L'invité des Matins de France Culture.
Comprendre le monde c'est déjà le transformer(07h40 - 08h00 - 26 Janvier 2023)
Retrouvez tous les invités de Guillaume Erner sur www.franceculture.fr
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00:00 En début de semaine, le tout jeune gouvernement burkinabé a exigé le départ de l'armée
00:04 française, cette dernière un mois pour quitter un territoire où la Russie continue de gagner
00:09 en influence.
00:10 Dans quelle mesure le pays de Vladimir Poutine attisse-t-il le sentiment anti-français ? De
00:16 quoi ce ressentiment se nourrit-il ? La défiance envers la France va-t-elle continuer de se
00:21 répandre comme une traînée de poudre dans la région ? Pour en parler, nous sommes
00:25 en compagnie de Christophe Boisbouvier.
00:27 Bonjour.
00:28 Oui, bonjour.
00:29 Vous êtes le directeur adjoint de RFI, vous êtes chargé de l'actualité africaine et
00:32 on vous doit notamment Hollande L'Africain aux éditions La Découverte.
00:36 Ahmed Newton Barry, bonjour.
00:38 Bonjour.
00:39 Vous êtes journaliste, vous êtes ancien président de la commission électorale du
00:43 Burkina pour les élections législatives et présidentielles de 2020.
00:47 Peut-être tout d'abord quelques mots, Ahmed Newton Barry, sur la situation actuelle du
00:52 Burkina Faso.
00:53 Bon, disons que le Burkina Faso est à la croisée des chemins.
00:59 Après avoir, pendant peut-être une soixantaine d'années, été un peu précurseur dans pas
01:05 mal de choses.
01:06 En 1960, quand on accède à l'indépendance, c'est l'un des premiers pays évidemment
01:12 à dire non à la présence de troupes étrangères sur son sol.
01:17 Ensuite, nous avons expérimenté, contrairement aux autres pays, un multipartisme.
01:23 On n'a jamais pu s'installer dans notre pays, ce qu'on a pu appeler ailleurs le
01:28 parti unique.
01:29 On a aussi dans les années 80 expérimenté ce qui reste encore aujourd'hui comme une
01:34 sorte de référence, la révolution vraiment de Thomas Sankara avec la volonté d'une
01:43 indépendance et d'une autonomie, une gestion tout à fait rigoureuse des affaires de l'État
01:51 qui a permis qu'en quatre ans par exemple, avant même que nous allions aux ajustements,
01:56 nous puissions être un des modèles où nous avons pu faire des croissances de 7 à 8
02:03 pour cent dans un environnement qui était relativement en crise dans les années 80.
02:07 Puis il y a eu la période de Blaise Compaoré au début chahuté mais après qui a installé
02:13 dans le pays une sorte de stabilité politique pendant près de 20 ans qui avait fait du
02:20 Burkina Faso dans un océan d'instabilité en Afrique de l'Ouest, une sorte de modèle.
02:26 Puis il y a eu l'insurrection de 2014 qui s'est révélée comme une sorte d'appel
02:33 à la démocratie, à la liberté et qui a installé le Burkina Faso dans un pays de
02:38 modèle.
02:39 Donc pendant longtemps nous avons été pour ainsi dire une sorte de modèle.
02:44 Aujourd'hui nous sommes plutôt un pays à la remorque.
02:46 Évidemment avec des jeunes qui sont arrivés, des militaires certainement les moins compétents
02:52 de l'histoire que nous avons eue jusqu'à présent qui ont installé le pays à la
02:56 remorque d'un autre qui est celui du Mali et ont engagé notre pays dans une voie qui
03:04 pour l'instant au regard de l'environnement, parce qu'il faut savoir quand même que
03:09 l'état est presque par terre, la société complètement déchirée aujourd'hui en raison
03:14 du terrorisme et des crises intercommunautaires.
03:18 Déchirée, quelles sont les différentes fractures au sein du Burkina Faso Ahmed Newton Barry ?
03:24 Aujourd'hui évidemment le terrorisme a gangréné la société de telle sorte que les communautés
03:30 elles-mêmes s'opposent.
03:32 C'est comme un effet domino en fait.
03:34 On est rentré par une porte, le terrorisme est rentré par une porte et donc a essayé
03:40 d'activer à l'intérieur tous les petits différends qui existaient entre les communautés
03:46 et comme les gouvernements successifs n'ont pas été suffisamment responsables pour créer
03:51 évidemment du lien social, les choses se sont délitées au début.
03:56 On a pensé que ça allait s'arrêter évidemment à la question communautaire.
04:01 Aujourd'hui c'est l'état qui est par terre.
04:04 Qui sont les terroristes ?
04:05 Évidemment c'est la nebuleuse Al-Qaïda qui est descendue du Mali à travers évidemment
04:14 un certain nombre de succursales notamment celle d'Ahmadou Koufa qui a eu aussi ses
04:19 lieutenants au Burkina Faso à travers un saroul islam de Mme Dicot.
04:25 Mais vous avez aussi une entrée par le côté du Niger de l'état islamique au Grand Sahara
04:33 qui fait aujourd'hui son nid et c'est d'ailleurs l'aspect le plus inquiétant contrairement
04:37 à ce que les gens disent.
04:38 Aujourd'hui le fait que l'état islamique dans la bande des trois frontières ait atteint
04:46 aujourd'hui un niveau extrêmement dangereux dans deux pays parce que les pays les plus
04:53 fragiles de la sous-région sahélienne c'est le Burkina mais c'est aussi le Mali contrairement
04:58 à ce que l'on peut dire.
04:59 Et justement lorsque l'on évoque donc des succursales d'Al-Qaïda est-ce qu'il est
05:06 possible de savoir qui sont ces terroristes, ces hommes qui rejoignent ces succursales
05:13 d'Al-Qaïda ? Est-ce que leur motivation est religieuse ? Est-ce qu'on a affaire
05:18 à des choses qui sont plus imbriquées avec les pègres locales par exemple ?
05:23 Plus ce type de crise dure évidemment se greffent d'autres choses parfois crapuleuses.
05:30 Mais ce qui est constant c'est qu'il y a sur le Burkina Faso, la structure terroriste
05:39 la plus répandue c'est le groupe GESIM, le groupe pour le salut de l'islam et des
05:52 musulmans, un truc comme ça je vois le sigle mais je ne me rappelle plus de comment on
05:58 le désarticule.
05:59 Donc c'est le plus important mais qui est lié comme vous savez à Gali, au Mali et
06:06 Al-Qaïda.
06:07 Et vous avez de l'autre côté l'état islamique qui pour l'instant reste dans la partie
06:12 nord mais dans la partie de trois frontières.
06:17 Mais comme vous le savez aussi plus ils descendent plus ils recrutent dans les populations locales.
06:23 Ce qui fait que depuis deux à trois ans c'est dans la communauté Peul, qui est la communauté
06:29 la plus répandue dans cette partie là, que les recrutements se font le plus.
06:35 Avec évidemment jusqu'à présent en ce qui concerne ce qu'on a pu entendre, ce qui
06:44 est recherché évidemment et où ce qui est poursuivi c'est l'islamisation du pays, c'est
06:50 la volonté d'installer donc une société beaucoup plus islamisée et un état non démocratique,
06:57 en tout cas qui n'est pas fondé sur les principes de la démocratie mais qui est fondé sur
07:01 les principes de l'islam.
07:02 Christophe Boisbouvier, vous qui êtes directeur adjoint de RFI, il y a donc une force militaire
07:10 française au Burkina Faso, la force Saba.
07:14 Quelles étaient ces missions ? Pourquoi y a-t-il une présence française dans ce pays ?
07:19 Alors le Burkina c'est un carrefour en fait, c'est un carrefour entre plusieurs pays notamment
07:25 au nord le Mali et le Niger et en fait la force Saba qui s'est installée il y a quelques
07:33 années à Ouagadougou, c'est donc les forces spéciales, ce sont des forces commando dont
07:39 la mission n'était pas que sur le Burkina.
07:42 J'ai même envie de vous dire que paradoxalement les forces Saba intervenaient plus dans les
07:47 pays voisins du Burkina qu'au Burkina lui-même.
07:50 Pourquoi ? Parce que comme l'a rappelé Amede Newton, il y a une tradition de fierté nationaliste
07:57 au Burkina qui date évidemment des années Thomas Sankara, des années 80, qui fait que
08:03 l'intervention des forces françaises sur le terrain Burkina Bé n'a jamais été bien
08:07 acceptée au Burkina Faso et que ce n'est que très ponctuellement que les forces françaises
08:13 ont soutenu ces dernières années les forces Burkina Bé dans les combats au nord.
08:18 Donc les forces Saba stationnées à Ouagadougou dans un camp de la périphérie de Ouagadougou
08:24 qui s'appelle Camp Boisin sont plus intervenues au Mali et au Niger et c'est par exemple ces
08:31 forces Sabre qui ont opéré cette opération commando pour éliminer physiquement le grand
08:40 émir d'Al-Qaïda au Maghreb islamique Abdelmalek Drogdel.
08:44 Nous sommes en juin 2020 à la frontière Algérie-Mali.
08:48 Donc vous voyez on est bien au nord du Burkina Faso.
08:50 C'est la même force Sabre avec une même force commando.
08:53 Vous avez des drones, vous avez des hélicoptères qui est intervenu en 2021 pour éliminer
09:01 physiquement le chef de l'époque du groupe Etat islamique au Grand Sahara, Abu Wali al-Sarawi.
09:08 Et à la limite depuis que le Mali l'année dernière a expulsé les français du Mali,
09:21 c'est-à-dire les français de Barkhane et depuis que désormais les soldats français
09:25 n'ont plus le droit de pénétrer sur le territoire malien, la force Sabre basée à
09:29 Ouagadougou a été de moins en moins utile.
09:33 Donc on peut dire que sur un plan opérationnel, sur un plan d'efficacité, le départ de
09:40 la force Sabre de Ouagadougou ne change pas fondamentalement les choses.
09:44 Comment était-elle perçue cette force Sabre au Burkina Faso, Ahmed Newton, Bari, sachant
09:51 donc qu'elle n'avait pas vocation à intervenir dans la situation intérieure du pays lorsque
09:57 le président Kompaoré a été renversé par un putsch en octobre 2014 ? Elle n'a pas
10:02 aidé à son évacuation du pays ?
10:04 Si, je pense qu'elle fait partie, du moins c'est ce que l'on soupçonne.
10:09 En fait, nous on ne parle pas de putsch, en 2014 c'est une insurrection populaire qui
10:14 a chassé le président Bleiz Kompaoré en octobre 2014.
10:19 Mais je pense que c'est, je parle sous le contrôle de Boavouye, je crois que c'est
10:25 l'une des forces qui a contribué à exfiltrer Bleiz Kompaoré sur Yamsoukro, immédiatement
10:33 après l'insurrection.
10:34 Comment elle était perçue ? En fait, à la vérité, comme disait Boavouye, Sabre n'était
10:39 pas paramétré pour intervenir au Burkina Faso.
10:42 C'était un dispositif complémentaire à Barkhane et qui donc, par rapport à la position
10:47 géographique du pays, lui permettait d'opérer plus facilement.
10:51 Il faut imaginer que c'est un contingent de commandos.
10:57 Donc à la vérité, la position idéale du Burkina Faso leur permet de se déployer dans
11:04 le Sahel à des distances pas trop longues.
11:08 Ce qui est très commode évidemment pour ce type de force là.
11:12 Mais fondamentalement au Burkina Faso, elle n'est pratiquement pas intervenue.
11:16 En dehors de 2018, lorsqu'il y a eu l'attaque terroriste contre l'ambassade de France et
11:24 contre l'état-major burkinabé, c'est sur Ouagadougou.
11:30 Ce qui fait aussi qu'elle n'a pas souvent été utilisée par les autorités burkinabés.
11:36 Comme vous savez, les autorités burkinabés, depuis Rochmar Christian Kabore, n'ont jamais
11:42 voulu utiliser cette force là.
11:44 Ponctuellement évidemment.
11:46 Mais la plupart des interventions sont venues du Niger.
11:49 Comme par exemple à Burzanga l'année dernière, en novembre, il y a eu une grosse attaque
11:54 et puis il y a eu une intervention militaire française qui a été très remarquée d'ailleurs
11:58 puisqu'elle a aidé à desserrer l'étau contre le détachement de Burzanga.
12:02 Pourquoi lui demander aujourd'hui de quitter le pays ?
12:05 En fait, ça rentre dans l'ambiance générale.
12:08 À mon avis, il y a deux choses.
12:10 C'est-à-dire qu'il faut remarquer la prise de pouvoir du capitaine Traoré s'est faite
12:16 un peu dans l'hostilité à la France.
12:18 C'était une alibi évidemment qui a permis de coaliser une société civile relativement
12:26 déjà surchauffée depuis quelques temps contre la France et qui est d'inspiration,
12:32 je veux dire en tout cas qui est un miroir avec ce qui se passe au Mali.
12:37 Et donc à partir de cet instant-là où ça débutait, ça ne s'est plus arrêté à
12:45 la vérité.
12:46 Donc le capitaine poursuit dans une dynamique qui a été le fondement même de son avènement
12:52 au pouvoir.
12:53 Nous avons une hostilité évidemment à la France, une hostilité aux forces spéciales
12:57 puisque le gros mensonge de départ était que Damiba, celui qu'il voulait renverser,
13:04 il était réfugié au camp de Kambouensin, au camp sabre de Kambouensin et qu'à partir
13:09 de là-bas il devait reconquérir le pouvoir.
13:11 - Christophe Boisbouvier.
13:13 - Oui c'est comme à Bamako au Mali, voisin, vous avez des putschistes en manque de légitimité
13:20 puisqu'évidemment ils ont renversé un gouvernement démocratique.
13:23 Il ne faut jamais oublier que Damiba prend le pouvoir en janvier 2022 en renversant
13:30 un président Rochemark Christian Caboret, nous sommes à Ouagadougou, qui a été démocratiquement
13:36 élu.
13:37 Vous avez des vraies élections démocratiques et transparentes au Burkina Faso jusqu'à
13:41 2020 et c'est remarquable.
13:44 C'est un des rares pays où vraiment les élections ne sont pas contestées par l'opposition.
13:47 Il faut donc légitimer son putsch pour le colonel Goïta à Bamako comme pour aujourd'hui
13:54 le capitaine Traoré à Ouagadougou et pour le légitimer on joue sur le sentiment anti-français
14:00 d'une partie de la jeunesse pour y trouver une source de légitimité.
14:03 - Et ce sentiment anti-français, il est aussi alimenté et attisé par une propagande anti-France
14:14 issue de la Russie et notamment du groupe Wagner.
14:19 On écoute un extrait d'un petit film qui est aujourd'hui diffusé sur les réseaux
14:25 sociaux, une vidéo de propagande signée Wagner.
14:29 - La France va de nouveau reconquérir l'Afrique.
14:36 - Nous sommes les démons de Macron, maintenant c'est notre pays.
14:45 - Ils sont nombreux, je n'ai plus de munitions.
14:53 - As-tu besoin de renfort mon ami ?
15:00 - Bon travail, on vous en apportera encore plus d'armes.
15:09 - Merci mes amis, Jeanne t'a juste dit que la Côte d'Ivoire a besoin d'aide aussi.
15:17 - Non, non, non, la Côte d'Ivoire appartient à la France.
15:24 - Abat l'impérialisme, abat la France.
15:34 Un extrait d'une vidéo signée Wagner, c'est un dessin animé que l'on trouve très facilement
15:40 sur les réseaux sociaux.
15:42 Un commentaire à M.
15:43 Newton-Barry.
15:44 - On est dans la logique qui est en cours depuis quelques temps, une volonté du gouvernement
15:54 russe de revenir sur le terrain sahélien.
15:56 Lorsque vous écoutez ce petit film de propagande, le pays qui est considéré comme la prochaine
16:07 proie c'est la Côte d'Ivoire, mais nous on pense aussi que c'est le Niger.
16:11 Parce qu'aujourd'hui, du point de vue de la lutte contre le terrorisme, l'un des rares
16:18 pays qui a quelques résultats relativement probants dans le cadre de la lutte contre
16:25 le terrorisme c'est le Niger.
16:27 Un pays très vaste, je pense 10 fois plus grand que le Burkina Faso par exemple, qui
16:36 est confronté à plusieurs types de terrorisme, parce que contrairement au Burkina Faso où
16:42 nous avons l'EGCIM, au Niger vous avez l'EGCIM, l'EIGS et vous avez aussi beaucoup d'arabs
16:53 dans des frontières relativement plus grandes.
16:55 Et qui arrivent quand même malgré tout à contenir la menace terroriste.
17:01 Aujourd'hui, la visée des Russes, c'est la déstabilisation de l'ensemble du Sahel
17:09 des régimes démocratiquement élus, c'est l'un des derniers.
17:12 Et puis la Côte d'Ivoire qui est évidemment une des grosses prises éventuellement si
17:17 cela se produisait.
17:18 Ahmed Newton-Barry, journaliste, ancien président de la commission électorale du Burkina pour
17:24 les élections législatives et présidentielles de 2020.
17:27 Christophe Boisbouvier, directeur adjoint de RFI, auteur d'Hollande, L'Africain, aux
17:32 éditions La Découverte.
17:33 On se retrouve dans une vingtaine de minutes pour évoquer cette disgrâce qui touche
17:38 la France en Centrafrique, au Mali et bien sûr au Burkina Faso.
17:42 Il est 8h sur France Culture.
17:43 Le départ des troupes françaises du Burkina Faso marque-t-elle un tourneur dans les relations
17:54 entre la France et l'Afrique de l'Ouest ?
17:56 Nous sommes en compagnie d'Ahmed Newton-Barry, journaliste, ancien président de la commission
18:00 électorale du Burkina pour les élections législatives et présidentielles de 2020.
18:05 Christophe Boisbouvier, directeur adjoint de RFI, chargé de l'actualité africaine.
18:10 On vous doit notamment Hollande, L'Africain aux éditions La Découverte.
18:14 Christophe Boisbouvier, cette disgrâce française était-elle prévisible ?
18:19 On a évoqué il y a quelques instants avec vous deux la situation de l'Afrique, avec
18:25 la montée en puissance de la Russie, avec la volonté de certains gouvernements africains
18:31 de voir partir la France.
18:33 Tout cela était un échec annoncé ou bien les derniers épisodes en date étaient-ils
18:39 imprévisibles ?
18:40 La disgrâce française est liée quand même à un fait majeur qui est que les Français
18:47 n'ont pas réussi à repousser les djihadistes.
18:49 Serval, Barkhane, ce sont de belles opérations militaires, notamment Serval au tout début
18:55 quand les militaires français ont reconquis le nord du Mali.
19:00 Mais au terme de tout cela, les Français n'ont pas gagné la guerre.
19:04 Ils ne l'ont pas perdue, ils ne l'ont pas gagnée.
19:06 C'est vrai que de ce point de vue, le grand prestige que l'armée française avait en
19:12 Afrique centrale, en Afrique de l'Ouest depuis toujours, depuis cent ans, il en a pris un
19:17 coup.
19:18 Parce qu'en effet, si vous avez en face des djihadistes qui en jouant, comme le disait
19:22 tout à l'heure Ahmed Newton Barry, sur les conflits intercommunautaires arrivent quand
19:27 même à avancer, les Africains s'interrogent et se demandent si vraiment ces 5 000 hommes
19:33 de Barkhane, c'est efficace pour résoudre le problème.
19:37 Après, vous avez si vous voulez, parce que peut-être qu'on va entendre je crois une
19:42 intervention.
19:43 Absolument, l'intervention d'Emmanuel Macron, mais je vous laisse poursuivre.
19:47 Christophe Boivier, ou alors on l'écoute tout de suite.
19:50 Voilà, je vous propose effectivement d'entendre un extrait du discours qu'Emmanuel Macron
19:54 a prononcé à Ouagadougou, c'était en novembre 2017.
19:58 Je ne vais pas venir ici vous dire que nous allons faire un grand discours pour ouvrir
20:04 une nouvelle page de la relation entre la France et l'Afrique.
20:10 Ou je ne suis pas venu ici vous dire quelle est la politique africaine de la France comme
20:15 d'aucuns le prétendent.
20:17 Parce qu'il n'y a plus de politique africaine de la France.
20:21 Il y a une politique que nous pouvons conduire, il y a des amis, il y a des gens avec qui
20:27 on est d'accord, d'autres non.
20:28 Mais il y a surtout un continent que nous devons regarder en face.
20:34 Alors il n'est jamais aisé, compte tenu de notre histoire partagée, pour un président
20:39 français de venir parler comme cela de l'Afrique.
20:42 Et je n'aurai pas la prétention ici d'exprimer la complexité et la diversité d'un continent
20:48 de 54 pays.
20:50 D'abord parce que ça a quelque chose de terriblement arrogant d'essayer d'expliquer
20:54 qu'en quelque sorte il y aurait une unité absolue, une homogénéité complète.
21:00 54 pays avec autant d'histoire, avec plus encore d'ethnies et de langues, avec des
21:06 relations qui ne sont pas les mêmes à l'égard de la France et un passé des traumatismes
21:11 bien souvent différents.
21:12 Néanmoins, si je ne veux pas m'improviser historien, je veux m'exprimer ici au pays
21:19 des hommes intègres parce que je sais qu'on ne parle pas qu'au Burkina Faso, ni même
21:26 uniquement à l'Afrique de l'Ouest, ni même uniquement à l'Afrique francophone.
21:31 Parce que ces barrières qu'on a longtemps mises dans nos représentations, dans nos
21:35 lectures politiques, dans nos analyses, ce ne sont plus les barrières de l'Afrique
21:40 d'aujourd'hui, de la vôtre.
21:41 C'est un discours important Emmanuel Macron, donc en novembre 2017 à Ouagadougou.
21:46 Explication de texte Christophe Wabouvi.
21:48 C'est un discours qui fait très dater aujourd'hui.
21:51 Et pourquoi ? Parce que le renversement de situation est très impressionnant.
21:56 Il est dans un amphithéâtre où il est applaudi, on l'entend, par des centaines d'étudiants
22:00 burkinabés.
22:01 Et maintenant, en effet, il y a des manifestations antifrançaises dans les rues de la même
22:05 ville de Ouagadougou.
22:06 Pourquoi ce renversement de situation ? Parce que le Mali, en fait.
22:10 Parce que le Mali, parce que vous avez à côté du Burkina Faso un pays, vous avez un
22:16 État failli, si vous avez par exemple demain, par exemple dans le Poitou ou dans la Sarthe,
22:24 des djihadistes qui veulent aller sur Paris, évidemment vous avez la panique à l'Élysée.
22:31 Si aujourd'hui 40% du territoire burkinabé est occupé par les djihadistes, vous avez
22:37 la panique à Ouagadougou, d'où les deux poutches successives de janvier et de septembre
22:41 dernier.
22:42 Et si le Burkina Faso est victime de tout cela, c'est à cause de sa proximité avec
22:48 le Mali.
22:49 Le Mali, c'est un djihadisme international, en effet, avec le JNIM, rattaché à Al-Qaïda.
22:59 Le JNIM, le GSIM, comme disait, le groupe de soutien à l'islam et aux musulmans, GSIM,
23:08 qui est rattaché à Al-Qaïda international, et vous avez l'État islamique au Grand
23:14 Sahara, EIGS, rattaché au groupe État islamique.
23:16 Vous avez donc ces deux connexions internationales, mais vous avez surtout au Mali un djihadisme
23:22 local, parce qu'il n'y a jamais eu d'État fort.
23:24 Pour Radio France Internationale, le 2 novembre prochain, ça va être un jour de recueillement,
23:29 parce que ça va être le dixième anniversaire de l'assassinat de Giseleine Dupont et de
23:35 Claude Verlon, c'était à Kidal.
23:37 Tout le monde s'en souvient, évidemment, ils ont été enlevés en plein jour à proximité
23:44 de la maison d'un notable Touareg, et dix kilomètres plus loin, ils ont été assassinés
23:50 par un commando djihadiste.
23:52 Le juge antiterroriste qui travaille sur le dossier au tribunal de Paris, il a fait des
23:58 avancées l'année dernière, grâce au FADED, c'est-à-dire grâce à la téléphonie,
24:03 qu'on a retrouvée dans les téléphones portables laissés par les djihadistes dans
24:07 la voiture qu'ils ont abandonnée.
24:08 Qu'est-ce qu'on découvre dans ces FADED ? Qu'est-ce qu'on découvre dans ces données
24:13 téléphoniques ? Et bien que le réseau qui a concouru à l'enlèvement de Giseleine
24:18 et Claude était beaucoup plus vaste que les quatre personnes du commando, et qu'il y
24:22 avait donc une sorte de pénétration du djihadisme dans cette ville de Kidal, et qu'il y a un
24:29 djihadisme local, le juge avance, il y aura certainement des annonces dans les mois qui
24:33 viennent qui sont importantes.
24:34 On s'aperçoit que vous avez au Mali un djihadisme local, sur fond de révolte sociale, sur fond
24:40 de lutte contre la corruption, qui a nourri l'avancée des djihadistes et qui a fait
24:47 aujourd'hui du Mali et du Burkina des États tenus par des militaires poutchistes.
24:51 Et malheureusement, cette donnée n'a pas été suffisamment prise en compte par les
24:57 politiques français, par les militaires français, dans leur coopération avec le
25:03 Mali d'Ibeka, du temps de la démocratie malienne, et avec le Burkina de Roque, du
25:08 temps de la démocratie burkinabée.
25:09 Ahmed Newton, Barry, si on revient au discours d'Emmanuel Macron en 2017, est-ce que, comme
25:18 Christophe Boisbouvier vient de nous le dire, on a affaire à un discours qui, aujourd'hui,
25:26 est très différent de la situation sur place ?
25:31 Quand je l'écoute, je remarque un fait.
25:35 Parce qu'il y a quelques années, je crois qu'à la fin des années 90, les Africains
25:44 étaient plutôt dans une situation d'attente de plus de France.
25:48 Et nous avions remarqué que plutôt la France, au lieu de répondre, ou en tout cas de trouver
25:55 une formule avec les États francophones dans le plus de France, avait plutôt, je ne sais
26:02 pas s'il faut appeler beauté en touche, en disant "plus d'Afrique".
26:06 Et aujourd'hui, on se retrouve à "on n'a pas eu plus d'Afrique, la France", parce
26:11 que, je veux dire, objectivement, elle n'avait pas les moyens d'avoir plus de France, plus
26:18 d'Afrique plutôt.
26:19 Mais sauf qu'au niveau des pays francophones, on n'a pas eu plus de France.
26:24 Et à mon avis, il y a eu un ressenti qui s'est construit autour de ces questions,
26:29 peut-être des malentendus, qui aujourd'hui, globalement, embrassent l'espace francophone.
26:35 Et peut-être qu'il faut pouvoir regarder ça de plus près.
26:39 Le discours de Ouagadougou, quand je le décortique, anecdotique, évidemment, à ce propos.
26:47 Lorsque l'on prend maintenant la suite des présidents français, Christophe Bouabouvier,
26:53 vous qui avez écrit sur l'Africain, les différentes politiques africaines de nos
26:59 présidents, quelle progression, quelle évolution observe-t-on ?
27:02 En fait, il y a une continuité de Chirac à Macron, en passant par Sarkozy à Hollande.
27:10 Il y a la continuité d'une volonté de maintenir une présence française en Afrique, notamment
27:16 en Afrique francophone, parce que l'Afrique est, comme l'Europe, pour la France, un instrument
27:23 de puissance.
27:24 C'est-à-dire que grâce au rayonnement de la France en Europe, grâce au rayonnement
27:28 de la France en Afrique, la France n'est pas simplement cette puissance moyenne qu'elle
27:33 est sur le plan économique.
27:34 Elle est aussi, elle justifie son poste permanent au Conseil de sécurité de l'ONU.
27:40 Elle participe à la lutte anti-jihadiste aux côtés des Américains dans un partage
27:47 du travail dans le monde, les Américains au Moyen-Orient, les Français au Sahel.
27:52 La France existe sur la scène internationale, notamment grâce à ses relations avec l'Afrique.
27:57 Ce n'est pas nécessairement des relations économiques.
27:59 On a beaucoup dit que la France voulait rester au Mali pour des raisons économiques.
28:02 Je ne le crois pas.
28:03 C'est essentiellement pour… parce qu'il n'y a pas d'intérêt particulier sur le
28:07 plan économique pour la France au Mali comme au Burkina Faso.
28:11 En revanche, c'est une question politique.
28:14 Donc c'est de ce point de vue-là qu'Emmanuel Macron, pour reprendre ce que vient de dire
28:19 Ahmed Newton, a fait des changements symboliques forts lors de son discours de Ouagadougou de
28:27 novembre 2017, notamment quand il a annoncé la restitution des biens culturels.
28:32 C'est important ça, la restitution, puisque pour la Côte d'Ivoire, pour le Bénin,
28:37 etc. pour le Sénégal.
28:39 Mais n'a pas changé fondamentalement les relations politiques et militaires entre
28:47 la France et l'Afrique.
28:48 Le seul changement significatif, c'est la reprise en main du franc CFA par les pays
28:55 de la zone CFA d'Afrique de l'Ouest.
28:57 Mais le franc CFA en tant que tel reste, donc là aussi c'est une preuve de continuité.
29:02 Donc le vrai changement, c'est maintenant, sous la pression des événements, sous la
29:07 pression des djihadistes, les Français sont obligés de repenser leurs relations militaires
29:13 avec les Africains.
29:15 C'est pour ça par exemple qu'aujourd'hui ils réfléchissent sur le plan militaire
29:18 à quelque chose qui soit une position moins visible mais plus présente.
29:25 C'est tout un concept sur lequel travaille l'état-major français aujourd'hui à Ballard,
29:31 à être à la fois moins visible et plus présent sur le plan militaire en Afrique.
29:35 C'est crédible, Ahmed Njouton-Barry ?
29:37 Non, il y a une problématique, je ne connais pas très bien le ténant et les aboutissants
29:44 de cette nouvelle…
29:46 Mais par rapport à l'opinion publique Burkina-Bé par exemple ?
29:49 Non, parce que la question de fond aujourd'hui, l'opinion Burkina-Bé est plutôt ténaillée
29:54 par une sorte de psychose autour du problème terroriste.
29:59 N'oubliez pas qu'en fait c'est qui aggrave la situation.
30:02 Vous avez au Burkina Faso un centre qui est occupé par la majorité ethnique qui sont
30:09 donc les Moussi.
30:10 Et vous savez que depuis l'année dernière, parce que c'est ça, depuis novembre 2000,
30:16 ça fait bientôt deux ans, depuis novembre 2021, il y a une pression autour de ce que
30:23 nous appelons le plateau Moussi.
30:25 Vous avez eu les attaques de Dablo où des prêtres ont été tués et plus la menace
30:30 descend dans une zone qui était considérée jusque-là comme une sorte de citadelle imprenable,
30:36 plus la psychose monte.
30:38 Et qui fait qu'aujourd'hui, à la vérité, les gens sont plutôt préoccupés par quand
30:43 ils vont repousser ça.
30:44 Et c'est pour cela que la première solution, pas forcément la plus intelligente, consiste
30:49 à dire plus d'autoritarisme en fait.
30:53 Ce qui fait par exemple qu'on muselle les libertés, un peu comme on a fait au Mali,
30:58 en pensant que plus moins on en parle, peut-être mieux ça se porte.
31:02 Je pense que c'est un tournant au niveau interne d'abord qui n'est pas forcément
31:08 relativement bien cadré, mais dont on voit un peu les prémices.
31:11 Mais c'est autour de ça que les éléments vont s'articuler dans les jours à venir.
31:16 Je ne sais pas comment la France, qui va de toute façon quitter le Burkina Faso en ce
31:20 qui concerne le point de vue militaire, va quitter le Burkina Faso, parce que de toute
31:25 façon ça devient inténable, et avec ce régime, rester ne servirait à rien.
31:31 Mais maintenant, comment en dehors on articule autour de la lutte contre le terrorisme, c'est
31:38 véritablement un problème.
31:39 Il faut des résultats.
31:40 Bon, là évoqué, il y a quelques instants, Christophe Boisbouvier, la France va quitter
31:45 donc le Burkina Faso.
31:47 Elle est remplacée, alors remplacer le terme est probablement inexact, mais en tout cas
31:52 le groupe Wagner et la Russie sont désormais présents dans cette partie-là de l'Afrique,
31:58 pour y faire quoi ?
31:59 Alors, ce n'est pas encore fait, Guillaume.
32:02 Vous avez, ça a été bien expliqué il y a quelques jours sur RFI par le général
32:07 Castres qui a dirigé toutes les opérations militaires françaises dans le monde pendant
32:12 sept ans, Wagner, ça opère en quatre temps.
32:18 Vous avez d'abord une phase de séduction, les miliciens, les mercenaires arrivent dans
32:24 le pays en proposant de régler le problème sur le plan militaire et ils n'hésitent
32:27 pas à massacrer.
32:28 C'est arrivé en Centrafrique, c'est arrivé au Mali, à Moura il y a un an.
32:33 Centrafrique, Mali, oui, pas encore Burkina.
32:36 Donc c'est ça la méthode Wagner.
32:38 On arrive, on vous propose de régler le problème de façon radicale, en n'hésitant pas à
32:43 massacrer des communautés villageoises qui, a priori, ne sont pas suspectes.
32:47 Mais voilà, on y va.
32:48 Vous avez ensuite une deuxième phase, c'est de rendre leur présence addicte aux chefs
32:53 d'État du pays concerné parce qu'ils leur proposent des gardes du corps, ça c'est
32:57 très important.
32:58 Donc vous avez des gardes du corps auprès du président centrafricain et du président
33:01 malien, qui sont donc des Russes.
33:04 Et puis dans un troisième temps, vous avez l'éviction des concurrents.
33:08 Donc ça c'est par exemple le petit son que vous avez passé tout à l'heure, Guillaume,
33:12 où on entend…
33:13 - Cette vidéo, un dessin animé de propagande.
33:17 - Voilà, donc on fait de la guerre informationnelle, on explique, on invente des faux charniers
33:22 faits par l'armée française, qui sont faux, mais on essaye de faire croire aux populations
33:27 que les Français tuent.
33:28 C'est ce qui s'est passé il y a quelques mois au Mali.
33:32 Et puis dans un quatrième temps, vous avez la prédation.
33:35 Ça c'est très important puisque, évidemment, comme ce sont des mercenaires, il faut se
33:38 payer sur les mines d'or, sur les mines de diamants, voire sur les douanes comme en
33:43 Centrafrique.
33:44 - C'est-à-dire que ce n'est pas l'État qui paye directement, il paye indirectement.
33:49 - Oui, les douanes c'est directement, on peut le dire.
33:51 Les concessions minières, ça revient au même.
33:53 Donc vous avez cette méthode chez Wagner qui est très efficace.
33:56 La preuve, ça a marché en Centrafrique, c'est en train de marcher au Mali.
33:59 Maintenant, au Burkina, on s'interroge, je pars sous le contrôle d'Ahmed Newton-Barry,
34:03 on s'interroge, il y a une pression en effet des Maliens pour que les Burkinabés acceptent
34:08 à leur tour le groupe Wagner, puisque le Mali se sentira moins seul en Afrique de l'Ouest
34:12 si c'est le cas.
34:13 Mais en même temps, les militaires au pouvoir au Burkina hésitent parce que s'ils le font,
34:19 ils vont se couper de tous les pays voisins du Burkina, à la frontière sud du Burkina.
34:25 Et c'est pas n'importe quoi ces pays, c'est le Bénin, le Togo, le Ghana et la Côte d'Ivoire
34:32 d'Alassane Ouattara.
34:33 Et ce sont des pays qui ont des liens historiques très forts avec le Burkina.
34:37 Si jamais le Burkina accepte Wagner, il va se couper de ces quatre pays.
34:40 - Ahmed Newton-Barry ?
34:41 - D'un mot sur les quatre temps, à mon avis, je pense plutôt que le deuxième temps est
34:47 le premier en ce qui concerne la Centrafrique, le Mali et un peu au Burkina.
34:51 C'est le fait des régimes relativement faibles, qui n'ont pas de légitimité et qui ne peuvent
34:57 pas compter sur les militaires nationaux qui, en général, font appel au mercenaire Wagner
35:03 comme assurance vie du président.
35:05 Ça, c'est le premier temps, en fait, à la vérité.
35:08 - Et ça, ça représente combien d'hommes ?
35:10 Est-ce que j'imagine qu'il faut peu d'hommes pour assurer ce type de sécurité ?
35:15 - Vous parlez de Wagner, là ?
35:16 - Oui.
35:17 - Oui, 1000 hommes.
35:18 - Bon, j'en fais autour du président ?
35:20 - Non, non, non.
35:21 Je vais avoir autour du président peut-être 200 hommes, un peu dans l'ordre.
35:28 Mais bon, enfin, c'est ce qu'il faut dire.
35:30 Donc, c'est ça.
35:31 Ça, c'est le premier temps.
35:34 Moi, je pense que c'est là le premier temps.
35:37 Le deuxième temps en ce qui concerne le Burkina Faso, je pense que, nous, ça va être difficile
35:42 d'avoir Wagner dans le format malien.
35:45 - Et le format malien, ça représente donc aujourd'hui 1000 hommes, d'après ce que disait
35:50 Christophe ?
35:51 - Mais chez nous, aussi, les projections, les chiffres ne sont pas encore, évidemment,
35:55 officialisés.
35:56 Mais ce que l'on entend, c'est 1200 hommes qui sont projetés.
36:00 Mais sauf que chez nous, comme je dis, dans la tradition burkinabé, et vraiment même
36:05 pour les burkinabés de façon générale, on ne pourrait pas concevoir que des militaires
36:10 Wagner viennent dans les garnisons et à la limite, être directement engagés avec nos
36:16 troupes sur le terrain.
36:17 Ça, ça ne passera pas.
36:19 - Par ailleurs, Ahmed Newton Barry, ça représente quand même peu d'hommes.
36:23 1000 hommes.
36:25 Ça représente beaucoup, évidemment, sur le plan symbolique, sur le plan des dégâts
36:32 égales, hélas, causés par ces hommes, comme le rappelait Christophe Boisbouvier.
36:37 Pour véritablement juguler, par exemple, une menace terroriste, c'est insuffisant ?
36:42 - Non, en général, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, en fait, ce n'est pas
36:46 de grands groupes.
36:47 C'est-à-dire, il y a une sorte de vélocité qu'il faut aussi développer en rapport avec
36:51 la menace qui est en face.
36:52 Et si vous regardez au Burkina, nous avons environ 1200 forces spéciales, qui normalement,
37:00 depuis un bout de temps, qui ont d'ailleurs été formées par les forces sabres, qui
37:03 ont été donc formées par eux, et qui ont plus d'efficacité sur le terrain qu'évidemment
37:10 les gros groupes, le dispositif relativement plus lourd avec des chars et tout ça.
37:17 Donc, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, format sahélien, ce sont plutôt
37:22 des petits groupes qui sont plus efficaces.
37:24 Donc, on peut imaginer que 1000 hommes, en fonction, évidemment, de comment on les utilise,
37:30 parce qu'en général, ils participent au combat, en ce qui concerne le Mali, ils participent
37:35 au combat et à l'encadrement.
37:37 Ce qui n'est pas imaginable, je pense, au Burkina.
37:40 Christophe Bouibouvier, alors là, il n'y a pas de question d'opinion publique rétive
37:48 à la Russie.
37:49 La Russie a une si bonne image de marque au Mali, en Centrafrique ?
37:53 Non, je ne crois pas qu'on puisse dire ça.
37:55 Vous avez une minorité agissante qui soutient à la fois les régimes putschistes et leurs
38:00 alliés russes, mais vous avez une grande majorité silencieuse qui est morte de peur.
38:04 Il faut dire les choses.
38:06 Vous avez quand même deux régimes militaires qui imposent une dictature sur le plan des
38:12 idées, des opinions.
38:13 Et Ahmed Newton Barry est bien placé pour le savoir, lui qui est menacé depuis deux
38:20 mois maintenant, pas directement par les autorités, mais par des membres de groupes de sociétés
38:27 civiles pro régime militaire qui le menacent directement.
38:32 Et c'est ça en fait la pression la plus dure, c'est la pression de la rue, c'est la pression
38:36 des réseaux sociaux que soutiennent les militaires putschistes en sous-main.
38:42 Oui, exactement.
38:44 Enfin, Christophe est bien gentil de dire que ce n'est pas directement le pouvoir.
38:49 C'est en sous-traitance, parce qu'évidemment, c'est leur soutien.
38:54 Ibrahim Traoré ne serait rien aujourd'hui sans ses soutiens extrémistes, islamisés
39:03 sur les bords, qui comme un peu, moi je les appelle les djihadistes de la ville, qui fonctionnent
39:10 sur le même modèle que les terroristes, la brousse, donc mettent en avant très souvent
39:15 dans les discours, les versets ou les sourates du Coran, pour justifier évidemment ce qu'ils
39:22 sont en train de faire.
39:23 Et c'est ça aussi qui fédère.
39:25 Et comme vous savez, on a quand même, comme je dis, quand on arrive au plateau central,
39:30 c'est le gros de la population.
39:32 Nous sommes une vingtaine de millions, mais le plateau central est la partie la plus peuplée,
39:38 c'est aussi la partie la plus, je veux dire, avantagée du point de vue de développement,
39:44 contrairement aux périphéries, et qui fait qu'aujourd'hui, la question fondamentale,
39:48 c'est que les gens se posent bientôt, en fait, comme disait tout à l'heure, l'image
39:53 qu'avait dite tout à l'heure Boabou Vier, quand vous avez des terroristes à la porte
39:58 de Paris, forcément, évidemment, les Parisiens qui ont l'habitude de tous les avantages
40:05 de la vie, commencent à se poser des problèmes, et c'est eux qui font la politique, en fait,
40:10 et c'est qui sont la politique de l'influence et de l'opinion.
40:12 Merci à tous les deux pour votre savoir et vos éclairages.
40:17 Ahmed Newton, Barry, je rappelle que vous êtes notamment ancien président de la commission
40:21 électorale du Burkina, Christophe Boabou Vier, je rappelle votre ouvrage, Hollande, l'Africain,
40:27 c'est aux éditions La Découverte, 8h44 sur France Culture, dans quelques secondes,
40:32 le point sur l'actualité.