La version française de Pokémon, c'est lui ! | Rétro 2000

  • l’année dernière
Pourquoi Dracaufeu s'appelle Dracaufeu ? Et Salamèche ? C'est quoi l'histoire des jeux Pokémon ? On fête cette années les 25 ans du jeu de toutes les enfances et Jean-Baptiste Fleury nous raconte ce que c'était de traduire Pokémon en français !
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Ah au fait, ne rate pas CETTE vidéo ➤ https://www.youtube.com/playlist?list=PL-jmr0fX78h2GrQdmPB4_4Z7h4z84ZTab

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#pokemon #traduction #voixoff

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Fun
Transcript
00:00 Quand c'est pas bien traduit, on se moque tout de suite.
00:02 Et quand c'est bien traduit, on ne remarque pas que c'est bien traduit.
00:04 C'est juste naturel.
00:05 Je m'appelle Jean-Baptiste Fleury.
00:09 Je travaille dans l'industrie du jeu vidéo depuis maintenant plus de 25 ans.
00:12 Je suis un passionné de jeu vidéo.
00:13 J'ai commencé à jouer quand j'avais 8 ans sur des premières consoles,
00:16 des premiers jeux qui s'appellent Pong ou des premiers jeux en salle d'arcade
00:19 comme Centipede ou Defender ou des choses très anciennes.
00:23 J'ai travaillé dans le jeu vidéo depuis que j'ai 20 ans.
00:27 J'ai commencé comme testeur de jeux.
00:28 C'est intéressant de comprendre comment on fait un jeu vidéo.
00:31 Et quand on est testeur de jeu, on comprend qu'un jeu vidéo,
00:33 ça ne se fait pas comme ça.
00:34 Ce n'est pas des idées qui sortent.
00:36 C'est qu'il y a énormément de travail et il y a beaucoup, beaucoup de réglages.
00:40 Et le principe d'être testeur, c'est qu'on a des versions du jeu
00:44 qui sont produites et livrées par les développeurs, les artistes
00:48 et toute l'équipe de production.
00:49 Et ensuite, il faut qu'il y ait quand même quelqu'un qui joue au jeu
00:51 pour vérifier d'abord que le jeu n'a pas de bug,
00:54 que quand on appuie sur le bouton saut, il y a bien le personnage qui saute comme prévu.
00:57 Puis après, il faut vérifier que c'est quand même assez fun et amusant.
01:01 C'est ça qui est intéressant, je dirais, dans le test.
01:03 Et puis, c'est finalement ça qui est intéressant.
01:04 C'est parce qu'on fait ces jeux pour que des gens y jouent
01:06 et pour qu'ils prennent plaisir.
01:07 Au début de l'histoire du jeu vidéo, par exemple,
01:10 on essayait de copier la réalité.
01:11 Donc, si on appuie sur le bouton saut,
01:13 on allait voir un développeur qui allait programmer
01:16 pour que le personnage prenne de l'élan et qu'ensuite il saute.
01:19 Sauf que quand je suis un joueur et que moi, je suis dans mon espèce d'univers,
01:22 mon fantasme de jeu vidéo, au moment où j'appuie sur le bouton saut,
01:25 c'est au moment où mon cerveau dit "mais il faut que tu sautes".
01:27 Et donc, si le personnage s'appuie et saute,
01:30 il y a un temps de délai qui est un peu frustrant.
01:32 Et ce qui est intéressant, c'est que justement, au bout d'un moment,
01:34 on est en train de dire "non mais attends, il faut que tu accélères beaucoup cette animation,
01:37 d'ailleurs, supprime-la".
01:38 T'appuies sur le bouton et le personnage saute.
01:40 "Oui, mais c'est pas réaliste".
01:41 Ok, c'est peut-être pas réaliste, mais c'est fun.
01:43 "Ah, t'as raison, c'est fun".
01:44 Donc, le test, c'est très, très important
01:45 et ça permet de rentrer à l'intérieur du jeu
01:47 et de découvrir beaucoup d'élèves,
01:48 beaucoup de jeunes qui commencent une carrière de jeu vidéo.
01:51 La petite porte d'entrée, mais qui est assez importante,
01:54 c'est la porte justement du test.
01:55 Comment je me suis retrouvé à travailler sur Zelda Ocarina of Time ?
01:58 Alors ça, c'était vraiment chouette parce que
01:59 j'avais un très bon pote, il s'appelle Julien Bardakoff,
02:02 et on faisait énormément de jeux vidéo ensemble.
02:04 On faisait beaucoup de jeux de combat,
02:05 donc on passait des soirées ensemble sur Tekken, sur Soul Calibur, etc.
02:09 En fait, j'apprends, il ne l'avait pas dit,
02:10 mais j'apprends qu'il était traducteur chez Nintendo
02:13 et il me dit "écoute, je vais partir au Japon
02:15 pour traduire un jeu qui s'appelle Zelda Ocarina of Time".
02:18 Alors moi, je n'étais pas très joueur de Nintendo,
02:20 donc je dis "bon Zelda, j'ai entendu parler,
02:21 j'ai vu les pubs à la télé, etc.
02:22 mais ça ne me plaisait pas trop, je trouvais ça enfantin".
02:24 Il me dit "mais par contre, il y a une équipe italienne, espagnole, allemande
02:27 et ils envoient à chaque fois deux traducteurs
02:29 et moi, je suis tout seul et j'ai besoin de quelqu'un.
02:31 Donc je sais que tu parles bien anglais,
02:32 je sais que tu aimes bien le jeu vidéo,
02:33 je sais que tu adores le Japon,
02:35 est-ce que tu veux venir pendant un mois, un mois et demi pour traduire le jeu ?"
02:37 Là, on va dans les locaux de Nintendo, dans la banlieue de Tokyo.
02:41 Il m'amène dans une pièce blanche où il y a deux consoles comme ça.
02:43 Il me dit "écoute JB, ce qu'on va faire maintenant,
02:45 c'est qu'on doit jouer au jeu pendant deux semaines".
02:47 Ah bah, dur comme métier !
02:49 On commence à jouer au jeu,
02:51 et en fait, ce n'était pas le jeu fini bien sûr,
02:53 c'était une version qui on l'appelle encore en production,
02:56 qui n'était pas gold, qui n'était pas terminée,
02:58 donc il y avait encore plein de bugs et tout.
03:01 Et on jouait au jeu,
03:02 mais le but c'était d'aller au bout de ce jeu
03:05 pour qu'on comprenne l'univers de Zelda,
03:07 l'univers de ce jeu et qu'on en fasse une belle traduction.
03:10 Parce que les Japonais, spécifiquement Nintendo,
03:13 pour eux c'est très important la qualité globale du jeu,
03:15 et la traduction, ce n'est pas un truc qui est fait à la légère.
03:17 Traduction d'ailleurs, c'est un métier un peu dur,
03:19 parce que quand ce n'est pas bien traduit, on se moque tout de suite.
03:21 Et quand c'est bien traduit, on ne remarque pas que c'est bien traduit,
03:24 c'est juste naturel.
03:25 Donc c'est un métier un peu ingrat, je dirais.
03:27 Et en fait, on se retrouve à jouer pendant deux semaines,
03:29 et puis de temps en temps,
03:31 passe la tête par la porte Miyamoto,
03:33 qui est le grand pape de Nintendo,
03:36 et qui vérifie qu'on a bien...
03:37 "Everything is ok !"
03:39 Comme ça ! Et nous on fait "Ouais, on adore, c'est génial !"
03:42 Et puis on commence à faire une super traduction
03:44 de Zelda Ocarina of Time,
03:46 qui a duré finalement, on est resté deux mois je crois, sur place.
03:49 Ce qui était vraiment bien, c'est qu'on a joué au jeu,
03:51 et qu'on le comprenait très très bien.
03:53 On avait souvent des Japonais qui venaient nous voir,
03:55 de l'équipe de production, pour vérifier qu'on avait bien compris
03:57 certains aspects du jeu, et qu'on allait faire une bonne traduction.
04:00 Et ils étaient surpris qu'on comprenne aussi bien,
04:02 et ils nous ont un peu laissé carte blanche.
04:04 Moi je me souviens, il y avait une arme qui s'appelle...
04:06 Non, le marteau qui s'appelle le Megaton Hammer.
04:08 Et puis en français, le marteau Megaton, ça ne sonne pas bien,
04:10 donc on a pris la décision d'appeler ça le "marteau des Titans".
04:13 Ça claque un peu plus comme ça.
04:16 On avait aussi l'arbre principal,
04:18 qui s'appelle l'arbre en japonais "deku",
04:20 pour un petit Français qui va avoir 10 ans,
04:22 et qui va lire D-E-K-U, il va lire "decu".
04:24 Et l'arbre "decu", ça ne fait pas top.
04:26 Donc on a expliqué ça aux Japonais, qu'il fallait qu'on change ce nom,
04:29 c'était très important.
04:30 Ils ont dit "Ok", on a réfléchi à comment est-ce qu'on allait l'appeler,
04:33 et c'est moi qui ai trouvé le mot de l'arbre "mojo".
04:35 L'arbre "mojo", par exemple, ça fait un peu primitif,
04:38 ça fait un peu tribal, comme ça et tout.
04:39 À un moment, l'arbre meurt,
04:40 et puis il donne un espèce de petit bourgeon qui va grandir,
04:44 et qui dit "Bonjour, je suis le bourgeon de l'arbre mozo".
04:47 Alors c'était très rigolo,
04:48 on avait pris la liberté de le faire vovoter comme ça.
04:51 Et on trouvait ça vachement bien,
04:52 ça amenait beaucoup de chaleur et de personnalité,
04:55 et puis ce qu'on appelle de la localisation,
04:57 c'est-à-dire qu'on adaptait ça avec la culture française,
04:59 et ça donnait des trucs assez sympas.
05:00 Moi, j'avais juste une mission qui a duré 6 mois sur Zelda,
05:05 et puis 3-4 mois plus tard,
05:07 mon pote me rappelle de Nintendo,
05:09 il me dit "Écoute JB, là il y a un truc un peu lourd qui va arriver,
05:12 et on a besoin d'un renfort en traduction,
05:15 ça va être une aventure exceptionnelle".
05:16 On me dit "Oui, très bien, bien sûr, avec grand plaisir,
05:18 j'ai gardé un très bon souvenir de Nintendo, c'est super".
05:21 Il me dit "Tiens, voilà un billet d'avion, on part en Allemagne",
05:23 donc la maison mère de Nintendo en Europe, c'est en Allemagne.
05:26 Donc on va, pareil, dans des hôtels un peu sympas,
05:27 dans une petite ville très allemande, très confortable.
05:30 Et j'arrive le lendemain dans une énorme salle de réunion,
05:34 et là il y a tout un banc entier de Japonais.
05:37 Il y a beaucoup de discussions, et puis ça parle japonais, anglais, etc.
05:40 Et puis tout d'un coup ils disent "Bon ben voilà,
05:42 au Japon il y a un jeu qui est sorti en 1986 qui s'appelle Pokémon,
05:45 et qui a fait un carton".
05:46 C'est-à-dire qu'on a vendu, ils disent, 50 millions, 60 millions de cartouches.
05:49 Donc ils posent ça sur la table et ils disent "Ben voilà,
05:51 ça c'est sorti au Japon, c'est sorti aux Etats-Unis,
05:53 il va falloir le sortir en Europe,
05:54 et il faut donc faire la traduction et vérifier que
05:56 le lancement marketing va se faire plutôt bien".
05:58 Et alors ils disent qu'au Japon, les premières cartouches,
06:00 c'était les cartouches vert et rouge,
06:01 mais qu'il y avait des gens qui ont fait des analyses aux Etats-Unis,
06:04 et qui trouvent que vert c'est la couleur de la nature,
06:07 et je pense que les gens aux Etats-Unis,
06:09 ils ne comprennent pas ce que c'est que la nature,
06:10 ils la mangent la nature, donc pour eux c'est faible.
06:13 Et donc ils ont décidé de passer sur du rouge et bleu.
06:15 Alors que normalement, au Japon, le début c'était rouge et vert.
06:19 Et donc ils nous donnent à chacun des cartouches en japonais,
06:21 et ils disent "Ben jouez à ce jeu, commencez à vous imprégner".
06:23 Même technique qu'avec Zelda Ocarina of Time,
06:26 le but c'est de jouer au jeu en fond en comble, et de se l'approprier,
06:29 et ensuite de faire une traduction qui soit sympa.
06:31 Et on passe des heures à jouer, alors c'est compliqué, c'est un RPG,
06:34 donc ça veut dire que c'est des jeux avec des créatures, des statistiques,
06:36 il a combien en attaque, je peux lui apprendre,
06:38 il faut qu'il évolue, qu'il gagne des niveaux, je lui donne des attaques nouvelles.
06:41 Donc tout ça c'est en japonais, alors nous on avait un japonais de cuisine,
06:44 on essayait de traduire, en tout cas le katakana,
06:46 qui a une prononciation, une façon syllabaire de prononcer les mots occidentaux,
06:50 et puis de temps en temps, on comprenait quelques mots,
06:52 mais on était un peu perdus, mais on vivait le jeu à travers les stats.
06:55 Puis après on a joué à la version américaine,
06:57 et puis après ça a été "maintenant il faut traduire".
06:59 Génial, traduire Pokémon c'est une super idée,
07:01 mais ils nous ont dit "il faut traduire les noms des Pokémon".
07:05 Et ça c'est ce qu'il y a de plus intéressant, c'est ce qu'il y a de plus amusant.
07:08 Parce que dans ce jeu on passe son temps à courir après 151 Pokémon
07:11 qui sont tous plus rares les uns que les autres,
07:13 et chacun a une véritable histoire, ils ont été faits avec beaucoup d'amour,
07:18 le jeu est d'une qualité qui est incroyable,
07:20 typique de Nintendo qui cherchait vraiment dans les détails,
07:23 et il faut faire la traduction.
07:25 Et la traduction c'est pas un truc qu'on fait à la légère,
07:27 parce que c'est des noms qui vont être répétés par les enfants dans les cours de récréation,
07:30 c'est des noms qui vont être répétés par les enfants devant leurs parents,
07:33 c'est des noms qui vont passer à la télé en boucle,
07:35 donc il faut que ce soit parfait.
07:37 On commence avec cette mission incroyable
07:39 que de traduire les noms des 151 premiers Pokémon.
07:42 On raconte la légende que le créateur du jeu, Satoshi Tajiri,
07:48 il s'est retrouvé dans un gros meeting très important avec tous les pontes de Nintendo,
07:53 et on leur a dit "Monsieur Satoshi Tajiri,
07:56 nous allons lancer ce jeu dans l'Occident".
08:00 "Ah, bon super".
08:02 "Et il va falloir traduire le jeu".
08:04 "Bon, c'est normal".
08:05 Et on pense que beaucoup des noms japonais
08:08 ne pourront pas être prononcés correctement par les occidentaux,
08:11 donc il va falloir les traduire.
08:13 Surtout que chaque nom a vraiment une signification particulière.
08:16 Et en fait il dit "Ah bon,
08:19 il va falloir vraiment traduire les noms de tous les Pokémon que j'ai inventés".
08:23 Et on lui dit "Oui, il va falloir".
08:25 Et en fait il s'est mis à pleurer.
08:26 C'est une légende qu'on raconte, je sais pas si c'est vrai,
08:28 mais en tout cas ça montrait à quel point le créateur du jeu a mis son âme dedans.
08:32 On raconte que quand il était jeune, il faisait des combats d'insectes dans les cours de récré,
08:34 que c'est comme ça qu'il a eu l'idée de Pokémon,
08:36 qui était son projet qu'il a depuis une éternité.
08:39 Et donc on commence à faire la traduction des noms.
08:40 Pareil, un fichier avec une colonne des noms en japonais,
08:43 une colonne des noms en anglais,
08:44 et puis une colonne des noms en français.
08:45 On réfléchit à faire de la traduction, on fait du brainstorm.
08:48 Il fallait trouver 150 noms.
08:50 Et alors c'est pas des noms qu'on trouve comme ça,
08:51 parce qu'on peut pas les appeler de façon n'importe comment.
08:54 Ils ont tous ce qu'on appelle un "secret meaning",
08:56 une signification un peu secrète.
08:58 Alors je donne un exemple.
08:59 Le Pokémon qui s'appelle Salamèche, en japonais c'est "Hitokage".
09:03 Et "hi" c'est le feu, "tokage" c'est le lézard.
09:06 Et donc c'est le lézard de feu.
09:07 Jusque là, on peut pas être plus descriptif que ça, ça fait lézard-feu quoi.
09:11 Sauf que lézard-feu déjà en français ça sonnerait pas bien, c'est pas très joli,
09:14 donc il fallait trouver un truc comme ça.
09:15 Mais Hitokage ça sonne bien.
09:17 Sauf que "hito" c'est l'homme et "kage" c'est l'ombre.
09:20 Et en fait, il a une queue qui a une petite flamme qui est derrière.
09:23 La flamme projette une ombre sur le mur.
09:25 Et si on regarde sur le mur, on voit la forme d'une silhouette d'un homme.
09:29 Pourquoi ? Quelle signification particulière ?
09:31 En japonais je sais pas, mais ça sonne un peu mystique.
09:34 Et donc nous on se dit, il faut qu'on trouve quelque chose qui soit comme ça.
09:36 Et pour chaque nom des Pokémon,
09:38 il y a une petite signification qu'il y ait à trouver comme ça.
09:41 Pourquoi ils insistent sur cette signification ?
09:43 Parce qu'ils savent que s'il y a de la profondeur dans les noms,
09:46 alors à ce moment-là on va pouvoir y penser.
09:48 Et les enfants qui viennent d'attraper Salamèche,
09:51 ils jouent pas juste avec les arfeux, ils jouent avec "salamèche".
09:54 Faut que ça sonne dans leur tête, faut que ça devienne hypnotisant en fait.
09:57 Et puis même quand ils sont à table, ils vont en parler avec leurs parents,
09:59 ils vont dire "papa, papa, j'ai attrapé Salamèche".
10:01 Et "salamèche" déjà c'est un peu mieux.
10:03 "D'où ça vient Salamèche ? Pourquoi ?" etc.
10:05 Et c'est ce qui essaye de susciter en tout cas les japonais.
10:08 On réfléchit à plein de noms possibles et on arrive sur le nom "salamèche"
10:12 qui ressemble à la salamandre.
10:13 Donc déjà c'est un nom un peu moyenâgeux pour qualifier le lézard.
10:16 Puis c'est un lézard, vous savez, il a une peau hurticante.
10:18 Quand on le touche, ça brûle un peu.
10:20 Et puis parce qu'il a une mèche,
10:21 et en fait cette mèche se transforme en étincelle et puis après en feu.
10:25 Donc c'est "salamèche", "reptincelle", "dracaufeu".
10:27 Donc il y a une véritable évolution, il y a une réflexion.
10:30 Et ça s'invente pas du tout comme ça.
10:31 Ça faut beaucoup, beaucoup, beaucoup de temps.
10:33 Et je pense qu'on a noirci des pages entières de réflexion pour tous les noms.
10:37 Et après, il fallait les montrer aux japonais.
10:39 C'est-à-dire qu'il fallait venir avec une sélection de noms.
10:41 Et il y avait un gars, un pauvre gars qui se tapait de les retraduire du français en anglais
10:45 pour expliquer pourquoi on avait choisi "salamèche",
10:47 "psychoseatom from salamander" et puis "la mèche de Sparck" et tout, etc.
10:51 Donc on essayait d'expliquer ça et après c'était retraduit par un japonais
10:54 pour expliquer aux créateurs du jeu pourquoi est-ce qu'on avait choisi ces noms-là.
10:57 Quoi qu'il en soit, on voyait que les premiers noms qu'on envoyait, ils disaient "non".
11:00 Et le troisième, il disait "oui".
11:01 Et donc généralement, on mettait tous nos noms qu'on trouvait pas bien,
11:04 toutes nos sélections de noms qu'on trouvait pas bien.
11:06 Et puis après, on mettait les noms qu'on trouvait intéressants.
11:09 Et puis, il y a eu le directeur marketing qui a sorti une arme fatale,
11:12 c'est qu'il a fait un test consommateur auprès d'enfants.
11:15 Et il mettait plusieurs possibilités de noms.
11:17 Et les enfants, en montrant l'image du Pokémon,
11:20 et pour dire, à votre avis, il s'appelle comment ce Pokémon.
11:22 Et en fait, à chaque fois, généralement, les enfants trouvaient que le nom qu'on préférait,
11:25 c'était celui qui était le plus adapté.
11:27 Dans les Pokémon, il y a des Pokémon qui sont assez simples.
11:29 Par exemple, il y a des oiseaux, en anglais, c'est Pidgeot, Pidgeotto, etc.
11:33 Enfin, c'est assez simple.
11:34 Et donc, en français, on appelle ça Roucou, Roucoucou.
11:36 Donc, ça semble tout de suite Roucoul.
11:38 Puis quand même, c'est un Pokémon qui se bat.
11:40 Et puis après, il y a des très beaux noms qu'on trouve très jolis.
11:43 Les trois Pokémon légendaires,
11:45 qui sont Articodon, Sulfura et Elektor.
11:48 Et en fait, ils ont chacun un élément.
11:50 Nous, on trouvait intéressant de les lier,
11:52 cet élément avec le nom d'une divinité,
11:54 dans une mythologie qui est fascinante et qui est associée.
11:57 Donc, Elektor, dans le subconscient commun,
11:59 Thor, c'est le dieu de la foudre, il envoie des éclairs.
12:01 Donc, Elektor, Articodon.
12:03 Alors, Odin, c'est le patron des dieux dans la mythologie asgardienne,
12:07 mais on l'associe assez vite à travers toute la culture de dessin animé, de manga.
12:11 Odin, c'est aussi ce qui se passe dans les fjords, la glace et tout.
12:14 Donc, Articodon.
12:15 Et Sulfura, c'est un oiseau de flamme.
12:17 Et c'est le soufre, donc, qui est un élément qui est associé au feu.
12:21 Et le dieu Ra, qui est donc le dieu égyptien,
12:23 et on pense tout de suite au désert.
12:24 Et donc, ça fait fasciner.
12:25 J'ai travaillé sur la série des trois Pokémon,
12:27 qui sont Salamèche, Reptincelle, Dracaufeu.
12:29 Et Dracaufeu qui évolue.
12:30 Et effectivement, Dracaufeu, c'était un nom qui était assez fascinant,
12:34 parce que c'est un des Pokémon les plus emblématiques.
12:37 Il est sur la cartouche rouge, alors qu'ici, c'est Bulbizarre.
12:42 Et qu'ici, c'est Tortanque.
12:43 Et ça, c'est un peu les trois Pokémon du début.
12:46 On doit choisir cette espèce de choix cornelien.
12:48 Et en fait, ces trois Pokémon,
12:50 il fallait leur donner un nom assez impressionnant.
12:52 Et Dracaufeu, en fait, c'est la représentation totale du feu, de la puissance.
12:57 Donc, ce qu'on a beaucoup aimé dans le nom,
13:00 c'est justement ce côté le dragon de feu.
13:04 Puis Drac... Au feu ! Au feu ! Comme ça !
13:06 Qui avait un aspect très dynamique.
13:08 Et qui donnait... C'est un peu enfantin de dire "Au feu ! Au secours ! Au secours !"
13:12 Mais en même temps, c'est vraiment ça.
13:14 C'est vraiment un Pokémon qui va faire des flammes partout,
13:16 qui enflamme tout le monde, etc.
13:17 Et on trouvait que ça fitait assez bien.
13:19 Et puis surtout, ça sonne hyper bien à l'oreille.
13:21 Tous ces noms-là ont été très importants
13:23 parce qu'après, ils ont été répétés à la télé.
13:25 On voyait des publicités affichées un peu partout.
13:28 On devait traduire, ou en tout cas vérifier
13:30 que dans les bandes dessinées et le dessin animé,
13:33 c'était bien les bons noms des Pokémon qui étaient utilisés.
13:35 Et on vérifiait aussi les cartes Pokémon.
13:37 Et moi, j'avais une boîte à chaussures remplie de cartes Pokémon,
13:40 de la première génération.
13:41 Et en fait, avec Julien, le traducteur,
13:44 on vérifie qu'elles sont bien traduites,
13:45 que c'est bien le nom des bonnes attaques dessus, etc.
13:47 Mais moi, je voyais pas la valeur de ça.
13:49 Et deux, trois ans plus tard, après le lancement,
13:52 j'avais une copine qui avait un enfant qui devait avoir huit ans
13:54 et je lui donne la moitié de mes cartes.
13:56 Dans sa cour de récré, il s'était fait tout piquer.
13:58 Il y en avait, je sais pas, je lui en donne 250, quoi.
14:01 Et dedans, j'avais du Dracaufeu première génération et tout, etc.
14:03 à qui aujourd'hui, je pense, se vend plus de 1000 euros.
14:05 Et il était tout triste.
14:06 Et donc, je lui dis "Bon attends, c'est pas grave, je te donne notre moitié."
14:09 Et en fait, il est reparti.
14:10 Et je sais pas ce qu'il s'est devenu,
14:11 mais en tout cas, je m'assois sur une fortune.
14:13 D'ailleurs, ça me rappelle une anecdote.
14:14 Pendant assez longtemps, tiens, je te présente JB,
14:17 qui a traduit les noms des Pokémon ou qui a bossé sur Pokémon.
14:19 Alors, les gens qui avaient mon âge de cette époque
14:21 et qui commençaient leur carrière pour être avocat ou financier,
14:25 évidemment, c'était pas génial.
14:26 Enfin, ils comprenaient pas.
14:28 Mais les enfants, dès qu'on disait ça, les enfants s'émerveillaient.
14:30 Ils devenaient complètement excités, quoi.
14:32 Il y a eu un moment, on a fait une compétition en France de Pokémon,
14:35 la première compétition de Pokémon.
14:37 Et il y avait comme grand prix de gagner des Mew.
14:39 Les Mew, c'est le Pokémon numéro 151.
14:41 Il n'est pas trouvable dans le jeu.
14:42 On avait ces Mew là à distribuer aux champions.
14:45 Et il nous en restait, en fait.
14:46 Je sais pas pourquoi, le Japon avait donné une vingtaine de Mew.
14:48 Et moi, j'avais pris sur ma cartouche, j'en avais cinq ou six.
14:51 Et de temps en temps, je me souviens, je proposais aux enfants de mes amis
14:54 ou des petits cousins ou autres s'ils voulaient des Mew.
14:56 Mais ils comprenaient pas encore tout à fait.
14:58 Et une fois, je rentre chez mes parents, je suis dans l'ascenseur
15:00 et il y a un petit garçon qui devait avoir 12 ans et je lui dis
15:02 "Tu joues à Pokémon ?"
15:03 Et alors, le pauvre garçon dans l'ascenseur coincé avec moi, il dit
15:05 "Euh, oui."
15:07 "Tu aimes Mew ?"
15:07 "Je sais pas ce que c'est."
15:08 "Tu veux que je te le donne ?"
15:09 "Non !"
15:10 Et la porte s'ouvrait, il s'en fut en courant
15:12 parce qu'il pensait que j'allais lui offrir des cachous, je sais pas trop quoi.
15:14 Et moi, je restais avec mes Mew dans ma cartouche
15:17 et je savais pas trop ce que je pouvais en faire.
15:18 Après Nintendo, moi j'avais repris des études
15:20 parce que je voulais gravir les échelons, c'est un peu...
15:23 C'est pas ça, mais je voulais que ma voix soit entendue, en fait.
15:25 Après avoir repris des études, je suis arrivé chez Ubisoft
15:28 où j'ai été pris, j'ai eu la chance d'être pris dans leur département stratégique.
15:31 Et j'étais assis à 20 mètres de Yves Guillemot, qui est le fondateur d'Ubisoft.
15:35 Et je travaillais dans une équipe où on faisait beaucoup d'études
15:38 marketing, d'études stratégiques.
15:40 Et c'était intéressant parce que moi, étant très fan de jeux vidéo,
15:43 je jouais à tous les jeux, je connaissais un peu tout.
15:45 Et puis tout d'un coup, j'avais accès à un truc incroyable
15:47 qui était le résultat des jeux, en fait.
15:49 Je savais ce qui fonctionnait, je savais ce qu'ils vendaient.
15:51 Moi, j'aimais beaucoup les jeux un peu hardcore
15:53 et j'avais l'impression que c'était les jeux auxquels jouait tout le monde.
15:56 Puis la première fois que j'ai vu un top worldwide
15:58 ou un top monde du classement des ventes de jeux pendant une année
16:00 et que je vois que c'était foot Mario, foot Call of Duty,
16:05 je suis tombé des nus.
16:05 J'ai compris que le monde du jeu vidéo, ce n'était pas exactement ce que j'imaginais
16:09 et que c'était très mass market, en fait.
16:10 Et j'ai travaillé assez longtemps chez Ubisoft.
16:13 J'ai eu des expériences incroyables, j'ai vu des choses vraiment sympas.
16:16 J'ai vu la genèse de Assassin's Creed.
16:19 J'ai travaillé sur plein de jeux
16:22 pour essayer de comprendre le positionnement des jeux,
16:24 essayer de voir dans quelle direction il faut les amener en termes de marketing.
16:28 En 2004 sort un jeu très important qui s'appelle World of Warcraft
16:31 et qui est ce qu'on appelle un MMO.
16:33 Moi, j'étais fasciné par ce qui était online
16:35 et je trouvais qu'Ubisoft mettait du temps à shifter vers ce qui était online
16:38 et les nouveaux business models de ce qu'on appelle des abonnements
16:41 ou même du free to play.
16:42 Et j'avais très envie de découvrir ça.
16:44 Donc, j'ai quitté Ubisoft.
16:46 Je suis rentré dans une petite société française
16:48 dont c'était la spécialité de faire des jeux sociaux et des jeux mobiles
16:51 et des jeux free to play.
16:52 Et là, j'ai découvert cet univers qui est incroyable
16:55 parce que dans le jeu vidéo classique, on fait un jeu
16:57 et puis il y a un mec génial qui dit "il faut le faire comme ça"
17:00 et après on vend le jeu et que le jeu soit bien ou pas,
17:03 ce n'est pas très grave, on a vendu le jeu.
17:04 Ce qui est faux parce que si le jeu n'est pas bien, on ne rachètera pas la suite.
17:07 Donc, c'est un peu ça.
17:08 Et le free to play, ça a été très décrié
17:11 mais ce qui est intéressant, c'est qu'on joue à un jeu, c'est gratuit
17:14 et en fait, s'il plaît, on reste joué à ce jeu.
17:18 Parallèlement, c'est très dur quand on est le concepteur du jeu
17:20 parce que dès qu'on lance le jeu, on voit tout de suite
17:21 si les joueurs ne jouent pas à tel niveau ou ils s'en vont tout de suite
17:25 et surtout, il n'y a pas ce qu'on appelle la rétention, la sacro-sainte rétention.
17:28 Et donc, c'est très dur pour l'orgueil
17:31 et en même temps, c'est un outil qui est génial
17:33 où on peut piloter complètement les jeux à travers le temps.
17:35 Moi, j'ai vu l'apparition sur Facebook des premiers jeux free to play.
17:40 Il y avait Farmville à l'époque qui est très connu
17:42 et nous, on a fait des versions de Farmville
17:44 qui s'appelaient Pyramide Valley
17:46 dans lequel c'était un peu Farmville mais à l'époque des Égyptiens.
17:50 J'ai travaillé sur Atlantis Fantasy
17:52 qui était un jeu qui se passait sous l'eau
17:53 donc il fallait refaire la ville d'Atlantis et tout.
17:55 Puis, on a fait un jeu qui était génial, un jeu de combat
17:57 où on mélangeait des types de jeux,
17:59 alors par exemple des robots avec des morts vivants
18:01 et ça faisait un robot mort vivant
18:03 et après, on allait se battre avec ces créatures et tout, ça s'appelait Mutant.
18:06 J'ai eu ce plaisir d'ailleurs de créer un jeu avec évidemment toute une équipe,
18:10 je n'étais pas tout seul, mais de mettre plein de choses de moi dans ce jeu
18:13 et plein de choses de tous les gens importants
18:14 qui voulaient mettre quelque chose dans ce jeu
18:15 et puis quand on a lancé ce jeu,
18:17 il y avait des gens qui disaient "ce jeu est génial, j'adore ça,
18:20 c'est un jeu qui est facile à comprendre mais difficile à maîtriser".
18:22 Alors ça, c'est le compliment ultime.
18:24 Et on se nourrissait de ça, de cette énergie,
18:26 c'est un moment qui est extraordinaire.
18:28 Quand on a le plaisir de travailler beaucoup sur un projet comme ça,
18:32 de le lancer et de voir qu'il y a un émerveillement chez le consommateur,
18:37 je pense que c'est une raison pour laquelle on fait ce métier en fait,
18:39 en tout cas, faire des jeux vidéo.
18:40 Après toutes ces aventures,
18:42 moi, ce que je voulais, c'était monter ma boîte de jeux
18:45 pour faire les jeux pour moi,
18:46 pour montrer au monde que je sais faire des jeux d'une certaine façon.
18:49 Je suis allé chercher une ancienne collègue qui s'appelle Charlotte,
18:52 Charlotte Lavergne,
18:52 et puis elle aussi, elle végétait un peu dans son coin,
18:55 elle avait envie de faire quelque chose, en tout cas de produire quelque chose.
18:58 On s'est associés tous les deux pour monter une société qui s'appelle SuperCosi,
19:01 qu'on a créée maintenant il y a un an et demi.
19:02 On a levé des fonds, on a levé 2 millions d'euros pour commencer notre activité.
19:06 On a une équipe de 10 personnes et on fait des jeux vidéo sur mobile.
19:10 On fait des jeux simples pour l'instant,
19:11 des jeux très accessibles avec des gameplays très simples et tout,
19:14 parce qu'on n'a pas non plus l'argent pour faire le prochain Genshin Impact pour l'instant.
19:18 Et on sait très bien qu'on monte petit à petit,
19:21 mais ce qui est génial, c'est qu'on lance des prototypes, on les teste,
19:24 et en fait quand ça marche, cette fois-ci, ce n'est pas le travail d'un autre,
19:27 c'est vraiment notre travail à nous, et on est hyper responsable de ce qu'on fait,
19:30 et on adore ça, c'est le plus beau moment de ma vie.
19:33 [Générique]

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