Il y a 10 ans, Aaron Swartz se donnait la mort pour échapper à une énorme pression juridique mise en place par le gouvernement américain. Son crime : avoir voulu défendre les valeurs d'Internet corps et âme. Portrait vidéo d'un esprit hors-norme.
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00:00 Aujourd'hui, on vous parle d'un surdoué de la tech au destin brisé, de militantisme
00:03 informatique, du moment où Internet est devenu un terrain politique.
00:07 Bienvenue dans Login.
00:08 A son lancement à la toute fin des années 80, le World Wide Web repose sur des idéaux
00:17 progressistes.
00:18 Un outil gratuit permettant l'accès à des milliers d'informations dans un immense
00:22 réseau.
00:23 Un outil qui promeut le partage des connaissances et l'émancipation du plus grand nombre,
00:26 sans distinction de classe, d'origine ou de fortune.
00:29 Évidemment, plus de 30 ans plus tard, alors que les fake news pululent sur la toile, que
00:33 les grandes entreprises d'Internet croquent les plus prometteuses à coup de milliards
00:36 et que nos données personnelles se moneillent et se transforment en armes publicitaires,
00:39 ces idéaux peuvent faire sourire.
00:41 Mais dans la toute jeune histoire du Web, certaines personnalités se sont démenées
00:44 pour faire perdurer son esprit originel, au point parfois d'en payer le prix fort.
00:48 Si vous êtes un habitué des internets, le nom d'Aaron Swartz vous dit peut-être
00:51 quelque chose.
00:52 Souvent galvaudé, le terme "surdoué" colle particulièrement bien à ce petit génie
00:56 de la tech.
00:57 Si vous réalisez par exemple qu'il est à l'origine d'une plateforme de partage
01:00 de connaissances ouverte à tous, baptisée The Info Network, deux ans avant la création
01:04 de Wikipédia et surtout à seulement 12 ans, le parcours d'Aaron Swartz est à l'image
01:08 de ce premier exploit.
01:09 Une maîtrise technique quasi virtuose mise au service d'un Internet ouvert et collaboratif.
01:13 Pendant son adolescence, il côtoie d'ailleurs les esprits fertiles de l'époque, comme
01:17 Tim Berners-Lee, ni plus ni moins que le fondateur du Web.
01:20 Surtout, il participe à de nombreux projets.
01:22 A 14 ans, il est par exemple l'une des pièces maîtresses dans l'élaboration des flux
01:26 RSS qui permettent, vous le savez peut-être, de s'abonner au fil d'informations de
01:29 plusieurs médias ou blogs et de les afficher en version simplifiée.
01:32 A une époque où le chargement d'une page peut prendre un temps considérable, cette
01:36 invention constitue un raccourci salevateur pour qui veut savoir ce qui se passe sur Internet
01:40 en un clic.
01:41 A 15 ans, il contribue également au développement des Creative Commons, qui permettent aux créateurs
01:45 de contenus de tous horizons de labelliser leur travail sur la toile en indiquant des
01:48 droits d'utilisation, de modification, etc.
01:51 Parmi ses autres faits d'armes, citons Reddit, site aujourd'hui incontournable
01:54 qu'il a aidé à développer, citons aussi ses nombreuses contributions sur Wikipédia
01:58 ou encore SecureDrop, une plateforme permettant aux lanceurs d'alerte de partager des documents
02:02 sensibles avec des journalistes.
02:03 Vous l'avez peut-être décelé dans tous ses travaux, la trajectoire d'Aaron Swartz
02:07 s'est vite portée sur le terrain du politique.
02:09 Et c'est logique quand on défend l'idée d'un Internet ouvert, contraire aux intérêts
02:12 des grandes firmes de ce monde.
02:14 En 2012, il parvient ainsi à faire tomber un projet de loi anti-piratage, SOPA, qui
02:18 prévoyait de bloquer les sites accusés de porter atteinte aux droits d'auteur sur
02:21 la base d'un simple signalement et sans aucune forme de procès.
02:23 Très populaire au départ dans la sphère parlementaire, cette initiative a perdu la
02:26 quasi-totalité de ses soutiens quand Swartz et ses alliés parviennent à mobiliser les
02:30 foules pour s'y opposer, en créant notamment des plateformes permettant aux citoyens de
02:34 signer des pétitions en ligne contre le projet.
02:36 We did it.
02:39 We won.
02:40 Et cette volonté d'influer sur la loi en y intégrant le plus grand nombre va fortement
02:43 déplaire à l'administration américaine, qui guette le moindre faux pas de Swartz.
02:47 En 2011, il est filmé dans les locaux du MIT, en train de télécharger des millions
02:51 d'articles scientifiques disponibles sur JSTOR, un système d'archivage universitaire
02:55 payant.
02:56 Un crime inoffensif, d'autant que rien ne prouve que Swartz comptait diffuser ses documents
03:00 en clair sur le net, mais qui signe le début de la fin pour le jeune activiste.
03:03 La procureure du Massachusetts retient en effet 13 chefs d'accusation contre Aaron
03:07 Swartz, qui en court pas moins de 35 ans en prison et jusqu'à 1 million de dollars
03:11 d'amende.
03:12 Derrière cette menace démesurée et l'acharnement du système judiciaire américain se cache
03:15 en fait une volonté assez claire, celle de faire un exemple.
03:18 Et pour comprendre cette démarche, il faut l'inscrire dans le contexte.
03:21 Les agissements de Swartz interviennent en même temps que ceux d'Anonymous, de Wikileaks,
03:24 de lanceurs et lanceuses d'alertes comme Chelsea Manning, des personnalités ou groupes
03:27 qui travaillent notamment à dévoiler les petits secrets cachés par l'administration
03:31 américaine.
03:32 En frappant fort sur une cible comme Swartz non protégée par l'anonymat et facilement
03:35 accessible, c'est très clair, les Etats-Unis envoient un message.
03:38 Une manœuvre au contour purement politique qui va causer un véritable désastre sur
03:42 le plan humain.
03:43 Sous pression à l'approche de son procès, s'isolant volontairement de ses proches
03:46 pour ne pas les impliquer, Aaron Swartz se suicide le 11 janvier 2013.
03:50 Internet est secoué par la nouvelle et les hommages fleurissent aux quatre coins de
03:53 la toile.
03:54 La mort de Swartz signe en quelque sorte la fin de l'insouciance pour le web.
03:56 L'heure n'est plus à la légèreté, internet est devenu un terrain éminemment
03:59 politique où l'engagement et le militantisme peuvent vous mettre dans l'œil du cyclone.
04:03 Et selon le camp que vous avez choisi, les conséquences peuvent, on l'a vu, être
04:06 terribles.
04:07 Pour préparer cette vidéo, nous nous sommes principalement appuyés sur le documentaire
04:36 The Internet's Own Boy de Brian Knappenberger, disponible gratuitement sur YouTube puisqu'il
04:40 est sous licence Creative Commons.
04:42 Si l'histoire d'Aaron Swartz vous intéresse et que vous voulez creuser un peu, on vous
04:45 conseille d'y jeter un œil.
04:46 Merci d'avoir regardé Login, à la prochaine.