Traité international à l'ONU sur la haute mer : Olivier Poivre d'Arvor est notre invité

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00:00 Bonsoir Olivier Poivre d'Arvor.
00:04 Bonsoir.
00:05 Et merci d'être avec nous parce que vous arrivez tout juste de New York, vous descendez
00:09 de l'avion, alors vous êtes un écrivain, vous êtes un homme de culture mais vous êtes
00:13 également ambassadeur de la France pour les pôles et les enjeux maritimes.
00:17 C'est donc enfin, alors non pas signé, mais il y a un traité enfin à New York, un traité
00:23 sur la haute mer après 15 ans de négociations.
00:26 Cela fait deux semaines que les États membres de l'ONU discutaient à New York pour tenter
00:31 de surmonter leur divergence.
00:34 Alors ils ont fini par y parvenir hier soir, très tard, on va évidemment en parler avec
00:39 vous mais on va d'abord aller à Washington où se trouve Sébastien Paor.
00:43 Le navire a atteint le rivage, les mots de la présidente de la conférence hier soir
00:47 au siège de l'ONU à New York où les États ont donc réussi à venir à bout des trois
00:51 points qui faisaient durer les négociations, la procédure de création des aires marines
00:55 protégées, les modalités de mise en œuvre des études d'impact sur l'environnement,
00:59 des activités envisagées en haute mer et surtout le partage des potentiels bénéfices
01:04 issus des ressources marines génétiques.
01:06 C'est ce dernier chapitre qui empêchait la signature d'un accord ces dernières
01:10 heures.
01:11 Les ressources marines génétiques, c'est une question d'équité nord-sud pour les
01:14 spécialistes.
01:15 Les pays en développement veulent aussi leur part du gâteau si des molécules découvertes
01:19 dans ces eaux internationales venaient à être commercialisées.
01:22 Le texte premier, traité international de protection de la haute mer, permet de s'approcher
01:27 de l'engagement pris en décembre par l'ensemble des gouvernements du monde de protéger 30%
01:32 des terres et des océans de la planète d'ici 2030.
01:34 Il n'a pas été adopté formellement lors de cette session mais il est désormais figé
01:39 et le sera plus tard, le temps notamment d'être vérifié par les services juridiques de l'ONU.
01:43 Olivier Poivre-Darvaud, ambassadeur des pôles et des enjeux maritimes, on a raison de parler
01:48 d'un accord historique.
01:50 Vraiment vital, capital pour protéger la haute mer aujourd'hui.
01:53 Oui, pour que ce soit très compréhensible, c'est un accord sur la moitié du monde.
01:59 La moitié de la surface du globe.
02:01 C'est 60% de la mer.
02:02 La haute mer c'est tout ce qui est libre, libre de circulation, qui peut appartenir
02:07 à tout le monde.
02:08 C'est patrimoine commun.
02:09 Il n'y a pas de protection juridique ?
02:10 Aucune pour l'instant.
02:11 Et là, pour la première fois, moi j'ai ouvert la négociation il y a 15 jours avec
02:16 le secrétaire d'état à la mer Hervé Berville mais il y a surtout une équipe de négociateurs
02:19 français, européens et mondiaux, qui pendant 15 jours ont fait le travail qui n'a pas
02:24 été fait depuis 15 ans.
02:25 Parce que ça fait 15 ans qu'on discute d'un texte.
02:27 Un texte qui va décider de protéger, c'est-à-dire de faire que tout le monde ne peut pas s'emparer
02:31 à la fois de la pêche, des ressources génétiques, minérales et vraiment se servir.
02:36 Et c'est un accord d'autant plus étonnant qu'on est en pleine situation géopolitique
02:41 très troublée.
02:42 Le multilatéralisme, ce n'est pas le mot le plus évident à prononcer aujourd'hui
02:47 aux Nations Unies.
02:48 - Ce sens est très symbolique ce qui s'est passé à New York.
02:50 - Oui mais souvent dans les situations de crise, vous savez le traité de l'Antarctique
02:52 qui est un traité incroyable, c'était signé en pleine guerre froide.
02:54 Il y a un moment donné où je pense que les nations savent bien que, et je pense que les
02:59 effets du changement climatique sont là.
03:01 Tout le monde sait, tous nos enfants nous disent qu'il faut faire quelque chose et là
03:04 on a fait quelque chose d'absolument inouï, considérable et qui va je crois transformer
03:09 y compris la question du carbone, y compris la question des effets du changement climatique
03:14 et de la montée des eaux.
03:15 Ça va avoir des effets considérables sur notre survie pour les siècles à venir.
03:19 - Alors une précision quand même Olivier Poivre d'Arvor, quand on parle de la haute
03:23 mer, ça comprend quoi ? Est-ce qu'on peut dire que la haute mer commence ou s'arrête
03:30 les zones économiques exclusives ?
03:31 - Oui, pour être clair avec vos auditeurs, il y a en fait trois parties dans la mer.
03:35 Il y a la mer qui est à nous, chaque pays a sa zone exclusive, donc il peut faire ce
03:39 qu'il veut.
03:40 Et donc c'est 200 milles, ça fait 360 kilomètres.
03:43 Il y a le fond de la mer qui appartient à tout le monde, alors là il y a un sujet,
03:48 donc un jour il y aura une autre dégustation très importante sur l'exploitation des fonds
03:51 marins.
03:52 Et puis il y a la colonne d'eau, une immense masse d'eau considérable qui est libre, qui
03:57 n'appartient à personne, donc qui n'est pas la propriété des États.
04:00 Cette masse d'eau n'avait pas du tout été traitée et c'est celle-là que nous avons
04:04 protégée.
04:05 - Alors de manière très concrète, quels sont les engagements de ce traité ?
04:09 - Ce qui est très important...
04:11 - Ça va permettre quoi ?
04:12 - Oui, ça va permettre d'abord que ça se fasse en 2030, parce que pour préparer un
04:16 schéma de planification de cet espace considérable, il faut du temps.
04:19 D'abord il faut que le texte existe, il a été approuvé, applaudi au consensus.
04:25 - On ne peut pas le retoucher ?
04:26 - Non, c'est impossible.
04:27 On peut rajouter une virgule si vous voulez, mais vraiment pas plus.
04:30 Il y a le texte, c'est fait, l'accord est signé.
04:32 Il faut qu'il soit ratifié par tous les parlements des pays et ça, ça va être le
04:35 cas, je pense, en 2025 où la France organise la conférence des Nations Unies sur l'océan
04:40 en 2025.
04:41 On va pouvoir mettre en œuvre tout un système d'air marine protégé, donc de protéger
04:46 tout cet espace avec des règles très strictes qui font qu'on ne pourra pas pêcher, on
04:51 ne pourra pas circuler, on ne pourra pas aller chercher les ressources marines génétiques.
04:54 Si on a refait ce que votre journaliste à Washington a dit, des études d'impact environnemental,
04:59 si c'est dommageable, on ne le fera pas, si c'est possible, on le fera.
05:03 Et donc on va véritablement réguler à la fois la nourriture, l'alimentation et
05:07 puis toute l'exploitation des océans.
05:08 Mais quand même, 15 ans de négociations, ça paraît incroyable tout de même parce
05:13 que finalement on est en train de défendre un bien commun.
05:15 Pourquoi ça a été si compliqué ? Parce qu'il y a de l'argent en jeu aussi.
05:18 D'abord il y a des gens visionnaires, cette notion de bien commun que vous exprimez,
05:22 c'est pas du tout évident.
05:23 Quand vous exprimez ça, Catherine Chabot l'a beaucoup porté, mais c'est pas évident
05:27 de faire comprendre ça aux 192 autres pays.
05:29 Et puis il faut se dire, la mer c'est le lieu des confrontations de demain et d'aujourd'hui.
05:34 La Chine devient la première puissance maritime mondiale cette année, devant les Etats-Unis.
05:39 Et on sait quel va être le match.
05:41 C'est un lieu à la fois sur plan d'exploitation, de l'économie, des richesses qui est considérable.
05:45 Et donc il y a des matchs extraordinairement difficiles.
05:49 On a été, je crois, pas mauvais nous français, parce qu'on s'est rappelé qu'on était
05:52 européens et donc avec le One Nation Summit il y a maintenant un an, à Brest, on a créé
05:56 une coalition pour la défense de la haute mer.
05:58 Donc on était 27 pays qui ont dit "il faut que cet accord soit signé".
06:01 Donc c'est honnêtement, c'est mon patron, mais c'est Emmanuel Macron qui a été un
06:05 bon skipper dans l'affaire.
06:06 Et puis tout l'équipage européen est parti.
06:09 Puis on a convaincu, pendant la négociation de nos négociateurs, on a convaincu les Chinois
06:13 d'être avec nous.
06:14 Puis après c'était les Américains, puis après c'était le groupe des pays africains,
06:17 etc.
06:18 Puis voilà, on est arrivé par miracle, mais parce que je pense que les hommes à un moment
06:21 donné sont sages quand même.
06:22 - De manière générale, on voit que la haute mer a longtemps été ignorée au profit des
06:26 zones côtières.
06:28 Qu'est-ce qui a fait bouger les lignes ? C'est la science ? C'est ce qu'on a appris ? On
06:32 a compris que si on étudiait l'océan et si on le protégeait, on comprendrait plus
06:36 de choses sur nous-mêmes ?
06:37 - Oui, vous avez tout à fait raison.
06:38 C'est l'océan, on ne le connaît pas.
06:40 On connaît 10% de l'océan.
06:42 Et donc la science, les scientifiques, les ONG, la société civile, je dois dire, ce
06:46 que nous préparons aujourd'hui qui est un équivalent du GIEC, il y a un GIEC pour le
06:50 climat, tout le monde sait ce que c'est le GIEC, il n'y a absolument aucun indicateur
06:53 fiable aujourd'hui sur l'océan.
06:54 Et donc on va essayer de créer ça d'ici deux ans pour savoir exactement ce qui s'y
06:57 passe, ce qu'on peut faire ou pas faire.
06:59 Et je crois que c'est en effet cette passion de la connaissance, d'exploration.
07:02 C'est pour ça qu'il faut être opposé à l'exploitation des fonds marins à Kingston,
07:06 à Jamaïque.
07:07 Dans quelques semaines, il va y avoir un grand débat à l'échelle des Nations Unies pour
07:11 savoir si on peut aller au fond des océans.
07:12 Non, il ne faut pas aujourd'hui.
07:13 On ne sait pas ce qui va se passer.
07:15 Et c'est un bien commun.
07:16 Vous savez que la moitié de notre oxygène vient d'ici, que c'est un puits de carbone
07:19 formidable.
07:20 Et c'est pas pour rien que nos émotions, elles sont salées.
07:22 On pleure et on transpire avec de l'eau salée.
07:25 Donc c'est que le sang passe dans les veines et dans nos artères.
07:28 Et c'est grâce à l'océan qu'on respire, puisqu'il fournit la moitié de l'oxygène
07:33 que nous respirons.
07:34 On lui doit la moitié de cette interview.
07:35 Merci beaucoup en tout cas.
07:38 Olivier Pravodar, vos ambassadeur pour la France des pôles et des enjeux maritimes.
07:43 Et j'en profite pour citer ce magnifique ouvrage "Voyage en mer française" que vous
07:47 venez de publier aux éditions Place des Victoires.
07:49 A très vite sur France Info.

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