Bal tragique à Marseille. Charlie Hebdo

  • il y a 10 ans
Marseille, le 8 janvier 2015,

Je suis contre les tueries aveugles et barbares. Je suis contre les amalgames. Je suis contre les discours prêts à penser. Je suis contre les journalistes qui se répandent dans les colonnes et sur les plateaux à propos d’une liberté de la presse dont ils n’ont jamais usé. Je suis contre les minables qui utilisent les drames pour donner une bonne image d’eux dans leur story-telling de réseau social. Je suis contre les petites merdes qui ont diffusé les images de la fusillade et je méprise ceux qui les ont regardées. Je suis contre la torpeur. Je suis contre l’islamophobie mais je trouve toutes les religions débiles. Je suis contre la conscience tranquille. Je suis contre le fait que si peu de personnes se posent la question de comment la misère sociale, culturelle, affective ont pu amener deux connards à défourailler dans une rédaction et d’où vient cette misère. Je suis contre les gourous et les idoles. Je suis contre les saloperies qui vont faire du business avec des T-shirts « Je suis Charlie ». Je suis contre les comportements grégaires voire ovins.

Le seul moyen que j’ai trouvé pour réagir est d’agir, d’apporter humblement ma pierre dérisoire et mal dépolie, d’être moins Cassandre et plus Sisyphe, de faire ma part du boulot pour contrer les images ignobles par d’autres moins laides.

Que puis-je faire si ce n’est un acte de vie ? Comment pourrais-je me regarder dans une glace, après avoir déploré la disparition de René Vautier, ne pas prendre la caméra ? Alors, j’ai voulu réaliser un film de colère, de tristesse, d’urgence, bâclé, frustrant, frustré, filmé à l’arrache, monté à la hache, enregistré à la volée, à la recherche d’un réconfort que je n’ai pas vraiment trouvé, qui n’est pas un premier jet mais le seul jet, amer, bienveillant, cru, brut, sordide, vivant, désespéré, projeté vers demain, personnel, anonyme, ancré dans le passé, misanthrope et humaniste, drôle, triste, sérieux, volontairement imparfait, pluriel, unique, bref un peu comme moi.

Pour être Charlie, j’ai choisi d’être Jérémie, de combattre chaque jour mes contradictions et de FAIRE. A vous de voir comment vous réagissez.

Jérémie VAN QUYNH

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