J0080

@J0080
Au Congo-Brazzaville comme dans d'autres pays d'Afrique, il y a ceux qui avalent la pilule sans broncher et ceux qui décident de ne pas rester silencieux… Jahwise fait partie de cette catégorie d'hommes qui dénoncent haut et fort la corruption, les magouilles politiques, etc ; à l'intérieur même de son pays natal. C'est ce qui lui a valu d'être la cible de coups de feu en sortant d'une radio proche du gouvernement de Brazzaville, où il venait d'être interviewé. De retour en France, il décide de repartir de plus belle et d'enregistrer un nouvel album, toujours aussi incisif et revendicateur.

En guise de prélude, il mêle le patois congolais au français dans « Kwenda », un ragga entraînant qui sonne comme un morceau de transition entre le Congo, la terre de ses ancêtres, et la France, terre d’accueil, asile politique… Toujours dans la même veine ragga, il poursuit avec « Désamorcer », véritable bombe programmée pour faire voler en éclat la Françafrique. Il y a des oreilles qui doivent siffler à l’Elysée et dans les palais présidentiels congolais… Avec « Justice » ou « La politique du perroquet » il poursuit son réquisitoire. « La politique du perroquet » c’est celle des politiciens congolais qui « une fois au sommet s’empressent de tout oublier »… C’est en osant la dénoncer publiquement qu’il a risqué sa vie.

Jahwise, porte la philosophie rasta dans son nom, et la prône dans ses textes. Dans « I & I » il se pose comme le rasta africain, fière de sa langue maternelle. Il rend aussi hommage à deux chantres du panafricanisme et de l’indépendance africaine vis-à-vis des puissances occidentales : Marcus Garvey et Patrice Lumumba. Marcus Garvey est plus connu car il est considéré comme un prophète par les rastas et il a fait l’objet de nombreux hommages de la part de Burning Spear ou des Mighty Diamonds notamment. Quant à Patrice Lumumba il a sans doute encore plus de valeur symbolique pour Jahwise. Congolais comme lui, il a lutté dans les années cinquante pour acquérir l’indépendance du Congo Kinshasa, qui était dans le giron belge à l’époque. Sa mort tragique, sous les balles de militaires fait écho aux coups de feu que Jahwise a essuyé quarante-cinq ans plus tard…

Son verbe acéré dénonce aussi la situation des femmes dans le monde entier dans « Femmes en danger ». De femmes, il en est aussi question dans « Jamais je ne t’oublierai », un hommage émouvant à une jeune fille emportée par le cancer…

On ne peut que saluer la sortie de cet album, sachant le contexte dans lequel il a été réalisé. Le choix du ragga-dancehall sur beaucoup de morceaux est tout à fait adapté pour asséner des lyrics bruts et sans concession. Jahwise n’en oublie pas pour autant le roots comme en témoignent trois versions live où la rythmique et les cuivres font mouche.

il délivre un message fort qui dérange certains... Mais peut-être que si ils étaient des centaines voire des milliers à pointer du doigt ce qui est un tabou politique la situation évoluerait ?