• il y a 6 ans
L’art, seule résistance à un monde codifié, est la proie quotidienne de la culture qui, par un souci de politique démocratique, veut l’enseigner à tous. L’art ne s’apprend pas. Quand cessera ce catéchisme stérile qui ronronne depuis des années, dévitalisant nos émotions dès qu’elles s’écartent d’une beauté obligatoire ? Quand finira-t-on ce mariage forcé avec les classiques définitifs et les avant-gardes à la mode ? Racontez-nous l’histoire de l’art mais s’il vous plaît, ne nous expliquez pas l’art. Ne transformez pas le plaisir de
culture en devoir de culture. Quand existera-t-il un ministère du rêve et de l’ailleurs pour nous ouvrir les portes de paradis inconnus sans jamais nous désigner les dieux que nous devons célébrer ? « L’oeuvre est faite par celui qui la regarde », disait Duchamp et non par celui qui l’enseigne. Ne guidez pas notre regard sur le vôtre, ne tentez pas d’apprendre à tous le goût de quelques-uns, au risque de nous faire devenir ces imbéciles qui « ne voient le beau que dans les belles choses » (Arthur Cravan), mais jetez-nous dans ce dernier petit vide que ni le savoir ni la théorie n’ont encore bouché, une issue de secours dans cette « asphyxiante culture » comme la nommait Jean Dubuffet. Quant à l’argent, ces subventions si décriées, ne le rationalisez pas pour le justifier, ensemencez-en les champs en friche où poussent l’imagination, les pensées folles et les désirs qui réinventent le monde par des chemins de traverse. Ne nous cultivez pas, élevez-nous.

Demandons-nous si le mystérieux sourire qui éclaire le visage de la Joconde n’est pas dû à sa rencontre avec un jeune homme qui ne connaissait rien d’elle ni de celui qui l’a peinte et qui pourtant en est tombé amoureux. Alors ne rien transmettre direz-vous ? Si, la fête, la joie, le plaisir de l’éblouissement et la liberté d’être soi. Cette saison encore le Théâtre du Rond-Point vous le propose. JEAN-MICHEL RIBES

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