La naissance du cinéma sonore et parlant

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Le cinéma sonore est né en 1926 grâce à la technologie du Vitaphone, commercialisé par la société Warner Bros. Le premier film a utilisé ce procédé est Don Juan. Le cinéma parlant, lui, est apparu la même année grâce à A Plantation Act, un film dans lequel on entend la célèbre phrase "Wait a minute you ain't heard nothing yet."
Transcription
00:00 Ce son est apparu dans les salles de cinéma en 1926.
00:02 Avant cette date, les films étaient silencieux, muets.
00:05 Enfin, c'est pas tout à fait vrai.
00:07 Un salut à vous, bienvenue dans le cinéma.
00:09 Effectivement, dans les premières années du cinéma, les films n'avaient pas de son.
00:16 Mais on s'est rendu compte que cette absence pouvait créer des problèmes lors de la projection des films.
00:20 Mettez-vous à la place d'un spectateur en 1900 par exemple.
00:23 Le cinéma à l'époque, c'est un art qui est encore super nouveau,
00:26 et vous savez probablement pas à quoi vous attendre.
00:27 Vous allez vous asseoir dans une salle de projection sombre, entouré de gens que vous connaissez pas,
00:31 pour regarder un film en noir et blanc en entendant en fond le bruit du projecteur.
00:35 Ouais, c'était un petit peu le malaise.
00:38 C'est la raison pour laquelle les projectionnistes vont rapidement essayer de combler ce silence,
00:42 avec tout un tas de procédés très imaginatifs.
00:44 Ce qu'ils faisaient plus souvent, c'est qu'on plaçait un pianiste dans la salle
00:47 pour qu'il joue une musique improvisée sur le film.
00:49 Mais pas que.
00:50 Il pouvait aussi y avoir des gens pour commenter le film.
00:52 On les appelait des bonimenteurs.
00:53 Ils étaient là pour réciter les dialogues du film qui apparaissaient via ce qu'on appelle des cartons,
00:57 tout simplement parce qu'à l'époque, tout le monde ne savait pas lire.
01:00 Il pouvait aussi raconter des détails du film au spectateur,
01:03 le but étant de rendre l'expérience immersive.
01:05 Et en termes d'immersion, il y avait même encore mieux.
01:08 Il existait des bruiteurs professionnels qui utilisaient toutes sortes d'instruments
01:11 pour traduire l'action qui se passait à l'écran.
01:13 Par exemple, pour reproduire le bruit des sabots d'un cheval, on utilisait des noix de coco.
01:16 Pour les cliquetis d'une charrette ou d'une calèche, c'était des grelots.
01:27 Pour un moteur, un bout de carton dans les pales d'un ventilateur.
01:30 Tout un orchestre.
01:32 Tous ces artifices sonores, c'était des solutions d'appoint provisoires,
01:35 en attendant que la technologie permette enfin de synchroniser son et image.
01:39 Parce qu'enregistrer du son, on sait faire depuis longtemps.
01:42 Le premier enregistrement sonore date de 1860.
01:45 Et "Cocorico", il a été fait en France, à Paris, par Scott de Martinville.
01:49 Grâce à un appareil de sa propre fabrication, le phonautographe.
01:53 Très grossièrement, on parlait dans un cône pour bien capter le son de votre voix.
01:57 Les ondes sonores étaient transmises jusqu'à une petite aiguille.
01:59 La pointe de cette aiguille était imbibée d'encre pour écrire sur un cylindre en papier
02:03 qui tournait à un rythme régulier.
02:05 Alors oui, c'est rudimentaire pour enregistrer un son,
02:07 mais l'objectif de Martinville, c'était davantage d'étudier les ondes sonores
02:10 en observant les formes qu'elles pouvaient prendre sur le papier.
02:12 C'est pour cette raison que son appareil ne permettait pas de lire les enregistrements,
02:16 simplement de les retranscrire graphiquement.
02:18 En 2007, un collectif de chercheurs a réalisé la prouesse de lire cet enregistrement.
02:22 Et surprise, on y entend une chanson.
02:24 Je vous laisse écouter, essayez de la reconnaître.
02:41 C'était "Au clair de la lune". Bravo si vous avez trouvé.
02:44 Bon, graver des chansons sur du papier c'est super,
02:46 mais c'est quand même dommage qu'on puisse pas les lire après.
02:48 Ça n'est que 17 ans plus tard, en 1877,
02:51 que ça s'est rendu possible grâce au phonographe inventé par Thomas Edison.
02:55 Pour l'aspect technique, c'est un petit peu comme le phonautographe.
02:58 Pfff...
02:59 Phonographe, phonautographe...
03:01 Vous pouvez pas trouver autre chose les gars ?
03:03 Sérieusement ?
03:04 Bref, comme le premier appareil, un cône en métal fait vibrer une pointe
03:07 qui va graver son mouvement sur un cylindre en étain,
03:10 cylindre qui tourne grâce à l'action d'un moteur.
03:12 Et si on utilise un cylindre déjà gravé et qu'on inverse la vitesse de rotation des moteurs,
03:16 miracle, les rayures se transforment en ondes sonores.
03:19 On a de la musique.
03:20 Bien sûr, l'appareil va évoluer avec le temps, mais le principe est là.
03:23 Pour la première fois dans l'histoire, on est capable d'enregistrer un son et de le lire partout où on veut.
03:28 En 1894, Laurie Dixon, qui travaillait pour Thomas Edison,
03:32 va avoir l'idée de se filmer en train de jouer du violon tout en s'enregistrant avec un phonographe.
03:36 Et je vous laisse regarder ce que ça donne.
03:38 *son de violon*
03:46 Mouais, il jouait pas très bien.
03:48 Alors oui, c'était une bonne idée, mais on peut pas considérer ça comme étant le premier film avec du son.
03:53 Et ça pour deux raisons.
03:55 Déjà, c'était un film expérimental, il était pas destiné à être projeté dans les spectateurs,
03:59 mais surtout, ben, c'était pas une innovation.
04:01 En fait, si on veut voir le film et entendre le son, il faut démarrer le projecteur et le phonographe en même temps.
04:07 Et avec les appareils de l'époque, je peux vous dire que c'était pas gagné.
04:10 Thomas Edison, qui vendait déjà des films, va quand même y voir un intérêt commercial,
04:14 et il va donc proposer aux projectionnistes des espèces de packs
04:17 comprenant un film avec un ou plusieurs cylindres pour phonographe.
04:21 Tout ça, ça va servir à diffuser des musiques d'ambiance pendant la projection des films,
04:25 de préférence une qui colle bien avec,
04:26 et comme c'est pour une musique de fond, ben, on s'en fiche que ce soit pas bien synchronisé.
04:31 Comme ça, il peut vendre le film, le projecteur, la musique, l'appareil pour lire la musique.
04:36 Ce système va perdurer pendant longtemps, malgré plusieurs tentatives de cinéastes d'améliorer la synchronisation son image.
04:42 Par exemple, la société Gaumont ont réalisé ce qu'ils ont eux-mêmes appelé des photoscènes.
04:46 Ça fonctionnait comme le film expérimental de Dixon.
04:48 D'ailleurs, c'était aussi avec un phonographe.
04:50 La seule différence, c'est qu'il y avait un vrai effort pour lancer les enregistrements du son et de l'image en même temps.
04:55 *Voix de film*
05:02 Entre 1902 et 1917, Gaumont a créé plus de 700 photoscènes,
05:06 dont la réalisation était dirigée entre autres par Alice Guy, la première femme réalisatrice française.
05:11 Malheureusement, il n'y avait toujours pas de lien physique entre les deux systèmes d'enregistrement,
05:15 ce qui fait que, même si c'était intéressant pour l'époque,
05:17 ben, ça a pas provoqué de réelles révolutions techniques.
05:20 Dommage.
05:21 Pour que les choses bougent, il va falloir attendre 1926,
05:24 date à laquelle un nouveau procédé est commercialisé par Warner Bros.
05:28 *Musique*
05:33 Ce nouveau système, il s'appelle le vitaphone.
05:35 L'idée, c'est d'utiliser des moteurs électriques synchronisés entre eux
05:38 pour faire tourner la pellicule et le phonographe à la même vitesse.
05:41 Et cette fois, ça marche.
05:43 On est enfin capable de produire des films avec un son et une image synchronisés,
05:47 de façon fiable et reproductible.
05:48 C'est beau.
05:50 Le premier film à bénéficier de cette technologie, c'est Don Juan, lui aussi sorti en 1926.
05:54 C'est un film musical avec pour acteur principal John Barrymore, le grand-père de Drew Barrymore.
05:59 Mais si, Drew Barrymore.
06:01 C'est celle qui joue la petite fille dans "E.T." et l'ado qui se fait tuer au début de "Scream".
06:04 Voilà.
06:06 Pardon pour le spoil.
06:08 Le film raconte l'histoire du personnage de Don Juan avec de jolies musiques
06:10 qui passent pendant toute la durée de la projection,
06:12 3 heures quand même.
06:14 L'expérience est réussie, les spectateurs sont contents,
06:16 le premier film sonore est né.
06:18 Oui, mais voilà, le film ne contient pas de dialogue parlé.
06:21 Des intertitres entre les plans indiquent encore aux spectateurs ce que se disent les personnages.
06:25 On a donc en face de nous le premier film sonore, mais pas le premier film parlant.
06:29 Le cinéma est un art tatillon.
06:31 Non.
06:32 Le premier film dans lequel on a pu entendre un acteur, c'était "Une scène dans la plantation",
06:36 "A plantation hack" en anglais.
06:37 Petit disclaimer, le personnage principal de ce film est un homme noir
06:41 joué par un acteur blanc de façon caricaturale.
06:44 Voilà, je préfère vous prévenir parce que ça peut être offensant.
06:46 Dans ce petit film, un travailleur nord-américain chante une chanson, puis une autre,
06:50 *chante*
06:56 et entre les deux, il interpelle le public en les regardant droit dans les yeux, en leur disant
06:59 *chante*
07:06 Traduction, ouvrez grand vos oreilles, vous n'avez encore rien entendu.
07:09 Mettez-vous à la place des spectateurs,
07:11 non seulement c'était la première fois qu'ils entendent un acteur chanter,
07:13 mais en plus il leur parle directement à travers l'écran.
07:16 Genre le fluoroscope, quoi.
07:18 Cette phrase qui a beaucoup impressionné le public est devenue célèbre,
07:20 à tel point que un an plus tard, le même acteur, Al Johnson,
07:23 la répétera dans un autre film parlant, "Le chanteur de jazz".
07:26 *chante*
07:32 Après ce succès, la majorité des productions vont adopter le son.
07:35 Mais tous les réalisateurs ne voient pas d'un bon oeil cette évolution technologique.
07:39 Et oui, certains d'entre eux vont boycotter le cinéma parlant,
07:42 préférant continuer à réaliser des films muets.
07:44 Ça peut paraître étrange de refuser une technologie qui apporte plus de liberté artistique,
07:49 mais ce qu'il faut comprendre c'est qu'à l'époque, le cinéma existe depuis déjà 30 ans.
07:52 Les réalisateurs ont toujours eu l'habitude de créer des films muets,
07:55 si bien qu'ils sont un petit peu frileux de passer à autre chose.
07:58 Charlie Chaplin par exemple, l'année où "A plantation hack" sort,
08:02 il a déjà réalisé plusieurs films muets et il va avoir peur de passer au cinéma parlant.
08:06 En fait, il savait que son humour avait du succès, notamment par sa gestuelle,
08:09 et qu'il avait tout simplement pas besoin de la parole pour réussir à faire rire.
08:13 Ça n'est qu'en 1940 que Chaplin va réaliser son premier film avec du son,
08:17 "Le dictateur", 14 ans après "A plantation hack".
08:20 Finalement, il avait bien fait d'attendre puisqu'il a habilement utilisé le son pour renforcer son humour.
08:25 [Chaplin parle en allemand]
08:36 Le succès du film va terminer de convaincre les derniers réfractaires,
08:39 si bien qu'aujourd'hui, ça nous paraît presque impossible d'imaginer un film sans bandes-son.
08:44 Alors, la prochaine fois que vous entendrez dans un film un monologue de Brad Pitt ou une musique de Hans Zimmer,
08:48 rappelez-vous que toute cette aventure a commencé par un "Au clair de la lune" à Paris.
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09:00 Merci à tous et à très vite !
09:02 [Musique]

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