Pour défendre son album "Aile-P" et parler de son arrivée dans "The Voice", Zazie se confie en interview à Purecharts sur l'exercice de la promotion, comment le métier d'artiste a changé, sa chanson politique "Couleur", les Victoires de la Musique ou encore le choc des générations avec Bigflo & Oli.
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00:00 Je pense que si c'est pas moi qui essaye des trucs, qui le fera ?
00:02 J'ai envie de vous dire.
00:03 Puisque moi, ça fait presque 30 ans que je fais de la musique,
00:05 je pense qu'il faut se marrer.
00:06 C'est vrai que c'est un exercice très narcissique,
00:16 loin de la musique en fait.
00:17 Nous, on croit qu'on choisit de faire de la musique.
00:20 En fait, c'est vrai qu'on peut passer 75% du temps
00:23 à parler de ce qu'on a fait.
00:24 Forcément, mal par rapport à ce qu'on a fait.
00:28 A peu près bien.
00:29 Je comprends que les gens aient besoin d'être informés
00:31 pour savoir quand est-ce qu'on est en concert,
00:34 qu'est-ce qu'elle a sorti, qu'est-ce qu'elle fait.
00:36 Mais c'est vrai que ça s'est un peu multiplié
00:38 avec la multiplication des réseaux.
00:39 Et que du coup, on ne sait plus trop.
00:41 On est un peu perdu aussi parfois dans cette toile.
00:44 Je pense qu'il faut continuer à lutter
00:49 sur la manière dont on nous demande de faire notre métier
00:53 et ce qu'on peut nous y réinjecter en se disant
00:55 "Non, ça je ne peux pas faire ça, je ne peux pas faire ça".
00:57 En se disant "Non, ça je ne fais pas, ça, ça ne sert à rien pour moi,
01:00 ça, ça n'a pas de sens".
01:02 J'ai croisé beaucoup, beaucoup d'artistes
01:04 qui étaient quand même à deux doigts dans des petits burn-outs.
01:06 Parce qu'avec la multiplicité des choses à faire,
01:10 au bout d'un moment, notre vie n'est pas très intéressante.
01:12 Ce qui est éventuellement un peu plus intéressant,
01:14 c'est la musique qu'on fait.
01:15 Et en même temps, on comprend que les gens qui achètent de la musique
01:19 ne sont pas tous des professionnels de la musique.
01:21 Mais on devrait en fait rester à peu près dans l'ombre.
01:23 Moi, je pense que ça mérite beaucoup moins de lumière.
01:27 Ce qu'on fait, on appelle ça des médias.
01:29 "Médias", ça vient du mot latin.
01:31 Si on parle de la source, qui veut dire "moyen".
01:34 Un moyen d'arriver aux gens, un moyen d'informer les gens.
01:37 Quand on commence à nous demander un avis sur tout,
01:40 mais déjà, on n'est pas très doués.
01:43 Enfin, moi, je ne suis pas spécialiste ni des problèmes de société.
01:47 Qu'on en parle, parce que j'en ai parlé dans une chanson,
01:49 ça je comprends, mais on n'est pas des politiques,
01:52 donc on a nos limites.
01:56 Je pense que si ce n'est pas moi qui essaye des trucs, qui le fera ?
01:59 J'ai envie de vous dire.
01:59 Puisque moi, ça fait presque 30 ans que je fais de la musique.
02:02 Je pense qu'il faut se marrer et il faut, une fois de plus, se redire.
02:04 Alors, ne confondons pas la source et le robinet.
02:07 Admettons que je suis la source.
02:09 De temps en temps, elle coule un peu marron,
02:10 elle n'est pas forcément potable.
02:12 Je suis d'accord avec vous, mais ça coulera toujours.
02:15 Le robinet, c'est ce qu'on nous propose,
02:17 c'est ce que les médias nous proposent,
02:18 c'est ce que le format nous propose.
02:20 Alors oui, mais toi, tu vois, pour un artiste de ta trempe,
02:23 il ne faut sortir que des albums.
02:24 Si j'ai envie de faire une chanson comme ça de temps en temps
02:26 et si je n'ai pas envie d'attendre un siècle avant que la deuxième...
02:29 Voilà, je pense qu'il faut sortir de ces codes-là,
02:31 puisque les gens n'en ont plus tellement quand ils écoutent de la musique.
02:34 Vous avez encore des gens qui achètent un peu des CD.
02:38 Vous avez le retour du vinyle.
02:40 Moi, ça me fait bien marrer.
02:41 Mon premier album, j'ai insisté auprès de ma major.
02:45 À l'époque, j'étais dans une major.
02:46 Je disais, j'adorerais que vous me fassiez un vinyle.
02:48 Ils ont pris ça pour un caprice.
02:50 Bon, on n'en parle plus pendant 25 ans.
02:52 Puis là, d'un coup, les objets changent.
02:54 La musique restera toujours la musique,
02:55 si c'est sur ordinateur ou sur un portable.
02:57 Moi, je me réjouis du chemin.
03:02 S'il y a du résultat, c'est vachement bien.
03:03 Ça veut dire que je pourrais faire celui d'après,
03:05 mais je me réjouis beaucoup plus du chemin que du résultat.
03:07 Moi, je sais qu'à partir du moment où j'ai l'impression
03:09 d'avoir fait un travail qui me correspond,
03:12 qui est honnête ou un peu risqué parfois,
03:15 la manière de le sortir est intéressante.
03:16 Oui, on appelle ça du marketing,
03:18 mais comme dit Pascal Nègre, le patron de mon petit label,
03:22 le meilleur marketing d'un album, c'est l'album, c'est le contenu.
03:25 Le meilleur marketing de la musique, c'est la musique.
03:27 Peut-être qu'il va y avoir une suite à ça.
03:33 L'idée, c'est évidemment, ça, c'est important pour moi.
03:36 On a bien insisté, j'ai bien insisté auprès de mon label
03:39 pour avoir un prix qui corresponde au contenu.
03:41 On l'a vendu moins cher parce qu'il y avait quatre chansons en moins.
03:44 Puis c'était aussi, j'avais envie de coller,
03:46 alors puisque j'ai quand même 58 ans, au format du vinyle.
03:50 Les anciens formats de vinyle, c'était quatre maximum,
03:53 quatre titres par face.
03:54 D'où les quatre titres par face, ça n'allait pas bien de la vie.
03:57 Je me suis posé ce genre de question,
04:02 pas du tout pour me contraindre à uniformiser mon discours,
04:05 mais au contraire, pour qu'il soit bien entendu et pas récupéré.
04:08 Comme je ne voulais pas que ce soit une chanson politique,
04:10 une chanson engagée, l'idée, c'était de vraiment faire une chanson
04:15 sur nos différences, sur le fait que ce qui nous fait peur
04:17 chez l'autre, c'est l'inconnu et que ce n'est pas grave.
04:20 Il faut apprendre à connaître.
04:21 Bien sûr que c'est une chanson qui est forcément politique.
04:24 Moi, j'ai rempli ma chanson de choses que je voulais dire.
04:25 J'ai tout l'espoir du désespoir, je ne sais pas comment vous dire.
04:31 En tout cas, je pense que la force du désespoir est très intéressante.
04:34 Quand il y a quelque chose qui ne nous plaît pas et que ça suffit maintenant,
04:37 je pense qu'on est capable de belles choses.
04:39 Pas jeudi, j'enfonce mon petit clou gentiment en me disant peut-être,
04:43 au moins, ça me fait du bien à moi de me le redire, parfois comme un mantra.
04:47 Oui, ça me prend du temps de plus en plus de faire les textes.
04:52 Pas du tout parce que je me dis, oh là là, qu'est-ce que les gens en pensent ?
04:55 C'est vraiment d'abord un cadeau qu'on s'offre à soi, un texte.
04:58 C'est oser l'honnêteté.
05:00 Eh bien oui, parfois, on est un peu plus souple à 20 ans qu'à 58 ans.
05:07 Et donc, on a retrouvé cette élasticité par rapport à un propos.
05:12 Il y a souvent eu pas mal de questionnements.
05:17 Ça peut être sur une phrase qui ne va pas
05:19 parce que ce n'est pas exactement ce que j'avais envie de dire.
05:21 Donc, en fait, c'est ça qui est génial.
05:22 C'est qu'il faut accepter qu'une chanson, surtout la chanson,
05:26 parce qu'il y a la musique en plus des mots, soit vecteur d'émotions,
05:30 pas les nôtres, mais vecteur des émotions de la personne qui va l'écouter.
05:34 Il va donc y mettre sa propre vie, ses propres émotions.
05:37 Et moi, j'adore cette idée-là.
05:42 Si j'étais nominée, ça me ferait plaisir,
05:45 mais ça ne va pas m'empêcher de dormir, de ne pas en être.
05:49 Après, je pense qu'il y a beaucoup, beaucoup de gens qui arrivent
05:52 et qui font de la musique et qui sont un peu frais,
05:55 pas que par le rage, mais parce qu'on n'en a pas entendu parler d'eux avant.
05:59 Et que les Victoires de la Musique, c'est un genre de tremplin aussi.
06:02 Est-ce que j'ai besoin d'un tremplin ?
06:04 J'ai envie de vous dire que je veux bien filer ma place sur les trophées
06:07 pour ceux qui arrivent.
06:11 Je ne fais pas The Voice pour accéder à ma carrière.
06:14 C'est parce que j'ai cette carrière que The Voice fait appel à nous.
06:17 C'est très différent.
06:18 J'ai passé des très bons moments pendant les quatre années où je l'ai fait.
06:21 Mais vraiment, au-delà de ce que j'aurais pu imaginer.
06:24 Déjà parce qu'on est aux premières loges de voir des gens qui ont des voix de dingue,
06:28 ce qui réhabilite l'interprète en France.
06:31 On se marre, franchement, là, cette année.
06:33 Le fait qu'il y ait plusieurs générations, nos petits Flo et Oli, là,
06:38 on se marre, quoi.
06:38 Les personnes qui m'ont dit "On devrait faire ça sur Twitch",
06:42 je leur dis "C'est quoi ça ? C'est un twist asyntropique".
06:45 Grosse crise de rire et se moquent bien de moi.
06:47 Mais à l'inverse, quand on voit une chanson de Léo Féré,
06:51 qui dit "C'est quoi ça ?"
06:52 Je dis "Attends, je t'expliquerai".
06:53 Évidemment, toujours bienveillant, mais un truc assez léger.
06:56 Je pense qu'on en a besoin.
06:57 Moi, à chaque fois, quand j'accède, je me dis
07:00 "Est-ce que tu ne vas pas t'ennuyer de cette grosse mécanique ?"
07:02 Bah non, parce qu'en fait, ce n'est pas les mêmes.
07:05 Donc, j'ai huit ans et demi.
07:07 Le privilège d'assister comme ça aux premières prestations
07:10 ou aider à mettre un peu, un temps soit peu, sur les rails
07:13 des talents, jeunes ou pas, moi, dans mon équipe,
07:16 je n'ai pas le droit d'en parler.
07:17 ♪ ♪ ♪