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00:00 - Nous sommes au 21e siècle. - Si j'avais des parents comme toi,
00:02 - Vous savez, nous sommes au 21e siècle. - pour me soutenir, pour me dire à bosser,
00:04 - Y a des gens, des bébés, c'est ici ou t'es là. - j'allais pas me dire de la même situation les billets là.
00:07 - Et pour nous, ça devient normal. Vous dites que gérer Bizi, c'est une chose normale à Bidjan.
00:11 - Aïe ! Gérer Bizi, c'est quoi ? C'est comme Baka maintenant.
00:16 Ce jour-là, sur le plateau de cette émission populaire,
00:20 cette jeune femme explique vendre ses services sexuels.
00:24 En Côte d'Ivoire, on dit « gérer du Bizi », du business en Oushi, l'argot local.
00:30 À aucun moment, le terme de prostitution n'est employé.
00:34 Pourtant, c'en est bien, d'un autre visage et sur un autre terrain,
00:39 plus la rue, mais les réseaux sociaux.
00:41 Telegram, WhatsApp, petites annonces, TikTok,
00:46 des Ivoiriennes sont de plus en plus nombreuses à proposer leurs services.
00:50 Si l'offre est difficile à chiffrer, les observateurs locaux constatent
00:54 que les plateformes comptent toujours plus de nouveaux profils.
00:57 Une tendance mondiale qui a aussi trouvé un terreau fertile en Côte d'Ivoire.
01:01 Enquête sur une pratique dangereuse qui se banalise.
01:07 Taïk Béaï est journaliste en Côte d'Ivoire.
01:14 Il a travaillé sur le milieu du Bizi, le business du sexe.
01:19 - Ce qu'on appelait « prostinette » avant, on l'appelle « manager ».
01:23 Donc ces managers-là, ils ont créé des groupes,
01:27 ils ont recruté des filles, ils peuvent aller dans un marquee.
01:31 Il leur dit qu'il peut les aider à avoir des vrais clients.
01:35 Les gars ont des séances shooting qu'ils font.
01:38 Ils louent des résidences où ils prennent des filles en photo.
01:42 C'est ce qui constitue l'animation du groupe.
01:47 Sur ces groupes Telegram, des centaines de filles dénudées proposent leurs services.
01:52 - Il y a plein de groupes.
01:55 Il y a le forum du Bizi, il y a Nouveau Dossier Plus,
01:59 il y a Tous les dossiers, il y a Amusons-nous.
02:04 Nouvelle recrue, Skinny.
02:07 Quand on dit Skinny ici en Côte d'Ivoire, ça veut dire les filles minces.
02:10 Quand on appelle, c'est un homme qui répond, le manager.
02:14 Il prendra un pourcentage avant de mettre en relation avec la fille,
02:18 entre 3 000 et 5 000 francs CFA.
02:21 - Comment ça se passe ?
02:24 - C'est simple, les trams sont passés la nuit.
02:28 Demain, vous savez de quoi je parle ?
02:31 - Oui, oui.
02:33 - Demain, c'est 28 francs.
02:36 - Maintenant, ça fait combien son transport d'ici à Dokui ?
02:39 - Ici à Dokui, c'est 2 000 francs.
02:42 Nous avons rendez-vous avec une jeune femme.
02:45 Elle a accepté de répondre à nos questions sans dévoiler son identité.
02:49 Nous l'appellerons Patricia.
02:52 - Je suis 23 ans, je suis célibataire.
02:55 Je suis caissier dans une cave.
02:58 Ça fait 2 ans que je suis dans le milieu du busy.
03:01 Je manque de moyens.
03:04 Je ne suis pas avec mes parents, je suis avec une autrice.
03:07 C'est très difficile pour moi.
03:10 Je propose mes services sur WhatsApp et Telegram.
03:13 Les réseaux se sont aidés à avoir des clients.
03:16 Quand je veux publier, je bloque ceux qui ne savent pas que je suis dans le milieu du busy.
03:19 Ils ne voient pas mes stories.
03:22 Ceux qui savent que je suis dans le milieu du busy,
03:25 ils vont voir ce que je fais et ce qui s'est passé.
03:28 Je me présente en vie comme une fille simple, normale, comme les autres.
03:31 Ce n'est pas tous les jureux du busy qui vont se présenter en disant que je suis une jureuse du busy.
03:35 Je ne me considère pas comme une prostituée.
03:38 Je trouve qu'il y a une différence.
03:41 Les prostituées, ce sont les filles qu'on trouve au bord du route qui arrêtent des clients.
03:46 Nous, ce n'est pas pareil.
03:49 Il y a le manager qui nous trouve des clients, des venus connus.
03:52 C'est plus professionnel.
03:55 Patricia gagne en moyenne 400 000 francs CFA par mois.
03:58 C'est dix fois plus que son salaire de serveuse dans une cave.
04:01 Et trois fois et demi le salaire moyen en Côte d'Ivoire.
04:04 Avant ce que je fais, j'arrive à épargner.
04:07 Je fais des ventes en ligne.
04:10 C'est grâce à ce que je fais que j'arrive à faire ces ventes en ligne.
04:13 Et sur l'avenir, je vais continuer les études.
04:16 Le busy, ce n'est pas un truc que je veux continuer éternellement.
04:20 Je veux être une femme d'archer, bien sûr.
04:23 Serveuse, hôtesse, réceptionniste,
04:28 ces femmes n'avaient aucune intention de tomber dans la prostitution.
04:31 Dans les années 2010, après la crise postélectorale, la vie devient plus chère.
04:37 Pour joindre les deux bouts, des jeunes filles se lancent dans une activité parallèle.
04:42 Le busy est né.
04:44 A l'origine, la prostitution en Côte d'Ivoire, c'était plutôt des femmes ghanéennes qui le faisaient.
04:49 On les appelait les toutous.
04:51 Et dans les années 2000, avec les différentes crises politiques et les crises socio-économiques qui s'en sont suivies,
04:59 les jeunes filles ivoiriennes vont de plus en plus s'adonner à la prostitution.
05:04 Les filles ont trouvé le moyen de créer un réseau de prostitution
05:10 en utilisant les réseaux qu'elles avaient comme amis sur Instagram, TikTok, Facebook.
05:17 Les réseaux sociaux leur permettent d'avoir un certain anonymat.
05:21 Et cet anonymat-là leur permet aussi de pouvoir envoyer des photos
05:27 pour aguicher le potentiel client, d'envoyer des photos de nus, des photos osées,
05:33 qui constitue un certain marketing sexuel assez nouveau pour les Ivoiriennes.
05:42 Ce marketing sexuel fait même son chemin à la télé.
05:47 Dans cette série ivoirienne, l'un des personnages principaux est Mélisse, géreuse de busy.
05:53 Ah !
05:55 On fait des busy à danser comme ça, c'est ?
05:57 Rita !
06:00 C'est dans quoi tu m'as mise comme ça ?
06:02 Eh !
06:04 Ma chère, pour la sœur Rita, ça là, c'est à toi même que tu dois t'en prendre.
06:13 L'argent est bon, mais c'est pas tout on prend.
06:17 En Corse Ivoire, comme on a souvent l'habitude de le dire, l'argent n'a pas d'odeur.
06:21 On ne cherche pas la provenance de l'argent, mais on a ce culte de, je dirais,
06:29 d'un enrichissement assez rapide, même si cela se fait au détriment de différentes valeurs.
06:37 Il y a la normalisation des antivaleurs qui font qu'aujourd'hui,
06:42 ça va de soi de voir, d'ouvrir son téléphone et de voir une ou deux filles nues.
06:49 Ce modèle de réussite, prôné en Côte d'Ivoire, plus encore que dans les pays voisins,
06:54 a permis à certaines géreuses de Bizy d'être érigées au rang de starlettes.
06:59 Une notoriété qui met un voile sur les dangers encourus par ces femmes,
07:04 car loin des terrains classiques de la prostitution,
07:07 elles deviennent invisibles aux yeux des pouvoirs publics et des associations.
07:11 Ces filles, quelquefois, sont victimes de brouteurs
07:17 et qui se font égorger, tuer, violer sans que la société ne réagisse,
07:26 parce qu'on se dit qu'elles ont bien cherché.
07:28 La société ne se préoccupe pas vraiment des conséquences
07:32 que cela peut avoir de manière psychologique sur ces filles.
07:36 Sous-titrage Société Radio-Canada
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