interview David M Thomas par Nicolas Caudeville

  • il y a 10 ans
En 2009, David M. Thomas a écrit un bouquin nommé « Un plat de sang andalou ». Premier tome d’une trilogie mettant en scène une poignée d’internationalistes forts en gueule et utopie ― Marco ! Dartmann ! Ieuan ! Solena ! El Jefe ! ― le plat de sang narre par le menu la lutte du « petit peuple d’Alméría » devant l’avancée de la horde franquiste. Exaltée, baroque, désespérée, foisonnante, la langue carnée de Thomas fait naître dans la bouche du lecteur une salive abondante et qui déborde. Iconoclaste, l’écrivain Thomas n’écrit pas les pieds moulés dans des charentaises et la main gauche posée sur le dico : c’est qu’il lui en faut du muscle et du nerf pour ficher toute une partie du monde dans ce coin obscur du sud de l’Espagne. Fils de prolo devenu polyglotte, Thomas le Gallois ballade ses héros sur la crête de leurs idiomes. En espagnol, allemand, anglais, italien, ça jure de tout côté, invective, planifie des contre-attaques, fait quelque promesse intenable. Ça fait l’amour à la guerre.

La guerre civile espagnole justement, on connaît le sujet. Surtout ici à Perpignan où la Retirada a semé ses enfants, dans des camps d’internement d’abord, avant de les ingérer peu à peu dans le grand corps national. En cette année 2014, 75 ans après la veule victoire du franquisme, la librairie Torcatis offre le mois de février à la mémoire des vaincus : ces Républicains que les démocraties d’alors abandonnèrent aux babines du fascisme grandissant. Hasard des calendriers romantiques, David M. Thomas sera le 14 février entre les murs de la célèbre librairie. Celui qui participa à la grande grève des mineurs du Yorkshire en 1984, ravivera, le temps d’une rencontre, le pigment de cette terre andalouse où l’ocre se nourrit du sang des valeureux. Le lecteur avait déjà été mis en garde : « Trente-deux mois, messieurs les historiens, trente-deux mois, comptez-les bien, n’oubliez pas le petit peuple d’Alméría dans vos tomes d’érudition ni cette petite poignée de femmes et d’hommes sans casque sur le fortin de Los Millares. Mais non, vous nous oublierez et quelle importance que tout cela à la fin, que vous nous oubliez ou pas, quelle importance ? Aucune, ninguna, nihil, fuck all. »

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