LCP le mag - IVG, un droit à protéger - Vidéo Dailymotion

LCP Assemblée nationale

C'est un droit des femmes : celui de choisir d'interrompre une grossesse. L'IVG est autorisée depuis 1975 et la loi Veil. En France, 1 femme sur 3 a recours au moins une fois dans sa vie à l'avortement. 220 000 interruptions volontaires de grossesse sont pratiquées chaque année. Un droit encore tabou. En 2023, l'accès à l'avortement reste fragile et inégal. Victime des déserts médicaux et des choix de santé publique. Il dépend encore de l'engagement des professionnels. L'IVG c'est aussi un droit que les opposants aimeraient supprimer, comme aux Etats-Unis, depuis qu'il n'est plus garanti par la Cour suprême. Alors l'idée est née en France de constitutionnaliser le droit à l'avortement pour le protéger. En novembre dernier, l'Assemblée adoptait à une large majorité l'inscription du droit à l'avortement dans la Constitution. Première étape d'un long chemin vers sa possible constitutionnalisation. Si sur le papier, le droit à l'avortement semble acquis, son accès est-il garanti partout sur le territoire ? Comment sont prises en charge les femmes ? L'IVG est-il un acte médical comme un autre ? Un reportage de Marion Becker, Pierre-Yves Deheuninck, Raphaël Lizambard et Ilana Azencot. Chaque mois, LCP le Mag vous plonge dans l´application des lois, les grands dossiers d´actualité qui font débat à l´Assemblée nationale ou les coulisses des campagnes électorales. Abonnez-vous à la chaîne YouTube LCP : https://bit.ly/2XGSAH5 Suivez-nous sur les réseaux ! Twitter : https://twitter.com/lcp Facebook : https://fr-fr.facebook.com/LCP Instagram : https://www.instagram.com/lcp_an/ Retrouvez nous sur notre site : https://www.lcp.fr/ #LCP #LCPLEMAG

Transcript

00:00 ...

00:03 C'est un droit des femmes.

00:05 Il est autorisé depuis 1975 et la loi veille.

00:09 -Je suis en France

00:11 et j'aimerais poursuivre un légitime étiquette.

00:15 -En France, une femme sur trois

00:18 a recours au moins une fois dans sa vie à l'avortement.

00:22 220 000 interruptions volontaires de grossesse

00:24 sont pratiquées chaque année.

00:27 Un droit encore jugé et stigmatisé.

00:30 -J'ai eu un personnel soignant

00:33 qui m'a énormément culpabilisé en me disant

00:36 que si mon copain ne me forçait pas à le garder,

00:41 c'est que forcément il ne m'aimait pas,

00:43 que je tuais un être vivant, que j'étais une odieuse personne.

00:46 -Les gens gardent une idée négative

00:49 de la femme qui fait une interruption de grossesse.

00:52 Il faut changer ça.

00:53 -Un droit que ses opposants

00:55 aimeraient supprimer.

00:57 -L'abomination !

00:58 -Probité !

00:59 -Comme aux Etats-Unis,

01:01 depuis qu'il n'est plus garanti par la Cour suprême.

01:04 -Ce but que nous nous donnons, l'abolition de la loi veille !

01:07 -L'abolition !

01:08 -Alors, l'idée est née en France

01:12 de le constitutionnaliser pour mieux le protéger.

01:15 -Il faudrait inscrire l'avortement

01:17 comme un droit qui se questionne pas.

01:19 Ca veut dire quelque chose qui fait partie de la santé des femmes.

01:23 -En novembre dernier,

01:25 l'Assemblée a adopté à une large majorité

01:28 l'inscription du droit à l'avortement

01:30 dans la Constitution.

01:32 -Collègues, je suis très, très émue

01:35 à la fois de ce vote et de ce signal historique

01:38 que l'Assemblée nationale s'honore à envoyer

01:42 à toutes les femmes de notre pays,

01:44 mais aussi à l'ensemble des femmes du monde.

01:47 -Histoire !

01:49 -Première étape d'un long chemin

01:52 vers sa possible constitutionnalisation.

01:55 Si sur le papier, le droit à l'avortement semble acquis,

02:00 son accès est-il garanti partout sur le territoire ?

02:03 -Les femmes !

02:05 -Comment sont prises en charge les femmes ?

02:08 L'IVG est-elle un acte médical comme un autre ?

02:12 -Les femmes !

02:13 Les prisons, nos entraves !

02:18 Debout !

02:19 Debout ! Debout !

02:21 Applaudissements

02:23 ...

02:25 Téléphone

02:28 -Le Planifamilial, bonjour.

02:31 -J'ai un retard de règle, en fait.

02:34 Et je pense que...

02:37 Je pense que, voilà, je suis enceinte.

02:40 J'aimerais procéder à une VG médicamenteuse.

02:44 -Vous avez combien de jours de retard ?

02:47 -Pour être franche,

02:49 je vais les avoir la semaine dernière.

02:52 Mais du coup, j'avais des douleurs

02:54 et je pensais que c'était une aide qui arrivait,

02:57 mais au final, non.

02:58 -Si elle souhaite réaliser une IVG par aspiration,

03:01 ça sera directement vers l'hôpital,

03:04 vers les centres IVG des hôpitaux.

03:06 -OK. Et ça se passe comment

03:08 si elle n'a pas d'assurance maladie en France ?

03:11 -Ouais. Elle pourra se tourner

03:13 vers le service social de l'hôpital

03:16 qui pourra lui prendre en charge son avortement.

03:19 -Au planning familial de Paris,

03:21 les conseillères conjugales reçoivent les appels

03:24 et orientent les femmes qui souhaitent

03:26 se mettre fin à leur grossesse.

03:28 -Il y a tout type d'âge qui vienne au planning familial

03:33 pour demander un avortement,

03:35 parce que les personnes savent que ça va être un lieu

03:38 bienveillant où elles vont pouvoir se sentir bien,

03:41 être à l'écoute, non jugées.

03:43 Il n'y en a que non culpabilisantes.

03:46 -Les femmes trouvent ici une écoute.

03:49 A aucun moment, on ne leur demande pourquoi elles font ce choix.

03:54 On ne juge pas leurs décisions.

03:56 Jusqu'à cette semaine de grossesse,

03:58 elles peuvent choisir la méthode d'IVG médicamenteuse

04:01 ou instrumentale.

04:02 Au planning, la médecin réalise les IVG médicamenteuses,

04:07 une conseillère les accompagne.

04:09 -Vous vous êtes arrivée après ?

04:11 Vous, vous avez déjà fait l'échographie de datation ?

04:14 Non, d'accord. Vous non plus, vous n'avez pas fait la dat...

04:18 Donc il y a encore trois à passer.

04:20 Le groupe, on en discutera réellement après,

04:23 ça sera quand vous aurez fait l'échographie de datation.

04:26 -Après l'examen avec le médecin,

04:29 les femmes sont reçues en groupe.

04:31 C'est un temps d'échange avant la mise en place du protocole

04:35 et la prise des médicaments qui entraîneront la fausse couche.

04:39 Ce jour-là, elles n'ont pas accepté la présence de notre caméra.

04:43 Même anonymement,

04:45 s'il est autorisé depuis près de 50 ans,

04:48 l'avortement reste tabou.

04:51 -La question n'est pas si simple et assez taboue.

05:00 Il y a quelques milieux où ça ne l'est plus,

05:04 mais en règle générale,

05:05 j'ai l'impression que ça reste tabou, on n'en veut pas parler.

05:09 -Là, encore une femme qui disait

05:11 qu'elle allait voir un gynécologue,

05:13 la première réaction, c'est "félicitations, c'est une bonne nouvelle".

05:17 Finalement, pour plein de femmes, c'en est pas une.

05:20 -On culpabilise encore les femmes qui ne passeraient pas

05:28 à la grossesse ? -On n'arrête pas de les culpabiliser.

05:31 C'est de leur faute, elles auraient pu faire attention.

05:35 -C'est vrai que même si...

05:37 -Maintenant, avec la contraception qui existe,

05:40 on ne sait pas comment on fait pour être enceinte.

05:42 -Une partie des femmes qui viennent au planning familial

05:45 sont envoyées par leur généraliste ou leur gynécologue,

05:49 car tout médecin a le droit de refuser de pratiquer l'IVG,

05:52 c'est la clause de conscience.

05:54 -J'ai pas connu ça.

05:56 -Les gynécologues, ils disent plus qu'ils ont une clause de conscience.

06:01 C'est affiché nulle part.

06:02 Ils sont pas obligés de le dire.

06:04 Mais on a énormément de femmes

06:08 qui viennent faire des avortements,

06:10 qu'on a au téléphone et qu'on oriente,

06:12 parce qu'elles sont allées voir leur gynécologue

06:15 ou un gynécologue, ou une gynécologue,

06:17 femme ou homme, c'est pareil,

06:19 qui leur a dit que non, ils faisaient pas d'avortement.

06:23 Donc c'est une manière détournée,

06:25 mais en fait, ils disent pas qu'ils sont contre,

06:28 mais ils font pas.

06:29 Là, cet après-midi,

06:32 la gynéco lui a dit que non, elle était pas...

06:35 -Habilitée. -Elle était pas habilitée

06:38 pour faire des avortements.

06:39 -3 % seulement des gynécologues et des médecins en cabinet

06:43 pratiquent l'IVG.

06:44 Les femmes doivent alors se tourner vers l'hôpital

06:48 ou le planning familial.

06:49 Depuis 60 ans, ici, on lutte

06:52 pour le droit à la contraception et à l'avortement,

06:55 et aujourd'hui, pour sa constitutionnalisation.

06:58 Pour sa présidente, il y a un vrai danger

07:01 qui plane sur l'IVG.

07:02 -Il y a toujours eu des antichoix,

07:04 mais aujourd'hui, ils ont gagné des batailles

07:07 aux Etats-Unis, en Hongrie, en Italie,

07:09 ils vont gagner sûrement encore.

07:11 Il faut être hypervigilante et se dire

07:14 que pourquoi en France, ça serait une exception.

07:17 Il faut faire en sorte que ce soit un droit fondamental,

07:20 d'essayer de le protéger un maximum,

07:22 de le rendre effectif,

07:24 parce que cette bataille est toujours au quotidien

07:27 pour le planning et les associations féministes,

07:30 mais il y a quelque chose à faire.

07:32 De constitutionnaliser l'avortement,

07:34 en France, on serait le premier.

07:36 Ca résonnerait dans le monde entier.

07:38 Musique de foule

07:40 -Bonjour, la marche pour l'avenir,

07:43 et ce que vous n'êtes pas !

07:44 Acclamations

07:47 On vous entend pas,

07:48 et ce que vous n'êtes pas !

07:50 Acclamations

07:52 -Portés par leur victoire aux Etats-Unis

07:55 et en Hongrie, les anti-avortements

07:57 donnent de la voix ce dimanche-là.

07:59 Depuis 2005, ces catholiques, conservateurs

08:02 et traditionnalistes organisent une manifestation à Paris

08:05 "La marche pour la vie".

08:07 Ils défilent tous les ans autour de l'anniversaire de la loi Veil.

08:11 -Oui !

08:12 -A leur tête, leur porte-parole, Aliette Espieu.

08:15 Depuis deux ans,

08:17 elle a pris les rênes de la manifestation.

08:19 -Défendeur de civilisation !

08:21 -Elle est plus que jamais mobilisée

08:24 contre la constitutionnalisation de l'IVG.

08:26 -Défendeur de civilisation !

08:28 Défendeur de civilisation !

08:30 -Ce qui est d'autant plus paradoxal

08:32 avec cette constitutionnalisation

08:35 et c'est ce qui, pour moi, donne quelque chose de dramatique

08:38 et de vraiment pervers de la part du gouvernement,

08:41 c'est que l'article 66.1 de la constitution

08:44 interdit, abolit la peine de mort.

08:47 Et l'article qui suivra

08:49 sera donc l'autorisation de mettre à mort des enfants.

08:53 C'est là où il y a un énorme paradoxe.

08:55 Quand on interdit la peine de mort pour les criminels,

08:59 les violeurs, les pédophiles,

09:00 et à côté de ça, on va dire qu'un enfant,

09:03 selon la situation, selon le contexte dans lequel il a attendu,

09:06 on peut le tuer.

09:07 -Celle qui a rajeuni et modernisé le mouvement

09:11 espère bien abolir la loi Veil.

09:13 -Promis !

09:15 -Moi, je souhaite envoyer un deuxième signal au monde entier.

09:22 Celui d'une France réveillée !

09:25 -Promis !

09:26 -Promis !

09:27 -Promis !

09:28 -Une France héroïque, prête à tout

09:31 pour refermer cette boîte de pandore

09:33 ouverte par Simone Veil !

09:35 Acclamations

09:37 -La bataille se joue aussi en coulisses.

09:40 Ses opposants à l'avortement s'infiltrent jusqu'au Parlement.

09:44 Pendant les débats sur la constitutionnalisation de l'IVG,

09:48 la députée Pascale Martin

09:50 portait la parole de son groupe dans l'hémicycle.

09:53 Quelques jours avant les débats,

09:55 elle a reçu une lettre particulière.

10:00 "L'avortement n'est pas un droit abstrait,

10:02 "mais un acte semblant par lequel il est mis fin à la vie d'un être humain,

10:06 "tel que le fœtus de 12 semaines que vous tenez entre les mains.

10:10 "Pensez-vous sincère que cet acte soit un droit fondamental

10:13 "ayant sa place dans la constitution ?"

10:16 Ils sont persuadés qu'un fœtus, c'est un être humain

10:19 et qu'il a les droits d'être humain

10:22 comme s'il était déjà en vie.

10:25 Ce type de courrier, moi, ça m'a mis assez en colère.

10:29 Après, il y a un sentiment de dégoût

10:33 parce que ça joue sur le visuel, évidemment.

10:37 Je ne connaissais pas cet organisme.

10:42 On s'est renseignées, on a vu à qui on avait affaire.

10:45 -Cet organisme, c'est le Centre européen

10:48 pour le droit et la justice,

10:50 une association conservatrice chrétienne

10:53 très active au Parlement européen.

10:55 -Il y a tout un lobbying autour de ça

10:58 qui est vraiment insupportable,

11:00 mais ça veut aussi dire qu'ils ont de l'argent

11:03 et que derrière, il y a des gens qui les financent.

11:05 Voilà, donc c'est pour ça qu'il faut vraiment être en résistance

11:09 parce que ça peut tout à fait, demain,

11:12 basculer vers quelque chose que je ne souhaite pas

11:16 et que des millions de femmes ne souhaitent pas.

11:19 -Pour faire interdire l'avortement,

11:21 l'association ne se contente pas

11:23 d'envoyer des lettres aux parlementaires.

11:26 Ce jour-là, avant l'examen de la constitutionnalisation

11:29 de l'IVG au Sénat, elle est invitée

11:32 par le sénateur d'extrême droite Stéphane Ravier.

11:35 Ancien cadre du Rassemblement national,

11:38 passé depuis chez Éric Zemmour,

11:40 c'est un fervent opposant à la constitutionnalisation de l'IVG.

11:45 -Pour aborder ce débat

11:48 sur la constitutionnalisation de l'IVG

11:50 plutôt que de céder, encore une fois,

11:53 aux passions, aux exigences des individualités,

11:57 j'ai souhaité que nous élevions le débat,

12:00 qu'il y ait un débat, déjà,

12:01 parce que c'est difficile d'avoir un débat sur ce sujet,

12:05 et que nous élevions le débat avec des personnalités,

12:08 des professeurs qui sont, je dirais,

12:11 dépollués de toute considération

12:17 partisane, justement.

12:18 -Pourtant, les quatre conférenciers invités

12:22 sont tous fermement opposés à cette constitutionnalisation,

12:26 à l'image de Grégor Pupinck,

12:28 le président du Centre européen pour le droit et la justice,

12:32 celui qui envoie des lettres aux députés.

12:34 -L'avortement, on voit bien, fait mal.

12:36 Ce n'est pas un concept ni une liberté abstraite,

12:39 mais une réalité dure.

12:41 L'avortement ne sera jamais un véritable droit humain,

12:44 mais seulement une violation ou une dérogation

12:47 au droit, au respect de la vie.

12:49 -Nous sommes tous, ici, des universitaires,

12:52 des professeurs, des enseignants, des docteurs.

12:54 Nous écrivons des livres, des articles scientifiques.

12:57 Ce n'est pas du lobbying que de donner

13:00 une analyse juridique,

13:02 une analyse sociologique sur ce sujet.

13:04 -Aucun sénateur n'a répondu à l'invitation.

13:08 Deux jours plus tard, le Sénat votait

13:11 pour la constitutionnalisation de l'IVG.

13:21 -Loin du combat politique,

13:23 le droit à l'avortement reste fragile sur le terrain.

13:27 Victime des déserts médicaux

13:29 et des choix de santé publique,

13:31 en 2023, l'accès à l'IVG est inégal.

13:35 En 20 ans, 130 maternités ont fermé,

13:39 et avec elles, la possibilité pour les femmes d'avorter.

13:43 C'est l'histoire de Rottel, dans les Ardennes,

13:48 une ville de 8 000 habitants, à 45 km de Reims.

13:52 En 2010, la maternité ferme ses portes.

13:56 Le centre périnatal n'assure plus que les suivis de grossesse.

14:00 Il faudra attendre 2016 et l'engagement

14:03 du Dr Odile Maurice pour que les femmes

14:06 aient à nouveau accès à l'IVG.

14:08 -C'est une population qui est très rurale.

14:13 Souvent...

14:15 Alors...

14:17 Le niveau socio-économique, bien sûr, bat...

14:22 Avec des difficultés de transport.

14:27 Souvent, c'est des patientes qui n'ont pas de voiture,

14:30 qui ne conduisent pas,

14:33 dont les maris, des fois, ne sont pas véhiculés non plus.

14:36 Donc l'avantage d'avoir la consultation sur place,

14:41 c'est qu'elles peuvent être un peu plus autonomes.

14:44 Et moi, j'ai vu, à l'époque où...

14:46 Où c'était pas possible à Reteil,

14:50 ou même quand, des fois, je suis pas là,

14:52 des patientes gardaient leur grossesse

14:54 car elles ne pouvaient pas venir jusqu'à Reims.

14:57 C'est important d'avoir la possibilité

14:59 d'avoir le choix ou pas de garder une grossesse.

15:02 Je ne défends pas l'IVG à tout prix,

15:06 mais je défends le droit au choix

15:09 dans de bonnes conditions.

15:14 -Médecin au CHU de Reims,

15:16 Odile Maurice vient ici tous les vendredis.

15:20 Elle assure les consultations

15:23 et prend en charge les IVG chirurgicales par aspiration

15:26 pour les femmes qui le souhaitent

15:28 et pour celles qui ont dépassé les 7 semaines de grossesse.

15:32 C'est alors la seule méthode possible.

15:34 -21 ans...

15:37 Vous êtes en couple, là ?

15:39 -Ah oui. -Oui ?

15:40 Ca fait combien de temps ?

15:42 -Ca fait 2 ans. -D'accord.

15:44 Ca se passe bien ? -Oui.

15:46 -Il est gentil ? -Très bien.

15:48 -Pas de violence ? -Non.

15:49 -En fait, j'ai été chez mon médecin d'abord

15:52 pour quelques symptômes.

15:54 Il m'a conseillé d'aller faire une prise de sang.

15:57 J'ai été en faire une et j'ai eu les résultats ce soir-même.

16:00 Du coup, j'étais un peu stressée quand même.

16:03 Enfin, c'est pas... C'est pas anodin, quoi.

16:06 J'ai déjà eu assez de mal pour avoir un rendez-vous

16:09 parce que, de base, j'avais déjà appelé Charles et Ville.

16:12 Ils m'ont dit qu'ils pouvaient pas avoir un certain temps.

16:16 -Combien de temps ? -Charles et Ville,

16:18 c'était pas avant 2 semaines.

16:19 C'était quand même plus pratique de savoir assez rapidement

16:23 parce que j'étais déjà assez, comment dire,

16:25 loin dans la grossesse, donc... Voilà.

16:28 -Vous êtes pas loin dans la grossesse, d'accord ?

16:31 Franchement, vous êtes dans les délais.

16:35 Il y a pas de... Non, non.

16:36 -Laura est à 9 semaines de grossesse.

16:40 -Par rapport à l'âge de la grossesse,

16:42 la méthode possible, c'est la méthode instrumentale

16:45 au bloc opératoire.

16:47 Vous avez lu sur la feuille,

16:48 vous avez vu comment ça se passait,

16:51 avec deux possibilités,

16:52 soit sous anesthésie générale, où vous dormez complètement,

16:56 soit sous anesthésie locale,

16:58 où on endort juste la zone où on passe les instruments.

17:01 Il faut savoir que c'est pas complètement sans douleur.

17:04 Vous allez ressentir un certain nombre de choses.

17:07 -D'accord.

17:08 -Nous retrouverons Laura pour son opération

17:11 quelques jours plus tard.

17:12 Sans la présence du médecin à Rottel,

17:15 son parcours aurait été plus compliqué.

17:17 Plus d'attentes et de kilomètres

17:19 pour pouvoir interrompre sa grossesse.

17:21 Pour proposer plus de consultations,

17:24 les sages-femmes de Rottel se sont formées.

17:26 Depuis deux ans,

17:27 elles prennent en charge les IVG médicamenteuses,

17:30 une quarantaine chaque année.

17:32 Maude Cornu avait déjà suivi Aurélie pour une grossesse.

17:36 Elle l'accompagne aujourd'hui pour son avortement.

17:39 -Bien. Comment ça va, aujourd'hui ?

17:41 -Ca va. Dans mon cas, c'était voulu.

17:44 J'ai vraiment projeté ça en fait.

17:46 Et voilà, donc...

17:49 On a le droit, voilà, de changer d'avis et...

17:53 Heureusement que ça existe, parce que sinon...

17:57 Ouais...

17:58 On serait avec un IP et...

18:00 -Vous trouvez qu'il y a toujours un tabou autour de cette question ?

18:04 -Ouais. Même en parlant à la famille,

18:07 c'est compliqué.

18:09 -Vous, vous avez pu en parler autour de vous ?

18:12 -Il y a que mon mari qui est au courant,

18:14 mais sinon, personne d'autre.

18:16 Donc heureusement qu'on a les professionnels

18:19 pour se confirmer un petit peu, parce que sinon, c'est dur, en fait.

18:23 -Ouais.

18:24 L'eau se réchauffe.

18:25 ...

18:28 Les clés cliquent.

18:31 ...

18:33 ...

18:38 -Généralement, après la prise de ce premier médicament-là,

18:41 la plupart du temps, il se passe rien de particulier.

18:45 Il est très important de prendre,

18:47 dans la clinique, à 48 heures après, les deux autres, d'accord ?

18:50 Comme on est juste au-dessus de cette semaine d'aménorrhée,

18:53 c'est deux comprimés à prendre.

18:55 Si jamais, voilà, vous êtes inquiète,

18:57 si tout compte fait, ça a beau être noté,

19:00 on l'a beau avoir abordé, si c'est pas clair,

19:02 n'hésitez pas à appeler, il y aura toujours un médecin

19:05 en sachant le goût du chipot pour répondre.

19:08 ...

19:10 -A Reutel, le délai de prise en charge des femmes

19:13 est de cinq jours.

19:14 Ici, comme partout en France, l'accès à l'avortement

19:18 est avant tout une histoire d'engagement des professionnels.

19:21 Depuis un an, la loi permet aux sages-femmes

19:26 de pratiquer les IVG chirurgicales.

19:28 C'est l'une des pistes pour garantir l'accès à l'avortement,

19:32 mais elle n'est toujours pas effective,

19:34 faute de décret d'application.

19:36 Maud, en tout cas, est prête à s'y former.

19:38 -Si c'est une nouvelle compétence, je m'en saisirais, c'est certain.

19:44 S'il y a pas le docteur Maurice,

19:46 dans les années, on sait jamais,

19:49 ça serait une offre, au moins,

19:51 parce que je vois pas, à l'heure actuelle,

19:54 qui pourrait la remplacer pour l'IVG chirurgicale.

19:57 Alors, même si, effectivement, les trois quarts des IVG

20:00 qu'on réalise actuellement sont des IVG médicamenteuses,

20:03 quand même, des fois, il y a besoin de l'autre méthode.

20:06 Et oui, je pense que c'est important,

20:08 parce que ça va clairement permettre

20:11 de réduire les inégalités d'accès sur le territoire,

20:14 ça, c'est certain, parce que bon,

20:16 on est quand même 26 000 en France.

20:18 -Former et spécialiser les soignants dans ce domaine,

20:26 c'est l'objectif du diplôme universitaire

20:28 de régulation des naissances.

20:30 A Paris, Nathalie Trignole enseigne et transmet son expérience

20:34 auprès de futurs médecins et de sages-femmes.

20:38 -L'interruption volontaire de grossesse,

20:40 c'est simplement la situation d'une femme qui est fertile,

20:44 qui a eu un rapport sexuel et qui se trouve enceinte

20:47 à un moment où c'est pas le moment pour elle,

20:49 et donc, il y a une différence entre la possibilité

20:52 d'être enceinte et le désir d'être mère.

20:54 Et il y a plus de grossesses qui surviennent

20:57 de façon inopinée que ce qu'on pense,

21:00 et parmi ces grossesses qui apparaissent inopinées,

21:02 un tiers vont être interrompues.

21:04 -Ces élèves viennent approfondir leur connaissance

21:08 sur cet acte délaissé de la médecine.

21:10 -Du coup, c'est abordé dans nos études,

21:13 plus la contraception que l'IBG, selon moi,

21:15 mais je trouve que c'est survolé,

21:17 ça nous donne pas les outils pour, en pratique,

21:20 pouvoir répondre de manière adaptée et complète

21:23 à la demande des patients.

21:25 -Au-delà de la technique médicale,

21:29 ils sont sensibilisés à l'accueil des femmes.

21:31 C'est ce qui a poussé Calistine à se former.

21:34 L'une des patientes qu'elle suit a été traumatisée

21:37 par un psychologue.

21:38 -Qui avait demandé, si on pouvait vous aider ?

21:41 -En fait, elle lui avait demandé,

21:43 mais j'ai peur de ce qui va sortir de moi,

21:45 qu'est-ce que je vais voir, en fait, après l'IBG.

21:48 Et il lui avait répondu, "Vous verrez pas grand-chose,

21:51 "vous allez perdre un petit oeuf, mais il y aura deux points noirs

21:55 "et ce sera les yeux de votre conscience."

21:57 Et en fait, cette patiente n'a pas réalisé cet IBG.

22:01 Et là, elle revenait, du coup, dans le cadre d'une grossesse...

22:05 Bah du coup, qu'elle ne souhaitait pas garder,

22:08 parce que c'était un contexte très compliqué avec son conjoint,

22:12 avec sa situation professionnelle, qu'elle avait déjà quatre enfants.

22:16 Et elle me disait, "Je ne peux pas le garder, je ne veux pas,

22:19 "mais j'ai peur de ces deux points noirs que je verrai."

22:22 C'est une phrase qu'elle avait entendue 10 ans auparavant.

22:26 C'est une phrase qu'elle a entendue après cette grossesse.

22:29 Et... Ben voilà.

22:30 Et j'aurais aimé être là, il y a 10 ans, pour lui dire,

22:33 "Tout va bien se passer."

22:34 -Le regard des autres, le jugement.

22:37 Ces professionnels y sont eux-mêmes confrontés.

22:40 -On sent quand même, de la part de certains collègues,

22:43 quelque chose de l'ordre de "Pourquoi tu fais ça ?"

22:48 Un peu... C'est pas du soin, en fait.

22:51 C'est pas considéré parfois comme du soin

22:53 ou comme intéressant intellectuellement

22:56 ou comme...

22:57 Enfin, voilà, c'est...

22:58 "Il faut bien qu'il y ait des gens qui le fassent,

23:01 "donc tant mieux que toi, tu t'en occupes."

23:04 C'est jamais dit complètement frontalement.

23:06 -C'est pas valorisé. -Non, pas du tout.

23:08 -Quand on s'intéresse à la question,

23:10 et qu'on est soignant, et qu'on est dans l'humain,

23:13 et qu'on est dans l'empathie, et qu'on veut aider les autres,

23:16 je comprends pas comment on peut être soignant, humain,

23:20 faire de la médecine des femmes

23:22 et faire du comportement, c'est la base.

23:24 On est ravis de voir que, dans la jeune génération,

23:27 il y a une relève qui arrive pour ce champ de la médecine.

23:31 Musique de tension

23:33 -A Retel,

23:34 nous retrouvons au bloc opératoire Laura,

23:37 la patiente du docteur Maurice.

23:40 La jeune femme a choisi l'anesthésie locale.

23:44 Musique de tension

23:46 ...

23:55 -Ca va ? Vous êtes assez confortable ?

23:58 -Oui.

23:59 -Je vais commencer l'anesthésie.

24:02 Voilà. Voilà. C'est super.

24:12 Il souffle.

24:13 ...

24:18 -C'est bon ? -Oui.

24:19 ...

24:23 -C'est fini. Ca va ? -Oui.

24:24 -Oui ? Ca a été ?

24:26 -Ca m'a été. -Comment ?

24:27 -Ca m'a été. -Elle est déçue.

24:29 -Ah !

24:30 -Ah ! Je vous embête pas, là, on va vous remettre correctement.

24:34 -C'est bon.

24:35 -Du coup, la douleur entre 0 et 10, c'était à combien au maximum ?

24:41 -Je dirais, avec tout ça,

24:42 qu'en fait, c'était plus des aggraves.

24:44 -Oui. -C'était plus ça.

24:46 -D'accord. -C'était moins abusé.

24:48 -D'accord. Bon, bah, tant mieux.

24:50 -L'intervention a duré 15 minutes.

24:53 Depuis qu'elle est pratiquée de manière légale,

24:56 l'interruption volontaire de grossesse

24:59 est sans danger pour la santé ou la fertilité des femmes.

25:02 -Ca va ? -Oui, ça va.

25:06 -Vous avez une petite collation, ça y est ?

25:08 -Oui. -D'accord.

25:10 La douleur, là, c'est comment, maintenant ?

25:12 -Là, actuellement, j'ai pas mal. -Il y a plus de douleur.

25:15 -Donc ça va. -OK.

25:17 Vous avez vérifié les saignements ? Ca saigne normalement ?

25:20 -Un petit peu. -OK.

25:21 -C'est une page qui se tourne pour Laura.

25:24 Un événement dans sa vie de femme

25:26 auquel elle donnera la place qu'elle souhaite.

25:28 -Vous leur aviez dit que c'était pour une...

25:31 -J'ai pas de honte à faire ça.

25:33 Je trouve que c'est mieux comme ça. -Tant mieux.

25:35 -Voilà.

25:37 -Je me sens rassurée, soulagée, surtout.

25:40 Je m'attendais vraiment à pire, et en fait, ça a été, je trouve...

25:44 C'était surtout angoissant, en fait,

25:47 parce que je savais pas à quoi m'attendre.

25:49 Comment dire ? Déjà, je vais mieux dormir,

25:52 parce que j'arrivais plus du tout à dormir.

25:54 Je pensais beaucoup, donc...

25:56 Donc c'était compliqué, et puis je pense que ça ira mieux.

25:59 T'auras à peu près tout.

26:00 Et puis je vais reprendre une vie normale.

26:03 Rires

26:04 Musique douce

26:06 -Un accueil bienveillant,

26:08 dans des délais raisonnables,

26:10 le choix de la méthode,

26:12 c'est ce que garantit, en théorie, la loi.

26:15 Il reste encore des étapes

26:17 avant que le droit à l'interruption volontaire de grossesse

26:20 ne soit, peut-être, inscrit dans la Constitution.

26:24 Il faudra soit un référendum,

26:26 soit que les députés et les sénateurs

26:28 se réunissent en congrès à Versailles.

26:30 Quel qu'en soit l'issue,

26:32 les professionnels et les femmes

26:34 espèrent avant tout un meilleur accès à l'IVG,

26:37 partout dans France.

26:38 (générique de Scrum Life)

LCP le mag - IVG, un droit à protéger

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