• il y a 3 ans
Entretien avec Mme Iyad Ben Brahim (photographe)
mené et filmé par © Abdelmajid Arrif / Médina, Casablanca, 26/08/2014

Je viens de quitter rue Commandant Provost dans la Médina de Casablanca, laissant derrière moi le Café qui fut jusqu’aux années 1980 le Studio Imperial, studio de photographie d’art fondé par Ahmed al Almi (https://www.facebook.com/elalmiAhmed ). Je me dirige à la recherche des traces de son troisième studio dans la Médina converti aujourd’hui en boutique de vêtements. Je le localise, photographie et me dirige vers Bab Marrakech pour quitter la Médina. A quelques mètres de la place Bab Marrakech, une enseigne défraichie attire mon attention. Au-dessus d’un imposant portail clos, une enseigne de bleu écrite indique Photo Lux.
Je pousse la petite porte latérale et m’engage dans cet immeuble qui ressemble à un fondouk moderne : un rez-de-chaussée dépôt de marchandise et un premier étage qui distribue des appartements et quelques ateliers. Je sens que ma dérive urbaine du jour m’amène vers un point imminent de rencontres. Tout ce que j’aime, l’inattendu, le désintérêt intéressé. Passons. Je monte des escaliers et m’engage dans un vestibule à la recherche des traces du studio annoncé à l’entrée.
Je suis au premier étage et l’entrebâillement d’une porte noire laisse échapper l’agitation joyeuse d’enfants et de paroles d’adultes. Je finis par lire studio, écrit en noir, sur une porte aux couleurs noires.
Je frappe. Chkoun ? Qrib… (Qui est-ce ? Un proche…) Cet abus de langage et de proximité facilite bien les adresses et les amorces de relations.
Une femme apparait et mon attirail, un appareil photo imposant, la fait sourire. L’accueil est généreux et rapidement notre échange s’engage.
En voici les rushs.
Pour moi ce film d’un bref échange est d’une importance capitale. Il permet de pluraliser les sources pour la réécriture d’une histoire de la photographie ; une entreprise plus que nécessaire. Sans abuser de référents au décolonial et aux Gender Studies, ce document ainsi que les archives photographiques du Studio Imperial nous montre un paysage professionnel photographique en situation coloniale qui laisse voir opérer des Marocains dans ce champ souvent réservé par l’historiographie aux seules figures européennes et accessoirement juives marocaines (le décrochage du juif de sa marocanité dans l’écriture de cette histoire est signifiant. Il est dès lors institué comme corps étranger et ne contribue pas à enrichir l’histoire de la photographie d’un point de vue marocain).
Cela fait aussi dans cette enquête flottante que j’ai entreprise sur le chemin d’el Almi, la deuxième femme photographe que je rencontre. Les deux sont dites « analphabètes ». La première, l’épouse d’Ahmed el Almi, à travers ses archives et la seconde, celle-ci qui nous parle de son Studio et du métier. Ses paroles me touchent et m’émeuvent d’autant plus que son langage technique est instable (...)

Recommandations