Bernard-Henri Lévy : "on ne peut pas s'intéresser au sort d'un pays sans images" - L'invité de Sonia Devillers

  • l’année dernière
Retour en Ukraine pour Bernard-Henri Lévy et son équipe dans le cadre de son nouveau film "Slava ukrain" où ils sillonent le pays caméra à l'épaule. Retour à Kharkiv pour un long road trip jusqu'à Kherson, à la rencontre des Ukrainiens combattants, résistants, survivants.

Retrouvez "L'invité de Sonia Devillers" sur
https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-9h10

Category

🗞
News
Transcript
00:00 Il est 9h09, Sonia De Villere, votre invitée revient là où son précédent film s'est arrêté.
00:06 Bonjour Bernard-Henri Lévy.
00:07 Bonjour.
00:08 Le précédent film c'était « Pourquoi l'Ukraine ? ». Arrive sur les écrans mercredi
00:12 « Slava Ukrhenie ». Ce nouveau film, une heure 35 de road trip caméra à l'épaule
00:18 de Kharkiv à Kherson.
00:20 Alors ce n'est pas une ligne droite entre Kharkiv et Kherson, c'est une ligne lourdement
00:26 accidentée dirais-je.
00:28 Je suis très étonnée car votre premier chapitre s'intitule « L'ère de la victoire ».
00:34 Vraiment la victoire ?
00:35 Oui, parce que le premier chapitre c'est début septembre et c'est le moment où
00:40 les Ukrainiens, après avoir encaissé des coups pendant six mois, passent à la contre-offensive.
00:46 Et ils commencent à libérer certaines de leurs villes.
00:48 Et c'est là que commence le film.
00:51 On était là au moment de la libération d'Izioum, au moment de la libération de
00:55 Koupiansk et ainsi de suite.
00:57 Et d'ailleurs, oui, ça vous étonne, mais vous savez, chaque fois que les USA étudient
01:02 des caractéristiques de cette guerre, que nous avons observées sur le terrain, que
01:07 nous avons filmées, chaque fois que les Ukrainiens décident de livrer bataille, vraiment livrer
01:11 bataille, pas bombarder des centrales et pas, comme les Russes, la stratégie du charnier.
01:17 Chaque fois qu'ils décident de livrer bataille, ils l'emportent.
01:20 Les Russes évitent le combat, ils rompent les rangs, ils fuient.
01:25 C'est ça la réalité des six mois que nous avons passé à crapahuter sur le terrain.
01:31 Parce que dès le deuxième chapitre, là, nous sommes dans un segment de route qui vous
01:36 emmène de Kharkiv à Izioum.
01:38 Vous dites rencontre avec des miraculés qu'ils ne savent pas qu'ils ont gagné,
01:43 car ils ont tout perdu.
01:44 Oui, bien sûr, parce que la victoire militaire dont je vous parle, elle n'empêche pas
01:50 une immense misère humaine.
01:53 Et c'est vrai qu'on a découvert des villes libres mais vides, des villes où il n'y
01:59 avait plus d'occupants russes, mais où régnait un silence de mort.
02:05 On a découvert à Kersonne et on a filmé…
02:08 À Kersonne, où vous arrivez en intitulant votre arrivée « Mais quelle est ta mère
02:14 cette victoire ? »
02:15 « Mais quelle est ta mère cette victoire ? »
02:16 Oui, et ce titre m'est venu dans l'épisode dont j'allais vous parler, le moment où
02:23 on a découvert et filmé les salles de torture qu'avaient créées les occupants russes
02:28 dans des caves de Kersonne et dont le spectacle est insoutenable.
02:33 Insoutenable parce qu'on voit encore les instruments de torture, les chaises renversées
02:38 et le sol souillé de sang.
02:40 Il y a là la trace des agonisants et des morts qui sont morts sous la torture russe.
02:47 « Slava Ukraini, heroje Slava »
02:53 « Borshchik, budem varet »
02:56 « Borshchik, Ukrainian borshch »
02:59 « Borshch »
03:00 « Borshch »
03:01 « Borshch »
03:02 « Borshch »
03:03 Rencontre avec une dame qui, pour célébrer son anniversaire, cuisine dehors et prépare
03:09 du borshch.
03:10 Ce film, Slava Ukraini, n'est pas un film de journaliste, n'est ni un plaidoyer pour
03:18 votre vision géopolitique de ce conflit.
03:20 C'est une rencontre, c'est une rencontre très humaine sur le terrain avec les Ukrainiens
03:26 et les Ukrainiennes.
03:27 Oui, j'ai essayé cela.
03:30 J'ai essayé d'aller à la rencontre des corps, des visages, des vivants, des survivants.
03:38 Cette dame dont vous parlez, par exemple, on a passé du temps avec elle.
03:42 On a mangé le borshch d'ailleurs.
03:45 Pourquoi ? Parce que c'était la première fois depuis six mois qu'elle sortait à l'air
03:50 libre.
03:51 Cette vieille dame qui a 70 ans, elle venait de passer les six derniers mois sans électricité,
04:01 sans chauffage, avec à peine de quoi se nourrir dans un bunker.
04:07 Vous les croisez les uns après les autres, justement, ces vivants qui sortent de terre,
04:13 comme cette jeune femme avec son enfant qui est muet.
04:16 Et ce jour-là, dans cette séquence-là, c'est vraiment ce que nous avons essayé
04:20 de rendre.
04:21 C'est-à-dire ces femmes, ce sont la plupart du temps des femmes d'ailleurs, qui sortent
04:26 des souterrains, ou ces enfants.
04:28 Il y a cette scène que je ne parviens pas à oublier, cette petite fille qui a passé
04:34 elle aussi six mois dans les caves, elle a 12 ans, 13 ans, elle a passé six mois à
04:40 lire et elle a lu « Les trois mousquetaires » de la Reine Margot.
04:44 Alors entendre parler de la Reine Margot par une petite Ukrainienne, qui a les yeux brillants
04:51 de bonheur, d'admiration, elle dit que c'est le plus beau livre qu'elle ait lu.
04:57 Elle dit que c'est son livre préféré.
04:59 Qu'est-ce que vous voulez ? Moi, français, grand amateur d'Alexandrie.
05:04 J'ai été terrassé par l'émotion.
05:06 Alors, les femmes et les enfants sortent des caves, les hommes en revanche s'enfouissent.
05:13 S'enfouissent dans les tranchées.
05:15 Il y a quelque chose comme ça, où les femmes sortent de terre et les hommes entrent sous
05:19 terre.
05:20 Et vous dites, il y a quand même cette permanence universelle de la guerre, depuis la bataille
05:25 d'Alésia en passant par Verdun.
05:27 Les drones et les nouvelles technologies n'y font rien, on s'enfouit dans la terre,
05:32 simplement pour survivre.
05:33 On s'enterre pour ne pas mourir.
05:37 D'habitude, on s'enterre quand on est enterré, quand on est mort.
05:41 Là, on s'enterre pour s'empêcher de mourir.
05:44 En effet, vous avez raison, ce qui nous a frappés pendant tout le tournage, pendant
05:50 tous ces mois à arpenter ces fronts, c'est cette contradiction, ce mélange entre l'hyper
05:56 sophistication des nouveaux moyens de guerre, en particulier les drones.
06:01 Le son des drones, c'est quelque chose…
06:03 Alors, on a entendu cette très belle nappe de piano que vous avez fait composer pour
06:06 le film.
06:07 - Par Slava Bakarchuk.
06:08 - Mais le son des drones, c'est presque un personnage à part entière du film.
06:13 - Oui, et quand on les a au-dessus de la tête, comme ça nous est arrivé deux fois, une
06:17 fois à Limane et une fois à Kersaune, c'est vrai que ça fait un drôle d'effet.
06:21 À une réserve à prix quand même, c'est que j'ai assez vite compris, nous avons
06:26 assez vite compris que ces drones étaient iraniens et qu'en vérité c'est les drones
06:32 du pauvre.
06:33 C'est des drones imprécis.
06:35 - Donc c'est des drones de fabrication iranienne, vous voulez dire.
06:39 - De fabrication iranienne, vendus par l'Iran à la Russie.
06:43 Vendus par l'Iran à la Russie.
06:45 L'Iran est allié de la Russie, allié de Poutine, il lui livre des drones, d'autres
06:51 armes probablement.
06:52 Donc c'est des drones.
06:53 Au début c'est un peu effrayant, puis quand on comprend qu'ils ne sont pas si précis
06:58 que ça, ça l'est un petit peu moins.
06:59 Mais le bruit évidemment est épouvantable et il accompagne souvent ce film.
07:04 Il le ponctue mettons.
07:05 Il ponctue le film, il fait partie du son qu'on a encore d'ailleurs, mes camarades
07:12 et moi, Roussel et Herzog, on se disait ça l'autre jour, parfois on se réveille la nuit,
07:18 on a encore le son du drone dans l'oreille.
07:21 Et l'idée qu'il faut harceler moralement les populations civiles.
07:27 Dans combien de villes arrivez-vous en disant "ici on a bataillé pendant deux semaines
07:34 et ça continue encore" alors que c'est une ville qui n'est absolument pas stratégique.
07:39 On fait ça pour terroriser les populations civiles.
07:42 - Moi je suis rentré sur ce tournage, Sonia De Villeher avec une conviction et des preuves
07:48 de cela.
07:49 C'est que les charniers de Butchart, les charniers d'Isioum que nous avons filmés.
07:56 - 465 morts, 465 corps.
07:58 - Voilà.
07:59 - Les enterrés.
08:00 - Souvent, pas toujours, les mains liées derrière le dos et souvent une balle dans
08:04 la nuque.
08:05 Ce n'est pas par hasard, ce n'est pas des soldats perdus et affolés qui dans leur fuite
08:11 tirent à tout va.
08:12 C'est une stratégie.
08:14 Je suis convaincu, après ces mois passés là-bas, je suis convaincu qu'il y a chez
08:21 les Russes une stratégie du charnier.
08:24 Une stratégie du charnier.
08:26 Stratégie pourquoi ? Pour terroriser les gens, pour tuer le maximum de gens, pour obliger
08:32 les Ukrainiens à plier.
08:34 Ce n'est pas des bavures, c'est une stratégie.
08:36 - Il est 9h17, vous écoutez France Inter, Bernard-Henri Lévy et mon invité, on va
08:43 voir comment vous partez à la rencontre de soldats qui sont parfois français, comment
08:49 parfois un morceau de France et d'histoire de France s'invite dans cette guerre.
08:54 Qui, à vos yeux, Bernard-Henri Lévy, est notre guerre à tous ?
08:58 - Je suis tellement fier de toi, triste, mais c'est vrai. Après tout ce que nous avons fait, je suis tellement fier de toi.
09:14 Tu m'as mis au ciel, tu m'as mis sous ton arme.
09:22 Pas importe combien de temps je tente de le cacher, le monde entier peut le dire.
09:31 Il n'y a pas de moyen, pas importe combien de temps je prie, il n'y a rien que je peux dire qui va nous sauver aujourd'hui.
09:48 Je suis tellement fier de toi, triste, mais c'est vrai. Après tout ce que nous avons fait, je suis tellement fier de toi.
10:04 Je ne comprends pas, tu as mon cœur dans tes mains.
10:12 Je fais le meilleur que je peux, mais je suis seulement un homme.
10:22 Pas en pitié, pas en haine, je suis au cœur de la ville et je ressens toujours la douleur.
10:37 Je suis tellement fier de toi, triste, mais c'est vrai. Après tout ce que nous avons fait, je suis tellement fier de toi.
10:55 Je suis tellement fier de toi, triste, mais c'est vrai. Après tout ce que nous avons fait, je suis tellement fier de toi.
11:11 Je suis tellement fier. Je suis tellement fier.
11:21 So right over you.
11:31 Robert Finlay, Sold Out on You, mon morceau préféré de la playlist.
11:36 France Inter, le 7 9 30, l'interview de Sonia De Villers.
11:42 Bernard-Henri Lévy réalise Slava Ukraini, ce film sort sur nos écrans à partir de mercredi.
11:48 Vous allez le projeter à Kiev, Bernard-Henri Lévy, dans les jours qui viennent.
11:53 Vous allez tenter de réunir la multitude des personnages que vous nous faites découvrir à l'écran.
12:00 C'est mon rêve en tout cas et c'est à quoi certains de mes amis s'emploient à l'heure même.
12:06 Vous allez essayer de faire venir la Dame au Bord, vous allez essayer de faire venir à Kiev cette combattante, cette jeune femme.
12:14 Elle a une trentaine d'années, celle qu'on voit à la toute fin du film.
12:18 Une trentaine d'années, oui. Elle a un petit garçon de 7 ans.
12:21 C'est une commandante, c'est une soldate, c'est une commando, une soldate d'élite.
12:27 Et elle prend le temps tous les soirs de faire réciter ses devoirs par Zoom ou par FaceTime à son petit garçon qui est à quelques centaines ou milliers de kilomètres de là.
12:37 Et qu'elle n'a vu que deux fois depuis le 24 février.
12:41 * Extrait de « La France est une île » de Jean-Michel Arnaud *
12:57 Chantez ici 32 nationalités réunies. Vous tombez sur un genre de brigade internationale.
13:05 C'est un des moments les plus étranges du film. On ne sait vraiment pas où on est.
13:10 Il y a même un moment où on se demande si on n'a pas passé par mégarde une ligne de démarcation.
13:15 Et on tombe sur ce bataillon qui s'appelle le bataillon Karpatian-Siech.
13:20 Et c'est très intéressant parce que c'est un bataillon nationaliste et originairement, historiquement, nationaliste de droite.
13:28 Sauf que ce bataillon nationaliste, il est composé, l'unité sur laquelle on tombe, qui est une unité combattante, de 32 nationalités.
13:37 Et ce que vous venez d'entendre là, ça ne vous a pas échappé qu'il chante faux.
13:42 Et il chante faux parce qu'il chante dans 32 langues. Avec 32 accents.
13:46 Il chante l'hymne ukrainien dans 32 langues différentes. Et ça, c'est l'exception ukrainienne.
13:53 Ce nationalisme bizarre qui abrite en son sein des langues.
14:00 Et c'est probablement le moment de complexité du film où vous dites suis-je face à Malraux ou suis-je face à Drieu-Larochelle ?
14:09 Parce que la référence au brigade internationale défendant la République d'Espagne face à Franco revient en permanence.
14:18 Donc suis-je face aux frères de Malraux ? Suis-je face à Drieu-Larochelle ?
14:22 Ou suis-je à la fin de Gilles, le roman de Drieu qui est une sorte de roman inversé, des romans de Malraux.
14:28 Qui se bat pour l'Europe mais du mauvais côté. C'est-à-dire c'est le nationalisme, c'est lui qui deviendra le centre de l'occupation.
14:35 L'élément supplémentaire de cette complexité, c'est cette idée, cet oxymore qu'est un nationalisme internationaliste.
14:43 C'est bizarre. C'est tout ça qui travaille en ce moment l'Ukraine, cette nation, ce pays.
14:53 Et justement le risque de ce film n'est-ce pas de voir l'idéal humaniste du côté des Ukrainiens, le mal absolu du côté de la Russie, de manière trop simpliste ?
15:04 Écoutez, moi je ne dis jamais mal absolu mais la déportation des enfants par dizaines de milliers, le bombardement des maternités,
15:13 ou les salles de torture dont je vous parlais tout à l'heure, tout ça on a filmé. Vous pouvez appeler ça, je ne sais pas comment vous l'appelez, c'est le mal.
15:21 Et puis ces femmes et ces hommes qui se battent comme des lions, ces citoyens, ces gens qui n'ont pas l'habitude de la guerre, ces vieux, ces jeunes,
15:33 ces gens qui étaient puissants avant la guerre, ces gens qui ne l'étaient pas et qui le sont encore moins, qui se battent au coude à coude,
15:43 c'est peut-être pas le bien, mais enfin c'est pas le mal.
15:47 Vous reconnaissez néanmoins que vous prenez le risque de livrer ce film, alors dites-vous que l'ange de l'histoire n'est pas encore passé.
15:56 Oui, mais ça c'est vraiment une décision philosophique. Ou bien, comme disent les philosophes, on attend la nuit tombée pour que la chouette de la pensée se lève,
16:09 c'est la phrase de Hegel, autrement dit, on attend que tout soit fini et là on regarde, on compte les morts, on fait le bilan.
16:16 Moi, ce n'est pas comme ça que je conçois mon travail de philosophe et en l'occurrence de reporter.
16:21 Moi, je pense que c'est au point du jour, c'est-à-dire quand les événements sont toujours en train de faire rage,
16:27 quand la situation est encore incertaine, qu'il faut y aller et qu'il faut essayer de peser sur l'événement.
16:34 Et il y a une très belle métaphore que j'aime bien opposer à celle de la chouette de Minerve, c'est la biche de l'aurore,
16:40 que l'on trouve dans les commentaires talmudiques, la biche de l'aurore qui contrairement à la chouette de Minerve,
16:47 elle est là quand l'événement est encore en train de déployer toute sa puissance et toute son horreur.
16:55 On sait pourtant qu'au cœur de l'événement, parfois on se trompe.
16:59 Et bien je pense que c'est comme ça que je vois les choses.
17:04 Le travail d'un intellectuel, ce n'est pas de se mettre dans une zone de confort permanente,
17:09 c'est éventuellement de prendre le risque de se tromper.
17:12 Sinon, à quoi ça sert ? Sinon, c'est le travail d'un historien, c'est le travail des gens qui feront le bilan.
17:21 Mais si on veut vraiment peser sur les choses, et moi c'est mon obsession, je veux que cette guerre s'arrête.
17:25 Et pour qu'elle s'arrête, je veux que les Ukrainiens l'emportent.
17:28 Et que les Ukrainiens l'emportent, ça veut dire que Poutine perde cette guerre.
17:33 Moi j'ai fait un film pour ça, et je l'ai fait pour le cinéma pour ça.
17:37 Vous ne voulez pas de négociations, vous voulez la défaite.
17:41 Je ne veux pas de négociations, je veux simplement que Poutine arrête de déporter les enfants.
17:47 Je veux que Poutine arrête de tirer sur les immeubles civils.
17:51 Je veux que ce massacre cesse.
17:54 Et tant qu'on ne montrera pas à Poutine que cette guerre est perdue pour lui, il n'arrêtera pas.
18:01 Il continuera, comme pour lui la vie n'a aucun sens, il continuera de masser ces vagues humaines,
18:08 ces commandos Wagner, et de les faire déferler comme de la chair à canon contre les lignes ukrainiennes,
18:14 ça ne s'arrêtera pas. Il faut que ça s'arrête.
18:17 Vous avez songé, plus jeune, à prendre les armes ?
18:21 - Écoutez, je... - Puisque Malraux revient souvent dans ce film,
18:26 puisque Romain Garry n'est jamais très loin de votre travail.
18:30 - Je l'ai proposé, j'ai raconté ça dans un livre il y a très longtemps.
18:33 Au moment de la guerre de Bosnie, je l'avais proposé aux résistants de l'époque,
18:39 c'est-à-dire le président, Alija Izetbegovic.
18:42 Je lui avais dit "il faudrait créer une brigade internationale",
18:45 et c'est lui qui m'avait répondu "il y a mieux pour un intellectuel que de tenir un fusil,
18:50 c'est de tenir une caméra. Si vous en avez le désir, si vous en avez éventuellement le talent,
18:56 si vous en avez le courage, prenez une caméra et venez filmer notre combat et notre résistance".
19:01 Ça c'était il y a 30 ans, au moment du siège de Sarajevo, auquel j'avais consacré un premier film.
19:07 Là c'est pareil.
19:08 - J'ai entendu une grande productrice de cinéma iranienne, réfugiée en ce moment et cachée en France,
19:14 Bernard-Henri Lévy, dire "on ne peut pas s'émouvoir, on ne peut pas s'intéresser
19:19 au sort d'un pays sans images".
19:21 - Exactement. C'est la loi du monde, c'est la loi du spectacle, de la société du spectacle
19:28 au sens de Guy Debord. Il faut des images. Et moi mon travail, le travail de Roussel,
19:35 Marc Roussel, mon camarade, grand reporter de guerre et qui est mon corrélisateur,
19:39 c'est de fabriquer des images, d'aller les chercher et d'essayer.
19:44 Toutes les images de ce film que vous avez vues, toutes sont inédites.
19:50 Il n'y a pas d'images d'archives, il n'y a pas d'images qui ont été puisées
19:53 dans telle ou telle chaîne de télévision.
19:55 Ce sont des images que nous sommes allés chercher, que nous avons littéralement produites.
20:01 Et je crois que dans une guerre atroce comme celle-là, c'est en effet ce que peut faire
20:07 de moins mal à un intellectuel.
20:10 Nathalie : Slava Ukraini sort sur nos écrans mercredi.
20:14 - Merci, Sonia Leviller.

Recommandée