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Prisca Thevenot, députée Renaissance des Hauts-de-Seine
Elle a eu une carrière brillante dans le privé, après avoir grandi dans une Zep de Seine-Saint-Denis, élevée par des parents immigrés. Mais un événement inattendu est venu bouleverser sa vie. L'engagement politique est alors devenu pour elle une évidence.

Pourquoi s'engage-t-on en politique ? Comment tombe-t-on dans le grand chaudron de l'Assemblée ?
Chaque jour, Clément Méric, dans un entretien en tête à tête de 13 minutes, interroge un parlementaire sur les personnalités, les évènements - historiques ou personnels - qui l'ont conduit à choisir la vie publique.
Car on ne naît pas politique, on le devient !

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Transcription
00:00 -Mon invité a eu une carrière brillante dans le privé
00:02 après avoir grandi dans une zèpe de Seine-Saint-Denis
00:05 élevée par des parents immigrés.
00:07 Mais un événement inattendu est venu bouleverser sa vie
00:10 et l'engagement politique est devenu une évidence pour elle.
00:14 Musique douce
00:16 ...
00:29 -Bonjour, Prisca Tevneau. -Bonjour.
00:31 -Le grand public vous a un peu découverte,
00:33 au mois de janvier 2020,
00:35 quand vous avez été nommée porte-parole d'En Marche
00:38 et depuis, une grande partie de votre travail politique,
00:41 on va dire, consiste en ça.
00:43 Là, vous nous parliez de la réforme des retraites.
00:46 -Laissez-moi vous expliquer. -Expliquez-moi.
00:48 -Oui, nous devons revaloriser les pensions minimales de retraite.
00:52 Oui, nous devons prendre en compte les pénibilités.
00:55 -On est d'accord. -Oui, les carrières longues.
00:57 -Il faut augmenter l'âge de départ à la recrète
01:00 pour pouvoir financer cela.
01:01 C'est aussi simple que cela.
01:03 Vous pourrez le répéter à vos camarades.
01:05 -C'est un parfait exemple.
01:07 Vous passez une grande partie de votre temps
01:09 à défendre l'action du gouvernement,
01:12 l'action de la majorité à l'Assemblée,
01:14 sur les plateaux télé.
01:15 On vous voit face à Jean-Philippe Tanguy,
01:18 lui tenir tête, vous ne vous laissez pas déstabiliser.
01:21 J'ai lu que vous vous définissiez comme timide et sensible.
01:24 On peut être porte-parole de la majorité
01:26 de votre groupe. -Oui, je pense qu'on peut l'être.
01:29 En tout cas, je le suis, donc je ne vais pas me réinventer.
01:32 Je suis profondément timide et très émotive.
01:35 -C'est une souffrance pour vous, de faire un plateau télé ?
01:39 -Ca pourrait l'être, et c'est devenu une force.
01:42 Ma timidité m'oblige à préparer mes sujets.
01:44 Ca ne veut pas dire relire des fiches et des notes,
01:47 mais aussi aller confronter ces sujets
01:49 avec mon entourage, ma famille proche,
01:52 bien évidemment, tout d'abord,
01:54 mais également les gens de mon quotidien.
01:56 Le boulanger, la boulangère, mais également les professeurs,
01:59 les parents d'élèves que je croise.
02:01 -Vous forcez votre nature ?
02:03 Vous êtes une autre Priska Thévenot ?
02:05 -Je ne suis pas une autre Priska Thévenot.
02:08 Je m'oblige à me dépasser, à me surpasser,
02:11 et je pense que c'est comme ça qu'on avance,
02:14 c'est-à-dire ne pas rester sur nos acquis,
02:17 sur nos facilités, et quelque part,
02:19 on continue toujours à apprendre tout au long de notre vie,
02:23 et on doit s'en souviendre en tant que politique.
02:26 -Quand vous êtes nommée porte-parole,
02:28 vous êtes simple militante en marche,
02:30 vous n'avez aucun mandat, vous n'êtes pas députée,
02:33 vous n'êtes pas élue, comment on devient porte-parole
02:36 d'un coup propulsée sur les plateaux ?
02:38 Vous avez eu une formation ?
02:40 -Non, pas du tout, et je dois le dire,
02:42 je suis toujours une simple militante.
02:44 Il se passe juste que j'ai une mission.
02:46 -Vous avez plus de bouteilles, vous êtes habituée
02:49 à être confrontée à des adversaires politiques.
02:52 Vous ne l'aviez jamais fait ? -Non,
02:54 mais on le fait toujours, depuis le plus jeune âge.
02:56 Nos enfants viennent essayer de débattre avec nous
02:59 pour nous convaincre de certaines choses.
03:02 Je le fais maintenant, peut-être, de façon plus officielle,
03:05 plus affermée, devant plus de personnes.
03:07 Non, il n'y a pas de formation, et la meilleure expérience
03:10 qui soit, c'est celle de la vie.
03:12 C'est d'être en capacité de se dire qu'on ne sait pas tout par défaut
03:16 et qu'on va apprendre, surtout, pas tout seul,
03:19 mais avec les autres, et pas seulement
03:21 les autres, mais surtout ceux qui ne pensent pas comme nous.
03:24 C'est peut-être la meilleure école de la formation.
03:27 -Pendant longtemps, vous êtes restée éloignée de la politique.
03:30 Vous avez eu une carrière brillante comme consultante
03:33 dans les télécoms, et puis, un jour,
03:36 est arrivé ce que vous espériez, sans plus trop y croire,
03:39 vous êtes devenue maman.
03:41 -Oui.
03:42 Oui, c'est vrai.
03:44 En réalité, merci pour le portrait que vous dressez,
03:48 mais en réalité, j'ai un parcours d'une banalité extraordinaire,
03:53 et c'est peut-être ça qui fait qu'aujourd'hui,
03:55 je suis peut-être, de temps en temps,
03:57 une députée qui sort de l'ordinaire,
04:00 parce que j'attache une grande importance à ma famille,
04:03 mes enfants, mes deux garçons, que je ne cache pas,
04:06 qu'on voit assez souvent, mais aussi mes parents.
04:09 Mes parents, qui, peut-être, m'ont appris
04:11 la chose la plus importante, c'est qu'on pouvait tout perdre,
04:15 sauf peut-être quelque chose de fondamental,
04:17 c'est l'éducation. Du point de vue de ma mère,
04:20 c'était l'éducation par les livres. -Vos parents, qui sont nés...
04:23 -A l'île Maurice, et qui sont venus en France
04:26 par amour de la France, qui ont vécu pleinement leur amour.
04:29 Ma mère, c'est par l'éducation par les livres,
04:32 donc elle prenait des heures carrées à faire du temps
04:35 avec mes devoirs, reprendre mes leçons, etc.
04:37 Mon père, c'était pas l'éducation par les livres,
04:40 c'était plutôt l'éducation par la vie.
04:42 Quand j'attendais qu'il rentre, j'étais un peu stressée,
04:45 et quand il rentrait, j'allais rimer discrètement dans la cuisine,
04:49 et je le voyais avec tous les journaux étalés,
04:52 parce que lui me disait que c'est bien d'apprendre
04:54 ce que beaucoup de femmes ont fait dans les livres,
04:57 mais intéresse-toi à ceux d'aujourd'hui,
05:00 ce qu'ils font pour toi, pour moi, pour nous, demain.
05:03 -Vous nous parlez de l'importance de la famille pour vous,
05:06 qui fait partie de votre engagement en tant que députée.
05:09 Si je me suis arrêté sur la naissance de vos enfants,
05:12 vous avez dit que vous aviez voulu vous lancer dans la politique
05:16 par envie de faire évoluer le monde dans lequel ils allaient grandir.
05:19 C'est la naissance de vos enfants qui a été le déclic de votre engagement.
05:23 Ca a changé votre vision du monde ? -Ca m'a obligée.
05:26 Pourquoi je vous parle de mes parents ?
05:28 Ca s'inscrit dans cette démarche-là,
05:31 celle de continuer à évoluer,
05:32 et celle de continuer à s'inscrire dans le monde dans lequel on est.
05:36 Il s'avère, et c'est vrai que j'en parle très rarement,
05:39 mais pendant très longtemps, tout au long de mon adolescence,
05:43 on m'a dit que je ne pourrais pas avoir d'enfant.
05:45 Je ne pourrais pas être en mesure d'avoir d'enfant.
05:48 Je me suis attachée à vivre mon existence pour moi-même,
05:51 mais sans penser à ce que je laisserais derrière moi.
05:54 Peut-être égoïstement, vous me le direz,
05:57 mais le jour où j'ai eu la chance de tomber enceinte,
05:59 d'avoir mon premier enfant et mon deuxième,
06:02 je me suis dit que je devais m'engager un peu plus.
06:05 C'est là que je me suis effectivement arrêtée de travailler.
06:08 Ça se fait aussi grâce à un homme, mon mari,
06:10 qui m'a toujours soutenue et accompagnée.
06:13 -Vous arrêtez votre carrière dans le privé,
06:15 vous créez une association pour venir en aide aux jeunes mamans
06:19 qui reprennent le travail après un fond.
06:21 L'engagement politique arrive un peu plus tard, en 2017,
06:24 avec une rencontre décisive pour vous,
06:26 c'était le 30 mars 2017, à Saint-Denis.
06:29 -Alors, je vais vous parler, pour être originale,
06:31 d'éducation et d'accès au marché du travail,
06:34 mais en se mettant dans les baskets d'un jeune du 93.
06:37 Pourquoi j'estime que je suis légitime
06:39 pour parler de ça ce soir ?
06:41 Parce que je suis moi-même fille d'immigré,
06:43 j'ai été élevée dans le 93,
06:46 j'ai fait ma scolarité en ZEP,
06:48 ASTAN, plus précisément,
06:50 et avec ce profil-là, je vous laisse imaginer
06:52 les quelques difficultés que j'ai pu rencontrer.
06:55 -On parlait de votre timidité,
06:57 je suis désolé, mais il faut pas mal de culots
06:59 pour prendre la parole comme ça en public
07:01 devant un candidat à la présidentielle.
07:04 Qu'est-ce qui s'est joué pour vous ce jour-là ?
07:06 -Ce qui s'est joué ce jour-là...
07:08 En réalité, je ne devais pas être là, déjà.
07:11 -Pourquoi ? -J'avais entendu parler
07:13 de cette organisation de manifestation
07:15 qui se passait pour les jeunes talents des quartiers.
07:18 Moi, je ne vivais plus dans les 93,
07:20 mais effectivement, je suis une enfant du 93,
07:23 et par hasard, on m'a dit "Si t'es là, vas-y,
07:25 "va écouter, c'est l'occasion d'assister
07:27 "à une de ces réunions publiques."
07:29 C'était le format Grand Débat, déjà, à l'époque.
07:32 C'était en 2017. J'entendais les uns passer après les autres.
07:36 Ca m'a pris et je me suis dit qu'il fallait me demander
07:39 pourquoi lui, on doit le croire.
07:40 -Et sa réponse vous a convaincue
07:43 et vous vous êtes portée candidate aux législatives dès 2017.
07:46 Alors, à l'époque, vous avez été battue,
07:49 mais vous êtes restée engagée au sein d'En Marche
07:51 de façon bénévole, et en plus de cela,
07:54 vous avez créé Civil Impact.
07:56 Alors, expliquez-nous un peu ce que c'est.
07:59 -Civil Impact, tout simplement, c'est que je suis partie
08:02 du principe que j'arrivais de plein fouet
08:04 dans un monde qui n'était pas le mien,
08:06 le monde de la politique, où il y a des codes.
08:09 Et ces codes, si on veut un peu les briser,
08:11 un peu les renverser, ce qui est un peu mon objet,
08:14 il faut quand même les connaître, sinon c'est compliqué.
08:17 -Avant de s'en affranchir, il faut les connaître.
08:20 -Bien sûr, c'est la base.
08:22 Le principe, c'était de dire que si je pars de ce postulat-là,
08:25 d'autres aussi. C'est faux de dire qu'on va en politique
08:28 comme on rentre au McDonald's, mais c'est un peu ça.
08:31 Il faut pouvoir s'engager et créer cet univers,
08:34 cette société à laquelle on peut appartenir.
08:37 Et sur ce principe-là, je pense qu'il y a un exemple
08:39 qui est très bon en ce moment et qui, moi,
08:42 me guide depuis un certain nombre d'années,
08:45 c'est la première ministre de Nouvelle-Zélande,
08:48 Jacinda Ardern.
08:49 -Qui a décidé de se retirer.
08:51 -Qui a décidé de se retirer, mais avant de se retirer,
08:54 elle a décidé de s'engager. Elle a décidé de s'engager
08:57 d'une façon étonnante, elle a qu'une seule règle,
09:00 celle d'en finir avec les règles du monde politique,
09:03 celle d'en finir avec cette vision de la politique
09:06 qui veut qu'on soit tout-puissant,
09:08 qu'on soit en permanence en train de montrer les muscles
09:11 pour être dans un bras de fer, contre tout, sur tout,
09:14 et en permanence.
09:15 Quelque part, elle assume qu'il y a peut-être une faiblesse,
09:19 peut-être la plus belle des faiblesses,
09:21 que nous devons mettre au centre de notre action politique,
09:25 c'est la faiblesse du coeur, qui nous permet
09:27 d'avoir une action raisonnée, passionnée,
09:30 mais surtout audible et qui embarque.
09:32 C'est ce que j'essaie d'expliquer dans "Civil Impact",
09:35 c'est que, finalement, on ne doit pas être attachée
09:38 au pouvoir en tant que politique, on doit être attachée
09:41 à notre devoir, celle de faire, mais surtout de bien faire,
09:45 non pas pour nous, mais pour ceux qui nous ont donné une mission.
09:49 -Est-ce que derrière cette école, il y a aussi l'idée
09:52 que vous voulez faire bénéficier d'autres jeunes
09:55 qui sont peut-être issus du même milieu que vous,
09:57 qui sont confrontés aux mêmes obstacles,
10:00 et qui ont des problèmes ? -Il s'agit simplement
10:03 de dire "Venez, venez apprendre".
10:05 Il est faux de dire que l'engagement est facile
10:07 et inné. L'engagement est difficile, compliqué, et il s'apprend.
10:11 -Justement, l'engagement est difficile.
10:13 Je me suis arrêté sur cette phrase, "Engagez-vous,
10:16 "mais l'engagement est dur, ingrat,
10:18 "attendez la main en cas de coup dur."
10:21 L'engagement, ça peut être vécu comme une souffrance ?
10:24 -C'est dur. -Durant quoi ?
10:25 -Je crois que j'invente rien,
10:27 et je ne surprendrai pas grand monde en disant que oui,
10:30 c'est dur, c'est compliqué, c'est parfois très complexe,
10:34 surtout quand on est une femme et on est mère de famille
10:37 et qu'on est vu comme un peu jeune.
10:39 Est-ce insurmontable ? Non, à la seule et unique condition
10:42 qu'on accepte de ne pas être seul, de tendre la main,
10:45 pour aider les autres, mais aussi pour, de temps en temps,
10:48 demander de l'aide. -C'est l'heure de notre quiz.
10:51 Je vous rappelle le principe. Je vais prononcer le début
10:54 d'une phrase, ce sera à vous de compléter cette phrase.
10:57 "Députée", c'est plutôt...
10:59 -C'est plutôt complexe.
11:02 C'est plutôt complexe, c'est ce que je vous disais avant,
11:05 en plus d'être une femme députée, je suis une maman députée,
11:09 et donc c'est rock'n'roll, souvent, c'est passionnant, toujours.
11:12 -Vous voulez dire que c'est le regard des hommes politiques
11:16 sur les femmes politiques qui peut encore poser problème ?
11:19 -Non, c'est le regard du monde politique.
11:22 -Du monde en général ? Vous incluez les femmes ?
11:24 -Bien sûr. Je pense que...
11:26 Vous savez, moi, je suis pas de celles qui disent
11:29 que les femmes sont, par défaut, dans une sororité absolue.
11:32 Ce n'est pas vrai, et on doit être capables de le dire.
11:35 Bien sûr que nous sommes bienveillantes les unes avec les autres,
11:38 mais il faut affirmer qu'il y a beaucoup de femmes,
11:41 pour pouvoir exister dans ce monde politique,
11:44 qui ont dû faire comme les hommes.
11:46 Il faut pouvoir casser cela. -On poursuit notre quiz.
11:49 Depuis que je suis député, ma famille me dit souvent...
11:52 -Mange mieux. -Ah !
11:54 -Ils se préoccupent de votre santé ? -Oui.
11:56 -Ils ne se plaignent pas ? -Non, parce que je suis...
11:59 J'étais déjà, avant, dans le privé, pas souvent très présente,
12:03 mais c'est vrai que je fais attention à avoir des moments
12:06 un peu sacrés où je suis présente.
12:08 -Préserver le cocon féminin. -Exactement.
12:10 Mais oui, on a des rythmes infernaux,
12:12 et je mange quand je peux et ce que je trouve,
12:15 donc c'est pas toujours bien.
12:17 -Dernière phrase. "Entre porte-parole",
12:19 on se dit souvent... -Ecoute.
12:21 -C'est-à-dire ?
12:22 -Oui, on est là pour parler, pour expliquer,
12:26 pour peut-être mieux appréhender certains débats
12:30 sur la sphère médiatique,
12:31 mais il faut qu'on apprenne aussi à écouter.
12:34 -C'est la fin de cette émission.
12:36 Vous êtes passionnée par la politique.
12:38 Cet engagement, il est là pour la vie ?
12:40 Ou c'est une simple parenthèse ? -Vous savez,
12:43 on sait pas de quoi demain sera fait.
12:45 -Vous vous projetez loin ? -Je me projette
12:47 le plus loin possible en tant que femme et mère.
12:50 Ensuite, l'avenir me dira. J'étais salariée,
12:53 je suis en politique, je n'étais pas censée être mère,
12:56 je le suis aujourd'hui.
12:57 -Merci, Priska Tevneau, d'être venu vous confier
13:00 dans "La politique et moi". -Merci.
13:02 SOUS-TITRAGE : RED BEE MEDIA
13:05 Générique
13:07 ...

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