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- Grand témoin : Victor Castanet, journaliste et auteur de « Les Fossoyeurs » (J'ai Lu)

LE GRAND DÉBAT / Les Français et le travail : la fracture ?

« Le chrono de Blako » par Stéphane Blakowski

24% des Français affirmaient en 2021 que la place du travail dans leur vie était « très importante », loin des 60% de 1990, reprend la Fondation Jean Jaurès dans un rapport publié le 23 janvier 2023. Si le rapport des Français avec leur emploi a incontestablement évolué au fil des décennies, il est assez difficile de juger si l'épanouissement au travail est toujours une priorité. L'Institut Montaigne, qui a révélé sa propre étude sur le sujet en février 2023, indique que 77% des actifs attribuent une note supérieure ou égale à 6/10 à la question : « à quel niveau évaluez-vous votre satisfaction lorsque vous pensez à votre travail aujourd'hui ? ». Comment le législateur peut-il traduire l'évolution des Français avec leur travail ?

Invités :
- Maud Brégeon, députée Renaissance des Hauts-de-Seine
- Farida Amrani, députée LFI de l'Essonne
- Jérémie Peltier, directeur général de la Fondation Jean Jaurès
- Dominique Méda, directrice du laboratoire de sciences sociales de l'Université de Paris Dauphine

LE GRAND ENTRETIEN / Victor Castanet : une enquête sous hautes pressions
Victor Castanet en remet une couche. Un an après avoir publié, début 2022, un ouvrage dénonçant les conditions de vie des séniors au sein des Ehpad du groupe Orpéa, le journaliste réédite un livre « Les Fossoyeurs » (J'ai Lu) augmenté de dix chapitres. Il y raconte les manipulations et pressions subies lors de son enquête choc.

- Grand témoin : Victor Castanet, journaliste et auteur de « Les Fossoyeurs » (J'ai Lu)

BOURBON EXPRESS : Elsa Mondin-Gava, journaliste à LCP

LES AFFRANCHIS :
- Mario Stasi, avocat, président de la LICRA
- Fanny Guinochet, journaliste spécialiste des questions économiques à France Info

Ça vous regarde, votre rendez-vous quotidien qui prend le pouls de la société : un débat, animé par Myriam Encaoua, en prise directe avec l'actualité politique, parlementaire, sociale ou économique.
Un carrefour d'opinions où ministres, députés, élus locaux, experts et personnalités de la société civile font entendre leur voix.

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Transcription
00:00 ...
00:04 -Bonsoir, bienvenue.
00:07 Ca vous regarde en direct.
00:09 Notre grand témoin, c'est Victor Castanet.
00:11 Bonsoir. -Bonsoir.
00:13 -Prix Albert Londres 2022 pour votre enquête choc,
00:16 une véritable déflagration.
00:18 Les Fossoyeurs, chez Faya.
00:20 Vous revenez avec 10 nouveaux chapitres,
00:22 toujours chez Faya, où vous montrez les pressions,
00:25 les intimidations, dont vous avez fait l'objet
00:28 de la rédaction de votre livre.
00:30 Certaines sont passées par l'Assemblée nationale.
00:32 On est ensemble pendant une heure
00:34 pour décrypter l'actualité de ce jeudi 2 février.
00:38 Au sommaire, ce soir,
00:39 travailler moins pour vivre plus.
00:42 C'est peut-être l'angle mort de la réforme des retraites.
00:45 La valeur travail pour les Français a beaucoup changé.
00:48 Moins importante, la place du travail,
00:50 moins centrale dans nos vies.
00:52 Cette valeur a perdu un peu de sens,
00:54 au point que certains ministres dégainent,
00:57 ou extrémisent la question de la semaine des 4 jours.
01:01 Trop tard ou pas, ce sera notre grand débat ce soir,
01:04 avec nos invités,
01:05 avant de retrouver à 20h15 nos parties prises,
01:08 nos affranchis et Bourbon Express,
01:10 avec Elsa Mondingavall, histoire du jour.
01:12 Victor Castaner, vous me suivez ?
01:14 -Bien sûr. Merci pour votre invitation.
01:17 SOUS-TITRAGE : RED BEE MEDIA
01:20 Générique
01:22 ...
01:28 -Peut-on demander aux gens de travailler plus
01:31 si on ne leur promet pas de travailler mieux ?
01:33 Le bras de fer sur la réforme des retraites
01:36 nous renvoie à la place que nous accordons au travail,
01:39 aujourd'hui, dans nos vies, notre rapport à la valeur du travail,
01:42 la charge que nous portons avec ce mot, cette valeur,
01:45 et le moins qu'on puisse dire, c'est que les choses ont beaucoup changé.
01:49 Bonsoir, Maude Bréjon. -Bonsoir.
01:51 -Vous êtes députée Renaissance des Hauts-de-Seine,
01:54 porte-parole du groupe majoritaire à l'Assemblée.
01:57 En face de vous, Farida Amrani. -Bonsoir.
01:59 -Bienvenue sur ce plateau, députée La France insoumise de l'Essonne.
02:03 Bonsoir, Dominique Méda. -Bonsoir.
02:05 -Vous êtes sociologue du travail, vous dirigez le laboratoire
02:08 de sciences sociales de l'université Paris-Dauphine
02:11 et vous alertez sur la dégradation des conditions de travail.
02:14 Vous avez même fait une tribune, on en parlera dans le monde,
02:18 il y a à peine quelques jours.
02:20 -Bonsoir. -Merci d'être avec nous.
02:22 Ravie de vous retrouver. Vous dirigez la fondation Jean Jaurès.
02:25 La fondation a publié il y a quelques semaines
02:28 un rapport passionnant, "Je t'aime, moi non plus",
02:30 sur les ambivalences du nouveau rapport au travail.
02:33 On va y revenir. Victor Castaner,
02:35 votre enquête parle aussi de la souffrance au travail
02:38 des acteurs des EHPAD, de la perte de sens.
02:41 Votre regard dans ce débat nous intéresse.
02:43 Vous pouvez intervenir quand vous le souhaitez.
02:46 On va planter le décor avec le billet de Blaco.
02:49 On a 200 secondes pour nous expliquer ce qui a changé.
02:51 Le chrono de Blaco.
02:53 (Belles chants)
02:56 Et je me retourne comme chaque soir
02:58 pour vous accueillir du haut de votre estrade.
03:00 -Bonsoir à toutes, bonsoir à tous,
03:02 puisque vous êtes deux, on peut dire tous.
03:05 -Qu'est-ce qui a changé ? Il est très politique, ce débat.
03:08 -Je sais pas si vous savez, Myriam, mais je m'adresse à vous tous,
03:12 la paresse est l'un des sept péchés capitaux.
03:15 Vu que plus grand monde ne va à la messe,
03:17 je sais pas si vous êtes au courant,
03:19 mais c'est un péché mortel qui vous emmène direct en enfer.
03:23 Donc, si vous voulez une image, voilà, en gros.
03:26 Pendant des siècles, on a représenté la paresse
03:29 de cette manière-là.
03:30 On est avachi et on fume et on fait pas son ménage.
03:33 Vous connaissez le proverbe.
03:35 La paresse est la mère de toutes les vices.
03:37 Mais il y a aussi une version,
03:39 il y a une version laïque qu'on a tous apprise à l'école.
03:42 Vous la connaissez par coeur.
03:44 Souvenez-vous, Maître Fourmis sur son arbre à percher
03:47 et tenez dans ses pâtes un fromage.
03:49 Maître Cigale, par l'odeur à lécher,
03:51 je ne vous raconte pas la suite.
03:53 Bref, la paresse a donc mauvaise réputation.
03:56 Et ça aussi, vous le savez,
03:57 les braveux gens n'aiment pas qu'eux.
04:00 Ils ont suivi une autre route que...
04:02 Cendrine Rousseau s'en fout un peu de ce que pensent les braves gens.
04:06 Elle l'a dit nettement.
04:07 Regardez, c'était Roussel contre Rousseau.
04:11 Autant Roussel, le communiste,
04:12 n'était pas tellement pour ses expressions de droit à la paresse,
04:16 que Rousseau, elle, le défendait.
04:18 Elle l'a dit le 15 septembre,
04:20 elle l'a répété, c'était en commission des affaires sociales,
04:23 il y a quelques jours.
04:25 On l'écoute, l'éloge de la paresse.
04:27 -Qu'en 1950, nous travaillions 1900 heures par an,
04:30 quand aujourd'hui, nous en travaillons 1400 en moyenne,
04:33 et que c'est ça, le sens du progrès.
04:36 Maintenant, il faut ouvrir les yeux
04:38 sur notre système économique et social.
04:40 Oui à la paresse et oui à la réduction du temps de travail.
04:43 -Elle assume complètement.
04:45 -Vous me connaissez, Myriam, peut-être pas vous,
04:48 mais les publics, oui.
04:49 J'essaie de rester neutre, mais je dois reconnaître
04:52 que Sandrine Rousseau a raison.
04:54 Le travail, c'est plutôt une valeur de droite.
04:57 Regardez ce que disent les sondages.
04:59 La réussite, le mérite, l'effort,
05:01 ça, c'est des valeurs de droite, associées au travail.
05:04 Ce sont les Français qui s'expriment.
05:07 En revanche, quand on leur dit l'oisiveté, la paresse,
05:10 l'assistanat, ça, c'est des valeurs de gauche.
05:13 Les gens de droite et de gauche se reconnaissent bien.
05:16 Ce qui est sûr, c'est que Gérald Darmanin,
05:18 en fin politique, a bien vu le clivage.
05:21 Quand il y a clivage, on fonce.
05:23 Le travail, ce n'est pas une maladie,
05:25 mais on le connaît, Gérald Darmanin.
05:27 Je sais qu'il a été formé par Nicolas Sarkozy.
05:30 J'ai retrouvé des belles images de complicité entre eux.
05:33 Travailler plus pour gagner plus, c'est quelque chose qui lui parle.
05:37 On pourrait poser la question aux Français.
05:40 Est-ce que ça vaut le coup de travailler plus pour gagner plus ?
05:43 Les sondages, franchement, ça ne veut rien dire.
05:46 Regardez, ça, c'est ce que dit Jean Jaurès,
05:48 qui est un institut plutôt de gauche.
05:50 Pourquoi s'appeler Jean Jaurès ?
05:52 Ils disent qu'il y a 61 % des Français
05:55 qui sont prêts à travailler moins pour avoir plus de temps libre.
05:59 -A gagner moins d'argent.
06:01 -Ils veulent bien travailler moins pour avoir plus de temps libre.
06:05 Si on demande à Montaigne, il pose la question différemment,
06:08 "Est-ce que vous êtes prêts à travailler moins pour gagner moins ?"
06:12 Il dit que 15 %.
06:13 Ca dépend de la manière dont on formule la question.
06:16 Les gens veulent bien travailler moins pour avoir plus de temps libre,
06:20 mais ils ne veulent pas travailler moins pour gagner moins.
06:23 Travailler plus, travailler moins.
06:25 Il faut que je conclue, j'ai 200 secondes.
06:27 Même au gouvernement, on n'est pas d'accord.
06:30 On a vu que Darmanin voulait travailler plus.
06:33 Gabriel Attal, lui, il veut plutôt travailler moins.
06:36 Il voudrait faire cet essai.
06:37 C'est exactement ce que les écolo-propos,
06:40 ils veulent 32 heures, ils veulent 4 jours.
06:42 Je ne sais pas comment vous allez faire.
06:44 Travailler plus, OK, travailler moins, OK.
06:47 Je ne sais pas, mais il y a un débat.
06:49 -Ca, c'est sûr. Merci.
06:51 Merci beaucoup, Stéphane.
06:52 Maud Bréjon.
06:54 C'est vrai qu'on se pose tous la question,
06:56 à chaque fois, c'est le rapport de force,
06:58 on s'attend à des manifestations.
07:00 Sauf que dans les cortèges,
07:02 on comprend bien que c'est le rapport au travail qui a changé.
07:05 Ca arrive maintenant, cette réforme.
07:08 Vous, au fond, étiez un peu aveugle.
07:09 Vous avez été dans une forme de déni sur cette question-là ?
07:13 Demandez-y deux ans de plus,
07:14 à un moment où tout change sur la question du travail.
07:17 C'était le bon moment.
07:19 -Vous l'avez dit, dans notre introduction,
07:21 l'enjeu, c'est de travailler mieux.
07:23 Effectivement, le rapport au travail a changé,
07:26 et c'est notamment le cas pour ma génération.
07:29 Quand je suis sortie d'école d'ingénieur,
07:31 on n'allait plus dans des métiers
07:33 pour y passer l'intégralité de nos vies,
07:36 de nos carrières et de notre temps.
07:38 Pour autant, je crois que le travail
07:40 demeure absolument central
07:42 et que la question du travail en tant que valeur morale
07:46 transcende aujourd'hui un large pan de la population.
07:49 -Valeur morale ?
07:50 -C'est Olivier Schwartz, un sociologue,
07:53 qui utilisait cette expression, "la morale de l'effort".
07:56 Je crois qu'il a raison et que c'est encore d'actualité.
08:00 -60 % des Français accordent une place très importante
08:04 au travail en 1990.
08:06 Ils sont trois fois moins nombreux.
08:08 -Le rapport au travail a changé.
08:10 Je vais terminer sur une chose.
08:12 Le travail, c'est un apport pécunier,
08:14 c'est ce qui fait que vous payez votre loyer, vos factures.
08:17 C'est aussi une notion d'utilité sociale.
08:20 C'est extrêmement important.
08:21 La coiffeuse va montrer sa coupe à sa cliente,
08:24 l'électricien monte au poteau pour réalimenter
08:27 un village déconnecté d'électricité.
08:29 C'est ce qui fait qu'on se sent pas inutile au monde
08:32 et qu'on arrive à avoir un vecteur extrêmement fort
08:35 de sociabilisation.
08:36 C'est ce qui fait, en tout cas, ce qui fonde aujourd'hui
08:40 l'importance que nous, au sein de la majorité,
08:42 on a. -Je vais vous faire circuler
08:44 la parole. Quand je vous écoute,
08:46 vous êtes dans la majorité, j'entends "utilité",
08:49 "rapport social au monde", on est loin de la vision
08:52 de Gérald Darmanin, qui dit cette réforme des retraites.
08:55 Elle propose un choix de société, une société de travail
08:58 et de mérite face à une société, je cite, gauchiste,
09:02 sans effort. Est-ce qu'il a raison,
09:04 le ministre de l'Intérieur, de présenter le débat comme ça ?
09:07 -Je suis parfaitement en accord avec lui
09:09 et je suis issue de la culture, pardonnez-moi,
09:12 en même temps. Je pense qu'aujourd'hui,
09:14 dans le cadre des retraites, on est face à une situation
09:18 extrêmement claire, on a un déficit,
09:20 on emprunte déjà pour combler ce déficit,
09:22 ce déficit va se creuser, donc il nous faut
09:25 travailler plus longtemps. C'est pas facile à dire,
09:28 ça me fait pas plaisir à moi. Je me lève pas le matin
09:31 et je me dis que je vais me faire un déficit,
09:33 mais c'est un état de fait. Ce qui n'empêche pas
09:36 de réfléchir, et c'est ce que va faire Olivier Dussopt
09:39 dans le cadre des assises du travail,
09:41 sur comment on améliore les conditions de travail.
09:44 -On va en parler après les retraites.
09:47 -Sur le mode de management, il y a davantage une crise
09:50 du salariat qu'une crise du travail.
09:52 Il faut faire la différence entre l'emploi et le travail.
09:55 Comment construire les carrières professionnelles
09:58 et sur les solutions, mais le diagnostic ?
10:01 Je commence par les politiques.
10:03 C'est pas l'aliénation absolue, dans le pays, ils travaillent,
10:06 les enquêtes ne disent pas ça. Qu'il soit moins central,
10:10 moins important dans la vie des Français,
10:12 vous en réjouissez ou vous le déplorez ?
10:14 -Je pense que les Français et les Françaises
10:17 veulent travailler autrement et mieux travailler.
10:20 Ils veulent travailler autrement, le travail fait partie de la vie,
10:24 bien entendu, mais les Français sont conscients
10:27 qu'il faut partager le travail, parce qu'il y en a,
10:30 mais ils sont aussi conscients qu'il y a, dans la vie,
10:33 un temps pour le travail, mais un temps pour le reste,
10:36 ce qu'on appelle un temps libre.
10:38 Il peut être utilisé pour faire autre chose.
10:40 -Le confinement, on l'a bien montré.
10:42 Il faut continuer à accompagner ce mouvement ?
10:45 -Je pense qu'en tout cas, c'est deux visions
10:48 qui s'affrontent quelque part,
10:50 mais oui, les Français et les Françaises,
10:53 d'ailleurs, le disent clairement,
10:55 sont contre la réforme de la retraite,
11:00 ils ne veulent pas travailler jusqu'à 64 ans.
11:02 93 % des actifs ne veulent pas travailler jusqu'à 64 ans,
11:06 donc on voit bien que l'opinion et les Français
11:09 ne sont pas d'accord avec cette réforme.
11:11 -Dominique Méda, votre diagnostic,
11:13 on va parler des conditions de travail,
11:15 c'est votre sujet, et elles sont pas bonnes,
11:18 mais sur la place dans nos vies qu'elle travaille,
11:21 elle a beaucoup changé ? -Pas du tout.
11:23 Je suis en désaccord avec ce que vous dites.
11:25 -C'est la Fondation George Ress, on va laisser Gérémy Pelletier.
11:29 -Je regarde les enquêtes sur les valeurs des Européens
11:32 depuis les années 90.
11:33 Qu'est-ce qu'on voit ? Pour résumer,
11:35 on a une accentuation des tendances antérieures,
11:38 mais rien de plus, c'est-à-dire que le travail reste important,
11:42 ce chiffre de passer de 60 à 24, c'est possible,
11:44 mais il faudra avoir d'autres points,
11:47 je crois que ça suffit pas.
11:48 Ce qu'on voit depuis 30 ans, c'est que le travail est important,
11:52 mais ce qu'on voit aussi, je vous donne un chiffre de 1999,
11:55 dans la même enquête, les Français étaient les plus nombreux
11:58 à dire que le travail était important,
12:00 et 70 % à dire qu'ils souhaitaient que le travail prenne moins de place.
12:04 Pourquoi ? Un, les conditions de travail trop mauvaises,
12:08 on a d'énormes attentes, elles viennent s'écraser
12:10 sur la réalité des conditions de travail.
12:13 Deux, des questions de conciliation,
12:15 vie familiale, vie professionnelle.
12:17 Je vous donne un autre chiffre, 2003,
12:19 on fait une très grosse enquête avec l'INSEE et l'INED,
12:22 et on dit aux personnes,
12:23 "Est-ce que le travail est plus important que tout le reste ?"
12:27 Ils sont 3 % à dire que le travail est plus important que tout le reste.
12:30 Ils sont 66 % à dire que le travail est moins important
12:35 que d'autres choses,
12:36 vie familiale, vie professionnelle, vie sociale.
12:39 Rien n'a changé.
12:40 Donc, le travail, bon, il est toujours très important.
12:43 Est-ce qu'il y a une centralité du travail ?
12:45 Nous, avec mes collègues, on préfère parler
12:47 de polycentrisme des valeurs, c'est-à-dire,
12:50 le travail doit être à sa juste place.
12:52 -A sa juste place, on le voit.
12:54 -À part la question du télétravail,
12:56 et dans ceci, je me sens plus en accord
12:58 avec le rapport de l'Institut Montaigne.
13:00 C'est bizarre, mais voilà.
13:02 Je pense que les choses n'ont pas tant changé que ça.
13:06 Et en effet, ce qu'on voit,
13:08 et là aussi, c'est quelque chose qui existe depuis 30 ans,
13:12 on a toute la série des enquêtes
13:14 conditions de travail françaises et européennes,
13:17 et ce qu'on voit, c'est que la France
13:19 est complètement en queue de peloton.
13:21 C'est abominable. -On va y venir.
13:23 -Le travail est devenu intenable. -Intenable.
13:26 J'insiste, parce que ce terme est très fort.
13:28 -Insoutenable. -On va venir sur les conditions,
13:31 mais déjà, la place, c'est votre enquête,
13:33 Jérémy Pelletier, Fondation Jean Jaurès.
13:36 Vous montrez qu'il y a des choses qu'on n'accepte plus de faire,
13:40 les journées à rallonge,
13:42 la vie du cabinet d'affaires,
13:44 où vous emmenez l'ordinateur le week-end.
13:47 Vous l'observez, vraiment ?
13:48 -Oui, c'est ce qu'on peut appeler la dimension sacrificielle
13:52 du travail, et pour réagir à ce qui a été dit,
13:54 la réforme des retraites arrive dans un moment particulier,
13:58 après la crise sanitaire.
13:59 C'est la première mobilisation depuis la crise sanitaire,
14:02 depuis les confinements.
14:04 Nos vies ont été bouleversées pendant ce moment-là,
14:07 pendant cette parenthèse-là.
14:09 C'est quoi l'élément qui a été le plus impacté
14:11 dans ce moment de réinterrogation collective ?
14:14 C'est le travail.
14:15 Quelle place du travail dans ma vie ?
14:18 Est-ce que je veux rééquilibrer la place de travail
14:20 entre ma vie personnelle, ma vie familiale, etc. ?
14:23 -Renversement des préférences, aussi,
14:25 entre loisirs et argent.
14:27 Dans votre enquête, vous dites que 61 % des salariés
14:30 préfèrent gagner moins d'argent, mais avoir plus de temps libre.
14:33 -Ca a été bouleversé.
14:35 L'élément, je crois, qui est très important,
14:37 dans les années 80 et 90,
14:39 c'est ça qui est intéressant,
14:41 c'est de demander aux salariés si la balance est équilibrée
14:44 entre ce que vous donnez au travail et ce que vous recevez,
14:47 balance financière, reconnaissance symbolique, etc.
14:50 Vous avez plus d'un actif sur deux
14:52 qui considère que la balance est équilibrée.
14:55 Par rapport à ce que je donne, j'en reçois l'équivalent,
14:58 donc ça va. Vous posez la même question.
15:00 Les salariés français ont considérablement
15:02 le sentiment que la balance est déséquilibrée.
15:05 C'est en ça que c'est très intéressant.
15:07 La dimension statutaire du travail s'est dilitée
15:10 parce que les gens ne sont plus prêts à donner autant
15:13 par rapport à ce qu'est le travail,
15:15 ce qu'il ressemble aujourd'hui.
15:17 Ca rejoint des éléments analysés par Dominique Méda.
15:19 Le travail a perdu de sa substance,
15:21 une partie de son intérêt.
15:23 On le voit dans l'enquête.
15:25 Il y a une part de salariés, très importante,
15:27 qui disent être touchés par une baisse de motivation,
15:30 dans leur vie d'une façon générale,
15:32 mais baisse de motivation pour retourner sur site,
15:35 sur le lieu de travail.
15:36 Pourquoi ? Parce qu'une partie de ce qu'est le travail
15:39 a perdu de son intérêt, de sa substance,
15:42 dû notamment à ce que vous avez évoqué,
15:44 des processus de management,
15:46 dû aussi à ce qu'on peut appeler la financiarisation
15:49 de l'économie.
15:50 Une part du travail est moins intéressante.
15:52 Pourquoi aujourd'hui ? C'est ça qui est intéressant.
15:55 Quand vous interrogez les jeunes,
15:57 vous leur demandez si gagner suppose de faire des sacrifices,
16:01 s'il faut souffrir pour réussir.
16:03 La majorité de la population française
16:05 est d'accord avec ça.
16:06 Les jeunes disent que c'est pas parce qu'ils souffrent
16:09 qu'ils réussissent, en tout cas, sans souffrir.
16:12 Donc, ce "no pain, no gain",
16:13 je pense que la crise sanitaire a considérablement rééquilibré
16:16 et bouleversé les choses.
16:18 -Crise sanitaire et question générationnelle.
16:20 On va entendre quelques travailleurs,
16:23 quelques salariés.
16:24 Place du travail, qualité de vie au travail,
16:26 sens du travail et télétravail,
16:28 ce sont des témoignages sur le terrain
16:31 recueillis par Baptiste Guichardier.
16:33 Regardez.
16:34 Musique de tension
16:36 ...
16:38 -Accordé de moins en moins d'importance à son travail,
16:41 un sentiment de plus en plus partagé chez les Français.
16:45 -J'ai repositionné ce qui est important.
16:47 Les gens sont moins engagés et privilégient leur vie personnelle,
16:51 leur vie professionnelle.
16:52 La vie professionnelle n'est plus une fin en soi pour beaucoup.
16:55 -Tout simplement, pour moi, sentimentale et physique,
16:59 ça a des répercussions au quotidien.
17:01 -Plus de confort dans son emploi, donc.
17:04 Illustration dans cette brasserie parisienne.
17:07 David Tamayo la dirige depuis plus d'un an.
17:10 Il constate un sérieux changement lors des recrutements.
17:14 -On remarque aussi qu'on recrute les personnes
17:17 qui veulent le week-end, leur soirée.
17:19 Dans la restauration, c'est très compliqué.
17:22 Quand j'ai un jeune qui me demande du boulot,
17:24 je lui demande ses disponibilités.
17:26 Il me dit qu'il ne peut pas travailler le week-end.
17:29 -Le rapport au travail a donc changé,
17:31 mais comment l'expliquer ?
17:33 En toile de fond, le Covid-19,
17:35 l'épidémie aurait façonné les pratiques au bureau,
17:38 en témoigne la demande croissante de télétravail.
17:40 Aujourd'hui, 34 % des actifs sont concernés,
17:44 c'est 71 % chez les cadres.
17:46 -Je vois pour mon mari qu'il peut être plus présent
17:49 pour amener les enfants à l'école, aller les chercher.
17:52 Il a justement changé de travail, et c'était dans ces conditions.
17:56 -Il peut être plus productif, aussi,
17:58 se centrer, plus être embêté par la collègue
18:00 qui passe sa tête, le bureau, etc.
18:02 Moi, je sais que, personnellement, je vais beaucoup plus vite.
18:06 -Des nouvelles pratiques qui interrogent
18:08 dans les rues de Pont-en-Mer, en Normandie.
18:10 C'est le cas de Charles Donatil, désormais à la retraite.
18:14 -J'ai l'impression que, dans une génération comme la mienne,
18:17 le travail était prébondérant, prémordial.
18:19 Il fallait prendre le pas sur la vie personnelle.
18:22 Maintenant, je pense que les jeunes générations
18:25 sont plus soucieuses d'un certain équilibre
18:27 entre la vie professionnelle et la vie perso.
18:30 -Selon l'institut Jean Jaurès, la prise de distance croissante
18:34 entre les Français et leur travail ne serait pas synonyme
18:37 de moindre investissement dans leur tâche.
18:39 -Voilà, télétravail ne veut pas dire moindre investissement.
18:43 Dominique Méda, on peut ajouter qu'il y a moins de chômage.
18:46 Ca veut dire qu'on peut aussi facilement
18:48 un peu plus choisir quand il y a des besoins en recrutement.
18:52 On peut se dire qu'on a un peu de liberté.
18:54 -Vous voyez bien que, dans le reportage,
18:57 il y a plein de choses qui sont mélangées.
18:59 On parle de perte de motivation, de paresse, de flemme,
19:02 de télétravail. Je pense que ce qu'on peut dire,
19:05 c'est que ça fait bien longtemps
19:06 que les gens tentent de concilier vie professionnelle
19:09 et vie familiale. On peut dire aussi
19:11 que ça fait bien longtemps que monte dans la société
19:14 le désir de conciliation, de travailler mieux, etc.
19:17 Ca fait très longtemps. Je me souviens d'une enquête
19:20 publiée en 1975 au Centre d'études de l'Emploi
19:23 où on dit que les jeunes veulent plus bosser.
19:25 Chaque fois, on dit que les jeunes veulent plus bosser.
19:28 Dans les enquêtes qu'on a faites, on a vu qu'au contraire,
19:32 il y avait des attentes encore plus intenses que les autres.
19:35 -Donc attention aux idées reçues.
19:37 -Et donc, autant le télétravail, en effet,
19:39 c'est quelque chose de très important.
19:42 Ca, ça a changé des choses.
19:43 Mais le reste, non, c'est pas vrai qu'on est devenu moins motivés,
19:47 plus paresseux, etc. -Maud Réjean ?
19:49 -Oui, j'abonde complètement dans ce sens.
19:52 Je sais pas si je suis encore jeune,
19:54 mais étant de la génération 90, je suis pas très vieille.
19:57 Il est faux de dire que les jeunes seraient devenus feignants,
20:01 mais c'est pas vrai.
20:02 C'est pas parce que le rapport au travail a changé
20:04 qu'on a plus le goût de l'effort et du travail.
20:07 Je vais aussi revenir sur la question du télétravail
20:10 pour l'avoir vécu moi-même en tant qu'employée
20:12 à l'époque, pendant la période Covid.
20:15 J'en ai beaucoup souffert.
20:16 Je pense qu'on a été nombreux dans ce cas-là,
20:19 parce que le travail, c'est aussi la socialisation professionnelle
20:22 que ça embarque, c'est aussi le sentiment
20:25 d'appartenir à un collectif.
20:27 -Les conditions du télétravail ont changé.
20:29 -Il faut faire attention à ça.
20:31 Cette notion de collectif, elle est extrêmement importante.
20:34 On peut aimer le travail pour l'activité en tant que telle,
20:38 bien sûr, et puis ensuite, il y a un dernier point
20:40 qui me semble primordial et qu'on n'aborde pas assez,
20:43 c'est comment l'ascension professionnelle
20:46 est égale à l'ascenseur social.
20:48 Aujourd'hui, peut-être moins qu'il y a 30 ou 40 ans,
20:51 mais je laisserai les professionnels en parler,
20:53 j'ai le sentiment que l'ascension professionnelle
20:56 ne permet plus comme avant l'ascenseur social.
20:59 C'est vraiment quelque chose sur lequel on doit travailler,
21:02 parce que derrière la notion de travail,
21:04 il y a la notion de reconnaissance,
21:06 c'est ce que je disais en début d'émission,
21:09 la nécessité de travailler sur des parcours professionnels,
21:12 par exemple pour les enseignants,
21:14 c'est pas un milieu que je connais très bien,
21:17 mais vous rentrez enseignant à 20 et quelques années,
21:20 vous avez de bonnes chances de le rester toute votre vie.
21:23 -On va essayer de voir les solutions dans un instant,
21:26 vous avez des semaines de quatre jours,
21:28 de comptes épinglés, qui reviendraient,
21:30 ça correspond au diagnostic ?
21:32 Sur les conditions de travail, Victor Castaner,
21:35 vous avez rencontré beaucoup de personnel
21:38 des EHPAD, on savait qu'il y avait du burn-out,
21:42 parfois du bore-out, c'est l'ennui au travail,
21:45 on découvre, maintenant, le brown-out,
21:48 c'est la perte de sens, à quoi je sers ?
21:51 Je ne comprends pas le sens de mon travail,
21:54 je me sens dévalorisée parce que je n'ai plus
21:57 aucune forme d'explication sur mon utilité.
22:00 -C'est ce que j'ai constaté tout au long de mon enquête,
22:03 dans tous les métiers du soin, d'ailleurs.
22:06 Il y a pas, si vous voulez,
22:07 je vois pas des gens dont le rapport au travail a changé,
22:11 qui ne trouvent plus de sens à leur travail.
22:13 Quand vous êtes aide-soignante ou auxiliaire de vie en EHPAD,
22:17 le sens de votre travail, c'est le relationnel,
22:19 c'est le temps que vous pouvez passer avec une personne âgée,
22:23 que vous pouvez lui apporter en soins, en affection,
22:26 en tendresse, en discussion.
22:28 Ce temps-là, elles ne l'ont plus.
22:30 Tout ce qu'elles font est chronométré,
22:32 parce qu'il manque de soignants,
22:34 donc elles n'ont même plus le temps
22:36 de faire convenablement les tâches de soins,
22:39 donc prendre le temps de discuter et d'avoir ce relationnel,
22:42 c'est impossible. Elles ont perdu le sens de leur travail,
22:45 et combien, mais c'est des centaines de personnes
22:48 qui me racontent qu'elles ont été dégoûtées de leur travail,
22:52 que leurs conditions de travail se sont dégradées,
22:55 et c'est vrai pour les postes de soignants et d'auxiliaires de vie,
22:58 mais c'est pareil pour les directeurs d'établissement.
23:01 -Les cadres aussi. -Les cadres.
23:03 Mais ailleurs, c'est qu'avant,
23:05 quand vous étiez directeur d'établissement,
23:08 vous gériez vos personnels, c'est vous qui embauchiez,
23:11 recrutez, votre budget, c'est vous qui dirigeiez
23:14 votre établissement.
23:15 Chez Orpea et d'autres groupes, tout était dirigé
23:18 par des applications. Ils n'avaient plus aucune marge de manoeuvre.
23:22 On leur disait "T'as droit à tant de protection
23:24 "pour tes résidents, t'as droit à tant de personnel,
23:27 "tu ne peux pas l'embaucher." C'était devenu des pions.
23:30 Que ce soit les soignants ou les cadres,
23:33 tous avaient une perte de sens au quotidien dans leur travail.
23:36 -Dominique Méda, vous acquiescez,
23:38 c'est la segmentation des tâches, le modèle libéral
23:41 qu'on introduit dans chaque activité,
23:43 c'est quelque chose que vous observez ?
23:46 -Vous reprenez les termes qu'emploient les personnes
23:49 que nous, on a pu interroger,
23:50 c'est-à-dire qu'on n'est que des pions,
23:53 on ne nous demande jamais notre avis.
23:55 Quand vous regardez l'enquête européenne
23:57 sur les conditions de travail, 71 000 personnes
24:00 ont été interviewées en 2021,
24:02 la très grosse enquête,
24:03 et qu'il y a des vagues tous les cinq ans,
24:06 on peut regarder l'évolution, on peut regarder ça dans tous les sens,
24:10 ce qu'on voit, c'est que la France est terriblement mal placée
24:13 de ce point de vue, à la fois pour les contraintes physiques
24:17 mais aussi des contraintes psychiques,
24:19 comme on le disait tout à l'heure,
24:21 et qu'il y a en effet un problème,
24:23 je crois qu'on l'a dit, avec le management.
24:25 On a un management qui ne convient pas,
24:28 et nous, dans les enquêtes qu'on a faites,
24:30 on voit bien qu'on reproche un management
24:33 fondé sur le diplôme, un management scolaire,
24:35 avec des gens qui arrivent, qui connaissent rien
24:38 à la réalité du travail qui est fait,
24:40 et des gens, je me souviens d'une dame,
24:42 qui disait "comment voulez-vous que mon manager me reconnaisse
24:46 "puisqu'il ne connaît pas mon travail ?"
24:48 Là, je crois qu'on peut dire qu'on a en France
24:51 une crise du travail, et si je reprends
24:53 l'argumentation que j'ai développée dans cette chronique,
24:56 c'est une véritable provocation de faire une réforme des retraites
25:00 sur cet état absolument fou du travail en France,
25:03 et qu'il aurait fallu, me semble-t-il,
25:05 si je puis me permettre, d'abord faire un geste
25:08 vers les personnes, dire "on a compris qu'il y a
25:10 "une crise du travail, on va essayer de régler ça,
25:13 "on vous a compris", et ensuite,
25:15 pour un certain nombre d'agissements.
25:17 -Je trouve que sur ce terrain-là, c'est pas possible.
25:21 -Je vais rebondir sur ce que vous dites,
25:23 et ça rejoint ce que je disais sur la nécessité
25:26 d'être en capacité de s'élever dans l'entreprise,
25:29 en vous donnant un exemple personnel.
25:31 Quand je suis rentrée dans le monde du travail,
25:34 j'étais chez EDF, mon manager, il avait commencé à 16 ou 17 ans
25:37 en tant que technicien sur une centrale nucléaire,
25:40 il avait monté les échelons, et il était mon N+1.
25:43 Ce qui faisait qu'on le respectait,
25:45 c'est qu'il savait précisément de quoi le technicien lui parlait
25:48 quand il y avait un problème sur la pompe, machin.
25:51 Ca, c'est un modèle, à mon avis, qu'on a un peu perdu
25:54 et qu'il faut réussir à retravailler.
25:57 Sur la question du management, je vais vous donner
25:59 un deuxième exemple. Quand je suis rentrée
26:02 dans mon entreprise, j'avais mon bureau,
26:04 partagé avec une ou deux collègues.
26:06 A la fin, huit ans plus tard, non seulement j'avais plus
26:09 mon bureau, j'avais plus ma pièce, mais on était
26:12 dans ce qu'on appelle le "flex office".
26:14 C'est un grand espace partagé pour 30 ou 40 personnes
26:17 où votre bureau n'est pas le vôtre, vous changez tous les jours,
26:20 donc vous n'avez plus de repères.
26:22 Il y a un gain foncier pour l'entreprise,
26:25 mais vous n'avez plus la photo de votre enfant
26:27 ou de votre amie qui fait que vous vous sentez un peu chez vous.
26:31 -C'est intéressant, vous avez détecté
26:33 comme Anneau-Bréjon. -Oui, mais j'en parle...
26:35 -Ce n'avait-vous pas saisi, ce sujet ?
26:37 -Je pense que la réforme des retraites qu'on mène
26:40 n'est pas en opposition avec cette réflexion-là,
26:43 et que la réforme des retraites est une réforme d'urgence,
26:46 là où, à mon avis, ça demande vraiment de prendre le temps
26:49 de la réfléchir. -Beaucoup de gens pensent
26:51 que le "flex office" est "start-up nation".
26:54 -Pour l'avoir vécu, peut-être qu'il y a des gens
26:57 qui s'y sentent très bien, mais à mon avis,
26:59 il y a des consensus possibles.
27:01 Jérémie Pelletier, crise du travail, crise du management,
27:04 vous retrouvez ça dans votre étude ?
27:06 -Oui, bien sûr, et ce qui est intéressant,
27:09 vous parliez du personnel soignant.
27:11 On faisait des petits coups de sonde pour savoir
27:14 comment ça se passait dans les hôpitaux.
27:16 On leur demandait, dans un certain nombre d'hôpitaux,
27:19 comment ça se passe, le travail, ça doit être difficile.
27:22 Les infirmières vous disaient que c'était difficile
27:25 parce qu'on a une charge importante,
27:27 mais c'est pas mal parce qu'on a mis les administratifs
27:30 en télétravail. Je disais, ça veut dire quoi ?
27:33 En fait, tous les gens qui, en gros, nous pompent tous les jours
27:36 avec des process, avec des tableaux Excel,
27:38 avec, en gros, des trucs sur lesquels, en fait,
27:41 on a été obligés, et on n'a pas signé pour ça,
27:43 quand on est devenu infirmière,
27:45 on les a mis en télétravail. Du jour au lendemain,
27:48 on s'est retrouvés entre gens qui savent,
27:50 qui ont les mains dans le cambouis,
27:52 et du jour au lendemain, elles ont retrouvé,
27:55 et c'est intéressant, je dis "elles",
27:57 du sens à leur travail.
27:59 Donc ça, c'est un premier élément.
28:01 Il y a un élément qui est très important
28:03 dans notre débat, c'est qu'on ne peut pas analyser
28:06 ce qu'est devenu le travail sans parler d'intensification.
28:09 Ce qu'on voit, c'est qu'au cours des 30 dernières années,
28:12 par rapport à ce que dit Dominique Méda,
28:15 la productivité, l'efficience, les cadences au travail
28:18 dans toutes les professions se sont accélérées,
28:20 à cause du numérique, les cadences, le rythme du travail,
28:23 le rythme de ce que vous faites, etc.,
28:25 tout ça s'est accéléré. Résultat,
28:27 vous avez, et c'est le sens de notre étude,
28:30 tout un tas d'actifs qui se disent fatigués.
28:32 C'est aussi la raison pour laquelle vous avez des salariés
28:36 qui disent "je veux prendre de la distance,
28:38 "notamment à ces cadences-là et à ce rythme-là".
28:41 Un dernier élément, on parle beaucoup de pénibilité.
28:44 Dans les années 80-90, vous demandez aux actifs français
28:47 "avez-vous le sentiment d'exercer un travail pénible ?"
28:50 Environ 15 % des actifs considèrent que oui.
28:52 Aujourd'hui, on est passé à quasiment 30 %.
28:55 Donc, intensification du travail,
28:58 plus grande part de salariés qui disent
29:00 "exercer un travail pénible",
29:02 et c'est là où, par rapport à la réforme des retraites,
29:06 il y a une grave erreur de fait,
29:08 c'était un préalable à tout.
29:09 C'était un préalable à tout,
29:11 et notamment le débat sur la question de la pénibilité.
29:14 C'était un préalable essentiel, central,
29:16 à toute réforme des retraites.
29:18 -Il se trouve qu'il y a une loi travail,
29:20 une loi emploi qui arrive,
29:22 qu'elle que soit, vote ou pas vote sur les retraites,
29:25 c'est prévu, il y aura un agenda législatif après.
29:28 Une loi travail qui prendrait en compte
29:30 les questions de pénibilité au travail,
29:33 la question des seniors,
29:34 mais aussi, et c'est nouveau, peut-être,
29:37 la réduction, pas de temps de travail,
29:39 mais les 35 heures sur 4 jours,
29:40 l'idée est relancée, elle sera expérimentée.
29:43 Ce sont des pistes que la NUP pourrait soutenir ?
29:46 -Tout dépend de ce qu'il y a dans le texte,
29:48 mais bien entendu, nous, on soutient le fait
29:51 que, justement, cette réforme aurait dû passer après.
29:54 La première des choses, on aurait dû se poser la question
29:57 "comment les Français et les Françaises veulent travailler ?"
30:01 Et les assises, emploi, travail, qui vont avoir lieu,
30:04 ces assises-là, elles auraient dû avoir lieu maintenant,
30:07 et pas après le débat sur la retraite.
30:09 C'est maintenant, parce que c'est lié.
30:12 L'emploi, la retraite, etc., tout ça, c'est lié.
30:14 C'est lié pourquoi ? Parce que les Français, en fait,
30:17 ce qu'ils veulent, c'est travailler.
30:19 Je suis rejoint, c'est pas des fayans,
30:22 loin de là, ils veulent travailler,
30:24 mais ils veulent mieux travailler,
30:26 avec des conditions de travail correctes,
30:28 car elles sont dégradées.
30:29 Je vais prendre un exemple. -Si la semaine est 4 jours,
30:33 vous proposiez que la réforme des retraites
30:35 serait plus acceptable à vos yeux ?
30:37 -En fait, non.
30:38 Il aurait fut... On aurait dû se poser la question
30:41 de ce qu'est le travail,
30:43 et comment les Français et les Françaises
30:45 voient le travail et considèrent le travail.
30:48 On l'a tous dit, on l'a tous vu,
30:50 que les Français et les Françaises
30:52 veulent donner du sens au travail.
30:54 Aujourd'hui, c'est ce qui manque.
30:56 Avant d'être députée,
30:57 j'étais dans la fonction publique territoriale.
31:00 On a vu arriver, nous, avant,
31:02 dans les années, quand j'ai commencé,
31:04 on n'avait pas ce mot de "manager",
31:06 de "résultat", etc.
31:08 On ne l'avait pas.
31:10 Ce qu'on devait faire, le sens de notre travail,
31:12 c'était de rendre service,
31:14 d'être dans le service public et rendre service au public.
31:17 J'ai vu mes collègues, au fur et à mesure,
31:20 se mettre en arrêt, même chez les 4,
31:22 se mettre en arrêt maladie,
31:23 parce qu'ils ne retrouvaient plus ça.
31:25 On leur disait qu'il fallait faire,
31:28 peu importe qui on avait en face,
31:30 quel usager on avait en face.
31:31 -Il y a un diagnostic partagé,
31:33 je le souligne, dans les rangs de la majorité.
31:36 Redonner du sens, ce n'est pas évident,
31:38 ça ne se traduit pas dans un plan de loi.
31:41 Comment on s'y prend, concrètement ?
31:43 Il y a quelques pistes.
31:44 Ce compte d'épargne-temps,
31:47 pour pouvoir, au fond, décider de monnayer
31:49 ou de garder des RTT,
31:51 de les étaler la semaine des quatre jours.
31:53 Certains veulent réduire le temps de travail,
31:56 d'avoir un tickeur en quatre jours.
31:58 Ce sont des pistes ?
31:59 Est-ce qu'elles sont efficaces ?
32:01 -Pardonnez-moi, mais peut-être qu'il y a quelque chose
32:04 que je n'ai pas compris, je ne vois pas le rapport
32:07 entre régler la crise du travail et faire passer une URSAF
32:10 à quatre jours.
32:12 -Ursaf, c'est le site qui a été choisi
32:14 pour l'expérimentation dans les services publics.
32:17 -Je ne vois pas, parce qu'on peut, sur quatre jours,
32:20 intensifier le travail, ou bien on peut moins travailler,
32:23 payer plus, payer moins.
32:25 Je ne comprends pas. En revanche,
32:26 je ne sais pas si vous avez vu,
32:28 il y a un rapport de la Cour des comptes
32:30 sorti en décembre 2022, là, sur le compte de prévention,
32:34 qui tire un bilan, un boulet rouge,
32:36 sur la réforme qui a été faite en 2017,
32:38 qui a enlevé quatre critères de pénibilité.
32:41 C'est très intéressant, cette critique,
32:43 parce que ce que dit la Cour des comptes,
32:45 c'est qu'en fait, il n'y a même plus d'incitation
32:48 des entreprises à améliorer les conditions de travail.
32:51 Si on regarde bien les choses,
32:53 ils nous disent, "Regardez toutes les aides
32:56 "que vous donnez aux entreprises et mettez-les sous conditions."
32:59 -Sur la pénibilité, il faut que vous répondiez.
33:02 -Rendez ce compte incitatif pour que les entreprises
33:05 s'occupent des conditions de travail.
33:07 -Il y a énormément de sujets autour de ces critères
33:10 qui ont été supprimés par le gouvernement,
33:12 qui, d'après les entreprises, étaient trop compliqués.
33:16 Qu'allez-vous faire, précisément, à sa place ?
33:18 -Ce qui est inclus dans la réforme des retraites,
33:21 c'est qu'on a des critères de pénibilité.
33:24 Je n'ai pas de boule de cristal, je ne peux pas vous dire
33:27 ce qui se passera dans les deux semaines.
33:29 La question de la pénibilité doit faire partie intégrante
33:33 des débats à l'Assemblée nationale.
33:35 -Mais comment, concrètement ?
33:36 Il y avait des critères, charge lourde,
33:39 travail de nuit, est-ce qu'il faut les remettre,
33:42 ou est-ce qu'il faut dire, quand on travaille dans telle branche,
33:45 c'est pénible et à partir du moment où vous avez un métier,
33:49 vous n'avez plus rien à prouver ?
33:51 -Il ne faut pas oublier.
33:52 -Il ne faut se fermer aucune porte.
33:54 S'il faut remettre des critères, il faut le faire en lien
33:58 avec les branches.
33:59 Le choix n'est pas aussi manichéen.
34:01 C'est pas tout l'un ou tout l'autre.
34:03 Pour terminer, c'est peut-être ma dernière prise de parole.
34:07 -Je confirme.
34:08 -On est tous d'accord pour dire que le travail
34:10 demeure central dans la place de la vie
34:13 d'une immense majorité des Français,
34:15 et que pour autant, on a un enjeu majeur
34:17 de par les questions de management,
34:19 de formation, d'humaniser le travail,
34:22 de re-humaniser le travail.
34:24 La réforme des retraites, on l'assume pleinement,
34:27 et elle n'est pas antinomique avec cette question-là.
34:30 Le fait de réfléchir à l'élimination du travail
34:33 ne change rien au déficit qu'on aura dans la caisse.
34:35 C'est ce que je reproche à une partie de la NUPES.
34:38 Ce qui explique qu'une partie des électeurs
34:41 qui étaient avant des électeurs de gauche,
34:43 notamment des classes ouvrières, se sont détournés des parties de gauche,
34:47 et que vous avez peu à peu délaissé la question du travail,
34:51 l'enjeu du travail, au profit des aides sociales.
34:53 -C'est un peu d'ailleurs... -C'est un gros débat.
34:56 -Je vais terminer. -Ouvrir cette question-là
34:59 en fin de débat, c'est pas sympa. -Ce qui explique...
35:02 C'est ce qui explique très bien, et pourtant,
35:04 il n'est pas de mon bord politique, François Ruffin,
35:07 qui a écrit "Je vous écris" du Front de la Somme,
35:10 et qui parle de ça, en expliquant ce qu'il a entendu sur le terrain,
35:14 et des gens qui lui disaient "J'aime le travail,
35:16 "mais je peux pas voter à gauche".
35:18 -La gauche responsable de la crise du travail.
35:21 J'ai une question pour terminer.
35:23 Pensez-vous que le slogan de Nicolas Sarkozy,
35:26 "Travailler plus pour gagner plus",
35:28 ça passerait encore aujourd'hui ?
35:30 -Non, je crois pas, d'une part, parce qu'on voit
35:33 que sur l'évolution entre les années 80 et 90,
35:35 et aujourd'hui, pour le coup, on a quand même
35:38 un changement de hiérarchie de préoccupation,
35:40 de hiérarchie de valeur.
35:42 Par ailleurs, vous avez un tas de salariés
35:45 qui ont promis de travailler plus pour gagner plus,
35:47 mais qui n'en ont pas vu la couleur.
35:49 C'est un slogan de hiérarchie de valeur,
35:52 mais c'est aussi un slogan qui ne susciterait plus la confiance,
35:55 car beaucoup de salariés y ont cru et ne l'ont pas obtenu.
35:58 -Je donne le mot de la fin à Dominique Méda.
36:01 La reconnaissance, la valorisation, le sens, ça se traduit comment ?
36:05 -Je pense qu'en effet, les gens n'adopteraient plus ce slogan
36:08 si le travail reste tel qu'il est.
36:10 Si le travail devient une vallée de miel et de lait,
36:15 alors peut-être qu'ils voudront travailler.
36:17 -On se le souhaite. -Juste rajouter quelque chose.
36:20 Vous avez parlé de cela,
36:21 du slogan, en fait, de M. Darmanin,
36:24 qui disait que le travail n'est pas une maladie.
36:27 Par contre, le travail, tel qu'il est fait, tel qu'il est organisé,
36:31 il peut rendre les gens malades.
36:33 -Certains salariés, on précise, pas tous,
36:35 peuvent rendre les gens malades.
36:37 -Merci, c'était très intéressant.
36:39 Merci d'avoir débattu de ce sujet,
36:41 la valeur-travail, le rapport au travail sur LCP.
36:44 Vous restez avec moi.
36:46 Dans une dizaine de minutes, les partis prides nous affranchissent.
36:50 Ce soir, l'économie avec Fanny Guinochet,
36:52 qui revient sur le rapport alarmant de la Fondation Abbé Pierre.
36:55 Mario Stasi, le président de la LICRA,
36:58 nous parlera du plan contre le racisme
37:00 dévoilé par Matignon cette semaine.
37:02 Et le droit à l'IVG dans la Constitution.
37:04 Votre historique au Sénat, Bourbon Express,
37:07 tout à l'heure, Elsa Mondingava.
37:09 D'abord, on va plonger dans vos 10 nouveaux chapitres.
37:12 Vous allez avoir tout lu sur le scandale Orpea,
37:15 le système frauduleux, les surfacturations
37:17 du groupe auprès de ses fournisseurs,
37:19 la maltraitance, le rationnement.
37:21 On découvre les intimidations, les espions et les pressions.
37:25 On voit cela dans "L'invitation" de Baptiste Guerrier-Chartier.
37:28 On en parle après.
37:29 -Si on vous invite, Victor Castaner,
37:33 c'est pour votre édition enrichie "Les Fausses voyeurs".
37:37 Une bombe médiatique
37:40 qui dénonçait la gestion désastreuse
37:42 des maisons de retraite Orpea, un électrochoc.
37:45 -Je pense que le regard de la société a changé,
37:49 que les familles et les médias
37:52 sont plus vigilants encore sur ces questions.
37:56 -Vos aides journalistes indépendantes
37:59 prient Albert Londres l'année dernière
38:01 pour la première édition de cet ouvrage.
38:04 170 000 exemplaires vendus,
38:06 mais cette fois-ci, vous y ajoutez 10 chapitres
38:09 où vous expliquez les conséquences de cette affaire,
38:12 autant dans la gouvernance que dans les finances.
38:14 -Le service RH d'Orpea
38:16 faisait appel, là encore,
38:17 à des sociétés d'intelligence économique
38:20 et plus précisément à des détectives privées
38:22 pour monter des dossiers sur certains salariés,
38:25 notamment les salariés syndiqués.
38:27 -Ce livre nous plonge dans un nid de vipère.
38:30 Espionnage, interception de vos informations,
38:32 contre-feu des communicants.
38:34 Vous racontez les pressions reçues du groupe Orpea
38:37 juste avant l'apparition de votre enquête.
38:40 A l'époque, ce coup d'éclat
38:44 sème d'ailleurs le trouble chez les politiques.
38:47 -Nous allons travailler sur les autorisations,
38:49 sur les sanctions, et nous allons travailler sur ce travail
38:52 dans 3 semaines. Vous serez informés
38:54 de ce que nous avons décidé.
38:56 -Mais certains vont encore plus loin.
38:58 70 députés signent une tribune dans le journal Le Monde.
39:01 Tous plaident pour une commission d'enquête,
39:04 mais la nouvelle dérangeait l'Elysée.
39:07 Ils ont donné l'impression de réagir, dites-vous,
39:10 mais ils ont tout fait pour mettre le sujet sous le tapis.
39:13 Le système Orpea est désormais entre les mains des juges.
39:16 L'onde de choc n'est donc toujours pas terminée.
39:19 Victor Castaner, vous êtes passionné
39:21 par cette sphère de la santé.
39:23 Alors, question, avez-vous le sentiment
39:25 d'être devenu un justicier dans ce domaine ?
39:27 Musique douce
39:29 -Réponse, Victor Castaner.
39:31 "Justicier", est-ce que c'est comme ça que vous vous voyez ?
39:34 -Non, j'aime pas ni le terme de "justicier"
39:37 ni le terme de "journaliste militant".
39:41 Moi, effectivement, j'ai 200 sources
39:43 qui ont participé à cette enquête,
39:45 et je me sens une responsabilité de porter leur voix
39:48 et surtout, si vous voulez, de mettre ce sujet
39:51 au coeur de l'actualité pour que les choses changent véritablement.
39:55 Parce que, si vous voulez, on peut ne pas être militant,
39:58 mais savoir que tout est question de rapports de force.
40:01 Pour que les politiques bougent,
40:03 pour maintenir ce sujet dans l'actualité médiatique,
40:06 c'est le seul moyen de les forcer à faire quelque chose.
40:09 -Les choses ont quand même bougé, au moins à Orpéa.
40:12 Les dirigeants ont été limogés.
40:14 La tête du groupe privé est aujourd'hui
40:17 sous le coup d'une enquête.
40:19 Il y a eu quand même, voilà, aujourd'hui même,
40:22 une reprise de contrôle par l'Etat, on va en parler.
40:25 Déjà, par rapport à la déflagration,
40:27 bien au-delà d'Orpéa,
40:28 il y a des établissements publics,
40:30 des établissements associatifs,
40:32 et beaucoup de témoignages.
40:34 Comment vous vivez-vous tout ça ?
40:36 Vous êtes fiers ? Ou c'est plus compliqué ?
40:38 -Non, c'est une fierté en tant que journaliste
40:41 et une source de satisfaction pour les sources,
40:43 les salariés, les familles qui ont participé à cette enquête
40:47 et qui ont pris des risques pour le faire,
40:49 et qui, dans les jours et les semaines précédents,
40:52 étaient tremblotants avant la publication de ce livre.
40:55 Elles avaient peur des représailles
40:57 qu'elles pouvaient subir et elles avaient peur
41:00 que ça ne se passe rien, comme parfois c'est le cas
41:02 quand on fait des enquêtes.
41:04 Quand elles voient l'impact que leurs témoignages
41:07 et les documents qu'elles ont apportés
41:09 ont pu produire sur la société française,
41:12 qu'il y a pu avoir ces prises de position politique,
41:15 ces suites judiciaires, ce suivi médiatique,
41:17 le fait que c'est libéré la parole,
41:19 c'est une fierté pour toutes les personnes
41:22 qui ont participé à cette enquête.
41:24 -Le système Orpéa, c'est fini ?
41:26 -Le système Orpéa, tel que je le décris dans le livre,
41:29 a pris des coups brutaux avec des politiques de rationnement,
41:32 sur l'alimentation, sur les produits de santé,
41:35 et surtout, c'est ce qu'il faut rappeler,
41:37 c'est un système de détournement d'argent public.
41:40 On enlevait des postes de soignants
41:42 qui avaient été financés par l'assurance maladie
41:45 et on enlevait une partie des budgets
41:47 qui étaient utilisés pour les produits de santé
41:50 et on les mettait dans les caisses du groupe.
41:52 C'est stoppé. Sur toutes les irrégularités
41:55 au niveau du droit du travail, les licenciements massifs
41:58 pour faute grave sans aucun motif,
42:00 les CDD abusifs, la discrimination syndicale,
42:02 tout ça a été stoppé.
42:04 -Et pourtant, les fournisseurs, ça m'a surpris,
42:07 Hartmann et Bastide,
42:08 sont conservés pour l'instant,
42:10 malgré la nouvelle direction d'Orpéa.
42:12 Ca me surprend, ça ou pas ?
42:14 -Ca me surprend. Le système a été stoppé,
42:16 c'était ce système-là qui entraînait les maltraitances,
42:19 et il y a encore énormément de sujets au sein de ce groupe.
42:23 Il y a le fait que les fournisseurs en produits de santé,
42:26 Bastide et Hartmann, ceux-là même,
42:28 qui ont participé au détournement d'argent public,
42:31 les prestataires en services informatiques
42:33 qui ont participé à des systèmes de surfacturation,
42:37 ceux-là restent encore, travaillent avec le groupe Orpéa.
42:40 Il y a aussi des quatre dirigeants
42:42 qui faisaient partie de l'ancienne direction
42:45 qui sont encore en poste.
42:46 Donc, il y a encore ces sujets, et puis, plus largement,
42:49 si vous voulez, ça ne s'améliorera pas
42:52 fondamentalement chez Orpéa,
42:54 mais dans les autres groupes, c'est pareil,
42:56 tant que ce secteur n'aura pas retrouvé,
43:00 si vous voulez, son attractivité
43:02 vis-à-vis des familles et des soyants.
43:05 C'est ça qui va changer.
43:06 -Ca, ça veut dire des embauches, des moyens.
43:09 C'est 9 milliards, le rapport LIBO,
43:11 9 milliards sur 5 ans,
43:13 ça fait pas loin de 50 milliards.
43:16 Et pour l'instant, on les voit pas venir.
43:19 La loi Grandage n'a pas été annoncée,
43:22 elle sera peut-être d'ailleurs encore reportée.
43:25 Vous croyez, vous, que malgré le choc...
43:28 Voilà. C'est quand même une déception immense.
43:32 -Moi, si vous voulez, un an après,
43:34 on peut se dire que la réponse gouvernementale
43:37 n'est pas à la hauteur.
43:38 Il y a eu des améliorations sur les contrôles,
43:41 des embauches d'inspecteurs d'ARS,
43:43 et un renforcement des contrôles.
43:45 Ca, c'est une bonne chose.
43:47 Ca va permettre, si vous voulez,
43:49 quand j'ai appris ça de la bouche
43:51 de Christophe Combe, qu'il y avait un contrôle
43:53 tous les 20 ans, je me suis dit "comment c'est possible ?"
43:57 On laissait perdurer des situations
43:59 pendant des décennies. -L'objectif
44:01 de contrôler tous les établissements
44:03 n'y est pas encore. -Il y a un changement,
44:05 une amélioration sur les contrôles,
44:08 mais c'est pas suffisant.
44:09 Mais le sujet de base, qui est en gros,
44:11 c'est le nombre de soignants.
44:13 Tant qu'il n'y aura pas une réponse politique,
44:16 il n'y aura pas de changement.
44:18 C'est un point important.
44:20 C'est un point d'approche.
44:21 Jean-Christophe Combe explique qu'en gros,
44:24 ça sert à rien de mettre plus de moyens
44:26 car le secteur n'est pas attractif,
44:28 donc on n'arrive pas à embaucher.
44:30 Les acteurs principaux de ce secteur
44:32 pensent l'inverse.
44:34 Ils pensent que si l'Etat... -Met les moyens.
44:36 -Met les moyens, revalorise les salaires,
44:39 et dit "on va financer maintenant
44:41 "huit soignants et animateurs pour dix résidents"...
44:44 -Les candidats surviendront. -Bien sûr.
44:46 Qui veut travailler dans ces conditions ?
44:49 -On a une question quand même
44:50 à la reprise de contrôle par l'Etat
44:53 via la banque de la Caisse des dépôts de l'Etat,
44:55 d'Orpea. C'est une forme de nationalisation, quasiment.
44:59 -Je ne sais pas comment dire ça,
45:01 si c'est une semi-nationalisation.
45:03 En tout cas, oui, il y a une prise de contrôle
45:05 par la Caisse des dépôts d'Orpea.
45:07 On ne peut jamais savoir, on ne peut jamais dire
45:10 "tout va changer" maintenant qu'il y a la Caisse des dépôts.
45:14 Ce qu'on peut dire, en revanche,
45:16 c'est qu'une des sources principales
45:18 de réelle rétablissement, c'est la pression financière.
45:21 Il y avait avant un certain nombre d'actionnaires
45:24 qui demandaient des niveaux de rentabilité
45:26 qui dépassaient parfois les taux de marge de 30 % avant loyer.
45:30 Ce qu'a dit la Caisse des dépôts,
45:32 c'est qu'elle allait baisser ces exigences de rentabilité
45:36 et demander plutôt de passer de 25,
45:38 c'était les derniers taux, à 20 %.
45:40 Ca veut dire quoi ? Ca veut dire qu'on baisse
45:43 la pression financière sur les EHPAD et les cliniques,
45:46 et que donc, il y aura à priori plus de soignants
45:48 et plus de produits de santé.
45:50 Ca peut être que mieux pour le secteur.
45:53 Je pense que si ça peut marquer, en gros,
45:55 la fin de l'ère des hyperprofits,
45:57 c'était un secteur où on traite
45:59 d'humains dépendants et vulnérables,
46:01 et où on faisait des hyperprofits.
46:03 Si on peut dire que ce secteur, c'est un secteur particulier,
46:07 et qu'il n'y aura plus des taux de marge aussi ahurissants,
46:10 ça peut enclencher un changement.
46:12 -Dites-nous un mot sur les pressions
46:14 que vous avez subies, hors PA ni d'espions.
46:17 On peut conclure, quand on lit ces chapitres supplémentaires,
46:20 vous avez eu des détectifs à vos trousses.
46:23 Ce n'est pas une, mais deux sociétés
46:25 d'intelligence économique missionnées
46:27 pour contenir l'impact du livre ?
46:29 -J'ai appris ça dans les mois précédents de l'enquête,
46:32 et j'ai eu de nouveaux éléments après publication.
46:35 Quand j'envoie mes questions à la direction générale d'hors PA,
46:39 j'envoie plus de 60 questions,
46:40 ils prennent conscience de l'ampleur de ce qui va arriver.
46:44 J'ai des éléments sur les fraudes à l'argent public.
46:47 Donc, ils prennent peur, et à ce moment-là,
46:49 il y a un certain nombre de sociétés d'intelligence économique
46:53 qui sont missionnées pour obtenir des informations sur moi,
46:56 sur le contenu du livre,
46:58 qu'ils vont essayer de se procurer,
47:00 et d'identifier mes sources.
47:02 Donc, c'est évidemment une source d'inquiétude
47:05 pour moi et pour la presse en général,
47:07 c'est-à-dire de quoi sont capables
47:09 certaines sociétés cotées en bourse
47:11 et comment on utilise les sociétés d'intelligence économique
47:15 qui font à la fois des choses régulières,
47:17 de la veille économique,
47:19 et qui, parfois, ont certaines pratiques
47:22 de surveillance, de filature, notamment sur des journalistes.
47:25 -Il nous reste peu de temps.
47:27 Vous parlez aussi des agences de communication,
47:30 Image 7, pour ne pas la nommer, Anne Méo, qui est le dément,
47:33 avoir commandé un sondage au Portain
47:35 qui parlait de la dépendance et du grand âge
47:38 au moment de l'apparition du livre.
47:40 On parle de sondages truqués avec des faux comptes Twitter,
47:43 dont on parle sur le plateau de Cyril Hanona.
47:46 L'Assemblée nationale,
47:47 certains députés ont fait pression sur Anne Hidal
47:50 pour qu'elle n'obtienne pas de commission d'enquête.
47:53 Ca aurait gêné le président de la République.
47:56 -C'est un sujet important,
47:57 c'est comment le calendrier politique et présidentiel
48:00 a dicté un certain nombre d'événements
48:03 liés à ce sujet, à cette enquête.
48:05 Effectivement, j'ai plusieurs témoignages,
48:07 et notamment celui d'Anne Hidal,
48:09 qui, peu après l'apparition du livre,
48:12 il y a 70 députés de tous bords politiques
48:14 qui décident de signer une tribune
48:16 pour demander une commission d'enquête parlementaire,
48:19 ce qui est le cas pour tous les scandales sanitaires.
48:22 Pourquoi ? Parce que les députés analysent
48:25 de fond en comble le fonctionnement d'Orpea
48:27 pour tirer des leçons, non pas judiciaires,
48:29 mais politiques sur ce qu'il faut faire
48:32 pour que ça n'arrive plus. -Avec les moyens de contraindre.
48:35 -C'est fondamental. Anne Hidal,
48:37 tous les courants politiques veulent signer,
48:40 sauf la Macronie. Donc, Anne Hidal,
48:41 députée LREM, décide de signer.
48:43 Effectivement, elle va être violemment prise à partie
48:46 par un certain nombre de ses collègues députés
48:49 de la majorité présidentielle, qui vont lui dire
48:52 qu'elle agit contre le président de la République,
48:55 qu'elle n'a rien à faire dans le parti.
48:57 Pourquoi il pense ça ?
48:58 C'est parce que pour un certain nombre de membres de la Macronie,
49:02 Emmanuel Macron n'a pas de bilan sur le sujet de la dépendance.
49:05 Il a plusieurs fois promis une loi grand âge,
49:08 en 2018, en 2020.
49:10 Il a sans cesse repoussé.
49:12 On peut imaginer que si elle avait été mise en place
49:15 quelques années plus tôt, un certain nombre de dérives
49:18 auraient pu être stoppées. -Excess de prudence,
49:21 les faussoyeurs.
49:22 C'est l'édition augmentée chez Fayard,
49:25 déjà 170 000 vendues, c'est ça ?
49:27 -Oui, 170 000. -C'est ce qu'on appelle
49:29 un véritable carton. Vous restez avec moi.
49:32 C'est l'heure d'accueillir nos affranchis
49:34 pour leur parti pris. On les accueille tout de suite,
49:38 comme ça. Elsa Mondingava, bien sûr,
49:40 pour le Bourbon Express, Fanny Guinochet,
49:42 pour l'économie, et Mario Stasi,
49:44 le président de la LICRA en personne,
49:46 maître Stasi, qui va nous parler du plan anti-racisme
49:49 d'Elisabeth Borne. On commence par Bourbon Express,
49:52 l'histoire du jour, à l'Assemblée d'Elsa Mondingava.
49:55 -Je vais vous raconter l'histoire d'un vote
49:58 qu'on peut qualifier d'historique.
50:00 Il s'est vraiment passé quelque chose.
50:02 C'était pas à l'Assemblée, c'était au Sénat, hier soir.
50:06 On le rappelle, le Sénat a une majorité de droite.
50:08 Les sénateurs ont adopté une proposition de loi
50:11 pour faire entrer l'interruption volontaire de grossesse
50:14 dans la Constitution, à 14 voix près,
50:16 quelques minutes avant la fin de la séance.
50:19 Ca fait écho à un autre vote, ici, à l'Assemblée nationale.
50:22 C'était en novembre dernier,
50:24 pour faire inscrire ce droit dans la Constitution.
50:27 -Sauf que les deux chambres n'ont pas adopté
50:29 exactement le même texte. -Non. Regardez à l'image.
50:32 L'Assemblée a adopté cette version.
50:34 "La loi garantit l'effectivité et l'égal accès
50:37 "au droit à l'interruption volontaire de grossesse."
50:40 Au Sénat, ça devient "la loi détermine les conditions
50:43 "dans lesquelles s'exerce la liberté de la femme
50:46 "de mettre fin à sa grossesse,
50:47 "un droit pour les députés, une liberté pour les sénateurs."
50:51 La version du Sénat est moins contraignante.
50:53 Elle a le mérite d'exister et d'avoir été adoptée
50:57 par des élus qu'on dit plus conservateurs.
51:00 A la manœuvre, il y avait un sénateur de droite,
51:03 Aliba, c'est lui qui a réécrit le texte de l'Assemblée.
51:05 Il a pesé chaque mot et il l'a dit, lui,
51:08 il pense pas que l'IVG soit vraiment menacé en France,
51:11 mais à la fin de sa prise de parole, il a admis cela.
51:14 -Je ne vois pas pourquoi nous nous priverions
51:17 de l'avantage d'avoir inscrit dans le marbre de la Constitution
51:20 une liberté qui est déjà reconnue
51:22 comme une liberté de rang constitutionnelle
51:25 par le Conseil constitutionnel,
51:27 et cela depuis plus de 20 ans,
51:29 d'ailleurs, à laquelle nous sommes tous profondément attachés.
51:33 -Philippe Bayle a travaillé au cabinet de Simone Veil.
51:36 Il ne voulait pas qu'on considère qu'il était opposé à l'avortement.
51:39 On se retrouve avec deux textes qui ont le même objectif,
51:43 mais pas les mêmes rédactions. -Qu'est-ce qui va se passer ?
51:46 Quel est l'avenir de cette loi ?
51:48 -Si les deux assemblées votent dans les mêmes termes
51:51 une proposition de loi, il faudrait qu'elle revienne à l'Assemblée,
51:54 cette proposition peut être soumise à référendum.
51:57 La présidente de la République veut prendre un décret,
52:00 mais ce n'est pas l'objectif de Mathilde Panot,
52:03 c'est elle qui avait défendu la proposition de loi.
52:06 Elle nous explique pourquoi un référendum, elle n'en veut pas.
52:09 -En cas de référendum, je suis persuadée
52:12 que nous gagnerions ce référendum.
52:14 9 Français sur 10 sont favorables à ce qu'on protège ce droit
52:17 dans notre norme suprême, mais cela libérerait
52:20 une parole anti-choix extrêmement forte
52:23 qui, je crois, serait très dommageable
52:25 pour les femmes et les petites filles de ce pays.
52:28 -Vous ne voulez pas de référendum, c'est un projet de loi
52:31 et un congrès, la réunion des députés et des sénateurs.
52:34 -Oui, et le vote du Sénat hier montre
52:36 que nous pourrions avoir facilement une majorité.
52:39 -Voilà, c'est l'autre solution,
52:41 c'est que le gouvernement fasse un texte de loi,
52:44 le fasse adopter par les 3/5 du Congrès.
52:46 Les élus des deux chambres ont envoyé un signal en ce sens,
52:49 maintenant, c'est au gouvernement de répondre.
52:52 -Simone Veil, sur cette inscription,
52:55 j'en suis sûre, merci beaucoup, Elsa.
52:57 Mario, on enchaîne avec vous.
52:58 Vous vouliez revenir sur ce plan qu'a annoncé la Première ministre
53:02 sur la lutte contre le racisme et l'antisémitisme ?
53:05 -Oui, Myriam, et je reviendrai plus particulièrement
53:08 sur une des 80 mesures, car nous avons pu pousser
53:11 une mesure juridique permettant d'envisager
53:13 une action efficace.
53:15 Oui, Myriam, ça y est, le temps de l'exception,
53:18 où l'on considère que le raciste n'est pas un délinquant
53:21 de droit commun, mais qu'il doit bénéficier
53:23 des protections procédurales particulières
53:26 réservées aux journalistes, ce temps touche à sa fin.
53:29 -La LICRA a pesé, mais on ne comprend pas très bien.
53:32 Il y a une loi contre le racisme, elle a même fêté ses 50 ans.
53:35 Elle n'est pas efficace ?
53:37 -Pas inefficace, Myriam, mais elle conserve une ambiguïté
53:40 liée au fait qu'elle fut inscrite en 72
53:42 dans la loi de 1881 sur la liberté de la presse,
53:45 comme l'avait été la précédente loi Marchando de 1939.
53:48 Le délit raciste ou antisémite a donc été pensé
53:51 dans le cadre d'une loi de liberté.
53:53 Appréhendée comme une opinion dont il faut étudier
53:56 les contours, les conditions d'énonciation,
53:59 les intentions des auteurs, afin de ne pas déroger
54:02 au régime de liberté d'expression prévaut dans notre démocratie.
54:05 -Il faut expliquer, pour vous,
54:07 il n'y a pas d'environnement juridique favorable
54:10 pour lutter contre le délit de racisme ?
54:13 -Les juges font preuve d'une extrême prudence.
54:16 Il ne faudrait pas avoir à redouter un procès
54:19 dès lors que l'on s'exprime sur un sujet fondamental
54:22 qui divise l'opinion, que ce soit la nation,
54:24 l'immigration, l'identité...
54:26 Mais, ma chère Myriam, vous allez me dire
54:28 que l'injure ou la diffamation... -Je vous écoute.
54:31 -L'injure ou la diffamation appartiennent
54:34 à un autre registre. Vous avez raison.
54:36 C'est toute la difficulté et l'ambiguïté des délits
54:39 dont la LICRA demande depuis des années
54:41 qu'il soit sorti de la loi de 1881 pour être versé
54:44 dans le droit commun. Il faut en finir.
54:46 Avec cette situation qui profite à des délinquants professionnels,
54:50 tels qu'Alain Soral, Hervé Ryssen ou encore Diodoné M'Bala M'Bala,
54:54 devenus experts pour échapper aux amendes
54:57 et aux peines d'emprisonnement.
54:58 -Vous avez obtenu gain de cause ?
55:00 Le plan a intégré la mesure portée par la LICRA ?
55:04 -Presque. Pas tout à fait encore, Myriam,
55:06 mais nous sommes sur la bonne voie.
55:08 Le plan du gouvernement veut permettre l'émission
55:11 d'un mandat d'arrêt en cas d'infraction grave
55:13 à caractère raciste ou antisémite.
55:15 L'arsenal de sanctions contre ce délinquant raciste
55:19 est potentiellement renforcé
55:21 et que le chemin entre lui, la police et la prison
55:24 est sur le point d'être considérablement raccourci.
55:27 -C'est pas fait encore ?
55:28 -Un plan demeure un plan.
55:30 Il ne fait qu'énoncer de grandes lignes directrices,
55:33 déclinées en mesure dont il appartient
55:35 aux responsables politiques,
55:37 autrement dit, au ministère de la Justice.
55:40 Il reste donc à inscrire dans la loi
55:42 cette proposition qui vise à lutter
55:44 contre le sentiment d'impunité.
55:46 Nous cheminons vers la fin de l'exception,
55:48 mais il reste des étapes importantes
55:50 pour que la loi soit amendée.
55:52 Et là, il faudra un véritable volontarisme politique.
55:57 Et la LICRA, soyons sûrs,
55:59 soutiendra sans ambages et avec toute son énergie
56:03 ces projets ou propositions.
56:05 -On l'a bien compris.
56:06 Et le message politique,
56:08 au législateur, il est bien passé ce soir.
56:10 Merci, Mario.
56:12 Fanny, on enchaîne.
56:13 330 000, c'est ça ?
56:16 330 000.
56:18 SDF, en France, c'est un chiffre dramatique,
56:20 et c'est celui du rapport de la Fondation Adepti.
56:23 -Oui, et c'est dramatique,
56:25 parce que c'est plus du double d'il y a dix ans.
56:27 Sachant que dans ce chiffre, il faut bien le préciser,
56:31 il y a les sans-abri, les gens qui n'ont pas du tout de toit,
56:34 et puis il y a les SDF, qui sont sans domicile fixe,
56:37 donc qui peuvent être dans des centres d'hébergement,
56:40 des hôtels de fortune,
56:41 et elles intègrent aussi, dans cette comptabilité,
56:44 les personnes qui sont dans des bidonvilles,
56:47 qui sont en modeur d'asile.
56:49 Mais on se souvient qu'Emmanuel Macron,
56:51 au début, à sa première campagne,
56:53 il avait dit que son objectif, c'était plus personne dans la rue.
56:57 On en est très loin.
56:58 En plus, la Fondation Abbé Pierre,
57:00 quand elle met les gens qui ont un toit,
57:02 mais qui ne correspondent pas au minimum,
57:05 qu'ils soient trop petits,
57:06 pas de cuisine, pas de chauffage, pas de toilettes,
57:09 on arrive à 4 millions de personnes en France mal logées.
57:12 -Quelle explication ?
57:14 -La hausse des coûts, des prix,
57:16 mais aussi les prix de l'immobilier,
57:18 qui ont appauvri les ménages,
57:19 qui n'arrivent pas à suivre les loyers insoutenables.
57:22 Ce qui est préoccupant, et c'est ce que montre le rapport,
57:26 c'est que les inégalités de logement,
57:28 une fois encore, elles sont genrées.
57:30 C'est-à-dire que les femmes l'empathisent beaucoup plus
57:33 parce qu'elles ont beaucoup plus de mal
57:36 à trouver un logement.
57:38 Elles sont moins bien payées,
57:40 elles ont plus de boulot, de job en temps partiel,
57:43 donc des contrats plus précaires,
57:45 et pour louer, c'est beaucoup plus difficile
57:48 d'avoir un logement stable.
57:50 En plus, quand elles partent du domicile parental
57:52 ou même familial, elles subissent plus le déclassement résidentiel.
57:56 La Fondation Abbé Pierre donne ce chiffre.
57:59 Dans 43 % des cas, c'est l'homme qui,
58:01 ayant des meilleures garanties de revenus ou de salaire,
58:04 garde le logement, c'est seulement un tiers des femmes.
58:07 On l'explique moins, mais les propriétaires du parc privé
58:10 louent plus facilement à un homme qu'à une femme.
58:13 -Quelles sont les solutions ?
58:15 -C'est hyper complexe.
58:16 Evidemment, il n'y a pas de solution magique.
58:19 On peut regretter que dans le débat politique,
58:21 le logement soit un peu le parent pauvre.
58:24 On n'en a pas beaucoup parlé pendant la dernière campagne.
58:27 -C'est très complexe et technique.
58:29 -Il y a beaucoup de logements vacants,
58:31 alors on peut se poser la question.
58:33 Aussi, les représentations, pourquoi on est propriétaire,
58:37 on aurait plus tendance à louer à un homme avec enfant divorcé
58:40 qu'à une femme divorcée avec ses enfants.
58:43 -En attendant, la Fondation Abbé Pierre
58:45 dit que c'est évidemment un échec.
58:48 Moi, je dirais même au-delà,
58:50 parce que quand on voit tous ces mal logés,
58:52 ce sont des femmes et des enfants,
58:54 c'est surtout une honte collective.
58:56 -Merci, partie prise, signée Fanny Guinochet.
58:59 Merci, les Affranchis.
59:01 A très vite. Merci, Elsa. On se retrouve demain ?
59:03 -Oui. -Avec plaisir.
59:05 Victor Castaner, grand merci d'être venu
59:07 sur le plateau de LCP, "Les Faussoyeurs",
59:10 édition augmentée de 10 chapitres inédits.
59:12 C'est à lire chez Fayard.
59:14 Très belle soirée sur LCP. On est en retard. Désolée.
59:17 *Musique*

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