 vraiment. Et si vous avez
00:59:30 pour le moment choisi d'écrire la loi,
00:59:32 je suis sûr qu'un jour, vous aurez
00:59:34 envie de revenir parmi nous pour la faire
00:59:36 respecter. Vous y retrouverez
00:59:38 alors vos consoeurs, désormais majoritaires
00:59:40 dans la profession très largement
00:59:42 et qui sont les héritières
00:59:44 de Gisèle Halimi, que nous fêtons
00:59:46 aujourd'hui, et qui chaque jour mettent à mal
00:59:48 le cliché du ténor
00:59:50 à la voix rauque et à l'éloquence
00:59:52 testostéronée qui fait vibrer
00:59:54 les cours d'assises. Car le combat des femmes
00:59:56 passe aussi par le droit et par
00:59:58 ses vigies, que sont les avocats et les juges,
01:00:00 pour que reculent les discriminations,
01:00:02 les violences, les abus, le harcèlement,
01:00:04 les insultes, dans les foyers,
01:00:06 dans les entreprises, dans l'espace public,
01:00:08 sur Internet, et aussi, on l'oublie parfois,
01:00:10 dans les prisons, en France, bien sûr, mais aussi
01:00:12 d'ailleurs, en Iran, en Turquie, en Russie.
01:00:14 Vous voyez, proclamer
01:00:16 abstraitement des droits, c'est bien, mais les
01:00:18 mettre en œuvre au quotidien, c'est peut-être
01:00:20 encore mieux. Alors voilà ce que je voulais vous dire
01:00:22 aujourd'hui, Madame la Présidente, chers
01:00:24 consoeurs. J'ai fait vérifier
01:00:26 lorsque vous avez quitté le barreau
01:00:28 de Paris, le 18 septembre de
01:00:30 1999, vous étiez à jour
01:00:32 de vos cotisations ordinales.
01:00:34 Rien ne s'oppose donc à votre retour,
01:00:36 et je vous le dis, nous vous attendons.
01:00:38 Vous ferez alors comme nous, vous
01:00:40 resterez contre les lois trop nombreuses,
01:00:42 mal écrites, inapplicables, ce seront les vôtres,
01:00:44 vous râlerez sur la lenteur
01:00:46 d'une justice sans moyens, ce seront
01:00:48 ceux que vous lui aurez donnés, et le soir,
01:00:50 vous sortirez du palais de justice,
01:00:52 fourbu, sans doute, mais heureuse,
01:00:54 et vous vous direz alors,
01:00:56 ce n'est donc pas un hasard, si le mot
01:00:58 "plédoirie" est un mot féminin.
01:01:00 - Une réaction
01:01:02 très brève. Ça vous manque ou pas ?
01:01:04 Vous pourriez y revenir, au barreau ?
01:01:06 - Ça me manque pas,
01:01:08 parce que j'aime follement la politique,
01:01:10 mais j'y pense
01:01:12 avec beaucoup d'émotion, et je me revois
01:01:14 ce jour où j'ai prêté serment
01:01:16 à la cour d'appel de Paris, ou quand je vais
01:01:18 aux audiences solennelles de la cour de cassation,
01:01:20 ou quand je vais dans un palais de justice,
01:01:22 et je me vois, effectivement,
01:01:24 j'ai des souvenirs de moi
01:01:26 cheminant entre le palais et le 156
01:01:28 Rue de Rivoli, avec ma robe
01:01:30 sous le bras, et j'étais jeune,
01:01:32 et j'aimais la défense,
01:01:34 et j'aimais porter ces convictions,
01:01:36 et être la voix de ceux qui n'en ont pas,
01:01:38 comme disait souvent Pierre Haïk,
01:01:40 qui vient de nous quitter.
01:01:42 J'ai follement aimé cette profession.
01:01:44 - Merci beaucoup. On va s'arrêter là.
01:01:46 Je suis sûre que vous aurez des choses à vous dire.
01:01:48 On est en retard. Désolée. Restez avec nous
01:01:50 sur la chaîne parlementaire. Très biene soirée.
01:01:52 Merci, Yaloune. - Merci à vous.
01:01:54 Merci beaucoup.
01:01:56 ...
01:02:08 *Bruit de coups de feu*
01:02:10 Merci à tous !

Recommandée