Lavaudieu

  • il y a 11 ans
N’ayez pas peur du mécontentement, mais nourrissez-le jusqu’à ce que l’étincelle devienne une flamme.
Soyez perpétuellement mécontent de vous, de votre travail, de votre famille, de la traditionnelle course à l’argent, de votre situation, du pouvoir. De sorte, vous vous mettrez vraiment à penser, à découvrir. Or en vieillissant, vous vous apercevrez qu’il est très difficile de maintenir cet esprit de mécontentement. Vous avez des enfants à nourrir ; vous avez à prendre en compte les exigences de votre travail, les opinions de vos voisins, de la société qui se renferme sur vous ; et très vite vous commencez à perdre cette flamme ardente du mécontentement. Quand vous êtes mécontent , vous allumez la radio, vous aller voir un gourou, vous récitez la puja (prière hindoue), vous vous inscrivez à un club, vous buvez, vous courez les femmes : bref tout est bon pour éteindre la flamme. Or, voyez-vous, sans cette flamme du mécontentement vous n’aurez jamais l’esprit d’initiative qui est le commencement de la créativité. Pour découvrir la vérité, vous devez être contre l’ordre établi. Mais, plus vos parents ont d’argent, plus vos professeurs s’installent dans la sécurité de leur poste, moins ils ont envie que vous vous révoltiez.

La créativité ne consiste pas simplement à peindre des tableaux et à écrire des poèmes : cela est bien mais reste minime en soi. L’important est d’être mécontent de fond en comble, car ce mécontentement global est le terreau de l’initiative qui devient créative qu’au fur et à mesure qu’elle mûrit. C’est la seule façon de découvrir ce qu’est la vérité, ce qu’est Dieu : car Dieu n’est autre que l’état créatif.
Il faut donc éprouver ce mécontentement … mais dans la joie, comprenez-vous ?
Il faut être complètement mécontent, sans se plaindre, mais avec joie, avec gaîté, avec amour. La plupart des mécontents sont mortellement ennuyeux. Ils se plaignent sans cesse du manque de justesse de telle ou telle chose, ou ils souhaiteraient avoir une meilleure situation, ou ils voudraient que les circonstances soient autres, car leur mécontentement reste très superficiel. Quant à ceux qui ne sont pas mécontents du tout, ils sont déjà morts.
Si vous pouvez être en révolte tandis que vous êtes jeunes et au fur et à mesure que vous vieillissez nourrir votre mécontentement tout en apportant à ce mécontentement toute la vitalité de la joie et une immense affection, alors cette flamme du mécontentement aura une portée extraordinaire. Elle bâtira, elle créera, elle fera naître des choses nouvelles.
Mais il faut pour cela que vous receviez une éducation adéquate, qui n’est pas celle qui vous prépare simplement à décrocher un emploi ou à gravir l’échelle de succès, mais une éducation qui vous aide à penser et qui vous donne de l’espace (pas sous la forme d'une chambre plus vaste ou d'un toit plus haut), mais un espace où votre esprit puisse croître sans être entravé par une quelconque croyance ni une quelconque peur.

– Le sens du bonheur - Krisnamurti