Pesticides : "On ne peut pas continuer à jouer avec la vie des gens", estime Sandra Regol

  • l’année dernière
Carences dans l'homologation des pesticides, toxicité des produits sous-évaluée : 30 organisations et 23 députés déposent un recours au Conseil d’État. Sandra Regol, députée et vice-présidente du groupe écologiste-NUPES, est notre invitée. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-6h20/l-invite-de-6h20-du-jeudi-02-fevrier-2023-6013738

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00:00 Les 6h19, une trentaine de députés vont saisir aujourd'hui le Conseil d'État
00:03 aux côtés d'une trentaine d'organisations de défense de l'environnement.
00:06 Ils estiment que les pouvoirs publics n'évaluent pas suffisamment la toxicité des pesticides
00:11 dont l'usage est autorisé en France.
00:13 Bonjour Sandra Régol.
00:14 Bonjour.
00:15 Vous êtes l'une des requérantes, vous êtes députée et vice-présidente du groupe écologiste
00:18 à l'Assemblée.
00:19 Ça veut dire que les produits qui sont mis sur le marché en France, on ne sait pas ce
00:22 qu'il y a dedans ?
00:23 Ça veut dire qu'il y a une carence fautive de l'État qui ne s'assure pas avant de
00:28 se mettre sur le marché, qui est une non-toxicité prouvée de ces produits.
00:32 Et ce n'est pas un petit souci.
00:35 Vous savez, on se débat encore avec le scandale du chlordécone qui a altéré durablement
00:41 aux Antilles et à la santé des personnes et à la santé de la Terre.
00:45 On est en pleine sixième effondrement des espèces.
00:49 Je veux dire que la biodiversité est très abîmée.
00:51 Toute une partie de notre économie en dépend.
00:53 Et malgré tout ça, malgré le réchauffement climatique, malgré la prise de conscience,
00:59 c'est encore difficile de faire avancer sur ce sujet.
01:02 Mais aujourd'hui, qui fait les contrôles ?
01:03 Quand un industriel veut lancer un nouveau produit, c'est lui-même qui fait des études
01:08 et après il les présente à qui ?
01:09 Comment ça se passe ?
01:10 Alors il y a une présentation au niveau européen, mais là où il y a des lacunes, ce n'est
01:13 pas sur les produits eux-mêmes, c'est sur ce qu'on appelle les effets cocktails.
01:16 C'est-à-dire quand vous avez plusieurs substances entre elles, qu'est-ce que ça produit ?
01:20 Quand vous les épendez dans la nature, qu'est-ce que ça produit ?
01:23 Plusieurs molécules au sein du même produit, pas plusieurs pesticides.
01:26 Ça peut être les deux.
01:28 L'effet cocktail, c'est quand on met plusieurs molécules ensemble, voir ce qu'elles produisent,
01:33 et là-dessus, il y a peu de choses qui avancent.
01:35 Ça veut dire qu'aujourd'hui, on évalue la toxicité des molécules prises séparément,
01:41 les unes indépendamment des autres.
01:43 Et puis surtout, ce produit donne sa vie, j'ai envie de vous dire, pour simplifier très
01:47 grossièrement les choses, donne sa vie en bouteille.
01:49 Or, ce produit-là, il va être répandu partout.
01:51 Être en contact avec vous, être répandu à quelques centaines de mètres des maisons,
01:56 tout ça est très dangereux.
01:57 On ne peut pas continuer à jouer avec la santé des gens ainsi.
02:00 Qui définit ce qui est acceptable et ce que sont les normes aujourd'hui ?
02:03 Ce qu'il faudrait, c'est que les citoyennes et les citoyens puissent définir ce qui est
02:07 acceptable, d'autant qu'on sait qu'il y a des alternatives pour nombre de pesticides.
02:10 Le problème qu'on a, c'est qu'on a une agriculture qui a été rendue dépendante
02:14 de ces produits.
02:15 Et à chaque fois qu'on essaye d'en sortir, on a une partie des exploitants agricoles
02:19 qui disent non, une autre partie qui dit "mais regardez, nous on arrive à faire ça".
02:23 Et les citoyens au milieu qui sont un peu prisonniers, le devoir des pouvoirs publics,
02:28 c'est de protéger la population.
02:29 C'est pour ça qu'on est mobilisés.
02:31 Je vous repose la question, quand je vous demande qui définit, si est-ce que ça se
02:33 fait au niveau européen ou au niveau français ?
02:34 Qui dit dans tel produit, il ne doit pas y avoir plus de temps de molécule, etc.
02:39 Alors, il y a des normes européennes, mais les pays sont aussi libres d'agir et de faire
02:43 en sorte que ça avance.
02:44 C'est pour ça que vous attaquez l'État français ?
02:46 Tout à fait.
02:47 Il a une marge de manœuvre même si les normes sont européennes ?
02:49 Tout à fait.
02:50 Vous voyez, l'actualité parle dans mon sens.
02:53 C'est-à-dire que la tentative de réautorisation temporaire de glyphosate pour les betteraves,
03:00 je ne dis pas de bêtises, c'est pas du glyphosate, les néonicotinoïdes, vous voyez, le matin
03:06 j'ai un peu mal, il y a des fois à retrouver mes mots, a été retoquée au niveau européen
03:11 parce que non, ce n'est pas possible de les réintroduire maintenant.
03:14 Donc il y a un double jeu.
03:15 On a un devoir au niveau français, au niveau pays, et on a un devoir au niveau européen.
03:20 Il se trouve que chez les écologistes, on a toujours agi des deux côtés.
03:23 D'autant qu'il y a eu une décision de la Cour de justice de l'Union européenne
03:26 qui a dit que les tests qui étaient réclamés par les autorités sanitaires ne seraient
03:30 suffire à mener à bien cette vérification.
03:33 En gros, c'est pas suffisant, il faudrait des tests un peu plus complets, c'est ça ?
03:37 C'est ce qu'on demande depuis fort longtemps, des tests complets, un encadrement et surtout
03:41 un accompagnement des paysans pour qu'ils puissent sortir enfin des pesticides.
03:45 On aimerait dans l'idéal qu'en 2035 les pesticides soient une affaire ancienne et
03:51 qu'on ait encore des paysans qui puissent travailler sans ces produits, avec des alternatives
03:56 qui ont déjà été testées par des laboratoires.
03:58 Donc c'est possible, qu'est-ce qui manque pour le faire ? La volonté politique.
04:02 Mais là, dans l'immédiat, ce que vous demandez à l'État, c'est avec les pesticides qui
04:06 sont actuellement en vente, parce que j'ai bien compris que vous, vous n'en vouliez
04:08 plus de pesticides, mais pour le moment avec ceux qui sont en vente, c'est qu'on réévalue
04:12 tous ceux qui sont en vente en France à l'aune justement de ce problème de cocktail de molécules.
04:17 On demande juste d'anticiper sur les conséquences qu'il y aura à court, à moyen et à long
04:22 terme quand on les utilise.
04:23 Vous voyez, comme je le dis, ça paraît très simple et pourtant ça ne va pas de soi aujourd'hui.
04:28 C'est en soi un problème.
04:30 Avant de déposer ce recours, donc aujourd'hui devant le Conseil d'État, vous avez déjà
04:33 interpellé le gouvernement début octobre.
04:35 Est-ce qu'il vous a répondu depuis ?
04:36 C'est parce qu'il n'y a pas eu de réponse que justement maintenant la procédure passe
04:41 devant le Conseil d'État.
04:42 C'est une procédure classique, il y a un délai de quelques mois, deux mois de mémoire
04:46 entre les deux.
04:47 Et le problème, il est là aussi, c'est qu'on a un gouvernement qui fait la sourde oreille
04:52 sur ces questions, alors qu'il a déjà perdu plusieurs procès devant des juridictions
04:56 françaises, européennes, qu'il est mis à l'amende régulièrement par la Commission
05:01 également et pourtant on continue comme si de rien n'était à regarder ailleurs pendant
05:05 que la terre brûle.
05:06 Ça commence à être un peu grossier.
05:08 Mais cet effet cocktail que vous dénoncez, est-ce qu'il est documenté d'un point
05:11 de vue scientifique ?
05:12 Est-ce qu'il y a des études qui ont été menées pour prouver qu'il y avait des risques
05:15 liés à ce cocktail ou c'est juste une crainte que vous avez ?
05:17 Si on saisit comme ça avec les associations et avec un dossier solide, c'est justement
05:23 parce que tout ça est documenté.
05:24 Donc oui, on connaît tout ça depuis de nombreuses années.
05:27 Et est-ce qu'aujourd'hui il y a d'autres pays européens, est-ce que parmi nos voisins,
05:30 il y en a qui ont réévalué les pesticides justement pour évaluer davantage ce risque ?
05:35 Alors malheureusement, la pression des lobbies, dont c'est le métier de vendre ces pesticides,
05:39 est très forte.
05:40 Ça a été dénoncé aussi plusieurs fois au niveau européen, au niveau français.
05:44 À chaque fois qu'on tente d'en sortir, il y a toujours une petite échappatoire qui
05:48 est trouvée.
05:49 Il se trouve que pour faire face à ça, on se mobilise, entre citoyens, par des pétitions,
05:55 mais aussi au niveau parlementaire comme nous le faisons là.
05:58 Sandra Regol, une dernière chose sur un tout autre sujet.
06:01 J'aimerais quand même avoir votre sentiment à propos d'une actualité qui date d'hier.
06:04 Julien Bayou, accusé de violences psychologiques par une ex-compagne.
06:07 La cellule sur les violences sexuelles et sexistes de votre parti, LV, a pris la décision
06:12 de clore son enquête.
06:14 Elle explique qu'elle n'a pu mener à bien ses investigations car l'audition de la
06:18 plaignante n'a pas eu lieu.
06:19 Ça veut dire que cette fois l'affaire est close, on n'en parle plus ?
06:21 C'est l'équivalent d'un non-lieu, on va dire.
06:25 Ça ne satisfait personne, ni je suppose les plaignantes, ni la mise en cause.
06:31 Et je ne peux que le déplorer.
06:32 Julien Bayou, est-ce qu'il peut retrouver son poste de président des députés écologistes ?
06:36 A l'époque, vous étiez d'accord pour qu'il se mette en retrait.
06:39 Vous l'aviez dit que c'était nécessaire pour donner un signal aux femmes.
06:42 Oui, c'était nécessaire pour donner un signal, quelle que soit la réalité des faits
06:46 après.
06:47 Mais personne n'a obligé Julien Bayou à prendre cette décision.
06:52 C'est une décision qu'il a prise lui-même et en conscience.
06:56 Donc aujourd'hui, nous avançons comme ça.
06:58 Il est toujours député et il continuera à agir en conscience à l'avenir.
07:04 Et nous continuerons à prendre les mesures qui s'imposent.
07:06 Vous savez, c'est compliqué aujourd'hui pour des femmes de parler de ce qu'elles
07:10 subissent.
07:11 Donc nous, on a un devoir d'exemplarité, quels que soient les faits, de dire chez nous,
07:15 on prend en compte la parole des femmes et on la traite.
07:18 C'est pour ça que c'est très compliqué aujourd'hui d'arriver à cette espèce
07:22 de non-lieu par défaut de parution des deux parties.
07:27 Parce que quelque part, on n'a pas réussi à donner une réponse à ce qui s'est passé.
07:31 Et tout le monde y est quelque part un petit peu perdant.
07:34 Et aujourd'hui, qu'il puisse de nouveau parler au nom de votre parti, parce qu'il
07:38 était plutôt discret ces derniers temps, ça vous gêne ou pas ?
07:40 Alors, comme moi, Julien Bayou a fini son mandat en interne.
07:45 Nous ne cumulons pas les mandats internes externes chez nous.
07:47 Et donc nous parlons au nom du groupe écologiste NUPES, de l'Assemblée Nationale, ce qui
07:53 est fort intéressant, mais très différent.
07:54 Merci Sandra Rigolle, députée et vice-présidente du groupe écologiste à l'Assemblée.
07:59 Merci d'avoir été au micro de France Inter ce matin.

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