• l’année dernière
Des courses alimentaires livrées en un temps record, moins de 30 minutes en moyenne : c'est la promesse du « Quick commerce ».
Maud Gatel, députée Modem de Paris, travaille depuis plus d'un an sur les conséquences de ce nouveau mode de consommation basé sur la vitesse. Dans sa circonscription, comme partout dans la capitale, elle a vu s'implanter des « dark stores », d'où partent ces commandes express.
La députée va rencontrer des riverains excédés par les nuisances engendrées par ces entrepôts, des maires en colère contre des installations souvent illégales, et des livreurs soumis à de fortes pressions sur les cadences. Avec en ligne de mire une question : comment réguler ce secteur nouveau ?

C'est une partie essentielle du travail parlementaire qui est de nouveau mise en lumière à travers ce reportage où les journalistes de la rédaction suivent un député dans sa circonscription pour expliquer son travail sur le terrain. C'est aussi un voyage sur un territoire, avec ses enjeux locaux, et une rencontre avec ses habitants. Suivez votre député sur LCP !

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Transcription
00:00 C'est l'instantanéité, tout de suite.
00:11 Le fait qu'on livre rapidement ne vient pas du fait qu'on pousse nos livreurs à aller
00:15 vite, pas du tout.
00:16 C'est la course contre la montre.
00:19 Ils sont sur les trottoirs, ils conduisent partout, n'importe où.
00:22 Donc ici on est dans l'exemple du DarkStore, c'est installé dans une GoPro.
00:27 En utilisant les règlements, le flou des réglementations.
00:30 Il est temps de mettre en place des règles.
00:33 Maude Gattel, je suis députée de Paris, je suis élue des 6e et 14e arrondissements.
00:43 Je travaille depuis plusieurs mois désormais sur la question de la livraison de courses
00:48 alimentaires, de plats préparés, ce qu'on appelle le quick commerce, dans le cadre d'une
00:53 mission d'information de l'Assemblée Nationale.
00:55 C'est un phénomène qui s'est extrêmement développé depuis le dernier confinement,
00:59 dans les grandes métropoles et particulièrement à Paris.
01:03 Ils ont envahi la capitale avec leur cadence infernale.
01:08 Des coursiers à vélo ou à scooter qui vous livrent en un temps record tous les produits
01:12 du quotidien.
01:13 Ils travaillent pour Flink, Gettyr ou encore Frishti, de nouveaux commerces qui ont fait
01:18 de la vitesse leur promesse de vente.
01:21 Pour livrer plus vite que les autres, ces acteurs ont implanté un type de magasin inédit
01:26 un peu partout dans la capitale, des dark stores, en français, des magasins de longues.
01:31 En réalité, il s'agit d'entrepôts où sont stockés les marchandises et d'où vont partir
01:36 les commandes.
01:37 La députée va en visiter un, normalement inaccessible au public.
01:40 - Bonjour.
01:41 - Bonjour, je suis David.
01:43 Dans ce dark store, ce matin-là, deux préparateurs se pressent pour traiter les commandes.
01:49 Il leur faut trois minutes en moyenne, car tout est optimisé.
01:52 - Quand une commande arrive, il va y avoir un son sur l'outil du préparateur.
01:58 Il va prendre un chariot de préparation.
02:01 Et ensuite, on a tout un chemin qui est toujours le même, qui permet en fait au préparateur
02:06 de se suivre.
02:07 Une fois la commande préparée, elle part immédiatement en livraison, récupérée
02:12 par un coursier, un salarié de l'entreprise qui va la livrer à vélo ou à scooter.
02:17 - Est-ce qu'il y a une limite où vous vous dites, voilà, à partir de 20 kilos, je dis
02:22 n'importe quoi, on fait deux livraisons, mais pas une seule ?
02:24 - La limite, elle est calculée en nombre de contenants.
02:26 - D'accord.
02:27 - Parce qu'un vélo, avec les outils qu'on a aujourd'hui, donc on a deux sacoches sur
02:32 les côtés et une sacoche, enfin, et un top case derrière, on a mécaniquement...
02:36 - C'est limité.
02:37 - On est limité en nombre de contenants.
02:38 - D'accord.
02:39 - Donc c'est sale.
02:40 - Mais en nombre de contenants, pas en poids.
02:41 Donc là, pour stocker les vélos...
02:44 - Exactement.
02:45 - Voilà.
02:46 - Donc, on a un niveau de permanence, ils sont là, ils sont pas dehors.
02:48 - Et ça, c'est effectivement un point qui est très important pour nous.
02:50 Au démarrage du modèle, on avait des sujets avec le voisinage sur des livreurs qui patientaient
02:55 à l'extérieur ou des vélos qui étaient stockés à l'extérieur.
02:57 Sur l'ensemble des magasins, maintenant, la politique, c'est que les livreurs attendent
03:01 à l'intérieur.
03:02 Des vélos bien rangés et qui, ici, sont 100 % électriques, tout semble en ordre.
03:06 Pourtant, une subtilité n'a pas échappé à la députée.
03:10 D'autres véhicules stationnent dehors, ceux de livreurs Uber Eats.
03:14 Maude Gattel demande des explications.
03:16 - On est aussi partenaire de Carrefour.
03:19 On prépare des commandes pour le compte de Carrefour, pour le service Carrefour Sprint,
03:25 qui sont des magasins sur la plateforme Uber Eats.
03:27 - Ces livreurs Uber Eats sont encore sur des scooters thermiques qui polluent énormément.
03:31 Et puis, effectivement, attroupements, occupation de l'espace public, votre responsabilité,
03:36 d'une certaine manière, est quand même sous-jacente dans la mesure où c'est bien parce que vous
03:41 êtes ici qu'ils viennent chercher des commandes, qu'ils sont amenés à livrer.
03:45 Un sujet qui, dans l'esprit de la députée, est directement lié à un autre, la nature
03:51 de ces locaux.
03:52 - Est-ce que vous avez prévenu la direction de l'urbanisme de la ville de Paris de votre
03:58 installation ? Et fait la demande de changement de destination ? Parce que si c'était un
04:02 magasin aujourd'hui, c'est pas un magasin dans la mesure où il n'y a pas de gens qui
04:06 rentrent à l'intérieur.
04:07 Est-ce que vous avez fait des démarches auprès de la direction de l'urbanisme ?
04:10 - Nous, on défend que nous sommes des magasins parce que nous sommes un commerçant classique,
04:15 on a des produits en stock, on a des clients qui achètent via l'application externe, pour
04:19 un certain nombre de raisons.
04:20 Après, voilà, encore une fois, on reste à disposition pour échanger là-dessus et
04:27 pour trouver une solution.
04:28 - Moi, je considère qu'à partir du moment où il n'y a pas de public qui rentre, ce
04:35 sont effectivement des zones de stockage et pas des magasins.
04:40 Zone de stockage ou magasin ? Pour la députée, ce n'est pas la même chose et elle n'est
04:46 pas la seule à le penser.
04:48 Un peu plus à l'ouest de la capitale, elle va rencontrer un maire en colère.
04:52 - Monsieur le maire.
04:53 - Bonjour.
04:54 - Bonjour.
04:55 - Ça va ?
04:56 Geoffroy Boulard a vu ce dark store s'implanter en bas de cet immeuble d'habitation en se
05:02 présentant comme un commerce traditionnel.
05:04 - Ici, on est dans l'exemple du dark store.
05:08 C'est installé dans une co-pro en détournant, en utilisant les règlements, le flou des
05:16 réglementations.
05:17 - Ça doit lui valoir d'ailleurs des astreintes ?
05:19 - Assez peu, là.
05:21 Assez peu.
05:22 - D'accord.
05:23 Résultat, depuis plus d'un an, à l'unisson de ses habitants, Geoffroy Boulard ne décolère
05:28 pas, car tout n'est pas aussi rose que le déclare Flink.
05:31 Premier constat ici, les vélos stationnent sur la voie publique.
05:35 Et ce n'est pas le seul problème.
05:36 - Bonjour, madame.
05:37 - Bonjour.
05:38 - Vous venez parler.
05:39 - Vous êtes gênée par...
05:40 - Même les voisins qui habitent également le 2e, ceux qui habitent au 2e étage, sont
05:46 très, très dérangés par le bruit, par etc.
05:49 - Et donc, c'est quoi ? C'est le bruit ? Donc, les va-et-vient, les livreurs qui y attendent
05:56 ?
05:57 - Oui, absolument.
05:58 De toute façon, ils conduisent dans le sens inverse du...
06:02 - Oui, oui, enfin, oui.
06:03 - Ils sont sur les trottoirs, ils conduisent partout, n'importe où.
06:07 Enfin, c'est grave.
06:08 - On a une part de responsabilité aussi, nous consommateurs.
06:11 - Oui, c'est ça.
06:12 - Il y a aussi beaucoup de gens qui...
06:13 - Le mode de consommation, tout va...
06:14 - Ultra rapide.
06:15 - Livraison à domicile, tout ultra rapide.
06:18 - Bien sûr, bien sûr.
06:19 - Non, mais c'est vrai qu'aujourd'hui, en fait, il privilégie la centralité pour faire
06:24 en sorte d'être sur une livraison de 10 à 15 minutes, au dépend, en fait, du caractère
06:31 adapté ou non de l'environnement dans lequel il s'installe.
06:36 Pour éviter d'être de nouveaux prix de cours à l'avenir, le maire éclate donc de nouveaux
06:41 moyens.
06:42 - Le PLU, le plan local d'urbanisme, ça suffit pas.
06:45 C'est pour ça que j'avais dit au gouvernement, il faut aller plus loin, il faut donner un
06:49 permis d'installation.
06:50 C'est plus positif.
06:51 Et on donne ou on ne donne pas ?
06:52 - C'est ça.
06:53 C'est en amont.
06:54 - Voilà.
06:55 - C'est en amont et pas après.
06:56 - Je pense qu'il faut des gardes fous et il faut donner quand même de la liberté.
07:00 On n'est pas dire on va faire une ville zéro dark store.
07:03 C'est utopique aujourd'hui.
07:04 Aujourd'hui, c'est un nouveau mode de consommation.
07:06 Il faut le réguler et il faut le faire vite parce que sinon, on va être débordé.
07:09 Et c'est bon pour personne, en fait.
07:15 Ces problèmes, la députée les a rencontrés pour la 1re fois dans sa circonscription, alertée
07:21 par des riverains du 14e arrondissement.
07:24 Ils se sont organisés en collectif, excédés par les nuisances d'un dark store dans leur
07:29 rue auparavant très calme.
07:31 - On voit des livreurs sur les trottoirs.
07:33 - Ils font des voitures et ils mettent la musique dans les voitures.
07:36 Et voilà, ça fait en plus des conversations, du bruit.
07:42 - Ah oui.
07:43 Donc là...
07:44 - Et ça, c'était non-stop toute la journée.
07:45 - Et donc là, on a à la fois des livreurs flinques.
07:50 - Mais des salariés.
07:51 - Donc salariés et des livreurs Uber.
07:54 - Oui.
07:55 - Ah oui.
07:56 Ah oh !
07:57 Alors là, donc c'est un scooter qui roule à toute blinde sur le minuscule trottoir devant
08:04 le store.
08:05 Notre sujet, c'est est-ce que ça s'intègre bien dans le quartier ? La réponse, c'est
08:09 non.
08:10 - Il faudrait que ces boutiques soient dans des zones d'habitation et dans des sous-sols
08:13 adaptés, pas comme nous, à même la rue.
08:18 - Ils se croient tout permis tout le temps.
08:20 - Voilà.
08:21 Ils savent très bien qu'ils se sont installés sans respecter les règles.
08:22 Enfin, voilà, ils le savent.
08:23 Donc...
08:24 Pour la députée, si ces installations ont pu se faire, c'est que ces nouveaux acteurs
08:31 ont pris de court les pouvoirs publics et imposé une logique qu'il est grand temps d'inverser.
08:35 - En 1, c'est le périmètre de livraison.
08:40 En 2, c'est l'opérationnalité, l'exploitation.
08:44 Et en 3, c'est le voisinage.
08:46 J'ai dit, bah, en fait, le 3, il doit passer en 1, quoi, parce que c'est...
08:50 Voilà, c'est ça, le sujet.
08:51 Il est temps de mettre en place des règles, des conventions collectives, des règles par
08:57 rapport au commerce, d'éviter les distorsions de concurrence, etc.
09:02 Sauf qu'en attendant, c'est un peu l'anarchie.
09:05 A quelques mètres de là, les Rivra emmènent la députée devant le magasin qui hante leurs
09:11 jours et leurs nuits.
09:12 - À l'intérieur, je crois qu'ils n'ont pas de réseau pour téléphoner.
09:16 Donc, tous les coups de fil perso, ça se fait ici.
09:20 En plein hiver, il y en a moins.
09:23 Mais l'été, c'est insupportable.
09:25 Il y a un petit salon qui est installé et ça crie.
09:31 - Une jeune personne qui habitait donc...
09:33 - Là où c'est fermé.
09:34 - Oui.
09:35 - A déménager.
09:36 Elle n'arrive plus à dormir.
09:39 - Des scooters qui rodent, qui ont leur tuyau d'échappement traficoté, c'est insupportable.
09:44 Il n'y a rien qui les freine.
09:46 - Mais ça, c'est vrai que les pauvres, ils travaillent dans des conditions...
09:49 - Ah oui ? - ...inélucibles.
09:50 - Bah oui, je les plains aussi, parce qu'ils sont sur leur vélo à porter des litres et
09:54 litres d'eau, à se casser le dos, mais voilà.
09:57 Les conditions de travail des livreurs, c'est un autre sujet qui interpelle la députée.
10:03 - Bonjour.
10:06 Pour savoir ce qui se cache derrière cette course à la vitesse, Maude Gatel va écouter
10:10 le témoignage de coursiers dans ce local syndical.
10:13 - Est-ce que vous pouvez me parler un peu de vos conditions de travail ?
10:16 Est-ce que les gens peuvent vous demander de livrer 20 kg, 25 kg ?
10:21 - Plus, même.
10:22 Tu peux avoir une commande là où il y a deux parcs d'eau avec d'autres aliments qui accompagnent.
10:26 Et si tu dis rien, le magasinier, il va te faire livrer tout ça, quoi.
10:30 Vu que t'as un sac, tu peux le porter.
10:33 Il va te dire "vas-y, t'as un sac, tu peux le porter, vas-y, tu peux", tu vois.
10:36 - Au début, c'était "prenez 20 ans, prenez 20 ans", mais après, c'était la course contre la montre.
10:41 Et du coup, il y a ça qui a été dangereux, parce qu'on est tombés beaucoup de fois,
10:48 quand même, sur la route.
10:49 - La formation sur la sécurité routière, c'était quoi ?
10:52 Ca consistait en quoi ?
10:53 - Ah, la formation, c'était juste en mode on arrive, on sait parler français,
11:00 on sait conduire un vélo.
11:01 En fait, c'était juste on doit faire quoi ?
11:03 On doit faire une allée en vélo et revenir.
11:05 C'était juste ça, la formation pour les vélos.
11:08 Derrière ces conditions de travail se cache aussi un modèle à 2 vitesses.
11:13 Si les livreurs des dark stores sont salariés,
11:15 les coursiers uberites sont des auto-entrepreneurs sans couverture sociale.
11:19 Comme Amidou, ils sont aussi la plupart du temps sans papier.
11:23 - Sur quoi vous vous battez aujourd'hui ?
11:25 - Essayer de pouvoir travailler normalement, essayer d'être régularisé,
11:28 pouvoir rouler et pouvoir nous occuper de nos différentes familles, tu vois.
11:32 Et moi, je suis arrivé chez Uber en 2019. - D'accord.
11:36 - Et avec la location des comptes.
11:39 Une location de compte, car pour pouvoir travailler,
11:42 Amidou, comme beaucoup de livreurs sans papier,
11:45 sous-loue le compte Uber d'une autre personne.
11:49 - Vous l'avez payé combien, ce compte ?
11:51 - C'était 100 euros par semaine.
11:53 - 100 euros par semaine, d'accord.
11:54 Vous savez un peu le profil des gens qui louent leur compte ?
11:57 - Non, pas vraiment.
11:59 - Parce que c'est... Enfin, c'est... Pardon, hein, mais c'est dégueulasse aussi.
12:03 - Les plus gros exploiteurs, par exemple, à l'expression,
12:05 parce qu'ils sont parfaitement au courant du système,
12:07 ça reste les plateformes.
12:10 Des plateformes qui se sont massivement séparées de livreurs ces derniers mois.
12:14 Moussa estime avoir été licencié abusivement par Getir.
12:18 Pour Amidou, les choses ont été encore plus simples.
12:22 Il y a quelques mois, il a vu son compte Uber suspendu
12:25 du jour au lendemain par l'application.
12:28 - La première des mesures, c'est quand même la déconnection massive et on oublie...
12:32 - Donc pourquoi ils ont fait ça, à votre avis ?
12:34 - Pendant le Covid, ils avaient vraiment besoin des livreurs, c'était vital.
12:38 Il fallait des gens pour aller livrer aux gens qui étaient bloqués chez eux à la maison.
12:42 Tout ça, et...
12:44 Du coup, là, je trouve qu'ils se sont servis de nous,
12:48 et là, ils en ont plus besoin, ils s'en débarrassent, quoi.
12:51 - Vous avez des droits, vous avez des droits, donc il faut les faire respecter.
12:54 Voilà. Il y a des tas de gens qui se sont battus pour.
12:57 Et les nouveaux droits, on va se battre pour. C'est vraiment important.
13:01 Des nouveaux droits et des nouveaux devoirs
13:05 que Maud Gatel compte écrire rapidement dans une loi,
13:08 consciente que pour le législateur aussi se joue une course de vitesse.
13:13 [Musique]

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