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"J'ai préféré mon magasin à une vie qui n'aurait pas été très palpitante, entre le tricot et le bridge." À 96 ans, Monique est toujours antiquaire à Nantes et tient sa boutique depuis 50 ans ! Pour neo, elle raconte l'évolution de son métier et de son quotidien.

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Transcript
00:00 J'adore mon métier et pour un empire, je ne le lâcherai pas.
00:03 Quand j'arrive dans mon magasin, c'est vraiment un bonheur profond.
00:08 Je suis heureuse comme tout.
00:10 La preuve, c'est que je me porte bien à 96 ans.
00:13 Et mon mari était plutôt d'une autre génération où les femmes ne travaillaient pas.
00:17 À ce moment-là, j'ai dit "écoute, c'est un choix, on se sépare".
00:21 Et j'ai préféré mon magasin à une vie
00:23 qui n'aurait pas été très palpitante entre le tricot et le bridge.
00:29 Voilà mon magasin.
00:31 Je suis antiquaire ici depuis 50 ans.
00:36 Et j'ai 96 ans.
00:37 Et je suis très heureuse ici.
00:40 Alors voilà.
00:41 Eh bien, vite, vous allez visiter.
00:44 Entrez, madame.
00:46 Là, vous avez une très belle commode en marqueterie 19e.
00:52 Vous avez une très belle statue
00:55 qui est du 16e siècle en tufaux de la Loire, une pierre de Loire.
01:01 Vous avez des chaises ici qui sont signées de René Proulx.
01:08 Quand j'arrive dans mon magasin, c'est vraiment un bonheur profond.
01:13 Je ressens vraiment une joie en me disant "ça y est,
01:18 aujourd'hui, on va passer une bonne journée".
01:23 J'ai toujours des tableaux, beaucoup de tableaux.
01:25 J'aime beaucoup ce tableau qui est là, qui est signé d'Alexis de Broca.
01:30 Là, j'ai un très joli tableau, la Côte d'Azur de Malfoy.
01:36 Il est assez cher et il est coté.
01:38 Je le vends 2006.
01:40 Moi, j'ai la passion pour les tableaux parce que quand j'étais petite,
01:44 mon père m'emmenait dans toutes les galeries
01:49 voir les expositions de peinture.
01:53 Je me souviens encore d'avoir été à Lille.
01:57 Je devais avoir 6 ou 7 ans, voir un tableau de Goya que j'ai beaucoup aimé.
02:03 Je crois que j'avais cette vocation au fond de moi-même.
02:07 Et ma spécialité, c'est aussi la porcelaine de Chine.
02:12 Et voilà, ici, vous avez un choix de porcelaine de Chine.
02:17 J'aime mon métier parce que j'aime beaucoup le contact avec le client.
02:23 Je suis très heureuse de les voir rentrer.
02:26 D'abord, j'ai eu 5 enfants avec un mari jamais là,
02:30 parce qu'il aimait le bateau, il faisait du bateau.
02:33 Donc, quand ils sont devenus un peu plus âgés, je me suis retrouvée toute seule.
02:38 J'ai demandé à mon mari si je pouvais devenir vendeuse.
02:42 J'ai un antiquaire.
02:44 Il m'a dit, il n'y a pas de problème.
02:46 Mais il s'est trouvé que le magasin où je travaillais,
02:50 le patron est parti à Paris et il a laissé son magasin.
02:55 Moi, j'avais toute la clientèle en main et j'ai dit à mon mari,
03:00 je voudrais reprendre ce magasin.
03:03 Il m'a dit, il n'en est pas question.
03:04 Je ne veux pas que tu sois déclarée.
03:07 Alors, à ce moment-là, j'ai dit, écoute, c'est un choix.
03:10 Moi, on se sépare.
03:14 J'ai préféré mon magasin à une vie qui n'aurait pas été très palpitante
03:19 entre le tricot et le bridge.
03:22 Je travaille parce que ça me fait plaisir, mais aussi parce que j'en ai besoin.
03:30 Je ne vis que par mon magasin.
03:34 Je dois payer mon loyer, je dois payer les assurances.
03:40 J'ai un très bel appartement.
03:42 Je dois payer là-bas aussi.
03:44 Je suis vraiment obligée, dans un sens, à continuer à travailler
03:50 si je veux continuer à mener une vie agréable, comme je le fais.
03:56 Quand j'arrive, la première chose que je fais, c'est d'ouvrir l'écran
04:01 pour savoir s'il y a quelqu'un qui est intéressé par un des objets
04:06 que j'ai dans mon magasin.
04:07 Tout mon magasin est sur mon écran.
04:10 Et là, c'est quelqu'un qui est intéressé par un grand buffet.
04:14 Autrefois, les gens disaient, on va aller faire les antiquaires.
04:19 Maintenant, c'est terminé.
04:21 On est devant son cadran et on regarde ce qu'il y a à vendre.
04:25 Même les gens qui sont dans la rue et qui m'ont acheté quelque chose,
04:30 ils l'ont vu sur Internet.
04:33 C'est incroyable.
04:34 Ici, vous avez deux vases qui sont vendus au Qatar.
04:39 Je vends dans le monde entier.
04:42 Je vends aussi bien en Suède, Norvège, le Japon.
04:47 J'ai une belle clientèle au Japon.
04:50 L'inconvénient, c'est de faire les colis et les paquets.
04:53 Le commerce devient très difficile.
04:57 Il n'y a plus de demande du tout parce que les jeunes n'ont plus la place
05:01 et peut-être pas l'amour des vieilles choses comme nous.
05:07 Dans la rue Merkur où je suis, il y avait quatre ou cinq antiquaires.
05:11 Et il n'y a plus que moi.
05:13 Je suis toute seule.
05:14 Je sais que je suis la plus vieille de Nantes.
05:17 Et en tant qu'antiquaire, je suis peut-être la plus âgée de France.
05:23 C'est possible.
05:24 Mais alors, j'ai beaucoup de chance à mon âge, mais je marche beaucoup
05:28 parce que mon domicile est quand même à une demi-heure à pied de mon magasin.
05:35 Je fais du yoga.
05:37 Qu'est-ce que je fais ? J'écris beaucoup.
05:38 J'aime écrire.
05:39 Alors, j'écris des quantités de souvenirs de mon enfance.
05:45 Pas d'alcool,
05:47 toujours de l'eau et la nourriture est très importante.
05:51 Je n'imagine pas de laisser mon magasin pour me reposer, prendre une retraite.
05:59 Je crois que, finalement, mon rêve, ce serait de mourir ici.
06:06 Voilà.
06:07 Sous-titrage Société Radio-Canada
06:09 [Sonnerie]
06:11 [SILENCE]

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