En Italie et aux Etats-Unis, les "repentis" ont permis à la police de lutter plus efficacement ces dernières années contre la mafia, en dénonçant les chefs de certaines organisations criminelles comme Cosa Nostra et la Camorra. En échange, les autorités leur garantissent remises de peines, protection, nouvelle vie, et parfois même un changement d'identité. Ce système couteux suscite des critiques au sein du système judiciaire et de la part des familles de victimes choquées par l'impunité accordée à ces anciens criminels. Les journalistes ont enquêté sur ce système que la France s'apprête à mettre en place pour lutter contre les réseaux terroristes.
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00:00 [Générique]
00:18 Bienvenue dans "Spéciale Investigation",
00:20 l'émission qui contre-enquête notre monde.
00:23 Aujourd'hui, les repentis.
00:25 Discrètement, la France est en train de mettre en place un système
00:27 qui permettra aux criminels de collaborer avec la justice
00:31 en échange de remises de peine.
00:33 Un système qui a fait ses preuves en Italie et aux États-Unis
00:36 pour lutter contre le crime organisé.
00:38 Mais un système lourd et coûteux.
00:40 Pour protéger ces repentis, l'État doit garantir leur sécurité
00:43 pendant des années.
00:44 Appartements sécurisés, fausses identités, clandestinité,
00:48 le prix à payer pour éviter une vengeance des complices trahis.
00:52 Pour comprendre comment fonctionne ce système,
00:54 notre journaliste a enquêté là où ces programmes existent déjà,
00:57 en Italie et aux États-Unis.
00:58 Elle a obtenu l'autorisation exceptionnelle de rencontrer plusieurs
01:02 de ces anciens criminels qui racontent leur nouvelle vie.
01:05 Les repentis, c'est l'arme fatale des enquêteurs anti-mafia,
01:09 mais une arme à double tranchant,
01:10 car ces balances peuvent manipuler les juges et pour leurs victimes,
01:14 leur exemption de peine est un véritable déni de justice.
01:18 Pour donner votre avis sur l'émission,
01:19 réagissez sur Twitter #Specialinvestigation.
01:23 "Repentis, un pacte avec le diable",
01:25 c'est une enquête d'Anne Veyron, produite par Licht,
01:27 pour Spécial Investigation.
01:29 Cela faisait six mois que nous attendions l'autorisation
01:40 de la justice italienne pour interviewer une repentie de la mafia.
01:44 Le lieu du rendez-vous vient de nous être communiqué.
01:52 La repentie a trahi son clan pour collaborer avec l'Etat.
01:55 Même pour l'interviewer à visage masqué dans ce bâtiment anonyme
02:03 du ministère de l'Intérieur, la police va nous fixer des règles très strictes.
02:08 - Vous avez été autorisée à interviewer la repentie Carmela Yuculano.
02:19 - Si.
02:19 - Et pour faire cette interview, vous devez vous soumettre
02:23 à plusieurs règles qui sont écrites sur ce document que vous devez signer.
02:27 Je vous les résume.
02:32 Il faut masquer son visage et modifier sa voix,
02:36 parce que si quelqu'un la reconnaît, vous mettrez sa vie en péril.
02:39 Ces règles doivent être respectées scrupuleusement.
02:44 - Va bien.
02:47 - Merci.
02:47 Nous allons enfin rencontrer Carmela Yuculano.
02:52 Elle était la femme et l'accomplice d'un parrain de la mafia sicilienne.
02:59 Leur spécialité, raquettes et trafic de drogue.
03:04 En 2004, elle dénonce son mari à la justice.
03:09 En échange, elle échappe à la prison.
03:15 L'Etat italien va aussi lui fabriquer une nouvelle identité.
03:19 Elle va devoir quitter la Sicile pour toujours, avec ses trois enfants.
03:24 - Le jour de mon départ, je m'en souviens comme si c'était hier.
03:32 Il y avait des voitures de police partout.
03:35 Tu t'en vas pour toujours.
03:39 C'est la dernière fois que tu vois ta terre.
03:41 Tu étouffes.
03:44 Ça fait vraiment très mal.
03:45 J'ai dû couper tout contact avec mes proches, mes amis.
03:49 Ce jour-là, c'était comme si j'étais morte.
03:52 Après cette trahison, Cosa Nostra, la mafia sicilienne, la condamnait à mort.
04:04 Aujourd'hui, dix ans après, elle vit toujours cachée sous la protection de l'Etat.
04:09 Quelque part en Italie.
04:11 - J'ai dû signer avec la justice une sorte de contrat,
04:20 avec toutes les règles à suivre.
04:23 Il y en a beaucoup.
04:25 Par exemple, mon fils fait du sport.
04:30 S'il doit disputer un match en dehors de notre ville,
04:33 on doit faire une demande.
04:35 Elle est examinée par les policiers en charge de notre protection.
04:41 Et le plus souvent, ils te refusent l'autorisation.
04:43 Comme Carmela Yucculano, il y a 1 600 repentis en Italie.
04:52 D'anciens criminels de premier ordre qui collaborent avec la justice.
04:58 Aux Etats-Unis, on en compte 8 500.
05:09 Parfois, quand vous chassez du gros gibier des criminels importants,
05:13 vous êtes obligés de passer un pacte avec le diable.
05:15 C'est souvent la seule façon d'obtenir des témoignages à charge.
05:21 Mais ces personnes prennent des risques, car elles témoignent contre des gens dangereux.
05:26 Donc, pour obtenir leur collaboration, nous avons créé un programme de protection des témoins.
05:31 En 2015, la France va mettre en oeuvre ce système des collaborateurs de justice
05:40 ce pacte avec le diable.
05:42 Enquête sur l'un des systèmes judiciaires les plus efficaces et les plus secrets du monde,
05:52 mais aussi les plus controversés.
05:56 [Musique]
06:13 Notre enquête commence à New York.
06:15 [Musique]
06:19 Nous avons rendez-vous avec un agent spécial du FBI.
06:23 [Musique]
06:25 Dans les années 1990, il a réussi un coup de maître.
06:29 Il a recruté le plus grand repenti de l'histoire du crime aux Etats-Unis.
06:34 [Musique]
06:39 - Bonjour, on tourne un documentaire, on peut passer par là ?
06:42 [Musique]
06:46 - C'est pas un problème ?
06:47 [Musique]
06:51 À la fin des années 80, il y avait cinq grandes familles mafieuses à New York
06:55 qui contrôlaient la majeure partie de la ville.
06:58 Par exemple, vous voyez tout ce ciment autour de nous ?
07:00 Chaque famille mafieuse touchait un dollar pour chaque mètre cube de béton coulé.
07:05 Elles étaient riches, puissantes et aussi très dangereuses.
07:09 [Musique]
07:12 Dans le collimateur de l'agent du FBI, un certain John Guthie.
07:17 Il est soupçonné de diriger la famille la plus puissante de la mafia new-yorkaise
07:22 et d'avoir commandité de nombreux assassinats.
07:25 [Musique]
07:28 Mais dans ses enquêtes, l'agent du FBI se heurte à Lomerta, au mur du silence.
07:35 C'est le ciment de la mafia.
07:38 [Musique]
07:39 Dans l'entourage du parrain, personne ne parle.
07:42 [Musique]
07:45 Les gens avaient peur de parler, de collaborer avec les forces de l'ordre contre John Guthie
07:51 parce qu'ils avaient peur de se faire tuer.
07:53 Du coup, Guthie n'arrêtait pas de nous provoquer.
07:56 Il nous narguait, l'air de dire "Vous ne me mettrez jamais en taule, je suis plus malin que vous."
08:04 [Musique]
08:06 À plusieurs reprises, le parrain sera arrêté et jugé.
08:10 Mais faute de preuves, il s'en sort quasiment toujours.
08:14 [Musique]
08:16 En 1986, pour son troisième procès, John Guthie va même faire la une du prestigieux magazine Time.
08:24 Mais là encore, la justice ne va pas convaincre les jurés de sa culpabilité.
08:29 [Musique]
08:51 John Guthie va gagner le surnom de parrain en téflon, l'homme sur qui la justice n'a pas de prise.
08:58 Ses costumes sont taillés sur mesure.
09:01 Il adore les caméras.
09:04 Les caméras l'adorent.
09:06 Il est devenu une véritable star.
09:09 [Musique]
09:13 De son côté, l'agent du FBI ne désespère pas.
09:18 Il continue à traquer Guthie dans New York.
09:21 [Musique]
09:27 Je passais mes journées à tourner dans son quartier en voiture avec un appareil photo et une caméra.
09:34 Dès que je le voyais avec quelqu'un, je prenais des images et je continuais ma route.
09:40 [Musique]
09:44 Sur les vidéos du FBI, John Guthie apparaît toujours accompagné par le même homme, son lieutenant.
09:52 C'est Sammy Gravano, dit Sammy le taureau, un tueur soupçonné d'une vingtaine de meurtres.
10:00 [Musique]
10:04 Le 11 décembre 1990, descente du FBI.
10:09 Guthie et sa bande sont coffrés.
10:13 Pour échapper à la prison, Sammy le taureau, le fidèle lieutenant, va balancer son patron.
10:20 En 1992, Guthie est enfin condamné à la prison à vie.
10:26 Sammy le taureau est devenu un repenti.
10:29 [Musique]
10:40 Le témoignage de Sammy Gravano nous a permis non seulement d'emprisonner John Guthie, mais aussi d'autres chefs mafieux.
10:48 Au départ, on pensait n'en faire condamner que 6.
10:52 Au final, on a réussi à en faire emprisonner 38.
10:58 [Musique]
11:02 Dans les années 1990, les révélations de Sammy Gravano vont laminer la mafia new-yorkaise.
11:12 En échange de ces informations, il ne va purger que 5 ans de prison, alors qu'il a reconnu avoir commis plus de 19 meurtres.
11:23 A la même époque, à 150 km de New York, un autre repenti va faire tomber une autre mafia, celle de Philadelphie.
11:35 John Vizzi était chargé de mettre la pression sur ceux qui devaient de l'argent à la mafia.
11:40 Intruant, ultra-violent.
11:43 [Musique]
11:49 20 ans après, nous avons retrouvé John Vizzi.
11:53 [Musique]
11:58 - Quelle est la pire chose que tu aies faite ?
12:00 - La pire ?
12:03 - Quand ?
12:05 - Ca dépend ce que tu entends par pire.
12:07 Trouver quelqu'un avec une perceuse, c'est pas mal non ?
12:11 Ou balancer de l'acide sur le visage d'un autre.
12:15 [Bruit de moteur]
12:18 - Tu as jeté de l'acide sur le visage de quelqu'un ?
12:21 - Oui.
12:23 - Pourquoi ?
12:25 - Si je jette de l'acide sur un oeil, tu vas perdre la vue de cet oeil.
12:30 Et ensuite, si je pose ma main sur le deuxième oeil, là, tu ne vois plus rien.
12:36 Alors je demande où est l'argent, où est la drogue, ou tu ne verras plus jamais ta femme et tes enfants.
12:42 En général, les mecs te répondent, c'est une méthode assez simple.
12:47 [Bruit de moteur]
12:52 Un jour de 1993, contre seulement 300 dollars, John Vizie est chargé d'exécuter un membre d'un clan rival.
13:01 L'ordre vient du parrain de la mafia locale, John Stanfa.
13:07 [Bruit de moteur]
13:12 - Je me suis levé le matin, je suis allé bosser.
13:15 On roulait, on a vu le mec.
13:18 J'ai sorti le flingue par la fenêtre, je l'ai tué.
13:21 Je me sentais soulagé, je me sentais bien.
13:23 J'avais accompli mon devoir.
13:26 C'est comme décrocher une prime ou avoir un enfant.
13:29 Un jour comme ça, tu t'en souviens toujours.
13:35 - Mais ce n'est pas la même chose de tuer ou d'avoir un enfant.
13:38 - Qu'est-ce que tu en sais ? Tu as déjà tué quelqu'un ?
13:40 Moi, j'ai eu un enfant et je peux te dire que c'est la même chose.
13:43 [Bruit de moteur]
13:47 En 1994, Vizi devient gênant.
13:53 Le parrain John Stanfa met un contrat sur sa tête.
13:58 Un soir, deux hommes lui tentent un guet-apens.
14:04 Il va recevoir 4 balles, dont 3 dans le crâne, tirées à bout portant.
14:10 - Mon crâne était ouvert sur le côté.
14:16 À ce moment-là, je suis fou de rage.
14:19 Je sais que je vais mourir. Je ne pense pas m'en sortir.
14:27 Mais je voulais que ces deux gars qui me laissaient pour mort se disent
14:30 "Ce connard s'est battu jusqu'au bout."
14:36 John Vizi puise alors dans ses dernières forces.
14:39 Il défonce à coups de poing ses agresseurs et parvient à s'enfuir.
14:46 Dans le quartier de Little Italy, ce meurtre raté va alimenter
14:51 la légende de John Vizi auprès de la presse locale.
14:56 - Le fait qu'on lui ait tiré dessus et qu'il ait réussi à s'en sortir,
15:02 ça a amplifié le mythe, la légende de John Vizi.
15:07 Il était le dur, l'invincible, l'indestructible.
15:11 3 balles dans la tête et il arrive à s'en sortir.
15:17 John Vizi n'a alors plus qu'une idée en tête, se venger.
15:22 Il va alors prendre la plus importante décision de sa vie, balancer ses boss.
15:30 - La seule façon de me venger, c'était de les détruire.
15:36 Avant, je détruisais les gens avec un flingue, un couteau ou une perceuse.
15:42 Là, le seul moyen que j'avais, c'était de me tourner vers l'Etat.
15:47 En 1996, John Vizi devient officiellement un repenti.
15:52 Dans la mafia, on appelle ça un rat.
15:57 - Balance, rat, traître, il y a plein de noms pour les gens comme moi.
16:04 Mais les criminels que j'ai servis, ils m'ont tiré dessus.
16:08 Alors il vaut mieux être mort ou être un rat ? Dis-moi.
16:12 John Vizi échappe à la prison à vie et ne prendra que 10 ans pour demeurer.
16:20 Grâce à son témoignage, le parrain John Standphe est condamné à perpétuité.
16:29 Vizi dénonce aussi une vingtaine d'autres mafieux de Philadelphie.
16:34 A l'issue du procès, un certain Fatangelo, le roi des paris clandestins, sera condamné à 9 ans.
16:42 Après avoir purgé sa peine, Fatangelo a ouvert un restaurant à Philadelphie, la cuisine du parrain.
16:57 - Ne faites pas attention à la caméra, ils font un doc sur le système des repentis pour la télé française.
17:05 La France va avoir son propre système des repentis.
17:08 - Oh, moi, je crois pas à ce genre de truc. Ma devise, tu commets un crime, tu payes, sois un homme.
17:15 Les repentis comme John Vizi, Fatangelo, ils détestent.
17:26 - Vous connaissez le vrai nom du système des repentis ? C'est sortie de secours pour les lâches.
17:33 - Quand tu rentres dans la mafia, tu prêtes serment, tu dois en accepter toutes les règles.
17:38 - Y a pas d'église, pas de prêtre à qui dire pardonnez-moi mon père, j'ai commis 75 meurtres.
17:44 - Il te répondrait c'est pas grave mon fils, tu vas réciter "Si, salut Marie" et tu seras pardonné.
17:49 - Ça marche pas comme ça.
17:52 Au mur, Fatangelo s'est fait croquer sur une fresque, au milieu de ses héros de la mafia.
17:59 Marlon Brando dans le rôle du parrain de Coppola, Tony Soprano, Al Capone et John Goethe.
18:08 - Moi je prenais des paris clandestins, mon dieu quel crime, j'ai pris 9 ans alors que j'ai jamais été violent.
18:17 - Samy Latoro et John Veazey, 2 assassins n'ont pris que 5 et 10 ans et moi 9 ans.
18:23 - Dites-moi où est la justice là-dedans ?
18:27 Cette rage, la plupart des criminels qui ont été balancés la partagent.
18:37 Pour échapper à la vengeance du milieu, les autorités doivent garantir la sécurité des repentis.
18:44 Pour comprendre comment ils font, direction Washington.
18:50 Nous avons rendez-vous au siège des US Marshals.
18:55 C'est une agence fédérale dont une branche secrète s'occupe de protéger les repentis.
19:01 Leur méthode est radicale.
19:09 Nous les Marshals sommes notamment chargés de réinstaller les témoins repentis, de leur donner une nouvelle identité et de les protéger.
19:19 Nous tous les installons quelque part aux Etats-Unis sous une nouvelle identité.
19:25 Pour les témoins repentis, c'est souvent la dernière chance de rester en vie.
19:31 S'ils ne rentraient pas dans le programme de protection, la plupart d'entre eux seraient assassinés.
19:38 Quand les repentis sortent de prison, les Marshals leur fournissent un kit complet pour démarrer leur nouvelle vie.
19:47 Nouveaux numéros de sécu, nouveaux certificats de naissance, nouveaux diplômes, nouveaux passeports.
19:57 Le service des US Marshals a la unique autorité et l'abilité de donner aux individus et à leurs familles de nouvelles identités et de nouvelles fondations pour de nouvelles vies.
20:09 Les Marshals, aidés de psychologues, entraînent les repentis à mentir sur leur passé afin de ne jamais dévoiler d'où ils viennent ni qui ils étaient vraiment.
20:22 Donc vous leur fabriquez un nouveau passé ?
20:29 Ça, c'est un de nos secrets.
20:32 Pourquoi ce programme est-il si secret ?
20:36 Parce que c'est la vie des gens qui en dépend.
20:42 Alors, on garde le secret sur leur identité au même titre que les plus importants secrets d'Etat.
20:48 On ne peut prendre aucun risque.
20:54 À sa sortie de prison en 2005, John Vizie avait secrètement bénéficié de ce programme de protection des témoins repentis.
21:13 Il nous ramène aujourd'hui devant l'hôtel où les Marshals avaient mis en sécurité le temps de lui fabriquer sa nouvelle identité.
21:23 Ils m'ont lâché ici. Ils m'ont donné une clé avec un numéro de chambre. Je n'avais rien. Pas de bagages, pas de vêtements, juste ce que je portais sur moi.
21:36 Ici, de mon point de vue, John Vizie est mort. Il a disparu.
21:43 Les Marshals remettent à Vizie 6 000 dollars pour ses dépenses courantes.
21:53 Dans cet hôtel 4 étoiles, les clients sont surtout des hommes d'affaires.
21:58 Le petit tueur de Philadelphie lui vient de passer 10 ans en prison. Il est paumé.
22:05 Il y avait tous ces gens riches autour de moi. C'était pas mon monde. Je n'avais pas leur vocabulaire. Je disais "Yo, what the fuck ?"
22:15 Les Marshals avaient dû se dire que c'était bien de m'amener dans un quartier chic pour qu'il y ait moins de chances que je reclonge.
22:22 Mais en même temps, c'est deux fois plus dur de s'intégrer.
22:27 Ils ont mis trois mois à me donner un numéro de sécurité sociale. Puis ils m'ont fait choisir un nom dans l'annuaire.
22:33 Au départ, ils m'en avaient donné un, mais je n'arrivais pas à l'écrire. C'était trop dur. Il y avait genre 6, 7 lettres.
22:39 Et moi, j'avais déjà du mal à écrire mon vrai nom, Vizie.
22:43 Finalement, les Marshals lui ont attribué un nom en 4 lettres. Pour sa sécurité, nous n'avons pas le droit de le révéler.
22:53 Depuis, le repenti a dû couper tout contact avec son passé.
22:59 Nul ne doit savoir où il se trouve, il a seulement le droit d'appeler sa famille. Et encore.
23:06 Tu peux téléphoner tous les 6 mois, tous les 3 mois, une fois par mois, si tu te comportes bien, mais les Marshals écoutent la conversation.
23:15 Tu ne peux rien dire.
23:18 S'il neige, par exemple, tu ne peux pas le dire, car ta famille risquerait de comprendre où tu es.
23:23 - Pendant combien de temps tu n'as pas vu tes proches ?
23:26 - Là, je les revois un peu, mais pendant 15 ou 16 ans, je ne les ai pas vus.
23:31 Cette solitude, c'est le sort de tous les repentis.
23:43 Comme la Sicilienne Carmela Yuccolano, réinstallée quelque part dans le nord de l'Italie.
23:52 - Qu'est-ce qui est le plus dur pour vous ?
24:02 - Le plus dur, c'est de ne pouvoir raconter ton histoire à personne.
24:07 C'est très difficile.
24:10 Tu ne peux faire confiance à personne.
24:13 Par exemple, je suis une femme seule, je pourrais essayer de refaire ma vie, mais qu'est-ce que je vais raconter à un homme ?
24:19 Si à Noël ou les jours de fête, il ne voit jamais ma famille, comme toutes les personnes normales, qu'est-ce que je vais lui dire ?
24:29 Aux Etats-Unis, John Vizie a fini par ne plus supporter toutes ces contraintes.
24:39 A la fin des années 2000, il a quitté le programme des repentis.
24:43 Et depuis, il n'est plus sous la protection des Marshalls.
24:48 Mais pour sa sécurité, il sait acoquiner avec une bande de truands.
24:53 - Viens, ils veulent voir ton flingue !
25:00 - On est comme ça, ici ! C'est un Smith & Wesson !
25:09 - Pourquoi tu m'en gardes comme ça ? C'est pour se protéger !
25:14 - C'est dangereux, ici ?
25:16 - Tu m'étonnes !
25:18 John Vizie, lui, n'a pas le droit de porter d'armes.
25:24 S'il enfreint cette règle, il retournera en prison pour 20 ans.
25:29 - Et toi, tu n'as pas d'armes ? - Moi, j'en ai pas, regarde !
25:34 Par contre, là, tu filmes mon cul.
25:37 - Tu te protèges comment, alors ? - Il est protégé, t'inquiète. Il est protégé.
25:45 - On a déjà essayé de me tuer une fois et ça n'a pas marché.
25:48 Peut-être que je suis foutu comme un gilet pare-balles.
25:51 Tu me tires dessus, le lendemain matin, je te chie la balle.
25:55 Depuis la création du programme Repentie aux Etats-Unis en 1970,
26:07 les Marshalls ont réinstallé 8 500 criminels et 10 000 membres de leur famille.
26:14 Officiellement, aucun n'a été assassiné.
26:18 Pour les autorités américaines, les repentis, c'est l'arme fatale.
26:23 - Au fil des ans, le programme de protection des témoins repentis
26:32 a permis de lutter efficacement contre le crime organisé,
26:35 qu'il soit d'origine italienne ou russe.
26:39 Il a aussi permis d'élucider de nombreuses affaires terroristes.
26:44 Aujourd'hui, c'est incontestable.
26:47 Les Etats-Unis sont devenus un pays plus sûr
26:50 grâce au programme de protection des témoins depuis les années 70.
26:55 - L'Italie a adopté le système d'Europe anti 20 ans après les Etats-Unis.
27:08 Tout commence en 1981, en Sicile.
27:13 Une guerre de clans mafieux provoque un bain de sang.
27:20 On compte près de 3 000 victimes en 3 ans.
27:26 Gaspare Mutolo, un ancien mafieux de Palerme, a participé à ce carnage.
27:36 Il a été éliminé par la guerre.
27:41 Il a été éliminé par la guerre.
27:48 - A cette période, la peur et le chaos régnaient partout.
27:55 Il n'y avait plus aucune règle.
27:58 Il suffisait de dire qu'un tel avait été vu avec tel autre,
28:02 et qu'il fallait l'abattre.
28:06 On tuait d'abord, et ensuite, on cherchait à justifier le meurtre.
28:10 C'est ça, le vrai drame de la mafia de l'époque.
28:15 - La police va arrêter 2 mafieux,
28:20 Tomaso Bucetta et Salvatore Contorno.
28:24 Ils ont perdu toute leur famille dans cette guerre fratricide.
28:29 En 1984, les 2 hommes brisent l'OMERTA
28:33 et deviennent les 2 premiers repentis de la mafia sicilienne.
28:38 Dans les rangs de Cosa Nostra, c'est la panique.
28:43 - Le repenti le plus inquiétant pour nous, c'était pas Bucetta,
28:49 c'était Contorno, parce qu'on le connaissait tous.
28:54 Contorno, il n'avait peur de rien.
28:58 D'ailleurs, moi-même, j'avais commis 3 ou 4 meurtres avec lui.
29:03 Donc, quand on a appris qu'il avait décidé de se repentir,
29:08 on s'est vraiment dit que ça allait mal tourner pour nous.
29:14 - Effectivement, les révélations de Bucetta et Contorno
29:20 permettent d'arrêter des centaines de mafieux.
29:26 Dans ce bunker construit pour l'occasion
29:30 va s'ouvrir le procès du siècle.
29:33 475 mafieux qu'on paraisse enfermés dans des cages.
29:38 Mais les vrais stars du procès,
29:41 ce sont les repentis Bucetta et Contorno.
29:47 - Je me trouve ici pour me sauver de la vie,
29:51 mais je n'ai pas peur de mourir.
29:54 Je n'ai plus rien à perdre.
29:57 Si je meurs, ça n'a pas d'importance.
30:00 Mais je veux dire à tous que je suis là.
30:03 - Les hommes d'honneur vont écoper un total de 26 siècles
30:07 de peine de prison cumulée.
30:09 La mafia sicilienne est ébranlée.
30:13 Dans la foulée du maxi-procès,
30:17 des centaines de mafieux vont retourner leur veste
30:20 et se repentir à leur tour.
30:22 En 1991, l'Italie adopte une loi consacrant le rôle des repentis
30:27 pour les juges.
30:29 Grâce à ses collaborateurs de justice,
30:32 la peur a changé de camp.
30:35 - Le repenti, le collaborateur de justice, n'est pas important.
30:39 Il est irremplaçable.
30:41 Il ne sert pas seulement à faire des procès et à condamner des gens,
30:45 mais aussi à comprendre comment fonctionne la mafia.
30:48 Il permet d'affaiblir l'organisation, car plus il y a de repentis,
30:52 plus les membres de l'organisation se méfient les uns des autres.
30:59 En 1992, Gaspar Emutolo trahit à son tour la mafia.
31:05 - Au départ, je livre une liste de 650-700 noms, tous des mafieux.
31:15 J'avoue avoir commis une vingtaine de meurtres.
31:20 Et je dénonce en plus les auteurs
31:22 de plus d'une centaine d'autres assassinats non résolus.
31:27 Grâce à sa collaboration avec la justice,
31:30 Emutolo échappe à la prison à vie.
31:33 Aujourd'hui, il vit caché avec sa famille dans la banlieue d'une grande ville.
31:38 Il touche une rente de l'Etat depuis 22 ans,
31:41 1 500 euros par mois,
31:43 et arrondit ses fins de mois avec sa peinture.
31:53 - Aujourd'hui, c'est vrai qu'on a une vie tranquille,
31:57 mais nous ne sommes pas très heureux,
31:59 parce qu'il nous manque parfois le nécessaire pour vivre.
32:03 La vie est chère par rapport à ce que nous donne l'Etat.
32:08 J'aurais aimé que l'Etat soit plus reconnaissant
32:11 du travail que nous avons fourni, nous, les mafieux repentis.
32:15 Ce qu'on nous a donné, les mafieux, ça aurait été bien mieux.
32:19 En Italie, ils sont 1 600 repentis
32:30 et 4 000 membres de leur famille à être pris en charge par l'Etat.
32:35 Une politique coûteuse pour les contribuables.
32:44 - Quand on enlève une famille et qu'on la transfère dans une ville
32:48 où elle sera en sécurité, il nous faut trouver en quelques semaines
32:52 une école pour les enfants, il faut aussi veiller à leur santé.
32:56 On leur donne une carte de crédit et on leur verse de l'argent tous les mois
33:02 pour qu'ils puissent subvenir à leurs besoins.
33:05 On doit leur trouver des appartements meublés avec cuisine et télévision
33:11 pour leur permettre de vivre de manière digne.
33:14 Rendez-vous compte que nous louons en ce moment en Italie
33:20 plus de 1 900 appartements pour y loger des repentis.
33:24 - Des criminels subventionnés par l'Etat.
33:34 À Palerme, pour les victimes de la mafia, c'est insupportable.
33:40 En mai 1992, la vie de Tina Montinaro bascule.
33:44 Son mari, policier, escorte le célèbre juge Falcon
33:49 quand une tonne d'explosifs pulvérise leur convoi.
33:53 La mafia vient de signer le plus gros attentat de son histoire.
34:06 Quelques temps plus tard, Tina Montinaro découvre dans la presse
34:10 que des responsables de cet attentat se sont repentis
34:14 et qu'ils ont été grassement payés.
34:17 - Quand j'ai lu dans le journal que tous ces repentis
34:24 avaient touché de grosses sommes et qu'on leur accordait tout,
34:28 là, tu te demandes vraiment comment c'est possible.
34:31 Ce sont des assassins.
34:35 Ce n'est pas parce qu'ils décident de collaborer
34:38 qu'il faut leur passer l'éponge sur ce qu'ils ont fait
34:41 et croire qu'ils deviennent des gens bien.
34:44 Ça, je ne l'accepte pas.
34:46 - Pourquoi vous n'aimez pas le terme "repentis" ?
34:51 - Je pense que ce "repentis" est tout autre chose.
34:55 Personne n'est venu me voir et m'a demandé pardon,
34:59 je regrette ce que j'ai fait. Personne.
35:03 Nessuno.
35:04 Et de fait, les repentis protégés par l'Etat s'excusent rarement.
35:12 Mutolo, par exemple, le tueur au vin meurtre,
35:15 il a beau chercher, il ne voit toujours pas ce qui l'a fait de mal.
35:19 - Je ne sais pas ce que ça veut dire, ce repentir.
35:26 Ce que j'ai fait était justifié.
35:28 Le mafieux n'est pas un assassin, c'est un homme d'honneur.
35:31 Quand un soldat tue un autre soldat, tu ne dis pas que c'est un assassin.
35:35 Non, c'est la guerre.
35:37 Retour aux Etats-Unis.
35:47 Direction le Midwest, une zone pavillonnaire tranquille.
35:59 John Vizzi, le tueur à la perceuse, nous accueille à son domicile.
36:03 Lui non plus n'a jamais éprouvé de remords.
36:06 Il vit désormais avec sa nouvelle épouse, Salma.
36:11 - Regardez-moi cette femme magnifique.
36:18 Ce n'est pas la meilleure épouse du monde ?
36:21 - Je pense qu'il faut pouvoir pardonner avec son coeur.
36:28 Il faut leur donner une nouvelle chance à 100%
36:31 et leur laisser l'opportunité de montrer qui ils sont aujourd'hui
36:36 et de pas les juger par rapport à leur passé.
36:40 Mais John Vizzi a parfois du mal à se contrôler.
36:48 - La violence te manque ?
36:55 - Oui, quand on me dit des conneries ou qu'on me menace.
37:00 Je me dis, toi, si tu savais, je pourrais te défoncer l'âre maintenant,
37:04 mais je suis obligé de la fermer.
37:07 Donc je préfère raconter aux gens qui j'étais.
37:10 Ça me protège, ça évite, si quelqu'un me cherche, que ça dégénère.
37:15 - Je serais vraiment fou, et je pourrais être en trouble, non ?
37:18 - Mon pitbull, il est comme moi quand j'étais jeune, très imprévisible.
37:43 Depuis qu'il est sorti du système de protection des Marshalls,
37:47 John Vizzi vend des voitures d'occasion avec sa femme.
37:51 Face à ses clients, il n'hésite pas à évoquer son passé à sa façon.
38:01 - Tu connais mon passé ?
38:11 J'étais dans la mafia, mais je n'y suis plus.
38:14 - T'étais quoi ? T'étais le boss ?
38:20 - Non, je tuais des mecs.
38:23 Attention, là, t'es en train de devenir tout blanc.
38:27 Je le fais plus, maintenant.
38:30 Je vends des voitures.
38:33 De bonnes voitures.
38:36 - Oui, c'est vrai, ma voiture est très bien.
38:39 Voilà, plus de réclamation.
38:41 Salut, John.
38:42 Officiellement, aux Etats-Unis,
38:57 le taux de récidive chez les repentis serait très faible.
39:01 15% seulement, contre 50% pour les criminels classiques.
39:09 Mais doit-on toujours croire les repentis ?
39:15 En Sicile, une affaire prouve que non.
39:21 Un jour de 1992, dans la capitale sicilienne,
39:32 la mafia vient de faire sauter une rue entière du centre-ville.
39:37 L'attentat a fait 6 victimes.
39:40 Le juge anti-mafia Paolo Borsellino et ses 5 gardes du corps.
39:47 Un drame national, les funérailles sont retransmises en direct à la télévision.
39:55 A Palerme, la police arrête rapidement un petit dealer de quartier.
40:04 Vincenzo Scarantino.
40:06 Il affirme avoir participé à l'attentat et balance des noms de soi-disant complices,
40:11 dont celui d'un éboueur.
40:13 Gaetano Murana.
40:16 Le lendemain matin, l'éboueur est arrêté au volant de sa voiture par des policiers.
40:22 - Ils m'ont dit qu'il fallait que je vienne avec eux au commissariat,
40:30 2 secondes, pour un contrôle du permis de conduire.
40:34 Arrivé devant le commissariat, ils ont enclenché les sirènes et ont dérapé au frein à main.
40:39 Ils m'ont injecté de la voiture à toute vitesse,
40:44 et à partir de ce moment-là, je n'ai plus rien compris.
40:47 Sur la base et déclaration du repentis Scarantino,
40:54 l'éboueur Murana est accusé d'avoir participé à l'attentat contre le juge Borsellino.
40:59 Sa vie bascule.
41:03 Mais convaincu qu'il est victime d'une erreur judiciaire,
41:06 son avocate s'interroge sur la crédibilité du repentis Scarantino.
41:12 - Mon client n'avait pas d'alibi,
41:18 donc la seule défense possible contre les accusations de ce repentis,
41:21 c'était de mettre en doute sa crédibilité.
41:24 Et dans cette affaire, ça nous paraissait simple.
41:29 On a découvert que ce repentis avait été réformé du service militaire
41:33 parce qu'il était psychologiquement instable.
41:36 Il avait aussi des problèmes d'ordre psychiatrique.
41:39 Ce n'était clairement pas quelqu'un qui avait l'étoffe d'un grand criminel.
41:45 Jamais il n'aurait pu rentrer dans la mafia et être un homme d'honneur.
41:49 Les accusations du repentis Scarantino sont invraisemblables.
41:58 Ils ne cessent de se contredire.
42:01 Et pourtant, en 1993, les boueurs Murana et cet autre accusé
42:07 sont condamnés à la prison à perpétuité.
42:10 Mais un homme va provoquer un coup de théâtre.
42:18 Sergio Lari est l'un des magistrats les plus protégés d'Italie.
42:23 Il vit sous escorte permanente.
42:26 En 2008, un repentis demande à le rencontrer.
42:30 - Je suis allé l'entendre et il m'a dit...
42:39 Ce Scarantino, il a tout inventé.
42:42 C'est moi qui ai volé la voiture utilisée pour l'attentat
42:46 contre le juge Borsellino.
42:49 Et il continue, c'est moi qui ai volé et placé l'explosif à l'intérieur.
42:55 C'est moi qui ai volé les plaques d'immatriculation
42:59 pour maquiller la voiture.
43:02 Toute cette phase de préparation de l'attentat,
43:05 c'est moi qui l'ai faite.
43:08 Il me cite les noms d'autres complices.
43:11 Il me dit "tout ce qu'a dit Scarantino est faux".
43:16 Je vous avoue que je suis resté incrédule face à ces déclarations.
43:22 - Je vous confesse que je suis resté incrédule
43:25 face à l'allégation de Spaduzza.
43:28 Sergio Lari va réouvrir le dossier.
43:31 Il découvre qu'aucune enquête n'avait été faite à l'époque
43:36 pour vérifier les accusations du repentis Scarantino.
43:41 Convoqué devant le juge, il reconnaîtra avoir tout inventé.
43:50 Aujourd'hui, le faux repenti doit s'expliquer dans un nouveau procès.
43:55 Et cette fois, c'est lui l'accusé.
43:58 L'avocate de Murana, les boueurs accusés à tort, tient sa revanche.
44:04 - Ce procès est la démonstration de l'échec du système des repentis.
44:09 Parce que les accusés du dernier procès, comme mon client Murana,
44:14 sont aujourd'hui partie civile contre le repenti qui les a calomniés.
44:19 - Au fond de la salle d'audience, Gaetano Murana, les boueurs.
44:26 Libéré en 2011, il a passé 20 ans en prison pour rien.
44:33 - Ma vie ne changera plus parce qu'ils l'ont déjà détruite.
44:38 Ils m'ont détruit moralement et physiquement.
44:42 J'avais 33 ans quand ils m'ont arrêté.
44:46 J'ai tout perdu, je suis sorti de prison, mais je suis détruit.
44:52 Moi et cet autre innocent.
44:56 - Ce jour-là, Murana va entendre le faux repenti s'excuser.
45:02 Il a été le premier à se faire la mort.
45:06 Ce jour-là, Murana va entendre le faux repenti s'excuser.
45:12 Il est caché derrière ce paravent.
45:16 Il accuse des policiers de l'avoir manipulé à l'époque.
45:22 - Ils m'ont convaincu d'être le carnavis de Dr Bosserine et des agents de l'escorte.
45:30 Je veux demander pardon aux familles des victimes.
45:34 Je veux demander pardon à ces personnes qui ont été offusées.
45:38 - Vous ressentez quoi pour ce quarantino ?
45:47 - Je n'éprouve rien pour ce quarantino, car il est innocent comme moi.
45:53 On lui a mis toutes ses paroles dans la bouche.
45:57 - Ce fiasco judiciaire est-il simplement dû à une manipulation policière ?
46:03 Nous avons posé la question à Sergio Lari, le magistrat, qui a découvert la vérité.
46:10 - Je pense que c'est tout un système qui n'a pas fonctionné.
46:14 Parce qu'il est difficile d'imaginer que seule une manipulation policière ait pu influencer tout un procès.
46:21 Mais permettez-moi de garder une certaine réserve, car il y a une enquête en cours et de nouveaux procès vont avoir lieu.
46:28 Gaetano Morana n'est toujours pas sorti d'affaires.
46:36 Les procès en révision vont prendre des années.
46:41 Il est encore officiellement coupable.
46:44 Il n'a touché aucune indemnité de l'Etat depuis sa sortie de prison pour s'en sortir.
46:52 Morana vendu poisson dans une rue de Palerme.
47:06 - Je me suis retrouvé dans un monde qui ne ressemblait plus au mien.
47:11 J'ai perdu mon travail.
47:14 Alors pour nourrir ma famille, j'achète 2 ou 3 caisses de poisson.
47:19 Je les revends en espérant gagner 30, 40 euros que je partage avec mon collègue.
47:34 A ses côtés, il y a aussi son fils, qu'il n'a pas vu grandir.
47:40 - J'ai laissé mon fils quand il était encore un bébé. Je suis ressorti, c'était un jeune homme.
47:55 - J'allais le voir quelques fois quand on arrivait à mettre un peu d'argent de côté, tous les 3 mois environ.
48:03 Mais je le voyais toujours derrière une vitre.
48:07 Aujourd'hui, on essaie de construire un rapport père-fils, un rapport qui n'a encore jamais existé.
48:23 En Italie, l'affaire de l'éboueur Murana symbolise les limites et les effets pervers du système des repentis.
48:34 - Grâce au système des repentis, il y a eu beaucoup d'arrestations, beaucoup de condamnations.
48:47 On a réussi à combattre la mafia. C'est vrai, mais en partie.
48:52 Il est certain que les délateurs qui viennent de l'intérieur de la mafia sont une source privilégiée d'informations.
48:59 Mais le problème avec ce système des repentis, c'est que 1) les services d'investigation de la police ne savent plus mener les enquêtes.
49:07 Et 2) les magistrats, plus exactement les procureurs, ceux qui dirigent les enquêtes judiciaires,
49:14 eh bien, dès qu'un repenti se met à parler, ils se contentent de leur déclaration.
49:19 Ils ne poussent plus les enquêtes et se reposent sur leur laurier.
49:24 Avec ce scandale, la justice italienne se réveille avec la gueule de bois.
49:43 - Il y a un grand mystère dans cette histoire.
49:46 Comment n'a-t-on pas décelé qu'on avait affaire à un faux repenti ?
49:50 Je crois que le problème, c'est qu'il faut être professionnel quand on utilise cet instrument.
49:56 Il ne faut pas s'attacher aux repentis, il ne faut pas croire tout ce qu'il raconte, même si ça peut résoudre de nombreuses affaires.
50:04 Il faut vérifier ce qu'il dit et la manière dont il le dit.
50:09 - D'abord, il faut vérifier ce qu'il dit et la manière dont il le dit.
50:14 Début 2015, le système des repentis a été mis en place par les ministères français de la justice et de l'intérieur dans la plus grande discrétion.
50:25 Comment vont-ils contrôler les révélations des repentis et éviter les accusations mensongères ?
50:32 Place Beauvau au ministère de l'Intérieur, le porte-parole de Bernard Cazeneuve accepte de nous répondre.
50:41 - Le dispositif tel qu'il a été mis en place et tel qu'il est fait que la parole seule ne pourra suffire.
50:52 Il faudra un certain nombre d'éléments.
50:54 A l'appréciation, évidemment, à la fois des magistrats ou des jurys, mais la parole seule ne pourra entraîner la condamnation.
51:02 C'est quelque chose qui est assez restrictif.
51:04 Bien évidemment que dans la mise en place de ce dispositif, on a tenu compte de ce qui s'était fait à l'étranger avant de pouvoir le mettre en place sur le territoire français.
51:14 Question financement, la France a pensé à un système ingénieux.
51:20 C'est la vente des biens confisqués aux criminels qui financera la réinsertion des repentis.
51:30 Explication du magistrat en charge de la question.
51:34 - Ce qui est une bonne nouvelle, c'est que l'agence de gestion et de recouvrement des biens saisis et confisqués aux criminels finance la lutte contre le crime.
51:45 Je trouve ça assez amusant que, finalement, ce soit le milieu qui nous donne les moyens de lutter contre lui.
51:49 Je trouve ça, c'est une belle nouveauté sur le plan des symboles.
51:52 - Pourquoi c'est important d'adopter ce système ?
51:54 - A mon avis, c'est pas un dispositif qui a vocation à être utilisé tous les jours.
51:57 On n'est heureusement pas, et pourtant je ne suis pas de ceux qui minimisent la réalité du phénomène mafieux,
52:04 on n'est heureusement pas dans la situation qu'a connue l'Italie, si vous voulez.
52:10 Par contre, peut-être que l'avenir nous permettra de se réjouir de l'existence de ce système pour lutter contre le terrorisme, par exemple.
52:18 Parce que je pense que là, on a de beaux jours devant nous, si vous me permettez l'expression.
52:21 On risque d'avoir besoin de ce genre d'outils.
52:26 Terrorisme, mais aussi corruption, trafic de drogue, règlement de comptes dans le milieu.
52:33 En France, dans le plus grand secret, quelques criminels seraient déjà prêts à rentrer dans le système des repentis.
52:42 C'est la fin de ce numéro. Merci beaucoup de nous avoir suivis.
52:51 Retrouvez-nous sur Facebook sur la page "Spéciale Investigation".
52:55 La semaine prochaine, nous enquêterons sur les géants du net.
52:58 Google, Twitter, Facebook, ces entreprises réputées très cool,
53:02 qui commencent à faire grincer des dents jusque dans leur fief de la Silicon Valley.
53:06 Trop égoïste, trop arrogante.
53:08 Et nous vous révélerons la prochaine révolution que nous préparent les milliardaires du net.
53:12 Une révolution politique.
53:14 Alors à lundi, à 22h30. D'ici là, continuez de décrypter l'info sur Canal.
53:19 Salut !