Gael Turine, photoreporter 2012 : l'Inde et le mur de la honte

  • il y a 11 ans
Gaël Turine, photojournaliste belge membre de l'agence Vu, présente son reportage :

"Dès 1993, l’Inde a entamé la construction d’un mur de séparation avec son voisin bangladais. Aux frontières naturelles que sont les cours d’eau s’ajoute désormais, sur 3200 kilomètres, une clôture de béton ou de fil de fer barbelé sévèrement gardée par les troupes indiennes de la Border Security Force (BSF). Les raisons officielles avancées par l’Inde pour en justifier l’érection sont la protection contre l’infiltration de terroristes islamistes et l’immigration bangladaise.

Le nombre d’arrestations, de victimes d’actes de torture et de morts en fait la frontière la plus dangereuse et la plus sanglante du monde. Les crimes commis par la BSF restent le plus souvent impunis. Les autorités bangladaises, pour préserver leur indispensable entente avec le grand voisin indien qui enclave et étouffe le pays, tolèrent l’existence du mur et couvrent ce qui se passe dans les régions frontalières. En ne dénonçant pas les crimes, elles s’en font complices, et leur bras armé, les Border Guard Bangladesh (BGB), veille à ce qu’aucun témoin ne s’approche de la clôture. J’ai pu réaliser ce reportage grâce à des journalistes locaux qui m’ont guidé sur des chemins sûrs mais l’un d’eux a été rappelé par son journal à Dacca et suspendu pour avoir aidé un photographe étranger à avoir accès à ce que personne ne doit voir. Le portable de mon fixeur était sur écoute. Nous étions constamment surveillés.

La quasi totalité des victimes sont des Bangladais qui, pour des raisons économiques, familiales, sanitaires, environnementales, cherchent à passer illégalement de l’autre côté du mur. Comment les blâmer alors que le pays souffre de tous les maux : extrême pauvreté, surpopulation démesurée, catastrophes naturelles récurrentes… La contrebande organisée s’appuie souvent sur la corruption des gardes qui exercent plutôt leur violence sur les «petits» passeurs. Le risque est immense puisque selon les chiffres fournis par des organisations de défense des droits de l’homme, en moyenne une personne a été tuée tous les cinq jours sur la frontière au cours des cinq dernières années."

Images : Armor TV (www.armortv.fr)

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