• l’année dernière
Après la mort de son mari, Noémie a compris que sa vie ne serait plus jamais la même. Deux ans après, elle raconte comment elle vit son deuil : "Mon statut, c’est veuve, mais quand je parle de Marc, je dis toujours mon mari".

Le livre de Noémie Sylberg, "Vivre après Marc", publié aux éditions Hermann, est disponible en librairies.

Category

Personnes
Transcription
00:00 J'ai perdu mon mari il y a deux ans.
00:01 Évidemment qu'il me manque tout le temps.
00:03 Je serai toujours inconsolable de sa disparition,
00:06 mais ça ne m'empêche pas d'être heureuse et d'aller bien.
00:08 À 38 ans, le ciel m'est tombé sur la tête
00:11 quand j'ai appris que Marc, mon mari, était malade
00:15 et qu'il ne pouvait pas guérir.
00:17 Il avait un cancer au cardia,
00:19 c'est la façon médicale de parler de l'estomac.
00:22 Entre le moment où on a découvert le cancer de Marc
00:24 et le moment où il est mort, il s'est passé huit mois.
00:26 J'ai compris que ma vie ne serait plus jamais la même.
00:28 J'ai prié pour que ce soit un cauchemar,
00:30 en espérant que j'allais me réveiller.
00:31 C'est moi qui ai annoncé à mes enfants que Marc était mort.
00:34 Quand ils avaient trois et cinq ans,
00:36 c'est la pire chose au monde pour une mère
00:38 d'annoncer aux personnes qu'on aime le plus au monde
00:40 que leur père est mort.
00:42 La première année de deuil est très importante
00:45 parce qu'on vit toutes les premières fois
00:47 sans la personne qui n'est plus là.
00:49 Finalement, ce qui est étonnant,
00:51 c'est que ce sont surtout les événements gays
00:53 qui sont d'autant plus tristes
00:54 parce qu'on aurait voulu qu'il soit là.
00:56 Le premier anniversaire sans lui,
00:58 la première rentrée scolaire sans lui,
01:00 la première fois qu'on part en vacances sans lui.
01:03 Et à chaque fois, c'est une épreuve.
01:05 Mon statut, c'est veuve,
01:07 mais en tout cas, quand je parle de Marc,
01:09 je dis mon mari.
01:10 C'était pas seulement mon mari,
01:11 c'était ma meilleure copine,
01:12 c'était mon amant,
01:13 c'était mon ami,
01:15 c'était mon confident,
01:17 c'était celui qui anticipait tout de moi.
01:19 Et c'est vrai qu'on avait une relation
01:21 qui était extraordinaire.
01:23 Je ne supporte pas qu'on puisse ressentir de la peine
01:26 à mon égard.
01:26 Évidemment qu'il me manque tout le temps,
01:29 qu'il y a des moments qui sont beaucoup plus difficiles que d'autres.
01:32 Je serai toujours inconsolable de sa disparition,
01:35 mais ça ne m'empêche pas d'être heureuse et d'aller bien.
01:38 Et on peut être heureux,
01:39 on peut avoir vécu un drame
01:41 en ayant régulièrement, quotidiennement,
01:43 des moments de tristesse.
01:44 J'agis toujours et je suis toujours en activité.
01:47 Et il m'arrive parfois de regarder derrière
01:50 ou juste de me poser et de réfléchir.
01:52 C'est comme si je me mettais des coups de couteau dans le ventre, en fait.
01:54 Et je me disais "mais il n'est pas là, il n'est pas là,
01:56 il n'est pas là".
01:57 Et c'est des moments où j'ai besoin de me faire du mal,
02:00 j'ai besoin de ressentir très profondément ce manque.
02:03 Je me fais régulièrement ce que j'appelle des "shoots de marche".
02:05 Je me mets dans mon lit,
02:07 je me mets une vidéo ou je regarde des photos,
02:10 ou alors je suis dans ma voiture
02:11 et je mets certaines musiques qui me rappellent des souvenirs particuliers,
02:14 des souvenirs gays ou moins gays.
02:16 Et c'est là où je me laisse aller.
02:17 J'ai accepté d'être comme ça.
02:18 Même si j'ai de la peine, même si je suis triste,
02:20 même si j'ai un manque qui ne se refermera jamais,
02:23 eh bien je vais bien.
02:24 Mes enfants vont bien jusque-là en tout cas.
02:26 La vie peut continuer et j'arrive à vivre après Marc.
02:30 Une des promesses que je lui ai faites,
02:32 c'est que les enfants ne l'oublieraient jamais.
02:35 Ma façon de faire vivre Marc,
02:37 c'est qu'on parle tout le temps de lui.
02:39 C'est comme ça que j'élève mes enfants.
02:41 Je leur dis que c'est ma vision des choses,
02:43 mais que je pense que leur père nous accompagne,
02:46 qu'il nous entend, qu'il nous regarde,
02:48 qu'il nous écoute, qu'il nous guide.
02:49 Marc a aussi laissé une lettre aux enfants,
02:52 une lettre dans laquelle il leur donne les clés du bonheur.
02:54 On a aussi ce qu'on appelle la boîte de papa,
02:57 et dans laquelle il y a plein de photos de Marc,
03:00 des souvenirs, des objets, des bracelets,
03:02 des dessins des enfants,
03:04 des choses qui ont appartenu à Marc.
03:05 Et régulièrement, les enfants l'ouvrent,
03:08 seul ou avec moi,
03:09 et parfois ils se servent
03:11 et ils changent la photo qu'il y a sur leur table de chevet.
03:14 Moi je porte régulièrement ces chemises l'été sur un maillot de bain,
03:17 je porte ces pulls, je porte ces montres aussi.
03:19 De la même manière que j'ai l'impression qu'il vit à travers nous,
03:23 j'ai l'impression de l'avoir à mon poignet ou sur moi,
03:26 et c'est quelque chose qui m'est agréable.
03:27 Quand Marc était hospitalisé,
03:29 il avait acheté une montre électronique.
03:32 Je ne sais pas pour quelle raison,
03:34 mais il avait programmé qu'elle sonne le soir
03:37 à 8h30 et à 9h.
03:38 Après sa mort, j'ai entendu cette montre sonner.
03:41 Et elle est toujours là,
03:42 elle est dans le placard de notre entrée.
03:45 Que ce soit mes enfants ou moi,
03:47 on a l'habitude de cette sonnerie,
03:49 et c'est un peu comme s'il nous faisait un clin d'œil chaque soir,
03:52 et elle continue de sonner tous les jours.
03:54 Pour moi, je n'ai pas besoin d'aller au cimetière d'abord
03:56 pour me recueillir et pour penser à lui,
03:58 et je ne supporte pas me dire qu'il est six pieds sous terre.
04:01 Il n'est pas six pieds sous terre,
04:02 il est tout autour de moi, il est dans ma poche,
04:04 il est là, il me sourit, il est à chaque coin de rue.
04:06 Mes enfants, je leur dis qu'ils se diront au cimetière le plus tard possible,
04:10 et que savoir que leur père est dans une boîte,
04:13 c'est quelque chose que je n'ai vraiment pas envie qu'ils ressentent.
04:17 Aujourd'hui, quand on me demande si ça va,
04:20 j'accepte qu'on me demande si ça va,
04:21 d'abord parce que je considère que je vais bien,
04:24 mais je réponds souvent que je vais le mieux possible.
04:27 Je réalise que je suis riche de l'amour de Marc,
04:32 et de sa joie de vivre, qu'il m'a légué ça.
04:35 C'est ce qui nous permet, à mes enfants et moi,
04:37 d'aller le mieux possible,
04:38 parce qu'on a appris à vivre après Marc,
04:41 et à vivre avec lui en permanence autour de nous.
04:44 [Générique]

Recommandations