Sens de l'observation

  • il y a 11 ans
Aussi bizarre que ça puisse paraître, il semble qu’il y ait, sur notre site, un certain nombre de visiteurs qui ne sont pas tant des êtres humains que des brutes centrées sur elles-mêmes. La chronique d’aujourd’hui vous permettra peut-être de sentir dans quelle mesure vous en faites partie…

Un véritable être humain, c’est quelqu’un qui ne se contente pas d’objectiver et de consommer les choses, mais qui cherche à s’ouvrir au monde, pour mieux le sentir, le vivre, l’exprimer et le partager. Quelqu’un qui cherche à affiner sa sensibilité : à stimuler son oreille, pour avoir une meilleur entente des choses ; à favoriser son odorat, pour mieux flairer les situations ; à entraîner son toucher, pour avoir un meilleur feeling dans les différentes circonstances de la vie ; à amplifier son goût, pour élargir sa palette gustative ; et bien sûr à entraîner sa vue, pour avoir un meilleur sens de l’observation.

Dans notre monde, c’est très largement le sens de la vue qui prime… Et c’est précisément par lui qu’on risque de devenir une brute centrée sur soi-même. Par lui, ou plutôt par-delà lui : en allant au-delà du sens de la vue sensible, pour se réfugier dans la vue des idées intelligibles, qui n’est autre que le résultat de l’abstraction, de la sublimation du sens de la vue tel que nos ancêtres l’ont fixé dans nos têtes.

Ce qui, dans notre monde, compte le plus, ce n’est pas tant ce qu’on entend ou ce qu’on sent que ce qu’on voit ; et même plus, ce qu’on voit dans notre tête ; bref, ce qu’on imagine : les idées qu’on se fait des choses… Et ça fonctionne comme un automatisme : dès qu’on sent ou voit quelque chose, hop, on y plaque nos idées, on le juge à l’aune de nos principes, on l’enferme dans nos catégories ; bref on l’insère, quitte à le tordre, voire à l’écrabouiller méchamment, dans notre vision abstraite, éthérée, toute pure du monde.

Au lieu d’être aux aguets, d’être ouvert, curieux, de découvrir des choses, des sensations, des perspectives, des distinctions, des changements, on fonctionne comme des machines classificatrices. On met le monde entier dans des boîtes et plaque sur toutes les choses qu’on rencontre des idées et des catégories toutes faites. Et, forcément, à la longue, on perd notre sensibilité et même le sens de l’observation. Et on devient des brutes. On ne remarque par exemple plus, en face à quelqu’un qu’on voit souvent, qu’on aime bien, même, qu’il n’est pas en forme, qu’il a besoin d’aide, ou simplement qu’il est allé chez le… coiffeur.