Alexandre

  • il y a 10 ans
Le processus d'identification du soi est avant tout intérieur. On naît dans le doute, et il fait partie de la vie. Lui donner une place, c'est lui restituer son statut d'élément indispensable à la construction de soi.

Le processus mis en place ici se base sur une confidence. L'idée était de trouver un entre-deux entre l'intime, le privé, et l'ouvert, le public. Le procédé initial se déroule comme suit : avant de soumettre l'expérience aux autres, je m'y soumets moi-même. Je dois donc, à un moment donné, me filmer en train de me confier, c'est à dire en train de parler de moi, et de la perception que j'ai d'évènements me concernant à un moment donné de ma vie, tout en gardant à l'esprit du début à la fin que ce qui est enregistré sera vu et entendu par d'autres personnes, que cela n'est donc qu'en partie privé. Afin de ne pas me mettre en danger tout en ayant la volonté de produire quelque chose de sincère (voir Michel Leiris, L'âge d'homme), je dois donc rester vague dans mes propos, et en même temps ne pas les survoler, car cela doit rester une réelle confidence. Dernière règle : je ne dois pas penser à ce que je vais dire avant de le dire. Les mots doivent venir du coeur, directement, être bruts et sans intentions.

De la vidéo produite, qui dure 5min30, j'extrais mes paroles, et en fait un texte. Sans majuscules ni ponctuation, avec des tirets se succédant représentant les secondes de silence entre chaque parole / bout de phrase, c'est une sorte de contre-prompteur, représentatif du processus effectué. J'organise ensuite un casting, et distribue le texte à plusieurs personnes, en leur expliquant qu'ils ont cinq minutes pour se confronter au texte (qu'ils voient pour la première fois), qu'ils ne doivent pas essayer de l'apprendre (ce qui de toute manière serait antithétique quant à sa forme ; il n'est pas fait pour être récité), mais plutôt tenter de réinterpréter le processus, en l'appliquant à eux-mêmes. Ils ont ensuite un peu plus de temps lorsqu'ils sont filmés, sans le texte.
Au fil des passages, j'ai progressivement modifié ma demande, et les deux dernières personnes se sont retrouvées seules dans le studio, face à la caméra. Alexandre était l'une d'entre elles.

Ces confidences se placent dans un entre-deux entre le jeu et le non-jeu, l'intime et l'ouvert (la notion d'Ouvert d'après Agamben), le vrai et le faux. Le texte dérivé du processus initial a généré un autre processus, qui s'intègre dans le fonctionnement du premier, et où la spontanéité est primordiale. J'ai appliqué aux paroles des autres les miennes, celles qu'ils ont lues, en les incrustant en tant que sous-titres sur leurs images. L'idée était d'arriver à capturer un entre-deux spécifique, entre autres, à la communication, et donc à l'établissement du rapport à l'autre, qui passe par la recherche de soi, tout en étant dans la recherche de l'autre.