Politiques, à table ! - Philippe Juvin

  • l’année dernière
Un déjeuner partagé avec Philippe Juvin, député "Les Républicains" des Hauts-de-Seine, pour parler des pesticides qui seraient à l'origine du cancer de la prostate et comment l'initiative d'un chef étoilé redonne l'appétit aux malades.

Loin des codes classiques de l´interview, LCP a concocté un nouveau programme aux petits oignons pour croquer la politique autrement.
Avec la complicité de Jean-Pierre Montanay, Brigitte Boucher mettra son grain de sel dans cette cuisine pour passer le politique sur le gril.
« Cuisine et Confidences »... Quel rapport l´invité politique entretient-il avec la
gastronomie ? Sa gourmandise, ses talents ? Les orientations culinaires de ce boulimique de la politique ? Mais aussi « Les pieds dans le plat »... pour aborder les sujets d´actualité.
Et enfin « La face cachée de nos assiettes »... ou comment le contenu de nos assiettes en dit long sur notre société face à ses nouveaux enjeux.

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Transcript
00:00 Générique
00:02 ...
00:16 -Bonjour à tous et bienvenue dans "Politique à table" sur LCP,
00:19 l'émission où on parle cuisine, alimentation, agriculture,
00:23 écologie, mais aussi un peu politique.
00:25 Cette semaine, nous recevons Philippe Juvin.
00:28 Bienvenue, et avec moi pour présenter cette émission,
00:30 Jean-Pierre Montanay. -Bonjour.
00:32 -Bonjour, Philippe Juvin. -Bonjour.
00:34 -Vous êtes député, les Républicains des Hauts-de-Seine,
00:38 urgentiste de profession, adepte du cumul des mandats,
00:41 vous exercez toujours et occupez le poste de chef de service
00:44 à l'hôpital Georges Pompidou à Paris depuis 2012.
00:47 Vous avez toujours été un médecin engagé,
00:49 politiquement à droite, en tant que conseiller régional
00:52 d'Ile-de-France, député européen ou maire de la Garenne-Colombe,
00:56 mais aussi en Afghanistan, en Ukraine
00:58 ou lors des attentats de 2015 à Paris.
01:00 Vous avez été candidat à la primaire des Républicains
01:03 pour l'élection présidentielle de 2022.
01:06 Vous réalisez un score de 3,1 %, certes décevant,
01:10 mais pas si loin du score de votre candidate.
01:12 Vous aussi, vous avez été victime du vote utile.
01:15 Ultramédaillé, Légion d'honneur, mérite, palmes académiques,
01:19 je comprends que vous militiez pour les 39 heures
01:22 et la retraite à 65 ans, mais une vie comme ça,
01:25 est-ce que ça laisse du temps pour la table ?
01:27 -Pas vraiment, car c'est une assiette digne d'un relais routier
01:31 où l'on va avaler des frites aux oeufs brouillés
01:34 et en dessert, des fruits.
01:35 -Dans "Le dessous des plats", les pesticides à l'origine
01:38 du cancer de la prostate, reportage près de Rennes
01:41 chez Christian Jouau.
01:43 -Et dans "Les pieds dans le plat", comment redonner l'appétit
01:46 aux malades qui l'ont perdu à cause de traitements lourds ?
01:49 Un défi lancé par un chef étoilé lyonnais.
01:52 -Allez, on passe à table.
01:53 Musique dynamique
01:55 ...
01:59 -Philippe Juvin, quand j'ai su que vous alliez venir,
02:03 je me suis dit qu'on ne va pas échapper au repas bien-être,
02:06 avec du brocoli, réputé pour ses vertus anticancéreuses,
02:09 et pourquoi pas du macro, Brigitte, bourré d'oméga 3,
02:12 excellent pour le coeur.
02:14 Eh bien, non pas du tout, au menu, frites et oeufs brouillés.
02:17 Oups, petit choc.
02:18 C'est donc l'hôpital qui se fout de la santé,
02:21 Brigitte, des frites pleines de mauvaise graisse
02:24 et des oeufs qui donneraient du cholestérol.
02:26 D'abord, Philippe Juvin, vous n'êtes pas diététicien
02:29 ni nutritionniste, mais urgentiste.
02:31 Nuance. Pour faire simple, dans l'urgence,
02:34 24h/24, même au moment de passer à table,
02:36 entre les brancards qui congestionnent les couloirs du service,
02:39 et là, on comprend mieux, quelques frites gourmandes
02:42 et addictives, bienvenue, petit plaisir,
02:45 pour faire oublier la grande misère de l'hôpital,
02:48 et des oeufs pour les protéines, car les journées sont longues,
02:51 et on commence devant les malades.
02:53 Ai-je fait le bon diagnostic ? -Presque.
02:55 C'est vrai que c'est un métier très exigeant.
02:58 Il y a une chose que j'ai apprise à l'armée,
03:00 c'est que pour que l'armée fonctionne bien,
03:03 comme ce sont des métiers durs,
03:04 il faut que les repas soient roboratifs.
03:07 Et c'est une condition absolue
03:10 du bon moral des troupes.
03:13 Et puis, bon, on est quand même
03:15 dans une émission culino-politique,
03:18 et donc c'est aussi un clin d'oeil, les oeufs brouillés,
03:21 c'était Giscard,
03:23 qui, quand il est élu président de la République en 1974,
03:26 décide d'aller chez les Français,
03:28 il s'invite chez les Français,
03:30 alors, à l'époque, ça paraît dingue,
03:32 et... -Dans une famille malienne.
03:34 -En fait, il faisait le tour, je crois,
03:36 tous les deux mois, il allait dans une famille,
03:39 c'était très préparé,
03:40 et la question, c'est qu'est-ce qu'on lui fait ?
03:43 Il avait voulu expliquer qu'il fallait faire des choses simples,
03:46 et il avait dit qu'il adorait les oeufs brouillés.
03:49 -On va revenir avec Chirac en 95.
03:51 Vous savez, vous vous souvenez de Chirac,
03:53 "La pomme mangerait des pommes",
03:55 mais d'où c'est venu ? C'est venu d'une erreur.
03:58 Les communicants de Chirac lui dessinent
04:00 comme symbole de sa campagne
04:03 un arbre sur lequel on voit des fruits,
04:05 on sait pas trop ce que c'est,
04:07 lui, il n'est pas au courant du tout,
04:09 il arrive au journal de TF1 ou de France 2,
04:11 et le journaliste, il sort son arbre de campagne.
04:14 Alors, monsieur Chirac, qu'est-ce que ça représente ?
04:17 -Chirac découvre l'arbre dessiné, il savait pas de quoi il s'agissait,
04:21 il voit des fruits rouges, il dit "des pommes".
04:24 "Pourquoi des pommes ?" "Parce que j'aime les pommes."
04:27 -C'est une campagne victorieuse.
04:29 -Comme quoi, ça marche.
04:30 C'est pas la peine de se payer des communicants.
04:33 Il faut simplement dire qu'on mange des pommes.
04:36 -Est-ce que vous aimez les plats plus élaborés,
04:38 la cuisine traditionnelle ou des plats d'autres cultures ?
04:42 -D'abord, j'aime tout, et je suis curieux de tout,
04:44 mais c'est vrai que dans ma vie quotidienne,
04:47 le repas, j'essaie de le coincer entre deux ou trois activités,
04:51 mais j'aime, dans le repas,
04:54 peut-être plus encore que la nourriture,
04:57 le plaisir de voir sa famille,
05:00 ses amis...
05:01 -La convivialité autour de la table.
05:03 -C'est cérémonial.
05:04 Même si, au bout d'une heure,
05:06 je commence à avoir des escarres aux fesses,
05:09 donc je me lève, mais je trouve qu'il y a un plaisir
05:12 de la discussion à table.
05:13 La table, c'est le moment où on échange,
05:16 où on mange. -On peut manger aussi.
05:18 -En tant que politique, vous passez du temps à table ?
05:21 Vous faites plus de déjeuner ?
05:23 -On m'avait dit qu'il fallait faire attention.
05:25 Quand on était député, on risquait de grossir.
05:28 C'est pour ça que je vous ai demandé des frites.
05:31 Tout ça est très logique. Non, tout simplement, les frites...
05:34 -C'est un petit plaisir. -C'est un petit plaisir.
05:37 -Quand les frites sont arrivées, j'ai vu l'oeil de Philippe Fabrier.
05:41 Il a dit que des frites, on aurait...
05:43 -On peut commencer ? -Oui.
05:45 -Allez-y. -Top départ. Vous pouvez commencer.
05:47 -Ils sont tièdes, c'est un concept.
05:50 -Oui, c'est un concept, mais en attendant,
05:52 vous allez nous dire trois astuces sur comment on fait les oeufs brouillés.
05:56 -A entendre Philippe Juvin, on a l'impression
05:59 que c'est facile. Non, les oeufs brouillés, c'est compliqué.
06:02 Il faut choisir des oeufs coques,
06:04 c'est-à-dire pondus il y a moins de neuf jours,
06:07 ultra frais, plein air et bio, c'est le must.
06:09 Comptez trois oeufs par personne. -C'est généreux.
06:13 -C'est pas mal. Deux, disons.
06:14 On parlait de roboratif, donc trois.
06:16 Battez-les grossièrement avec une fourchette
06:19 dans un saladier en métal.
06:21 Ensuite, faites chauffer une casserole avec de l'eau
06:24 et mettez votre saladier dans l'eau.
06:26 Les oeufs brouillés, ça se fait au bain-marie.
06:28 Si c'est pour mettre deux oeufs dans une poêle, c'est pas ça.
06:32 -C'est une omelette. -Ou des oeufs mal brouillés.
06:35 On va tourner très longuement, ça peut prendre 10 à 15 minutes.
06:38 Et puis, ça se fige et c'est fait.
06:41 C'est fait au bain-marie.
06:42 Si vous faites des oeufs brouillés en brunch,
06:45 il faut s'y prendre à l'avance.
06:47 Si vous les ratez, j'ai une astuce.
06:49 Vous retournez, ni vu ni connu, personne ne le verra.
06:52 Le jaune et le blanc, en tournant longtemps,
06:54 vont donner cet aspect crémeux et pas de la crème fraîche.
06:58 -Et en métal ? -En métal,
06:59 pour que dans l'eau, ils puissent tenir le choc de l'eau frémissante.
07:03 Mais un plat en pirex...
07:05 -Il faut les retirer un peu avant, sinon ça se fige vite.
07:08 -Si ça se fige vite, c'est d'où mon astuce de rajouter de la crème.
07:12 -Vous avez peut-être une recette ?
07:14 -Je vous ai demandé des oeufs brouillés,
07:16 parce que je ne sais pas les faire.
07:18 Je n'en mange jamais, mais j'adore ça.
07:21 Je me suis dit, tiens, il m'invite.
07:23 J'adore les oeufs sous toute leur forme.
07:25 D'ailleurs, hier, on nous a vus en séance jusqu'à minuit.
07:29 Je suis rentré chez moi vers 1h du matin.
07:31 Je n'avais pas dîné.
07:32 Qu'est-ce que je me suis fait ? Je lui ai fait des oeufs.
07:36 A minuit, les oeufs sont durs.
07:38 Ça boue. Pendant ce temps-là, vous faites vos achats.
07:40 -Pour combien de temps ? -10 minutes.
07:43 -C'est déjà bien. -Après, je les sors
07:45 et je les fais refroidir par un choc thermique.
07:48 Je les mets dans de l'eau très froide.
07:50 Je suis capable de me nourrir de pain, de fromage et d'oeufs.
07:53 Quand vous m'avez dit ce que je voulais manger,
07:56 j'ai dit que j'allais les demander, car je ne m'en fais jamais.
07:59 -J'ai encore mieux pour vous.
08:01 Vous faites votre petite salade, vous mettez un oeuf dans un bol
08:05 et vous avez un oeuf poché, c'est encore meilleur.
08:08 -Je ne savais pas ça. -Vous cassez votre oeuf
08:10 dans un bol plein d'eau, 45 secondes au micro-ondes,
08:13 et vous avez un oeuf poché.
08:15 -Un bol plein d'eau ? -De l'eau dans le bol.
08:18 Et vous cassez l'oeuf dans l'eau.
08:20 -C'est quoi le ratio entre l'oeuf et l'eau ?
08:23 -Vous remplissez votre bol d'eau et vous mettez votre oeuf dedans.
08:26 -Je serrai ce soir. -C'est meilleur.
08:29 C'est plus gourmand. -Après la séance, à minuit.
08:32 -On finit à minuit. Je vous passe un coup de fil.
08:35 -C'est le matin. -C'est à Jean-Pierre
08:37 qu'il faut appeler. -Si l'oeuf explose
08:39 dans le micro-ondes. Pas trop longtemps.
08:42 -Vous allez au restaurant. Comment vous organisez vos journées ?
08:45 -Encore une fois, je ne suis pas un exemple d'équilibre alimentaire.
08:50 Le matin, je ne prends pas de petit déjeuner.
08:53 -Rien à voir avec le jeûne alternatif ?
08:55 -Rien à voir. -C'est séquentiel.
08:57 -Beaucoup de gens font ça.
08:59 Je n'ai pas le temps, je cours, je prends un café.
09:02 Comme beaucoup de médecins de spécialité
09:06 travaillent samedi, dimanche, jour de fête et nocturne,
09:09 je suis un adepte du café.
09:13 Je pense que ce sont des cafés plutôt occupationnels.
09:16 Je ne suis pas certain que ça soit indispensable
09:19 pour rester éveillé. -Il y a de la caféine.
09:21 -Oui. Je ne sais pas trop ce qu'il y a.
09:23 Dans les machines à café qu'on nous vend,
09:25 je ne sais pas trop ce qu'il y a. C'est de l'eau plutôt noire
09:29 qui a un goût de café. Je ne sais pas le pourcentage.
09:32 Je suis un adepte.
09:33 A midi, parfois, je déjeune un peu comme aujourd'hui.
09:37 C'est-à-dire...
09:38 Voilà.
09:39 Et puis, il m'arrive de faire un repas
09:41 quand je ne suis pas en séance.
09:43 -Est-ce que l'aspect santé conditionne vos menus ?
09:46 "Je ne peux pas prendre ça, c'est pas bon pour la santé."
09:49 -J'essaye. -Ca passe au tamis de la santé ?
09:52 -Depuis un an, par exemple... -C'est formidable.
09:54 -Depuis un an, plus de Nutella, j'adorais ça.
09:57 Depuis un an, plus de soda. -Ah oui ?
09:59 -Et depuis un an, plus de sucre ajouté.
10:02 -Dans les... -Je sais pas, les...
10:04 -Il y a eu un déclic. -Pourquoi, il y a un an ?
10:06 -J'ai eu la passion d'avoir grossi.
10:08 Je me suis dit qu'il fallait que je fasse quelque chose.
10:11 -Vous dites que c'est mauvais pour la santé.
10:14 -Ce qui est mauvais pour la santé,
10:16 c'est le médecin qui parle.
10:17 Il y a beaucoup de choses mauvaises, mais il y a aussi des bonnes.
10:21 Les choses mauvaises, c'est les aliments ultra transformés.
10:24 Les aliments sont classés en quatre catégories.
10:27 Il y a une classification Nova, je crois,
10:30 c'est comme ça que ça s'appelle,
10:31 catégorie 1, l'aliment non transformé,
10:34 l'orange, la tomate,
10:35 catégorie 4, l'aliment ultra transformé,
10:38 les lasagnes industrielles.
10:40 Absolument.
10:41 Ou le ketchup, vous voyez. Ou le Nutella.
10:43 -Ou le ketchup, non. -Mais le Nutella,
10:45 c'est très transformé.
10:47 Pendant des années, on a dit que c'était mauvais pour la santé.
10:50 Le problème de l'affirmation, mais on en parlera peut-être,
10:54 de "c'est bon ou mauvais pour la santé",
10:56 c'est la preuve scientifique de ce qu'on avance.
10:59 Un travail a été publié récemment, très intéressant,
11:02 parce que c'est le premier qui apporte des arguments
11:05 en faveur de la nécessité d'une alimentation de bon niveau.
11:08 C'est une étude faite sur plusieurs centaines de milliers de personnes
11:12 sur 25 ans.
11:13 Donc, vous voyez, une vraie étude de très long terme,
11:16 une étude de Cohort, et qui montre que ceux qui se nourrissent
11:20 principalement d'aliments de quatrième catégorie,
11:23 donc très transformés, ce que vous mangez à la cantine,
11:26 c'est très simple, y compris à l'hôpital,
11:28 eh bien, vous avez 23 % de risque d'augmentation du cancer
11:33 du colon. Le colon, c'est le tube digestif.
11:35 Pourquoi ? Vous pouvez imaginer
11:37 que dans des aliments très transformés,
11:39 tout n'est pas totalement naturel,
11:41 et donc, ça crée, d'une manière chronique,
11:44 au long cours, une inflammation de la lumière,
11:47 de l'intérieur du tube digestif.
11:48 Cette inflammation, il y a un moment
11:51 où certaines de ces cellules du colon
11:53 inflammatoires deviennent cancéreuses.
11:55 -C'est très salé, aussi, les produits transformés.
11:58 -Oui, il y a ça, et puis il y a beaucoup de machins
12:01 qui ne sont pas naturels.
12:02 -Il y a beaucoup de E à... -Des conservateurs, des E-trucs.
12:06 Mais donc, oui, une preuve scientifique,
12:08 alimentation ultra transformée, majoritaire,
12:11 égale plus de 23 %, plus 23 % de cancer
12:14 par rapport à quelqu'un qui ne s'alimente
12:16 qu'avec des aliments de catégorie 1.
12:18 Et aux Etats-Unis, plus de 50 %, je crois que c'est 55 %
12:22 de l'apport calorique d'un Américain moyen,
12:25 de la catégorie 4.
12:26 Donc, on voit qu'on est en train de fabriquer
12:29 des générations de gens qui vont être malades
12:32 dans 5, 10, 20, 30 ans. -Obesité, c'est vrai.
12:34 -L'obésité en elle-même est déjà une infection.
12:37 -Sur les jeunes, notamment. -Donc, là, on a un sujet.
12:40 Je me suis toujours fait la réflexion.
12:42 J'ai l'impression qu'on voit, aujourd'hui,
12:45 nous, les médecins, des cancers qu'on ne voyait pas avant.
12:48 Et en particulier, des cancers d'organes qui filtrent.
12:52 Vous savez, quand vous respirez, il y a le poumon qui filtre,
12:55 quand vous mangez, il y a le foie qui filtre,
12:57 les voies billières qui filtrent, le pancréas qui filtre,
13:01 les reins qui filtrent votre alimentation et vos boissons.
13:04 Et, enfin, il y a des cancers,
13:06 quand j'ai fait mes études de médecine,
13:08 il y a une trentaine d'années, dont on ne parlait pas.
13:11 Le cancer des voies billières, c'était un cancer exceptionnel.
13:14 C'était dans les livres. Aujourd'hui, on en voit.
13:17 -Il y aurait une corrélation ? -Ca veut dire que l'alimentation...
13:21 Je veux que les choses soient claires.
13:23 Je ne peux pas m'empêcher de faire cette réflexion
13:26 que qu'est-ce qui a changé en 30 ans ?
13:28 Est-ce que c'est l'environnement ? Est-ce que c'est l'alimentation ?
13:32 Est-ce que c'est notre mode de vie ?
13:34 Est-ce que les gens vivant plus longtemps,
13:36 ils ont plus le temps de déclarer des cancers ?
13:39 Il y a des facteurs confondants.
13:41 -On n'appelait pas forcément ça "cancer" ?
13:43 -C'en était, mais là, on en voit plus.
13:45 Peut-être qu'on les dépiste, alors qu'on ne les voyait pas.
13:49 Mais il y a l'alimentation. Il faut faire attention.
13:52 D'abord, il faut manger pour vivre.
13:54 Mais il y a des trucs qu'il faut absolument éviter.
13:57 -Alors quoi, par exemple ? -Ca, c'est bien.
13:59 -C'est ce que j'allais vous dire. -Il ne faut pas en ajouter.
14:02 Ca, c'est culturel.
14:04 -Vous diriez que c'est mauvais pour la santé ?
14:06 -Non, non, non.
14:08 C'est un problème de concentration.
14:11 Mais ce qui est certain, c'est que l'alcoolisme...
14:14 Avec ça, nous ne sommes pas alcooliques.
14:17 L'alcoolisme et le tabagisme, c'est une évidence.
14:19 Je le répète, parce que quand vous demandez aux Français
14:23 quels sont les facteurs d'environnement
14:25 dans votre environnement qui nuisent à votre santé,
14:28 ils oublient majoritairement de parler du tabac.
14:31 Comme si c'était... Ouais, bon...
14:34 -Alors que le tabac, c'est montré.
14:36 Le lien avec le cancer de Crohn s'est prouvé.
14:38 -Exactement. Et il y a des cancers.
14:40 Et puis, il y a une grande nouveauté.
14:43 On découvre qu'une partie importante des cancers,
14:46 l'OMS dit 10, 20 %, ça dépend des usines,
14:49 11 % de tous les cancers, de tous les organes,
14:51 sont liés à l'environnement. -On va en parler.
14:54 -Et en particulier à des maladies infectieuses.
14:57 Vous attrapez un virus,
14:59 vous êtes à risque d'un cancer
15:02 10, 20, 30 ans plus tard.
15:04 Et ça, c'est nouveau.
15:05 Vous comprenez bien que si une maladie infectieuse
15:08 donne un cancer, ça ouvre des voies considérables
15:11 dans la prévention de ces cancers,
15:13 puisque c'est un agent infectieux qui arrive de l'extérieur.
15:16 Et ça, il faut l'avoir en tête, c'est peut-être quelque chose...
15:20 C'est une voie pour l'avenir.
15:22 -Un mot de ce vin qui est corse, donc,
15:24 de couleur rouge, là, mais il pourrait être blanc aussi.
15:28 L'appellation, c'est certaine, contrôlée.
15:30 Il y a cinq appellations en Corse, et ça en fait partie.
15:34 C'est du 100 % Scaccarello,
15:35 qui est un des cépages qu'on trouve là-bas.
15:39 Élevage, 9 mois en food, 9 mois en cuve,
15:42 et sa spécificité, des notes de fruits rouges et des épices.
15:45 Vous nous avez demandé un vin corse.
15:48 -Pour des raisons identitaires, on va dire ça comme ça.
15:51 Moi, j'ai...
15:53 Ma mère, ma mère est corse, était corse,
15:56 et je viens d'un village qui est situé au nord d'Ajaccio,
16:00 dans la montagne,
16:02 un village de quelques centaines d'habitants, Ucian.
16:05 U-de-c-i-a-n-i.
16:06 Et Ucian, c'est l'endroit où j'ai passé toutes mes vacances d'enfant.
16:11 C'est l'endroit où il y a la maison de ma mère,
16:13 où j'ai moi-même ma maison. C'est un village...
16:16 Non, je suis...
16:17 Je sais pas si c'est le plus beau village,
16:19 mais c'est un village où j'ai des racines
16:22 et où j'ai l'impression, quand j'y vais,
16:24 que le temps s'est arrêté. C'est ça qui est extraordinaire.
16:27 Il y a 30 ans,
16:28 le clocher faisait le même bruit aux mêmes heures
16:31 et la montagne était toujours là.
16:33 J'ai cette impression de permanence, quand je suis là-bas,
16:37 qui fait que je suis très attaché à cet endroit.
16:40 J'ai un doigt, le vin de Corse.
16:41 Je me suis dit qu'il fallait parler de la Corse.
16:44 Je ne vais pas leur demander de faire venir du Saint-Georges,
16:47 qui est l'eau, là-bas, qui est Saint-Georges,
16:51 ou de l'eau de l'Oretta,
16:52 ou du fromage.
16:54 Mais les fromages de Corse, il faut savoir les apprécier.
16:58 Donc j'ai pris au carisque et je suis passé au vin d'emblée.
17:01 -Juste le vin. -Vous le connaissiez ?
17:03 -Non. Je ne le connais pas. Il est très doux.
17:05 Je trouve qu'il est très doux.
17:07 -C'est un vin léger pour aller avec les oeufs.
17:10 Il ne faut pas qu'il soit trop totanique.
17:12 -Les vins corse sont plutôt totaniques.
17:14 -Il y en a, mais il y a quatre régions en Corse.
17:17 Il y a des sols différents, donc on trouve un petit peu de tout.
17:21 -La Corse, c'est riche. Il y a de tout.
17:23 -Très riche et très français.
17:25 -J'aurais pu vous demander la charcuterie.
17:28 La charcuterie corse, c'est quelque chose d'extraordinaire.
17:31 Et voyez-vous, nous, les Français,
17:35 nous sommes tous attachés à des racines.
17:37 Même quand vous êtes parisiens, vous êtes attachés à des racines.
17:41 Mes racines, elles sont là-bas.
17:43 Vous avez dit que vous avez rappelé
17:45 mon score extraordinaire à la primaire de la droite.
17:48 -Pardonnez-moi d'avoir rappelé ce mauvais souvenir.
17:51 -Ce n'est pas un mauvais souvenir.
17:53 D'abord, j'ai fait 10 fois plus que Bruno Le Maire.
17:55 -On peut voir les choses comme ça.
17:57 -Je plaisante. Je précie beaucoup Bruno Le Maire.
18:01 Simplement, j'avais profité de cette primaire de la droite
18:04 pour parler de la Corse,
18:05 parce que je pense qu'il y a des spécificités
18:08 liées à l'insularité qui doivent être prises en compte
18:11 dans les politiques publiques.
18:13 Je vais bientôt en Corse, dans quelques semaines,
18:16 et je réfléchis à signer un texte pour...
18:18 Ce n'est pas de l'alimentation, mais c'est de la santé.
18:21 Je pense très important d'avoir un centre hospitalo-universitaire
18:25 en Corse, ce qu'il n'y a pas, au moins pour une raison principale,
18:29 c'est que quand vous êtes un jeune lycéen corse
18:31 et que vous voulez faire de la médecine,
18:34 rapidement, vous devez partir sur le continent.
18:36 Les gens ne reviennent pas, ils organisent leur vie.
18:39 -Il y a des déserts médicaux en Corse ?
18:42 -Oui, bien sûr. Il y a des déserts médicaux partout en France.
18:45 Mais c'est vrai, il y a un caractère insulaire particulier
18:48 et je pense être dispensable d'avoir un CHU en Corse.
18:51 Après, il y aura une petite question
18:53 entre Ajaxo et Bastia, mais je ne vais pas rentrer dans les détails.
18:57 -On le fera sans yeux accordés.
18:59 Vous êtes incollable et on va passer au quiz.
19:03 -Philippe Juvet, en tant que médecin,
19:08 vous êtes tenu par le fameux serment d'Hippocrate,
19:11 mais sauriez-vous nous dire
19:13 ce qu'est l'hippocrasse dans l'alimentation ?
19:16 J'ai plusieurs propositions à vous faire.
19:19 A, c'est une tisane du Moyen Âge
19:22 à base de verveine et de tilleul.
19:24 B, c'est un élixir fabriqué à partir de sauge
19:28 et de feuilles d'ortie mixées.
19:30 C, c'est un vin dans lequel massèrent gingembre, cannelle et sucre.
19:34 D, c'est un nectar confectionné à partir des raisins
19:37 impropres à la vinification.
19:39 -J'en ai aucune idée, mais "hippocras", c'est H-Y,
19:43 donc en grec, ça vient de U, Upsilon.
19:46 Est-ce que ça m'avance ?
19:49 Je parierais pour quelque chose avec du vin.
19:52 -Ouais ! -Le C ?
19:54 -C'est le C. -C'est le C.
19:56 -Eh bien oui, au XVIe siècle,
19:58 cette boisson était recommandée pour lutter, paraît-il,
20:01 contre ce ver vivant qui s'attaquait au coeur.
20:04 Il fallait boire de l'hypocras. -Oui, faire du grec ancien.
20:07 -La preuve que ça peut servir au moins pour le quiz.
20:10 -Exactement.
20:11 Je vous rappelle que c'est comme ça aussi
20:14 que, dans l'Odyssée,
20:15 Ulysse arrive à se sortir des raîtres du cyclope
20:19 en faisant boire polyphème le cyclope.
20:22 -Un élixir. -Bien sûr.
20:23 Je me souviens, j'ai appris par coeur, à l'époque,
20:26 des tirades de l'Odyssée,
20:28 parce que ça faisait partie de la culture générale.
20:31 -Le col a changé. -Deuxième quiz.
20:32 -Je connais les vers par coeur.
20:34 -Une autre fois.
20:35 Figurez-vous qu'à la Renaissance,
20:38 la viande de baleine était un mets fort recherché.
20:41 Mais sauriez-vous nous dire
20:42 quelle partie du Cetacé
20:44 était la plus désirée par les gastronomes ?
20:47 Alors A, la laitance,
20:50 B, la langue,
20:52 C, les joues,
20:54 D, les poumons.
20:55 -Ah... Alors, j'éliminerais les poumons,
20:59 parce que ça doit être...
21:01 Non, je dirais les joues. Les joues.
21:03 Ouais, les joues.
21:04 -Non, pas les joues. -La laitance, alors.
21:07 -La langue. On mange plus la langue de bœuf,
21:09 mais c'est la langue de baleine, à l'époque.
21:12 Mieux que la langue de bœuf.
21:13 -On adorait le marsouin et le dauphin.
21:16 -On n'est pas obligés. -Depuis, on a dit Cetacé.
21:18 -Ah ! Ca devait être facile à attraper.
21:21 -Alors, en politique, et notamment ici,
21:25 on sait que souvent se nouent des histoires,
21:27 que se fait la petite et la grande histoire à table,
21:30 et on vous a demandé de réfléchir à une brève de comptoir.
21:33 -Glug, glug, glug...
21:36 -Philippe Juvin,
21:38 avez-vous un souvenir politique autour d'un repas ?
21:41 -Alors, des repas en politique, on en a beaucoup,
21:44 mais il y a un repas qui n'est pas politique...
21:46 Vous allez comprendre, je sais pas si vous allez comprendre
21:50 ce qui se passe, mais je reviens encore 12 ans plus tard.
21:53 C'était en Afghanistan. J'étais officier de l'armée française,
21:56 médecin militaire, anesthésiste réanimateur
21:59 du bataillon français engagé contre les talibans.
22:01 Un jour, le colonel vient nous voir et nous dit
22:04 qu'on a un chef taliban qui veut passer de notre côté,
22:07 le problème, c'est qu'il veut se faire opérer du rein,
22:11 et il faut aller l'examiner dans la pompe basse
22:14 et puis lui tirer des informations.
22:16 Du coup, on désigne un médecin, c'est votre serviteur,
22:19 je monte avec la patrouille, on file,
22:21 je sais pas, 3-4 heures de route, on arrive chez le chef taliban,
22:24 et ça commence évidemment par un repas.
22:27 Je devais être en forme, je devais donner le champ,
22:30 je montrais que j'étais un médecin de très haut niveau,
22:33 il fallait lui jouer un grand truc.
22:35 Le gars nous dit qu'on va commencer par déjeuner.
22:38 Et ils apportent... C'était des abricots.
22:41 Ils apportent des abricots, je pensais que...
22:43 Les abricots arrivent, c'était assez bon,
22:46 on mange un, deux, trois, au bout du cinquième...
22:49 Un plat d'abricots, je me dis...
22:50 On était sur de l'herbe par terre,
22:52 on était tous répartis, les armes posées,
22:55 j'ai des photos qui me reviennent très bien.
22:57 Je vois tout le monde qui mange, je me dis que c'est le repas.
23:00 Puis, arrivé au bout d'une heure où je pensais que le repas était fini,
23:04 on allait passer aux choses sérieuses,
23:06 arrivent les plats, et là, en fait, j'ai, 12 ans plus tard,
23:10 encore ce souvenir de ce repas épouvantable,
23:12 parce que j'avais le ventre qui gonflait,
23:14 puis il a fallu aller se lever pour examiner le gars,
23:18 qui, lui, était en pleine forme, et moi, j'étais lourd,
23:20 j'avais les idées... Vous imaginez, après les abricots,
23:24 il y a eu des galettes, il y a eu de la viande...
23:26 -Du riz, sans doute. -Du riz.
23:28 Tout ça était très lourd.
23:30 Il y avait pas de vin, mais il y avait des choses très lourdes.
23:34 Et ce repas m'est resté comme une sorte de cauchemar
23:38 où je ne voyais plus les choses...
23:40 Je ne savais pas comment j'allais m'en sortir.
23:42 Puis, finalement, j'ai examiné le gars, on l'a opéré.
23:45 -Vous l'avez opéré où ? Dans votre état ?
23:48 -On l'a ramené au camp.
23:49 J'étais à la SS 10, alors je l'ai endormi.
23:52 Je l'ai même réveillé, je crois, donc c'était plutôt bien.
23:55 Et il a donné aux Français des renseignements.
23:58 C'est un repas patriotique qui a servi à la cause de l'armée française,
24:02 mais je m'en souviens, encore 12 ans plus tard.
24:04 -Belle histoire.
24:05 On va parler à présent des effets de l'alimentation
24:08 sur notre santé, et plus précisément des pesticides
24:12 utilisés dans nos cultures et nos récoltes conventionnelles.
24:15 Allez, plat.
24:16 Parce que l'exposition aux pesticides
24:24 entraîne des maladies graves, en 2016, Christian Jouot,
24:27 exploitant agricole à Noivoutou, près de Rennes,
24:30 développe un cancer de la prostate,
24:32 reconnu quatre ans plus tard
24:33 comme maladie professionnelle par la justice.
24:36 Le lien est établi, mais le chemin reste encore long
24:39 vers la reconnaissance d'autres pathologies.
24:41 Hélène Bonduelle et Baptiste Gargui-Chartier.
24:45 -Il est ancien éleveur et cultivateur de maïs.
24:48 Christian Jouot a exercé cette activité
24:51 depuis plus de 40 ans,
24:52 dans cette commune nichée au coeur de la Bretagne.
24:56 L'homme est de renavant à la retraite,
24:58 mais malgré lui.
24:59 -Donc, c'est là qu'autrefois, j'ai sévi avec les pesticides,
25:04 et puis que...
25:06 Eh bien, que je me suis rendu malade, quoi.
25:08 -La nouvelle est tombée en 2016.
25:10 Ce jour-là, les médecins lui diagnostiquent
25:13 un cancer de la prostate.
25:15 -Je me rappelle plusieurs fois, torse nu,
25:17 sultraïteur, le pulvée derrière.
25:19 Je voyais bien que j'avais du mal à respirer,
25:22 c'était assez désagréable.
25:23 Je pensais pas que le contact par la respiration,
25:26 c'était dangereux.
25:27 -Un métier qu'il pratiquait à raison de 10 heures par jour.
25:31 À 68 ans, fini la vie d'avant,
25:33 lui doit vivre avec son cancer,
25:35 qui récidive, un combat permanent, dit-il.
25:38 -Quand je suis tombé malade,
25:40 j'avais pas l'intention d'arrêter tout de suite.
25:43 J'ai continué à exploiter un peu la ferme,
25:45 mais il a fallu se rendre à l'évidence.
25:47 J'étais surtout en radiothérapie, j'ai tellement brûlé,
25:50 c'était abominable.
25:52 Je passais du temps, après une heure ou deux,
25:54 dans la baignoire pour me refroidir un peu.
25:57 Après, j'allais me dormir et puis j'attendais...
25:59 Je me reposais jusqu'à ce que le véhicule
26:02 vienne me chercher pour les séances du lendemain.
26:05 -Mais il n'est pas le seul. À quelques kilomètres de là...
26:08 -Il a quel âge ? -60 ans.
26:09 -Réunion d'un collectif créé en 2015,
26:12 déjà 450 membres.
26:14 Tous ont le même objectif.
26:16 -Notre action, c'est accompagner des gens
26:20 qui sont dans le cadre ou des tableaux
26:22 de maladie professionnelle ou pas encore,
26:24 comme le papa de Valérie, c'est pas dans les tableaux.
26:28 Christian, quand on a démarré le cancer de la prostate,
26:31 c'était pas dans les tableaux.
26:32 -Être dans les tableaux, c'est la reconnaissance
26:35 de la maladie professionnelle.
26:37 En ligne de mire, une rente à vie
26:39 qui peut s'échelonner de 100 à 1 300 euros,
26:41 pour laisser qu'elle de la maladie.
26:43 -En règle générale, la procédure jusqu'à l'obtention de la rente,
26:47 quand tout se passe bien, c'est au minimum un an.
26:51 Le papa de Valérie, on est certain que ça va durer,
26:55 parce que c'est pas dans les tableaux.
26:57 Donc il va falloir qu'on conteste, qu'on aille au tribunal,
27:00 qu'on se défende.
27:02 -Mais au-delà de la réparation,
27:04 le combat de l'association, c'est aussi
27:06 l'interdiction des pesticides.
27:09 -Philippe Juvin, est-ce que l'exposition aux pesticides
27:12 entraîne des cancers, comme celui de Christian Jouault,
27:15 le cancer de la prostate ? Les études sont contradictoires
27:19 entre l'OMS et l'agence européenne des produits chimiques.
27:22 On ne sait plus trop à qui se fier.
27:24 On vous pose la question.
27:25 -Bien sûr, pesticides, herbicides.
27:27 Vous connaissez le débat avec le glyphosate,
27:30 où des gens très savants, des agences internationales,
27:33 se disputent pour savoir si le glyphosate est ou non cancérogène.
27:37 Un coup, l'OMS dit "probablement",
27:39 un coup, l'Organisation mondiale de l'alimentation dit
27:43 "probablement non".
27:45 Donc on voit que toute la difficulté,
27:47 en matière environnementale et de santé environnementale,
27:51 c'est de prouver la relation causale entre un agent et une maladie.
27:55 C'est très compliqué, parce que...
27:58 Ce monsieur... Ca a été reconnu,
28:01 je ne connais pas le dossier. -Ca a été reconnu
28:04 comme maladie professionnelle.
28:06 -C'est la justice qui a tranché. Ca a pris un précédent ?
28:09 -Oui, ça a pris un précédent.
28:10 C'est une des qualités de la justice.
28:12 Ce que je veux dire, c'est qu'on ne connaît pas le dossier de fond.
28:16 Il faudrait regarder précisément.
28:18 Imaginez que je sois un fumeur,
28:20 alcoolique,
28:22 et je suis exposé à un agent pathogène.
28:26 Est-ce que le cancer que je vais développer,
28:29 par exemple du poumon, est lié à mon alcoolisme,
28:31 est lié à mon tabac,
28:33 est lié à l'agent exogène ?
28:36 Tout ça pour vous illustrer cette idée
28:39 qu'il ne faut pas croire que c'est facile,
28:41 de prouver la relation de cause à effet
28:44 entre un agent potentiellement vulnérant
28:46 et une pathologie.
28:47 -Vous, médecin, vous reprenez quoi ?
28:49 L'Agence européenne des pandéchimiques,
28:52 l'AFAO, l'OMS ?
28:53 -Je vous dis que je ne sais pas.
28:55 Je ne sais pas, parce qu'aujourd'hui,
28:57 celui qui vous assure que oui, ça l'est absolument,
29:00 cancer et gènes, ou qui vous assure le contraire,
29:03 non, ça l'est absolument pas.
29:04 -La probabilité, elle est possible ?
29:07 -Il y a une probabilité.
29:08 Mais il n'y a pas de certitude.
29:10 Il faut... Enfin, la science,
29:12 c'est la culture du doute.
29:15 Bachelard disait, Gaston Bachelard,
29:17 qui est philosophe des sciences, disait
29:20 que les sciences, ça apprend à penser
29:23 contre son propre cerveau.
29:25 Vous avez une idée préconçue,
29:27 la science va vous apprendre à la remettre en cause.
29:29 La question du doute est fondamentale.
29:32 Dans sa citation, Louis Pasteur disait
29:34 "Le scientifique doit avoir une qualité principale."
29:37 -Doute égale. -La qualité,
29:39 c'est le doute méticuleux.
29:40 Les deux mots sont importants.
29:42 Le doute, je ne prends pas comme argent comptant
29:45 le fait que parce que j'ai vu ça, il y a ça,
29:48 est méticuleux, parce que je vais essayer
29:50 de décrypter le mécanisme.
29:52 Je ne sais pas répondre à votre question.
29:54 -En attendant, est-ce qu'il faut...
29:56 Qu'il y ait le principe de précaution ?
29:59 Vous vous êtes pour ce principe,
30:01 et vous dites "Dans ces cas-là, on l'arrête."
30:03 -Quand j'étais député européen, j'ai voté pour l'arrêt...
30:07 -L'interdiction du glyphosate.
30:09 -Il faut qu'on ait aussi l'intelligence
30:11 de continuer à lire les études qui sortent.
30:13 Éventuellement, si les études
30:15 contredisaient l'idée qu'on pouvait en avoir
30:18 il y a quelques années,
30:19 même si pour des raisons sociétales,
30:22 bonne chance au ministre qui va décider ça,
30:24 mais il ne faut pas que le principe de précaution
30:28 devienne un principe qui interdise tout
30:30 parce que soit on veut un risque zéro,
30:33 il n'y en a pas, soit parce qu'au moindre doute,
30:35 on s'arrête.
30:37 Qu'est-ce que vous diriez d'une invention,
30:39 qui change complètement la vie des gens,
30:42 qui sauve des vies, mais qui tue, je sais pas,
30:44 1 000 personnes par an en France ?
30:46 Est-ce qu'on l'adopte ou pas ?
30:48 -Le principe de précaution.
30:50 -Est-ce qu'on interdit la voiture ?
30:52 -C'est le bénéfice-risque.
30:53 -C'est le bénéfice-risque.
30:55 Vous allez me dire où est le bénéfice du glyphosate.
30:58 Ca s'étudie. On peut imaginer...
31:00 -Ca permet de produire davantage.
31:02 -De lutter contre la famine.
31:04 Tous ces sujets sont à prendre en compte.
31:06 Je suis désolé de ne pas vous répondre oui ou non,
31:09 parce que je ne le sais pas.
31:11 La science ne permet pas de l'affirmer
31:13 contrairement à ce que des ayatollahs,
31:16 pour ou contre, veulent vous dire.
31:18 -Vous êtes contre la réautorisation du glyphosate,
31:21 puisque l'Union européenne va devoir décider en 2023.
31:24 -Il faut lire. Je ne sais pas vous répondre.
31:26 Il faut lire les derniers papiers, avoir le doute méticuleux.
31:30 Il faut être sérieux.
31:31 C'est-à-dire que la science, l'action politique
31:34 doit être évidemment, évidemment...
31:37 guidée par la science,
31:39 mais la science, c'est pas...
31:41 J'ai lu une manchette du journal "Le Monde",
31:44 et je sais ce qu'il y a dedans.
31:46 Je lis les papiers, les matériels et les méthodes,
31:49 les biais des études, car dans beaucoup d'études,
31:52 c'est pas parce qu'il y a des biais qu'elle est mauvaise.
31:55 Intrinsèquement, il y a des biais.
31:57 En fait, la crise du Covid a un peu bouleversé les Français,
32:00 qui ont voulu avoir des réponses définitives
32:03 à des questions scientifiques.
32:05 Ils ont découvert que les scientifiques
32:07 passaient leur temps à douter.
32:09 Ils espéraient avoir des vérités définitives
32:11 là où souvent, nous avons des questions.
32:14 -La science n'est pas une science exacte.
32:16 -La science peut arriver à une exactitude.
32:19 Heureusement, on arrive, par exemple,
32:21 à une science qui n'est pas plate.
32:23 Malgré ça, savez-vous, il y a 8 % des Français
32:28 qui considèrent que la Terre,
32:30 qui n'exclut pas que la Terre puisse être plate,
32:32 et particulièrement chez les jeunes.
32:35 Quand je tire le fil de ce qu'on dit,
32:37 il y a le doute méticuleux,
32:38 un principe de précaution qu'il faut utiliser
32:41 et pas comme un principe d'interdiction,
32:44 ce qui est souvent le cas, et la question de l'éducation.
32:47 C'est vrai que la disparition des sciences dans l'éducation,
32:50 les sciences disparaissent dans l'éducation.
32:53 -À l'école ? -Bien sûr.
32:54 Ca a été montré partout. Le classement PISA
32:57 vous montre qu'en maths, on est les derniers.
32:59 Et puis, un rapport du Sénat m'a effrayé,
33:02 qui regarde les mathématiques, le calcul, pardon.
33:05 En primaire, il y a une partie importante des professeurs
33:08 qui ne sont pas capables de résoudre les problèmes
33:11 qu'ils donnent eux-mêmes à leurs élèves.
33:13 Pourquoi ? Parce que des professeurs du primaire
33:16 sont souvent embauchés après des parcours littéraires,
33:19 plutôt que des parcours mathématiques.
33:21 On a un sujet majeur sur l'enseignement des sciences.
33:24 Il faut réapprendre les sciences,
33:26 non seulement parce qu'on a besoin de scientifiques,
33:29 mais parce que le progrès des sociétés,
33:32 le progrès technique, qui fait qu'on sauve des vies,
33:35 qu'on a de la croissance et qu'on résout la crise climatique
33:38 par le progrès, c'est grâce aux scientifiques.
33:41 Troisième point, la science, comme je vous l'ai dit,
33:44 permet de réfléchir différemment et de faire de bons citoyens,
33:47 c'est-à-dire des citoyens qui s'interrogent sur eux-mêmes.
33:51 -C'est éclairé. -Brigitte l'a dit,
33:53 pas de lien prouvé scientifiquement
33:55 entre le glyphosate et les cancers chez ces agriculteurs.
33:58 En revanche, des études de médecins professeurs
34:01 de Montpellier, du CHU de Montpellier,
34:03 ont fait des études précises en montrant la corrélation
34:06 entre l'usage de pesticides et des malformations congénitales,
34:10 notamment chez les enfants, avec des micropénis chez les garçons
34:13 et une puberté précoce chez les filles.
34:16 C'est une étude qui est là. On se disait que l'usage de pesticides
34:19 causait des dégâts épouvantables sur la santé des enfants.
34:23 -J'affirme que l'environnement a un rôle important
34:25 dans l'émergence de maladies.
34:27 Je répondais à votre question sur le glyphosate,
34:30 parce qu'il y a une discrétion. -J'ai fait la distinction.
34:33 -Je vais vous donner un autre exemple,
34:36 la question des phtalates.
34:37 Ce sont des produits qu'on utilise dans notre environnement.
34:41 Il y en a peut-être sur cette table,
34:43 dans les bouteilles d'eau en plastique.
34:45 Ce sont des perturbateurs endocriniens,
34:47 c'est-à-dire qu'ils modifient la manière qu'a le corps de vivre.
34:51 C'est quoi, un perturbateur endocrinien ?
34:53 Vous savez, vous vivez et votre corps
34:56 sécrète des substances, certaines sont appelées des hormones,
34:59 et ces hormones, elles vous permettent,
35:02 ou des neurotransmetteurs vous permettent
35:05 d'avoir des enfants, de grandir,
35:07 d'être en forme, etc.
35:10 Et d'avoir le coeur qui s'adapte à un effort,
35:13 ces médicaments, ces produits,
35:15 modifient probablement le fonctionnement de votre corps
35:18 et donc, à long terme, ont des effets.
35:21 Il a été assez bien montré
35:23 qu'il y a une chute très importante
35:25 de la fertilité mondiale,
35:27 avec, par exemple, la qualité du sperme,
35:30 ça a été montré, c'est -35 ou -40 %
35:32 de...
35:34 de qualité de reproduction du sperme
35:38 à l'échelon mondial, donc on n'est pas seulement en France.
35:41 Il y a probablement des phtalates partout.
35:44 La question environnementale... -On a légiféré sur les biberons.
35:47 -Evidemment. -C'était un perturbateur.
35:49 -Oui. -Le plastique, en fait,
35:51 des biberons avec lesquels c'était fait.
35:53 -La conséquence de tout ça, de cette observation,
35:56 c'est qu'il faut affirmer le rôle de l'environnement
35:59 dans l'émergence des maladies.
36:01 Certains disent que c'est terrible,
36:03 la chimie a produit tout ça, c'est des saloperies,
36:06 il faut revenir à l'âge de pierre.
36:08 Sauf que, on ne se sortira
36:10 de tous les problèmes qu'on a créés,
36:12 mais aussi des problèmes naturels,
36:15 la mortalité liée au virus,
36:17 aux bactéries, le réchauffement climatique.
36:20 On n'en sortira que par le progrès scientifique.
36:23 Donc, le progrès scientifique n'est pas l'ennemi.
36:26 Souvent, ceux qui vous disent
36:28 que l'environnement a créé des maladies,
36:30 vous disent que le progrès, c'est mauvais.
36:33 Non, c'est la solution qui va nous permettre
36:35 de trouver des solutions à tous ces sujets.
36:38 Il faut accentuer la recherche.
36:40 -On va revenir à l'alimentation.
36:42 On va parler de l'hôpital,
36:43 qui n'est pas toujours réputé pour sa cantine.
36:46 On y mange trop souvent mal.
36:47 Difficile, alors, pour les malades,
36:49 de retrouver l'envie de se mettre à table.
36:52 On en parle et on met les pieds dans le plat.
36:54 -Brigitte, comment redonner de l'appétit
37:01 à des malades aux traitements lourds ?
37:04 Comment les réconcilier avec la gourmandise ?
37:06 C'est le défi de Christian Tête-doigts,
37:09 qui s'envise notamment les menus du centre anticancéreux Léon Bérare.
37:12 Vous allez le voir, ça marche.
37:14 C'est un reportage à Lyon de Mathieu Préau et de Maëté Frémont.
37:17 -Là, c'est un petit riz
37:19 avec petits pois et poivrons.
37:21 Et par-dessus, donc, un petit sauté de volaille aux champignons.
37:25 -Ce matin-là, Christian Tête-doigts,
37:27 chef étoilé, met une touche finale à son menu du jour,
37:31 sous le regard d'un autre chef.
37:34 -En tout cas, ça sent bon.
37:36 -Ensemble, ils décident de redonner du goût à la nourriture de l'hôpital.
37:40 Car depuis six ans, deux fois par mois,
37:43 Christian Tête-doigts s'installe au fourneau
37:46 de cette cuisine un peu particulière,
37:48 celle d'un hôpital de Lyon, un centre qui lutte contre le cancer.
37:52 -Dans toutes les réunions qu'on a faites avec les patients,
37:56 beaucoup disent qu'ils préfèrent manger froid.
37:58 Donc, même l'été, un plat comme ça, tu peux le manger froid.
38:02 -Tout à fait. -Quand ils sont en chimio,
38:04 ils ont le palais qui leur brûle un peu.
38:07 -Ici, 1 200 repas sont servis chaque jour.
38:11 Le chef de l'hôpital a fait appel au savoir-faire
38:13 de Christian Tête-doigts pour revoir la carte entière,
38:17 avec un budget à respecter, 5,40 euros par patient.
38:20 -On essaye de travailler le maximum de produits frais,
38:23 mais là encore, c'est pas facile, suivant les saisons, les prix.
38:27 On n'arrive pas toujours, mais c'est ce qui fait le charme, peut-être,
38:31 de réussir à faire des petits miracles ici.
38:34 -Au total, 387 recettes ont été élaborées,
38:37 toutes à la texture différente.
38:40 -On s'adapte à chaque demande.
38:42 Ici, on avait des nuggets, là, on avait des carottes et des pâtes,
38:46 avec une omelette.
38:47 -Ici, c'est à la carte.
38:49 Le patient choisit parmi plusieurs menus
38:52 en fonction de son appétit et de ses envies.
38:55 -Bonjour, vous désirez un plateau ?
38:58 -Car l'objectif est bien là, redonner aux 300 malades
39:01 qui viennent se soigner le plaisir de manger.
39:04 -On perd un peu le goût.
39:06 Déjà, on n'a pas toujours la possibilité, chez soi,
39:09 de bien manger, parce que si, comme moi,
39:13 on est seul, c'est compliqué de faire de la cuisine.
39:17 Et là, je trouve que c'est très bien.
39:20 Ca donne des idées, en fait.
39:22 -Aujourd'hui, la chimiothérapie et les médicaments
39:25 provoquent une altération de goût et des difficultés de déglutition.
39:30 -La problématique chez les patients qui ont un cancer,
39:33 c'est que la dénutrition a une prévalence très importante.
39:37 On sait que jusqu'à presque 40 % des patients
39:40 sont à risque ou sont dénutris.
39:43 -A l'hôpital ou sur les hauteurs de Lyon,
39:45 dans son restaurant, Christian Tête-doigts,
39:48 devenu cuisinier solidaire de l'année,
39:50 continue d'oeuvrer pour les malades.
39:53 Après des sprays parfumés, sa dernière invention,
39:56 c'est sauces congelées, plus riches,
39:59 qui permettent une prise de poids de 33 %
40:02 en seulement un mois.
40:04 -Vous connaissiez cette initiative.
40:06 Vous êtes bluffé par ce chef qui donne de son temps
40:09 pour aller nourrir, donner de l'appétit,
40:11 de l'envie de manger aux malades et aux seigneurs,
40:14 qui sont aussi, Brigitte, très touchés par la dénutrition.
40:17 -Je trouve ça formidable.
40:19 Ce qui est la preuve que quand vous donnez aux gens
40:22 la possibilité d'exprimer librement leur potentialité,
40:25 leur génie, ça marche.
40:27 -Notre pays souffre de toutes ces normes
40:29 qui empêchent des initiatives.
40:31 C'est absolument formidable, parce qu'à l'hôpital,
40:34 quand on pose la question aux gens,
40:36 il y a des enquêtes qui ont été faites au plan mondial.
40:39 "Qu'est-ce qui vous a le plus marqué ?"
40:41 Donc, les enclasses. -La bouffe.
40:43 -Les plats, oui.
40:45 -Est-ce que la chambre était propre ?
40:47 Est-ce qu'on m'a dit bonjour ? Est-ce que j'ai bien mangé ?
40:50 La qualité du soin lui-même arrive après.
40:53 C'est fondamental, quand même.
40:55 -Mais bien manger, c'est déjà des choix.
40:57 -Il a raison. Il en a parlé.
40:59 Il faut qu'il y ait du goût, que les gens trouvent un plaisir.
41:02 -Dites-nous la réalité de ce que vous voyez à l'hôpital.
41:05 C'est comment, les repas ? -C'est très inégal.
41:08 Il y a plusieurs choses.
41:10 Le repas lui-même est très inégal.
41:12 Il faut que le gars vienne.
41:13 -Ca pourrait avoir le jour à l'hôpital Pompidou ?
41:16 -Je ne suis pas le directeur de l'hôpital,
41:19 mais s'il veut venir, je lui faciliterai la tâche.
41:22 Mais il y a aussi la logistique.
41:24 Mon père était très malade,
41:25 qui est aujourd'hui malheureusement décédé,
41:28 qui avait une maladie neurodégénérative,
41:30 qui ne pouvait plus manger tout seul.
41:32 Il est hospitalisé dans un hôpital parisien,
41:35 et j'arrive pour le voir, et l'infirmière me dit
41:38 qu'il n'a pas voulu manger.
41:39 J'entre. Mon père, qui n'était pas capable de manger,
41:42 fallait l'aider. -Il ne voulait pas manger.
41:45 -Le truc était sous blister.
41:47 On ne lui avait pas donné à manger.
41:49 La priorité des priorités à l'hôpital,
41:52 c'est la qualité, vous avez raison, il faut que c'est du goût,
41:56 mais c'est aussi la possibilité technique de prendre un repas.
41:59 Dans une EHPAD,
42:00 dans l'hôpital, vous y restez 10 jours,
42:03 dans une EHPAD, vous y restez à vie.
42:05 Quand vous avez des troubles de la déglutition,
42:07 maladie d'Alzheimer, en particulier,
42:10 quand ils s'étouffent une fois sur deux,
42:12 vous devez donner à manger aux gens avec précaution
42:15 et prendre du temps. -Une petite bouchée.
42:17 -Il faut une heure pour que les gens mangent.
42:20 Mais comment voulez-vous que l'aide soignante,
42:22 qui a 7 ou 8 personnes à faire manger,
42:25 passe une heure pour 7 ou 8 personnes ?
42:27 Elle n'a pas le temps.
42:28 En pratique, on ne leur donne pas, on leur donne mal à manger,
42:32 ils se dénutrient, c'est pour ça que vous trouvez
42:35 sur l'EHPAD, et même à l'hôpital,
42:37 des compléments alimentaires hypernutritifs,
42:39 qui sont une sorte de dopant.
42:41 La question...
42:42 Vous voyez, moi, quand je mourrai,
42:44 je voudrais qu'on me tienne la main.
42:46 Je pense qu'il y a la qualité des soins,
42:49 et je voudrais qu'on me tienne la main.
42:51 L'alimentation en fait partie, et c'est vraiment le parent pauvre.
42:55 5,40 euros, c'est ce qu'il nous a dit.
42:57 -C'est un miracle. -5,40 euros,
42:59 je sais pas comment il fait pour trouver du goût
43:01 et des choses qui changent tous les jours.
43:04 -Il s'était battu, ce chef, dès 2020,
43:06 pour qu'il y ait une loi, pour qu'on augmente
43:08 le budget alimentation des malades.
43:11 -Il a raison, on les mérite une médaille.
43:13 Mais prenons les choses au début.
43:15 Les choses au début, c'est que l'alimentation en France,
43:19 la production agricole est devenue très chère,
43:21 parce que les agriculteurs sont submergés d'interdictions,
43:25 de normes, du truc, qui rend tout ça très coûteux.
43:28 Et nous avons en France, j'ai vu un papier qui l'affirmait,
43:31 c'est un journal très sérieux, qui disait que le coût
43:34 de l'alimentation est le plus cher en France,
43:37 rapporté au pouvoir d'achat, de toute l'Europe.
43:39 On avait une agriculture qui nous assurait
43:42 une autonomie alimentaire.
43:44 Deuxièmement, aujourd'hui, c'est plus le cas,
43:46 puisque la moitié des fruits et légumes sont importés,
43:49 mais en plus, ce qui est produit en France est cher,
43:52 et les gens ne peuvent pas se l'acheter.
43:55 On a un problème majeur, à la fois sur, pas tant la qualité,
43:58 mais le coût, à cause de la surnorme,
44:00 on norme trop les séries agricoles.
44:02 -On met toujours la faute sur les fournisseurs et les distributeurs.
44:06 Vous dites non, c'est pas le problème.
44:08 -La faute, c'est la norme en France.
44:11 -C'est Bruxelles, alors ?
44:12 -La norme est souvent française, malheureusement.
44:15 C'est 100 milliards.
44:16 L'hypernorme française, la spécificité française de la norme,
44:20 au-delà de la norme européenne, c'est 100 milliards d'euros
44:23 qui plombent l'économie française, l'industrie,
44:26 mais l'agriculture aussi.
44:28 Vous me dites que c'est Bruxelles.
44:30 J'ai été dix ans député européen, j'ai appris une chose,
44:33 nos mots MAUX français, ils sont français,
44:35 ils sont pas européens.
44:37 Avec les mêmes règles européennes, les Allemands,
44:40 les Danois, les Espagnols n'ont pas ces sujets.
44:42 Ca montre bien que, nous, les spécialistes français...
44:45 -Donnez-nous un exemple concret d'une norme
44:48 qui fait que le prix des aliments en France est plus cher qu'en Espagne.
44:52 -Il y a un insecticide ou un pesticide, je ne sais plus,
44:55 qu'on met sur les cerises, qui est interdit en France,
44:58 alors qu'il est autorisé par l'Europe,
45:00 et donc les Espagnols et les Portugais,
45:03 lui, l'utilisent. Le coût de la production des cerises
45:06 est moins important.
45:07 Deuxième exemple.
45:08 -Le pesticide, c'est pas n'importe quoi,
45:11 c'est un principe de précaution. -C'est toute la question.
45:14 Pourquoi nous avons-nous un principe de précaution
45:17 qui n'est pas celui des Espagnols et des Portugais ?
45:20 C'est l'Europe. On a le même standing d'exigence.
45:23 Les Français se rajoutent des pois dans leurs sacs à dos.
45:26 C'est plus lourd de porter un sac à dos rempli de pierre
45:29 qu'un sac à dos non rempli de pierre.
45:31 Les pommes, nous étions le premier producteur mondial
45:34 de pommes.
45:35 Nous ne le sommes plus, aujourd'hui.
45:38 C'est la Pologne. Pourquoi ?
45:39 Vous avez entendu parler de cette norme débile,
45:42 à une époque où on vous a expliqué
45:44 que pour monter sur un escabeau au-delà de trois marches,
45:47 il fallait quasiment être attaché
45:49 ou une autorisation particulière.
45:51 Pour cueillir une pomme en haut d'un pommier,
45:54 il faut monter des marches.
45:55 Tout ça fait qu'aujourd'hui,
45:57 l'agriculture française meurt
45:59 de cette hypernormalisation française,
46:02 rajoutée à la norme européenne.
46:04 Pour qu'elle ne meure pas, elle coûte plus cher,
46:07 mais les agriculteurs font ce qu'ils peuvent.
46:09 Dans votre assiette, ça coûte moins cher.
46:12 -Pour l'alimentation à l'hôpital,
46:14 l'Etat subventionne ?
46:15 Faudrait-il que l'Etat aide plus massivement
46:18 à mieux manger ou en achetant du bio,
46:20 ce qui aiderait aussi la filière ?
46:22 Ou pourquoi pas en engageant davantage d'infirmières,
46:25 de personnel pour faire manger les patients ?
46:28 -Il y a deux choses.
46:29 D'abord, je pense que l'Etat, avant de subventionner,
46:32 doit déjà relâcher
46:34 sa gangue dirigiste.
46:37 Ce sont les normes dont je vous parlais.
46:39 Nous sommes le pays des droits de l'homme
46:42 et de l'hypercontrôle administratif.
46:44 Donc, laissez les agriculteurs travailler,
46:47 cessez de les emmerder,
46:48 et ils vont produire plus, mieux et moins cher.
46:51 Dans l'assiette, ce sera plus facile,
46:53 y compris à l'hôpital.
46:54 Quant à l'hôpital et les EHPAD,
46:56 je suis un fervent partisan,
46:58 comme vous l'avez suggéré, de quota.
47:00 C'est-à-dire qu'il faut qu'on définisse,
47:03 par exemple, dans les EHPAD,
47:04 qu'un repas, ça prend une demi-heure.
47:07 Pour qu'un repas prenne une demi-heure,
47:09 il faut quelqu'un pendant une demi-heure
47:11 face à la personne âgée.
47:13 -Il faut du temps et du personnel.
47:15 -Il faudra du temps et du personnel.
47:17 Je préfère mettre de l'argent à des gens qui tiennent la main,
47:21 de gens en train de mourir,
47:22 qui ont besoin d'être accompagnés,
47:24 plutôt que des normes qui, en fait,
47:26 nourrissent sur des arguments parfois environnementaux
47:30 ou même sociétaux, en réalité,
47:32 des filières économiques.
47:33 Quand vous mettez une norme,
47:35 quand vous interdisez un insecticide,
47:37 un pesticide ou un produit,
47:39 c'est que vous autorisez un autre.
47:41 Ne soyez pas naïfs.
47:42 Il y a derrière ces sujets des grands enjeux de lobby
47:45 qui poussent à l'interdiction de ça pour pouvoir vendre ça.
47:48 -On passe à présent au dessert,
47:50 et c'est le pêché mignon.
47:52 -On a devant nous une salade de fruits.
47:57 C'est sans doute une interprétation de chez Françoise
48:01 de la salade de fruits.
48:02 -Philippe Juvin lui avait demandé des fruits.
48:05 Pas de pâtisserie,
48:06 genre Saint-Honoré ou Paris-Brest,
48:08 non juste des fruits bruts.
48:10 C'est encore votre côté hôpital.
48:12 A force de voir les platos repas rikiki,
48:14 avec purée, jambon, compote et pommes,
48:17 vous avez oublié qu'il existe des vrais desserts.
48:20 -Je préfère les fruits.
48:21 -Les fruits ou les salades de fruits ?
48:23 -Je ne veux pas être désagréable,
48:26 vous m'invitez, donc elle est formidable.
48:28 Une poire, une orange... -Un abricot, peut-être.
48:31 -Le moins possible.
48:32 D'abord, parce que c'est sain,
48:37 ça permet de faire en sorte
48:42 que le sentiment de satiété est obtenu.
48:44 Quand vous avez faim,
48:45 vous n'avez pas envie de grossir,
48:47 mangez des pommes.
48:49 Une pomme ou deux, vous avez moins faim.
48:51 -C'est quoi votre fruit vénéré ?
48:53 Allez-y, vous pouvez nous en sortir un.
48:55 -La clémentine corse.
48:57 -La clémentine corse, avec des feuilles.
48:59 Et les oranges.
49:00 La clémentine orange,
49:02 j'avoue que je pourrais en manger beaucoup.
49:04 -Et le cédrat ? -Je sais pas.
49:06 -Le cédrat, pour un corsi,
49:08 c'est un grume entre le citron, le pamplumous et l'orange,
49:11 mais on mange juste les zestes.
49:13 -Ah bah, écoutez, vous êtes trop stop pour moi.
49:16 J'aime bien les orangés.
49:18 -Le bruit, le sur.
49:20 -En plus, quand vous allez en Corse,
49:22 y compris au mois de décembre,
49:24 vous avez ces orangés qui sont là.
49:26 C'est beau.
49:27 Dans la commune dans laquelle j'ai été maire,
49:30 à la Garenne-Colombe,
49:31 la plus belle commune de la région parisienne,
49:34 y a pas d'orangés, mais dans chaque square,
49:37 j'ai mis en place,
49:38 il y a quelques années, j'en suis fier,
49:40 un plan arbre-fruitier.
49:42 Dans chaque square, il doit y avoir,
49:44 on avait fait la liste,
49:46 un poirier, un pommier, un cerisier, etc.
49:48 Pourquoi ? Parce que je voudrais
49:50 que les enfants qui vont à l'école et qui ne vont jamais à la campagne
49:54 puissent se dire que la compote de pommes
49:57 qu'ils achètent au supermarché
49:59 vient d'un arbre et pas d'une usine.
50:01 Donc, le plan arbre-fruitier à la Garenne-Colombe,
50:04 c'est une réussite.
50:05 -On finit toujours cette émission en musique.
50:08 Vous avez choisi celle-là.
50:09 On l'écoute ensemble.
50:11 Vous nous dites pourquoi.
50:12 -Is this the real life ?
50:15 Is this just fantasy ?
50:18 Caught in a landslide
50:22 No escape from reality
50:26 Open your eyes
50:29 Look up to the sky
50:32 -C'est génial. -Vous avez choisi ça.
50:34 Bohemian Rhapsody.
50:35 -C'est génial. -C'est Queen.
50:37 -C'est Queen parce que Queen, d'abord, c'est ma jeunesse.
50:40 C'est parce que c'est aussi une période...
50:42 Vous savez qu'il est mort du sida.
50:45 Et moi, j'ai eu, durant mes études de médecine,
50:48 j'ai vu l'arrivée du sida.
50:50 Je me souviens du premier patient que j'avais vu.
50:52 C'était un médecin, un otorhino.
50:57 J'étais à l'hôpital Beaujolais, étudiant en médecine,
51:00 en deuxième année. C'était un des premiers patients
51:03 que je voyais. On va à l'hôpital en deuxième année.
51:06 Le chef de clinique, avant d'entrer la chambre,
51:08 nous dit "Il s'agit de cette nouvelle maladie
51:11 "qui semble toucher essentiellement les homosexuels."
51:14 -On l'appelait pas le sida, à l'époque.
51:16 -C'était le HIV.
51:19 Ah oui, ça avait un autre nom.
51:21 Et donc, je découvre cette maladie-là.
51:25 Et j'ai été aussi, parce que j'ai l'âge que j'ai,
51:28 en 95, j'ai vu la disparition des formes graves
51:33 en trois mois.
51:34 -Grâce à la physiothérapie. -En trois mois,
51:36 se vider des services hospitaliers,
51:38 qui étaient condamnés.
51:40 Ils arrivaient...
51:41 J'ai plein d'exemples. Je me souviens de ce jeune homme
51:44 qui me dit, avec un petit sourire en coin,
51:48 on devait être en 90-91, avant la trithérapie,
51:51 les antirétroviraux,
51:54 qui me dit, d'un petit sourire,
51:55 "Ah, il avait une pneumopathie,
51:57 "qui, très clairement, était une pneumocystose."
52:00 Et il me dit,
52:03 "C'est probablement ce petit virus qui m'a atteint."
52:06 Et il est mort, ce gars.
52:09 En fait, c'était une condamnation à mort,
52:12 et j'ai vu...
52:13 Je crois que les militants d'Act Up
52:16 ont eu un rôle très important
52:18 dans la sensibilisation de la population.
52:20 J'ai vu disparaître ces malades en quelques mois.
52:23 -La maladie n'a pas disparu, mais elle est soignée.
52:27 -Non, mais heureusement, on ne se souvient plus
52:29 de ce qu'était la maladie quand je l'ai vu apparaître.
52:32 C'est tout ça.
52:33 -Merci, Philippe Juvin, d'avoir été notre invité.
52:36 Merci à vous tous de nous avoir suivis.
52:39 Rendez-vous la semaine prochaine
52:40 pour un nouveau numéro de "Politique à table".
52:43 ...
53:00 [SILENCE]

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