Le Pas de Soucis dans les Gorges du Tarn

Mickael L

par Mickael L

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Etablie près de la fontaine de Burle, après avoir luttée contre la lèpre, Sainte Enimie aidée par la fortune des rois Clotaire et Dagobert, entreprend de fonder un monastère.
Bientôt les terrains sont acquis et une foule d'artisans se met à pied d'œuvre.
Or cela contrarie fort l'esprit des lieux, le génie du Tarn qu'on appelle le "Drac".
Esprit obscur, secret, insaisissable, le Drac hante les bords des torrents et des rivières. Il est le maître des eaux, le gardien des sources souterraines. Il libère le torrent qui dévaste les berges ou assagit sa course sous un ciel serein.
Sainte Enimie aussi doit affronter cette créature qu'elle imagine diabolique, au service de Lucifer.
Près de la source bénie, les travaux ont commencé. Le jour, la Sainte veille, mais la nuit appartient au démon. Le Drac surgit d'on ne sait où, ombre parmi les ombres, incarnation des forces indomptées, de son souffle brûlant, il réduit l'ouvrage à néant. Chaque nuit, il éventre le mur dressé, chaque aurore se lève sur un monceau de ruines.
La situation devient insoutenable. Sainte Enimie décide d'en finir avec ce compagnon de Satan.
Une nuit, elle prie, elle implore Dieu. A l'aube, elle obtient de lui le pouvoir d'enchaîner le Malin si celui-ci revient dans l'enceinte du couvent...
Le soir suivant, Sainte Enimie se poste. La lune luit d'un éclat bleuté. Soudain, le temps d'un battement de cils, le voilà. Il s'avance de son allure reptilienne, et ses yeux de braise décochent des éclairs aveuglants. Mais la Sainte ne se laisse point fasciner. D'un signe de croix, elle s'asperge d'eau bénite et s'élance ; elle fond sur le Drac qui déjà s'échappe et fuit le long du Tarn. A peine effleure t-il l'onde limpide des planiols.
Il connaît tous les détours, il sait tous les passages, il bondit dans le tumulte des ratchs sur la crête de l'écume et sa course soulève d'étranges bouillonnements, de sombres tourbillons de vapeur et de fumée qui aveuglent Sainte Enimie... Le Maudit parait se fondre entre lame argentée et voile de brume.
Epuisée, égarée, la Sainte tombe à genoux ; elle invoque les forces de la nature ; elle en appelle aux pierres : "A mon secours, Montagne"
Du haut des falaises semble courir un long frisson et voilà que la pierre se fend, que la roche se fracture, que des blocs se disloquent et des pans entiers de paroi s'effondrent dans un terrible fracas, un tremblement de terre. Sur le Drac qui file, la rocaille s'abat mais il subit l'avalanche sans marquer de peine. Il va pour plonger dans l'un de ces gouffres, vestibule de sa demeure, lorsque l'énorme masse de la Roque-Sourde lui tombe dessus.